Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, notamment sur les missions des ambassadeurs en matière de sécurité, de croissance, de rayonnement culturel, d'aide au développement et de construction européenne, Paris le 31 août 2005.

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Circonstance : 13ème conférence des ambassadeurs à Paris, du 29 au 31 août 2005

Texte intégral

Monsieur le ministre des Affaires étrangères, Cher Philippe,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Chers Amis,
Merci d'être venus d'aussi bonne heure : une bonne diplomatie, c'est une diplomatie en veille permanente, toujours prête à répondre à l'urgence.
Vous l'avez montré cet été, face aux attentats et aux catastrophes aériennes qui ont frappé nos concitoyens : en quelques heures, les moyens ont été mobilisés, en France et sur le terrain, pour répondre aux inquiétudes des familles. Je tiens à saluer l'engagement de tous ceux qui ont participé à cet effort.
Le président de la République vous a fixé lundi votre feuille de route. Philippe Douste-Blazy vous a présenté hier ce qu'il souhaite pour son ministère et pour votre action. Je voudrais pour ma part vous dire ce que j'attends de vous au regard des priorités du gouvernement.
Dans un monde confronté à de profonds changements, la mobilisation de notre diplomatie est d'autant plus importante que les nations ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Après les espoirs déçus des années 1990, après d'intenses débats lors de la crise iraquienne, l'engagement international des Etats faiblit.
La construction européenne a connu un double coup d'arrêt avec le rejet de la Constitution et l'échec du dernier sommet de Bruxelles.
La communauté internationale voit s'essouffler ses ambitions communes, qu'il s'agisse de la réforme des institutions multilatérales, de la protection de l'environnement ou de la lutte contre la faim et les épidémies.
A l'heure où les pays comme les peuples sont plus liés que jamais, nous avons besoin d'unité et de rassemblement.
Sur tous les sujets qui préoccupent les Français, il revient à chacun d'entre vous d'apporter des réponses.
En Asie, en Afrique, en Europe ou sur le continent américain, vous devez toujours vous poser les mêmes questions : en quoi mon action est-elle directement utile à mon pays ? Qu'est-ce que je peux proposer pour l'améliorer ?
Face à la mondialisation, une diplomatie performante anticipe sur les grands bouleversements stratégiques, les évolutions économiques et les transformations des sociétés : c'est là aussi votre tâche. Vous le savez mieux que personne : dans la négociation, celui qui prend l'initiative d'un projet possède sur les autres un avantage décisif.
La France entend rester une grande puissance économique, un pays compétitif, un pays qui pèse sur la scène internationale. Et il vous revient de relayer hors du territoire national l'action engagée par le gouvernement pour restaurer la confiance des Français.
Vous devez prolonger cette action, en particulier dans le domaine de la croissance et de l'emploi, en réaffirmant notre volonté de relever les défis de la mondialisation grâce à une économie ouverte, dynamique et tournée vers l'avenir.
Il vous faut expliquer les grands choix faits depuis plusieurs mois afin de moderniser le modèle français : le choix d'une mobilisation exceptionnelle dans la lutte contre le chômage, le choix de l'innovation avec les pôles de compétitivité, le choix de la justice sociale et de l'égalité des chances.
La première des priorités sur lesquelles je souhaite insister, c'est la sécurité de notre pays : vous devez y prendre toute votre part.
Protéger les Français, c'est bien entendu garantir la sécurité du territoire face au risque des armes, qu'il s'agisse du terrorisme ou de la prolifération.
La menace terroriste s'étend aujourd'hui à l'ensemble de la planète. La France n'est pas à l'abri. La lutte contre ce fléau constitue donc une priorité pour le gouvernement : j'ai demandé la rédaction d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure face au terrorisme. Il nous permettra d'avoir une analyse plus claire de la menace, d'élaborer une doctrine et de renforcer nos moyens dans le respect de notre Etat de droit.
Cela implique d'abord d'en comprendre le fonctionnement. En France, comme dans d'autres pays européens, le terrorisme s'appuie sur un discours extrémiste véhiculé par des prédicateurs et des idéologues capables d'endoctriner certains jeunes en quête d'identité. Il utilise un réseau logistique capable de mettre sur pied des filières à destination des camps d'entraînement et de recruter des poseurs de bombe.
