Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Mohamed Benaïssa, ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération, sur le partenariat stratégique et les relations franco-marocaines, le partenariat euro-méditerranéen (processus de Barcelone), la question du Sahara occidental et du terrorisme, Casablanca le 12 juillet 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage au Maroc de Philippe Douste-Blazy le 12 juillet 2005 : entretiens avec le Roi Mohammed VI et son homologue Mohamed Benaïssa

Texte intégral

A l'issue de ma visite au Maroc, je voudrais remercier vivement Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les autorités marocaines, en particulier M. Benaïssa, pour leur accueil très chaleureux, témoignage, s'il en fallait, de la qualité exceptionnelle de la relation franco-marocaine. J'aime ce pays. J'y suis venu souvent, parfois en vacances, parfois d'ailleurs, à l'époque où j'étais cardiologue, pour y travailler. Vous avez de très grands cardiologues ici, de très bons médecins. Voilà, j'aime ce pays, et je voulais vous le dire très franchement avec beaucoup de sincérité.
De mon entretien avec Sa Majesté le Roi, ainsi qu'avec mon homologue, M. Mohamed Benaïssa, je retiens tout d'abord une volonté commune de continuer à approfondir notre partenariat stratégique, dans la lignée de la visite d'Etat du président de la République. Notre dialogue politique est dense, confiant, rythmé par des échéances majeures, essentiellement la septième rencontre des chefs de gouvernement à Rabat les 26 et 27 septembre prochain. Le Maroc et la France partagent une vision commune des grands problèmes internationaux et des défis régionaux.
Sur le plan bilatéral, nous serons heureux d'être à vos côtés, l'année prochaine, pour le cinquantième anniversaire de l'indépendance. Toujours sur le plan bilatéral, nous serons très heureux de voir avec vous comment moderniser notre convention d'entraide judiciaire pour être plus efficaces contre la criminalité transfrontière. Bien évidemment, nous travaillerons aussi avec vous dans le domaine social.
Je connais tout l'effort de modernisation du secteur hospitalier, la généralisation de la couverture sociale que vous souhaitez, et puis puisque nous sommes dans le domaine social et dans celui de la santé, je voudrais saluer le ministre de la Santé avec lequel j'avais travaillé, il y a encore quelques semaines, sur un projet que Sa Majesté le Roi et le président de la République ont voulu défendre il y a plusieurs mois : la mise en place d'un centre de recherche sur les maladies infectieuses, sur les maladies émergentes. Vous savez qu'aujourd'hui la tuberculose, par exemple, est une maladie infectieuse qui revient dans certains continents, en Europe, mais aussi en Afrique, en plus du sida, ou d'autres maladies. Donc, nous serions heureux d'un partenariat. Je suis venu ici avec le professeur Claude Griscelli et avec François Chieze, qui travaillent avec moi sur ces sujets.
Je voudrais également dire que nous avons partagé une vision commune sur des problèmes internationaux.
Sur l'Irak, nous avons réaffirmé l'importance de la mise en uvre de la résolution 1546 du Conseil de sécurité qui définit une logique de souveraineté. Celle-ci doit être renforcée. C'est le sens des messages adressés par la Conférence de Bruxelles, qui a marqué une volonté collective de placer désormais les Irakiens au centre de la gestion de leur pays. Elle a également appelé à l'inclusivité du processus. Il importe que toutes les communautés soient associées à la rédaction de la Constitution. Nous avons également exprimé notre préoccupation face à l'enracinement du fait communautaire dans un contexte sécuritaire qui se dégrade de façon préoccupante.
Je crois qu'il est important également de rénover et de relancer ensemble le partenariat euro-méditerranéen. La France a, avec le Maroc, une concertation étroite et permanente et nous agissons au sein du processus de Barcelone, comme dans les autres enceintes euro-méditerranéennes, telles que le dialogue 5+5 dans le cadre duquel nous nous sommes réunis récemment à Malte. Nous uvrons sans cesse pour que le Maghreb soit pris en compte en tant que tel, que son intégration soit soutenue par l'Europe. C'est le sens du partenariat renforcé avec le Maghreb qui a été adopté à la Conférence euro-méditerranéenne de Naples et que nous continuons d'appeler de nos vux.
Cette dynamique nécessite que l'intégration maghrébine soit relancée. Vous savez que la France prône la recherche d'une solution politique à la question du Sahara occidental, qui devra être agréée par les parties dans le cadre des Nations unies. Nous souhaitons que le dialogue entre Rabat et Alger se poursuive, et qu'il soit suivi d'un rapprochement bilatéral concret, qui puisse contribuer à régler ce problème.
