Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, à "RTL" le 12 septembre 2005, sur l'annonce par Philippe de Villiers de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, sur l'hospitalisation de Jacques Chirac.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Jean-Marie Le Pen.
Jean-Marie Le Pen : Bonjour.
Jean-Michel Aphatie : Philippe de Villiers s'est déclaré candidat, hier, à l'élection présidentielle pour, je le cite : "stopper l'islamisation de la France". Etes-vous doublé par votre droite, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Je ne crois pas. Ce n'est pas la première fois que Monsieur de Villiers est candidat à la présidence de la République. Là, on voit bien que c'est une torpille de la majorité : Monsieur de Villiers a toujours dit qu'il était, dans le trimaran majoritaire, le "flotteur" de droite alors que Bayrou était le "flotteur" de gauche.
Jean-Michel Aphatie : Est-ce que ce n'est pas plus grave que cela, pour vous ?
Jean-Marie Le Pen : C'est un phénomène de "lepénisation" des esprits. Maintenant, les gens vont se battre contre l'immigration, pour essayer d'enlever des voix à Le Pen. C'est excellent pour le pays, ça !
Jean-Michel Aphatie : "Stopper l'islamisation de la France" : la formule vous la feriez vôtre, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Oh, oui ! C'est en cours. C'est bien plus grave que cela : il n'y a pas que l'islamisation de la France. Il y a l'envahissement de la France par une immigration incontrôlée et massive comme j'ai pu encore le constater, à Perpignan - avec les événements que l'on sait - où j'étais, hier, tenant un meeting dans cette région.
Jean-Michel Aphatie : Vous qui êtes précis avec les mots : "envahissement" de la France, ce n'est pas un peu excessif !
Jean-Marie Le Pen : Quand un pays, en 30 ans, reçoit 10 millions d'étrangers, il me semble que c'est un envahissement. C'est au moins le sentiment qu'en ont les français qui sont dans la rue, c'est ce qu'il pensent.
Jean-Michel Aphatie : Philippe de Villiers se présente, en tant que candidat, comme le porte-parole de tous les patriotes sans aucune exclusive. Son espoir, c'est de vous piquer des électeurs si je puis me permettre ?
Jean-Marie Le Pen : Patriote ! C'est assez drôle de voir cet aristo déguisé en sans-culottes. C'est assez rigolo parce que le mot "patriote", c'est comme ça qu'on appelait les "bleus", en Vendée, autrefois. Mais il a changé. Monsieur de Villiers va au peuple comme la vache va au taureau, n'est-ce-pas.
La gauche disait, à un moment donné : "il faut prendre l'argent là où c'quelle est !". Et bien, Monsieur de Villiers dit : "il faut prendre le peuple là où c'qu'il est !".
Jean-Michel Aphatie : Il faut prendre les électeurs là où ils sont, c'est-à-dire chez vous.
Jean-Marie Le Pen : Je n'ai pas trop de crainte.
Jean-Michel Aphatie : Et, si ça se trouve, il peut vous en prendre beaucoup. Pourquoi n'avez-vous pas de crainte, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Je n'ai pas trop de crainte parce que Monsieur de Villiers est connu dans nos rangs. On sait qu'il a voté pour Monsieur Jacques Chirac, au 2ème tour de l'élection présidentielle, et qu'il est un sous-marin de la majorité chargé d'essayer de grappiller des voix pour permettre à Monsieur Sarkozy d'arriver devant Monsieur de Villepin, je pense.
Jean-Michel Aphatie : Il a peut-être par rapport à vous un atout, Jean-Marie le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Lequel ?
Jean-Michel Aphatie : Il a 56 ans ; vous en avez 77.
Jean-Marie Le Pen : Ah, mon Dieu ! C'est un atout ! Et il y avait des gens encore plus jeunes que lui !
Jean-Michel Aphatie : Oui, sans doute, mais il est plus jeune que vous.
Jean-Marie Le Pen : Alors, il faut dire ça à Monsieur Moubarak. Il faut dire ça à Monsieur Suarez. Il faut dire ça à un certain nombre d'autres gens.
Jean-Michel Aphatie : Monsieur Moubarak n'est pas candidat à l'élection présidentielle française.
Jean-Marie Le Pen : Non, mais il l'a été à l'élection présidentielle égyptienne avec un certain succès, il faut dire.