Nous devons donc agir à chaque niveau : Nous devons combattre le discours extrémiste qui sous-tend le terrorisme, sans faire d'amalgame. Grâce aux pôles de lutte contre l'islamisme radical que j'ai mis en place dans chaque région, nous pourrons faire preuve de plus de vigilance devant ce phénomène particulièrement inquiétant. Nous devons aussi renforcer notre efficacité sur le plan opérationnel.
C'est vrai au niveau national : au-delà des mesures déjà prises, j'ai demandé au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, de me proposer à l'automne un projet de loi sur la lutte contre le terrorisme afin d'adapter nos moyens juridiques et opérationnels, dans le respect de nos exigences juridiques.
C'est vrai aussi en ce qui concerne notre coopération policière internationale, indispensable face à des réseaux qui ne connaissent pas les frontières : avec nos partenaires européens et américains en particulier, mais aussi, par exemple, avec nos voisins du Maghreb.
Vous avez, donc, un rôle essentiel dans ce combat : Vous avez une connaissance en profondeur de pays sensibles et de zones de tension, notamment en Asie du Sud et au Moyen-Orient : votre éclairage est précieux, il est attendu par toutes les autorités de l'Etat.
Certains d'entre vous sont en poste dans des pays avec lesquels nous avons engagé une coopération étroite. Je pense en particulier aux pays participant au G5 : l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. J'ai fait un certain nombre de propositions au Premier Ministre britannique, actuellement président du Conseil européen, lors de ma visite à Londres en juillet dernier : l'échange systématique des listes de djihadistes ; la conservation des données téléphoniques qui ont permis, notamment dans le cas des attentats de Madrid, de remonter la filière terroriste ; une coopération accrue dans la lutte contre l'islamisme radical qui risque de se propager dans nos pays, notamment auprès des jeunes.
Ces coopérations doivent nous permettre d'aller plus loin à l'échelle de l'Union européenne dans son ensemble, où les résultats sont encore trop limités : la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures doit être une priorité.
J'attends également de vous que vous défendiez, dans les enceintes internationales et auprès de nos partenaires, la conviction que la démocratie constitue notre principal atout dans la lutte contre le terrorisme.
Enfin, la résolution des crises régionales est indispensable pour renforcer la sécurité de nos concitoyens. Nous savons qu'elles nourrissent de manière directe ou indirecte la menace terroriste, nous le voyons particulièrement avec l'Iraq, devenu terre de prédilection pour le terrorisme international. Or, elles risquent de se multiplier dans les années à venir.
Notre diplomatie a un devoir particulier dans la résolution des crises régionales : Elle doit trouver des solutions qui respectent les identités culturelles et qui répondent mieux aux besoins politiques, économiques et sociaux de long terme du pays.
Qu'il s'agisse de trouver une issue durable aux crises ou de les prévenir, la sécurité est indissociable de la justice. Cela implique de poursuivre sans relâche la mobilisation internationale contre la pauvreté au cours des grandes échéances de ces prochains mois : c'est l'objectif du Sommet qui s'ouvrira à New York dans quelques jours, et auquel participera le Président de la République. Les progrès attendus du cycle de Doha en faveur du développement doivent répondre à la même nécessité.
Nous devons également responsabiliser davantage les acteurs régionaux. Sans eux, aucun règlement durable n'est envisageable. C'est ce que nous avons entrepris de faire en Afrique dans le cadre du Programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.
Vous devez aussi prendre toute votre part à la lutte contre la prolifération.
Aujourd'hui, elle menace de franchir un nouveau seuil : Les tentations sont nombreuses : elles sont stratégiques, pour des Etats qui cherchent à sanctuariser leur territoire ; elles sont également politiques, car acquérir la bombe reste perçu comme un élément de statut sur la scène internationale ; elles sont enfin économiques, pour les pays ou les réseaux qui en tirent des profits importants.
Face à cette situation, les instruments internationaux hérités du système de sécurité collective ont atteint leurs limites. Ils restent des piliers essentiels de la paix et la sécurité dans le monde. Mais ils se heurtent aujourd'hui à la difficulté des contrôles et à l'insuffisance même des normes.