Q - Vous avez dit à propos du problème du Sahara qu'il faut un dialogue direct entre Rabat et Alger. Est-ce que vous avez des actions concrètes pour encourager ce dialogue ?
R - La France est favorable, je viens de le dire, à la recherche d'une solution politique, mutuellement acceptable par les parties, dans le cadre des Nations unies. Dans ce contexte, nous soutenons pleinement les efforts du Secrétaire général des Nations unies pour parvenir à une solution politique juste, durable, mutuellement acceptable, comme l'a rappelé la dernière résolution des Nations unies, adoptée, je vous le rappelle, à l'unanimité par le Conseil de sécurité.
S'agissant de la désignation d'un représentant spécial et/ou d'un envoyé spécial, l'essentiel est qu'il puisse rallier le consensus des parties concernées autour de sa personne. Nous sommes attachés à l'action de la Mission des Nations unies pour l'Organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), chargée de surveiller le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991. Nous sommes également attachés à l'action du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour les aspects humanitaires et à celle du Haut-commissariat pour les Réfugiés (HCR) pour les mesures de confiance. Nous sommes, par ailleurs, convaincus qu'un dialogue politique direct entre Rabat et Alger sur la question est de nature à favoriser le règlement du conflit.
Q - Le partenariat euro-méditerranéen, dont c'est bientôt le dixième anniversaire, affiche un bilan politique et institutionnel qui s'avère être un échec total. Face à ce véritable enlisement du processus de Barcelone, que compte faire la France pour le relancer ?
Dernièrement, il y a eu des attentats meurtriers à Londres. On a vu tous les Etats du monde se solidariser pour condamner le terrorisme. On a brandi encore une fois la menace des islamistes et puis on a entendu parler également des Marocains terroristes. La compréhension que la France a du Maroc, qu'elle peut répercuter au niveau du G8 et des partenaires européens, c'est que le Maroc n'est pas un pays exportateur de terroristes, mais que les Marocains concernés ont souvent la double nationalité et qu'ils sont nés, ont grandi, ont été éduqués et intégrés dans les pays européens. Il y a là un amalgame contre lequel la France peut nous aider à lutter.
R - D'abord, je ne peux pas vous laisser dire que le processus de Barcelone est un échec. Cela serait injuste et ce n'est pas vrai. En revanche, que vous me disiez qu'il faut aller plus loin et plus vite, je suis d'accord avec vous et je pense que mon ami et homologue marocain sera d'accord là-dessus.
Sur l'affaire du terrorisme dont vous parlez, aucun pays, bien évidemment, ne doit être stigmatisé, aucune religion ne doit être stigmatisée, car le terrorisme, ce n'est rien d'autre que la haine, la terreur, l'inhumanité, et c'est inacceptable. Et la réponse de la société anglaise, celle du G8 l'autre jour qui a continué à la minute près sa réunion, sont les meilleures des réponses. Personne n'a le droit de mettre le genou à terre devant le terrorisme et on ne le fera pas !
Ceci étant, évidemment les terroristes sont des gens qui font de la politique, ce sont des gens qui attaquent nos valeurs fondamentales, c'est-à-dire la démocratie, le respect des cultures, l'Etat de droit, les Droits de l'Homme. Ils se servent en effet de quelques personnes qui sont souvent dans la pauvreté, qui sont souvent dans l'ignorance, en tout cas dans le désarroi, pour dire que c'est religieux. Mais ce n'est évidemment pas religieux. Il n'y a pas de Dieu qui accepte le terrorisme.
Je voudrais revenir sur l'Euro-méditerranée. Je suis persuadé que la France a une très grande chance géographique et politique : elle est proche de vous par la Méditerranée. Nous avons une chance extraordinaire, nous avons des cultures différentes mais nous avons des histoires communes. Nous avons des pays qui ont un passé très fort. Nous sommes des pays qui voulons jouer un rôle politique important dans le monde. Nous sommes des pays qui relevons des défis économiques. Nous sommes semblables sur beaucoup de points, nous avons beaucoup de choses à nous dire. Pour la langue française, c'est une chance extraordinaire d'avoir le Maghreb, et pour vous, c'est une chance aussi, je pense, que d'avoir au niveau du G8 des amis.
Donc, je reste persuadé que sur tous les plans, culturel, de l'énergie, de l'éducation, de la jeunesse, etc., il est fondamental que nous travaillions ensemble. Aussi, je partage avec vous l'impatience de voir le processus de Barcelone arriver à ses fins.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2005)