Jean-Michel Aphatie : Sérieusement. Son âge, par rapport à vous, n'est-il pas un atout ? N'a-t-il pas une séduction, un allant, une énergie ? Est-que, peut-être, vous avez moins, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : La véritable séduction, en politique, c'est la franchise, la loyauté. Ce n'est pas tout à fait le sentiment qu'inspire Monsieur de Villiers quand on le regarde.
Jean-Michel Aphatie : Donc, ce matin, vous n'êtes pas du tout inquiet, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Non, pas très inquiet, non.
Jean-Michel Aphatie : Il n'y a pas l'image à la radio, mais vous avez le sourire et donc, il faut nous dire que ça vous amuse.
Jean-Marie Le Pen : Ah, oui, c'est malheureux. C'est-à-dire que Monsieur de Villiers est l'homme des médias. On l'a bien vu pendant la campagne électorale européenne.
Je rappelle quand même qu'aux élections européennes, Monsieur de Villiers, dit : "je suis le leader du "non". Mais je rappelle qu'aux élections européennes, nous avons fait deux fois plus de voix que lui. Par conséquent, le vrai leader du "non" à droite, c'était Le Pen. Ce n'était pas de Villiers, mais la presse a fait semblant de croire que c'était de Villiers. Ce n'est pas la première fois que je ne serai pas le 3ème homme.
Jean-Michel Aphatie : Ne prenez-vous pas le risque de sous-estimer le danger, Jean-Marie Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen : Ecoutez, je ne crois pas. Si vous voulez le vérifier, venez donc à notre fête des B.B.R, les 8 et 9 octobre, au Bourget. Vous verrez.
Jean-Michel Aphatie : Ah, vous l'avez placée ! Ca y est !
Jean-Marie Le Pen : Ah, je place ! Ecoutez, je fais mon métier, moi aussi.
Jean-Michel Aphatie : Bravo ! Bravo ! Donc, 8 et 9 octobre au Bourget : la fête du B.B.R., comme ça s'est dit. Ca ne serait pas plus sage de passer la main à votre fille, par exemple, pour être candidate à l'élection présidentielle ?
Jean-Marie Le Pen : Passez la main : quelle drôle d'expression ! Non, ce n'est pas mon style, non, non. J'ai dit que je me battrai tant que j'en aurai la force et le courage. Pour l'instant, j'ai tout cela. Et la confiance des militants du Front National, je crois l'avoir aussi.
Jean-Michel Aphatie : On ne vous a pas beaucoup entendu, Jean-Marie Le Pen, sur l'hospitalisation de Jacques Chirac. Pour vous, c'était un fait banal qui ne méritait pas d'être commenté ?
Jean-Marie Le Pen : On ne peut pas à la fois dire que c'était dérisoire et que c'était important. On m'aurait dit que c'était un incident : je ne me sentais pas obligé de m'exprimer sur le sujet. Je ne suis pas un ami personnel de Jacques Chirac, de surcroît.
Jean-Michel Aphatie : Mais un président de la république qui est hospitalisé, ça pose la question de savoir dans quelle condition il exerce le pouvoir, quand même ?
Jean-Marie Le Pen : Ah, ça, tout à fait ! J'avais même posé la question, un jour, pour le président Pompidou. Monsieur Lecat, "ministre de la propagande", à l'époque - ministre de l'information - était monté à la télévision pour dire que c'était un terme insultant : combien Monsieur Pompidou était en excellente santé ! 8 Jours après, il était mort. Bon.
Et ça a été la même chose pour Monsieur Mitterrand qui s'est servi de son cancer de la prostate pour gagner, de justesse, l'affaire de Maastricht. Et c'est vrai que la santé du président a un intérêt capital d'autant que - je rappelle - il détient tout de même le "feu nucléaire". Ce qu'on semble avoir oublié.
Pendant qu'il était à l'hôpital, je ne sais pas s'il avait la possibilité de peser sur le bouton, éventuellement. Dieu merci, on n'en n'est pas là.
Jean-Michel Aphatie : Donc, fait banal ou fait important, cette hospitalisation ?
Jean-Marie Le Pen : Je n'en sais rien. Je ne suis pas médecin mais, en tous les cas, ce qui est sûr, c'est que, politiquement, ça a eu de l'importance et, désormais, la campagne électorale présidentielle est ouverte parce que, si le président - par exemple - disparaissait, il faut savoir que pour recueillir les signatures de maires, nous aurions, dans le délai le plus court : 3 jours, et dans le délai le plus long : 8 jours.
Jean-Michel Aphatie : Vous êtes en train de dire, Jean-Marie Le Pen, que s'il y avait une élection présidentielle anticipée, vous ne pourriez pas être candidat ?