Face à cette réalité, nous devons agir à deux niveaux : Au niveau opérationnel, en améliorant la complémentarité de nos dispositifs nationaux, en amplifiant la mise en commun de nos moyens à l'échelle européenne et en renforçant, avec nos partenaires internationaux le combat contre les trafics et les réseaux.
Il nous faut également agir au niveau politique en participant à la redéfinition du cadre stratégique qui détermine sur le long terme notre sécurité : La pérennité du système international de sécurité collective repose sur sa crédibilité. Celle-ci suppose une capacité d'adaptation permanente. Les défis auxquels nous sommes confrontés doivent nous inciter à refonder les instruments multilatéraux afin de mieux les préserver.
Je souhaite que la France participe pleinement à ce débat, en y défendant avec conviction ses intérêts et ses principes : un multilatéralisme efficace et rénové ; l'encadrement de l'usage de la force par le droit ; le respect de la norme et des engagements souscrits, notamment à travers des contrôles renforcés ; le refus de la course aux armements ; le primat à la sécurité collective.
Nous avons ainsi un défi majeur avec l'Iran, tenté de s'écarter de la voie ouverte par les discussions menées depuis 2003 avec la France, la Grande Bretagne et l'Allemagne, et le soutien de toute la communauté internationale. Il est essentiel de convaincre Téhéran de respecter pleinement ses engagements.
Mais la sécurité des Français ne se résume pas à la question de la violence. Il s'agit aussi de sécurité sanitaire et alimentaire.
Je veux ici rendre hommage à la mobilisation des services diplomatiques lors des crises du SRAS ou de la grippe aviaire. Vous assurez la responsabilité de la protection des Français lorsqu'ils résident à l'étranger ; vous assurez également l'information de Paris afin que les mesures de prévention et de traitement des ces risques sanitaires puissent être préparées à temps malgré la vitesse de propagation des épidémies ; vous participez enfin à des actions de coopération visant à aider les pays victimes de crises sanitaires à s'en protéger.
Votre action est d'autant plus importante que nous faisons face depuis quelques semaines à la progression de l'épizootie de grippe aviaire. L'évolution de la situation épidémiologique et le travail continu de déclinaison et d'ajustement opérationnel du plan " pandémie grippale " depuis son adoption le 13 octobre 2004 conduiront le Gouvernement à annoncer rapidement des mesures destinées à renforcer et actualiser notre état de préparation.
L'adaptation de notre stratégie de réaction passe tout particulièrement par la construction d'une communauté de vue avec nos partenaires européens.
Enfin, nous devons protéger l'équilibre économique et social de notre pays face à l'immigration irrégulière. Jamais les mouvements de population n'ont été aussi massifs dans le monde. Pour rester une terre d'accueil et d'intégration, la France doit mieux contrôler les flux migratoires.
Votre rôle est d'abord de nous aider à mieux comprendre la réalité du phénomène. Les analyses que vous ferez à partir de vos pays de résidence seront précieuses pour le Ministère de l'Intérieur, pour l'OFPRA, la Commission de recours des réfugiés et tous les services concernés.
Vous avez aussi une responsabilité directe en matière de délivrance des visas de court séjour. Ils sont aujourd'hui le mode d'entrée privilégié des immigrants irréguliers sur le territoire français. Je vous demande de vous impliquer personnellement dans ce domaine.
Je veillerai à ce que vous disposiez des outils nécessaires à l'accomplissement de votre mission : Vous pourrez vous appuyer sur la mise en place des visas biométriques : j'entends augmenter les retours perçus par le ministère des Affaires étrangères sur les recettes des visas, afin d'accélérer le développement du programme. Vous aurez également les moyens de contrôler les actes de mariage effectués à l'étranger, afin de lutter en particulier contre les mariages forcés.
Vous pourrez bientôt vous appuyer sur un réseau sécurisé unique, commun aux préfectures et aux consulats, qui permettra une plus grande cohérence dans notre politique d'immigration.
Dans ce domaine aussi, nous devons amplifier la coopération internationale pour être plus efficaces :
Au niveau européen, la mise en place d'une véritable politique commune de l'immigration est un objectif majeur, dont nous devons accélérer la réalisation. Dans l'immédiat, nous devons explorer la piste des implantations consulaires communes.
Avec les pays sources, nous devons établir de véritables partenariats ; c'est, je le sais, l'objectif de Brigitte Girardin : L'aide au développement sera mieux ciblée autour du retour des étrangers en situation irrégulière dans leur pays d'origine. L'aide au retour sera plus intéressante financièrement et mieux contrôlée.
Nous voulons aussi améliorer le taux de délivrance de laissez-passer consulaires. Aujourd'hui, seul le tiers des documents demandés sont obtenus dans les délais requis pour l'exécution des mesures d'éloignement : ce n'est pas acceptable. Des démarches sont en cours, à Paris et dans plusieurs de vos pays de résidence : j'y attache une importance particulière.
La deuxième priorité, c'est la croissance : vous devez d'abord prendre toute votre part à la relance de notre dynamisme économique.
La France a les moyens de rester une grande puissance économique et commerciale.
Notre pays peut compter sur des atouts considérables, qu'il s'agisse de notre situation géographique, de notre réseau d'infrastructures, de la qualité du travail et du savoir-faire, ou encore de l'excellence de notre recherche.
Nous pouvons également compter sur une économie diversifiée, qui nous permettra de mieux résister à la pression économique internationale et aux évolutions conjoncturelles.
Enfin, la France est présente dans la plupart des secteurs d'avenir : nous sommes aux premiers rangs dans des secteurs de haute technologie comme le nucléaire ou l'aéronautique. Dans d'autres domaines d'avenir, comme les nanotechnologies ou les technologies de l'information, nous devons combler notre retard. C'est l'objectif des pôles de compétitivité qui réuniront en un même lieu des compétences aujourd'hui dispersées.
Forts de ces atouts, nous devons relever le défi de la mondialisation. Face à une concurrence toujours plus vive, le gouvernement souhaite rassembler toutes les forces autour d'un véritable patriotisme économique.
Il ne s'agit pas de nous replier à l'abri d'un nouveau protectionnisme : nous avons une longue tradition d'ouverture.
Il s'agit de mobiliser toutes nos énergies, acteurs publics mais aussi privés, pour valoriser l'attractivité de notre pays.
D'autres se sont déjà dotés d'instruments pour mieux valoriser leurs atouts et leurs capacités : il est normal que nous nous donnions les moyens de protéger nos entreprises et nos emplois.
Dans la mise en uvre de ce patriotisme économique, vous avez un rôle essentiel.
Premièrement, en améliorant l'attractivité de notre territoire : Notre pays doit mieux accueillir les compétences et les talents : à vous d'inciter les chercheurs, les étudiants et les cadres à venir tenter leur chance dans notre pays. Vous le faites déjà : renforcez votre action. De notre côté, nous adapterons notre programme de bourses, nous améliorerons l'accueil des étudiants, notamment en ce qui concerne le logement, ainsi que la rémunération pour les chercheurs étrangers.
La France doit également attirer davantage les investissements et les capitaux. Il vous revient de jouer un rôle toujours plus actif dans ce domaine, à travers la connaissance des acteurs économiques de votre pays d'accueil. Elle guidera notre action pour améliorer le cadre juridique des investissements étrangers, et offrir de nouveaux dispositifs d'accompagnement à l'installation. Enfin, nous devons développer ensemble certains secteurs stratégiques qui sont les clés de la croissance et des emplois de demain. Nous savons tous ici ce que nous vous devons dans le succès d'Iter. Grâce à des projets comme celui-ci ou comme Galileo, la France et l'Europe resteront fidèles à leur tradition d'excellence.
Deuxième direction : anticiper les grandes mutations à venir :
Grâce à des stratégies industrielles pour mieux cibler nos secteurs d'excellence : c'est à partir de ces secteurs que nous pourrons développer l'exportation de nos entreprises, quelle que soit leur taille.