Jean-Marie Le Pen : Si, justement, mais je vais prendre mes précautions. Avec l'avertissement que nous avons reçu - avec l'incident de santé du président de la république - nous allons nous mettre en campagne dès maintenant.
Jean-Michel Aphatie : Pour collecter les signatures de maires ?
Jean-Marie Le Pen : Entre autre. Mais pas seulement. Aussi pour mobiliser notre appareil parce que c'est l'atout que nous avons : nous avons des militants.
Jean-Michel Aphatie : Vous avez déjà commencé à récupérer des signatures de maires, des parrainages ?
Jean-Marie Le Pen : Pas encore. Mais je pense que ceux qui nous été donnés la dernière fois nous resterons fidèles et que, par conséquent, la tâche sera moins difficile qu'elle ne le fut en un autre moment où tout fut mobilisé contre le Front National pour l'empêcher d'avoir des signatures.
Et je crois que c'est l'objectif de Monsieur de Villiers : c'est l'objectif qu'il a donné à ses militants en disant : "maintenant, il faut aller chercher les signatures de Le Pen". Par conséquent, c'est bien avoué qu'il est une torpille.
Jean-Michel Aphatie : L'hospitalisation de Jacques Chirac a remis sur la scène le débat sur la transparence sur l'état de santé du chef de l'Etat. Votre opinion, Jean-Marie Le Pen, vous avez été correctement informé, d'après vous ?
Jean-Marie Le Pen : Je n'en suis pas sûr, non.
Jean-Michel Aphatie : Et c'est un manque ou pas ?
Jean-Marie Le Pen : Mais il me semble que ça fait partie des innombrables mensonges de la 5ème république. Est-il en bonne santé ? Ne l'est-il pas ? On n'en saura rien, sauf au moment où cela sera décisif.
Jean-Michel Aphatie : La transparence sur votre état de santé est aussi une bonne question.
Jean-Marie Le Pen : Moi, ça va !
Jean-Michel Aphatie : Une interview dans "Le Point" en 2004. Le journaliste vous interroge ainsi : "d'après nos informations, vous avez été opéré d'un cancer de la prostate en 2002". Et votre réponse a été "Qui vous a dit ça ?". Donc, c'est vrai : vous avez été opéré en 2002 ?
Jean-Marie Le Pen : Pas opéré, non, non. Soigné et guéri.
Jean-Michel Aphatie : Pour un cancer de la prostate.
Jean-Marie Le Pen : Ca va faire de la peine à mes adversaires et à mes ennemis, mais soigné et guéri.
Jean-Michel Aphatie : Guéri de quoi ?
Jean-Marie Le Pen : D'un cancer de la prostate. Mais vous savez, tout le monde a eu, a ou aura le cancer.
Jean-Michel Aphatie : Hélas ! Et donc, ce matin, vous faites un effort de transparence à RTL. Vous dites les choses simplement.
Jean-Marie Le Pen : Je ne fais pas d'effort de transparence, je suis naturellement transparent. Je ne suis pas translucide. Transparent.
Jean-Michel Aphatie : Votre fille nous avait promis un livre pour cet automne. On l'aura ?
Jean-Marie Le Pen : Je ne sais pas. Demandez-le lui : c'est une bonne raison pour l'inviter, ça.
Jean-Michel Aphatie : Elle ne vous l'a pas montré ? Vous n'avez pas lu les épreuves ?
Jean-Marie Le Pen : Mais c'est un personnage libre, ma fille ! C'est un responsable politique. Peut-être me le montrera-t-elle ? Je ne suis pas au courant, pour l'instant.
Jean-Michel Aphatie : Vous connaissez le titre, par hasard, du livre ?
Jean-Marie Le Pen : Non, mais non, je n'en sais rien. Parlant d'un bruit qui court, invitez-la !
Jean-Michel Aphatie : Ah, c'est un bruit. C'est elle qui l'a dit, ce n'est pas moi.
Jean-Marie Le Pen : Invitez-là, elle vous expliquera ce qu'elle veut faire.
Jean-Michel Aphatie : On se parle entre père et fille chez Le Pen quand même ?
Jean-Marie Le Pen : Oui, bien sûr, on se parle surtout des petits-enfants.
Jean-Michel Aphatie : Très bien. C'est une bonne idée. Jean-Marie Le Pen qui veut, lui aussi, stopper l'islamisation de la France, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.


(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 septembre 2005)