Anticiper aussi grâce à des stratégies régionales : à vous d'identifier les marchés porteurs. Chaque ambassade doit dorénavant être dotée d'un comité d'intelligence économique réunissant, sous l'autorité de l'ambassadeur, tous les acteurs capables d'analyser la situation des marchés locaux afin de nous informer des opportunités qui apparaissent pour les entreprises.
Anticiper enfin dans la préparation des grandes négociations en cours, notamment au sein de l'OMC : je pense en particulier à la préparation de la conférence ministérielle de Hong-Kong, dont l'issue pourrait avoir des conséquences majeures sur notre économie nationale et européenne. Nous devons y faire avancer nos intérêts offensifs et défensifs dans tous les domaines, l'agriculture comme l'industrie et les services. Notre meilleur atout, là encore, ce sera notre capacité à rallier nos partenaires à nos vues.
Troisième direction, appuyer nos entreprises à l'étranger : seules 5 % d'entre elles sont présentes à l'export. Nos petites et moyennes entreprises, en particulier, ne sont pas suffisamment soutenues dans leurs exportations, alors qu'elles ont un fort potentiel de croissance et de création d'emplois. Elles doivent bénéficier de nouveaux outils de financement et d'aide à l'exportation, à travers l'Agence de l'innovation industrielle, mais aussi Oséo ou encore les crédits export.
Je souhaite renforcer leur accompagnement international en ciblant davantage les pays et les secteurs où nous devons porter nos efforts. Il nous faut également multiplier les initiatives : je pense à celle qui a permis à mille PME de bénéficier dans leurs relations commerciales avec la Chine d'un soutien accru de l'Etat, mais aussi à des démarches triangulaires comme la rencontre Mexico-France-Québec conduite par mon prédécesseur, Jean-Pierre Raffarin. Pour construire une stratégie de long terme, Christine Lagarde me remettra dans les tout prochains jours un plan complet pour le développement de l'exportation, comprenant notamment des mesures de solidarité des grands groupes français à l'égard des PME.
La troisième priorité, c'est le rayonnement de notre pays à l'étranger.
La culture participe à l'attractivité de notre territoire, elle crée des emplois, elle crée de la croissance. Dans un monde guetté par l'uniformisation, elle est aussi devenue porteuse d'un combat pour la diversité.
Dans chacun de vos pays de résidence, je vous demande donc de promouvoir notre cinéma, notre littérature et nos arts dans un dialogue constant avec la culture de votre pays de résidence.
Vous pouvez pour cela vous appuyer sur notre réseau culturel et éducatif, en particulier les lycées français et les Instituts culturels rénovés, qui constituent sur le terrain autant de relais dynamiques de cette politique. L'effort de rationalisation engagé doit permettre de renforcer leur capacité d'innovation, d'adaptation et de gestion.
Notre audiovisuel extérieur constitue également un atout majeur, que devrait renforcer encore le projet de chaîne internationale d'information.
Vous devez également faire connaître les efforts de modernisation et d'adaptation de notre propre système éducatif, de l'école élémentaire à l'enseignement supérieur, afin de favoriser le rapprochement avec celui de vos pays de résidence.
Vous avez également en charge la promotion de notre langue, aussi bien sur le plan bilatéral que dans les enceintes internationales. Le français reste l'une des principales langues de communication internationale : parallèlement à l'indispensable développement des langues étrangères en France, auquel nos partenaires sont attentifs, faisons fructifier notre acquis, répondons aux attentes et aux besoins nouveaux.
Je souhaite engager une réflexion sur l'usage du français dans des secteurs clefs comme l'économie ou les nouvelles technologies de communication et d'information.
En partenariat avec l'Organisation Internationale de la Francophonie et sur la base des propositions de nos parlementaires et de nos entreprises, favorisons des initiatives nouvelles comme par exemple une campagne de sensibilisation auprès des grandes écoles de commerce dans les grands pays partenaires de la France.
Au-delà, c'est une véritable diplomatie culturelle qu'il nous faut mettre en place, autour d'objectifs et de projets précis.
Nous avons su le faire en promouvant notre architecture en Chine. D'autres grands chantiers sont en cours, comme la relocalisation de tournages de films en France.
Dans ce domaine, il est essentiel de multiplier les initiatives européennes, à l'image de la bibliothèque numérique européenne ou du label " patrimoine de l'Europe ".
Nous devons enfin multiplier les initiatives dans le domaine de la coopération technique : porteuse des savoir-faire français, elle est aussi gage d'avenir. Qu'il s'agisse de santé, d'agriculture ou de bonne gouvernance, elle crée des liens qui demain se renforceront.
Le rayonnement, c'est la culture, mais c'est aussi le tourisme constitue un secteur clé pour le rayonnement de notre pays à l'étranger et pour notre dynamisme économique.
Première destination touristique au monde, la France est cependant confrontée à une concurrence de plus en plus forte. Nous devons aller vers une démarche plus qualitative. Le gouvernement a donc défini une nouvelle stratégie de promotion du tourisme en France : il s'agit d'atteindre d'ici à 2010 les 40 milliards d'euros de recettes touristiques en améliorant l'image de notre pays à l'étranger.
Vous devez donc relayer, en liaison avec les " Maisons de la France " à l'étranger, notamment auprès des décideurs économiques, cette stratégie de promotion.
Enfin, je vous demande de poursuivre la défense des valeurs pour lesquelles notre pays s'est toujours mobilisé à travers le monde.
Il vous appartient bien entendu de faire vivre et d'expliquer les principes qui ont toujours guidé notre diplomatie, la paix, la justice, le respect de l'identité des peuples.
Je vous demande également de continuer à vous mobiliser avec la plus grande détermination pour l'adoption de la convention sur la diversité culturelle lors de la conférence générale de l'Unesco qui s'ouvrira le 3 octobre à Paris. Je tiens à souligner la remarquable mobilisation des pays francophones et de l'Union européenne pour faire aboutir ces négociations.
Vous devez avoir les moyens de remplir ces missions.
Vous le savez, les contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays sont lourdes et un principe de responsabilité s'impose pour limiter au maximum les dépenses.
Malgré ce contexte serré, les priorités de notre action seront préservées : nous continuerons de progresser vers l'objectif de 0,5 % en 2007 pour l'aide publique au développement, fixé par le Président de la République. C'est ainsi que nous atteindrons 0,47 % en 2006.
En ce qui concerne le fonctionnement même du Département, je me félicite qu'il se donne les moyens de sa modernisation en choisissant d'en préserver les outils, en particulier les dépenses informatiques. La démarche engagée pour un contrat de modernisation avec le budget est à cet égard exemplaire.
Je souhaite aussi que ce contrat aboutisse un traitement plus satisfaisant de nos contributions obligatoires. Leur part croissante, notamment du fait de notre qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité, et de nos obligations au titre du Fonds Européen de Développement, ne doit pas peser sur le fonctionnement du Département et sur les moyens de notre action diplomatique.
J'entends aussi renforcer votre rôle de coordination de l'ensemble des services de l'Etat dans votre pays de résidence. L'efficacité de notre diplomatie dépend d'abord de la cohérence de son action. Il reviendra au Comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger, que j'ai décidé de réactiver, de préciser les mesures nécessaires :
D'ores et déjà, des services administratifs et financiers uniques, communs à tous les services de l'Etat, devraient être progressivement mis en place dans plusieurs postes. Ce sera une incitation forte à procéder au nécessaire rapprochement des procédures comptables, des règles administratives et aussi, ce serait très souhaitable, des systèmes informatiques ;
Je souhaite également que, dans les pays en voie de développement, nos postes établissent une programmation à horizon de 3 ou 5 ans regroupant l'ensemble de nos moyens d'aide au développement, y compris ceux de l'Agence française de développement.
Enfin, je souhaite mettre les ambassadeurs en prise encore plus directe avec les grandes priorités de l'action gouvernementale.
Vous serez donc plus fréquemment et mieux informés des grands axes qui intéressent directement votre action : les pôles de compétitivité par exemple devront nous permettre d'attirer davantage de chercheurs, d'entrepreneurs et d'investissements étrangers.
En retour, lorsqu'une politique publique dans votre pays de résidence vous paraît intéressante, quel qu'en soit le domaine, vous devez en rendre compte.
Enfin, dernière priorité, vous devez prendre toute votre part à la construction d'une Europe renforcée, une Europe des projets.
Le 29 mai les Français n'ont pas dit non à l'Europe.
L'échec du projet de traité constitutionnel européen n'est pas un rejet du projet européen, auquel la grande majorité de nos compatriotes restent attachés : il marque leur souhait d'une Europe différente.
Face aux interrogations suscités par les élargissements successifs, par la complexité des politiques européennes, et par l'absence de projets lisibles par tous, ils veulent une Europe qui laisse davantage de place à l'identité de chaque nation, une Europe qui réponde de manière efficace à leurs problèmes, une Europe qui permette à ceux qui le souhaitent d'aller plus loin, notamment au sein de formats restreints.
Avec la conscience profonde qu'un nouveau temps s'est ouvert, la France doit donc occuper toute sa place dans la construction européenne.
Je veux changer la place des affaires européennes dans le fonctionnement politique de notre pays. Il n'est pas normal que des décisions qui affectent la vie quotidienne de nos concitoyens soient seulement traitées au niveau technique. J'ai ainsi décidé de réunir chaque mois, avec Philippe Douste-Blazy, avec Catherine Colonna, avec tous les ministres compétents selon les sujets traités, le comité interministériel sur l'Europe. Sa préparation sera assurée par le SGCI, qui deviendra pour plus de lisibilité " Secrétariat général des Affaires européennes ". Il assurera un suivi politique des négociations de Bruxelles : c'est une exigence démocratique essentielle.
Pour mieux répondre aux attentes des citoyens français et européens, l'Europe doit être capable d'améliorer leur vie quotidienne. Elle doit le faire dans tous les domaines, sur la base de projets concrets. Dans le domaine économique, nous devons accélérer la mise en place d'une véritable gouvernance économique pour valoriser les atouts de l'Europe, en particulier la monnaie unique. J'ai demandé à Thierry Breton de lancer une réflexion sur la mise en place d'une politique européenne de l'énergie alors que nous sommes confrontés à une hausse durable du prix du pétrole. Dans le domaine de l'agriculture, j'ai demandé à Dominique Bussereau de préparer un mémorandum sur l'agriculture, que la France déposera auprès de la Commission européenne. Dans le domaine de la jeunesse, Philippe Douste-Blazy et Jean-François Lamour me feront prochainement leurs propositions pour le développement du service civil européen. Enfin, dans le domaine de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres travaille au projet de bibliothèque numérique européenne.
Enfin, les Français et les Européens attendent des réponses claires sur la question des frontières de l'Union et sur la candidature turque.
J'ai souligné le fait que pour un État candidat, vouloir entrer dans une Union dont on ne reconnaîtrait pas tous les membres posait un problème politique.
Ce problème a été mis en lumière il y a quelques semaines, quand la Turquie a assorti la signature du protocole additionnel d'union douanière d'une déclaration unilatérale rappelant qu'elle ne reconnaissait pas Chypre.
Face à cette situation je souhaite à la fois préserver l'unité européenne et obtenir de la Turquie les clarifications nécessaires.

Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Chers amis,
Vous le savez mieux que quiconque, la France n'est pas toujours bien comprise à l'étranger. A l'heure où certains voudraient opposer tel modèle économique et social à tel autre, la France a choisi de rester fidèle à elle-même en conjuguant dynamisme économique et cohésion sociale, liberté et solidarité. Forte de cet équilibre elle veut relever les défis de la modernité, faire les réformes nécessaires et s'adapter aux exigences nouvelles. Je compte sur vous pour le faire savoir.
Votre métier, je le sais d'expérience, est l'un des plus beaux. C'est aussi l'un des plus difficiles. Le succès ne peut venir que d'un questionnement perpétuel pour faire face à l'évolution du monde. Les Français s'inquiètent de leur situation personnelle et de l'avenir de leurs enfants. Mais ils s'interrogent également sur la capacité de notre pays à relever les grands défis mondiaux et à peser sur la scène internationale. Ensemble, nous devons répondre à leur inquiétude en faisant vivre les principes de droit et de démocratie qui ont toujours guidé notre diplomatie. Fidèles à nos traditions, au service de la paix.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er septembre 2005)