Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur les professions médicales et para médicales, notamment les médecins généralistes, le rôle des réseaux de santé ville hôpital et l'accès au système de santé, Paris le 19 janvier 2000.

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Circonstance : Conférence de presse baromètre médecins généralistes et pharmaciens à Paris le 19 janvier 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je tiens à remercier le CFES et la CNAMTS pour l'important travail réalisé avec ce baromètre qui, pour la première fois, concerne non plus seulement les médecins généralistes mais aussi les pharmaciens.
L'opinion, les attitudes et les comportements des médecins et des pharmaciens sont des éléments indispensables à la compréhension de notre système de santé et à la compréhension de l'évolution de notre société.
Face à tous les grands problèmes de notre société
-violence urbaine, dislocation familiale, maltraitance- les médecins généralistes, les pharmaciens sont souvent en première ligne.
Ils doivent toujours répondre aux exigences techniques du diagnostic et des soins mais aussi savoir écouter et comprendre, voire interpréter.
Si les Etats généraux de la santé ont fait émerger une demande forte des usagers : la rénovation des relations médecin-personne malade ; une chose est sûre : cette relation si particulière, ce dialogue singulier est, et restera au coeur de notre dispositif de santé.
Je suis convaincue que la médecine générale joue toujours et doit pouvoir continuer à jouer un rôle pivot dans notre système de santé.
Le médecin généraliste est le seul qui soit en situation de prodiguer des soins centrés sur la personne, la personne malade, mais aussi et surtout, devrait-on dire, à la personne non malade, pas encore malade, plus malade.
Les chiffres nous le confirment.
Le généraliste reste le premier recours habituel des patients malgré une mobilité sociale accrue et un accès plus facile aux spécialistes.
Ainsi, une fois prise la décision de consulter, le recours en première intention au médecin généraliste reste le plus habituel (même si 38 % des patients s'adressent parfois d'emblée à un spécialiste en l'occurrence, il s'agit principalement des ophtalmologistes, des gynécologues, ou des pédiatres).
Aujourd'hui, plus de 80 % de la population déclare avoir un médecin habituel à qui elle est attachée, qui la suit et dans près de la moitié des cas depuis plus de dix ans.
Les cabinets des médecins généralistes sont de véritables écoles de formation à la médecine -et j'aurai presque envie de dire à la vie-. Le succès du stage que nous avons voulu obligatoire, de 6 mois auprès d'un médecin généraliste, pour les étudiants en fin d'études, nous le confirme. Succès pour le stagiaire qui apprend, intérêt pour le tuteur qui confronte sa pratique quotidienne à la nécessité de l'expliquer, de la valider.
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J'aimerai également insister sur le rôle des réseaux. Ce baromètre nous apprend qu'un médecin sur six déclare participer à un réseau. A plusieurs reprises, on retrouve une corrélation entre une participation à ces réseaux et un engagement fort dans les actions de prévention et d'amélioration de la qualité des soins.
Les réseaux de santé -j'en suis convaincue- sont un des éléments importants de l'évolution de notre système de santé. Ils vont nous permettre d'optimiser le recours aux soins et d'assurer un meilleur suivi des personnes.
L'expérience des réseaux ville - hôpital en particulier pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH nous a clairement montré l'importance d'une prise en charge coordonée, multidisciplinaire.
Martine AUBRY et moi-même avons signé, en novembre dernier, une circulaire qui facilite leur développement et leurs modalités de financement.
Ainsi, les nombreux réseaux de soins développés pour lutter contre l'exclusion, pour mieux prendre en charge les personnes âgées, les personnes atteintes d'hépatite C de VIH ou pour lutter contre la douleur verront leurs modes de fonctionnement et de financement facilités. Ils pourront bénéficier du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, créé en particulier pour assurer le financement des activités non rémunérées par le paiement à l'acte.
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Que retenir d'autre de ce baromètre ? Que les médecins généralistes, les pharmaciens sont de véritables acteurs de la prévention en France :
- 95 % sont favorables aux politiques vaccinales mises en place, et en parlent bien
- leur implication dans les programmes de dépistage des cancers féminins est réel :
* 70,3 % des mammographies sont prescrites par un généraliste
* 29 % des frottis sont réalisés par les généralistes eux-mêmes (plus souvent quand le médecin est une femme).
Dans les départements où le dépistage du cancer du sein est organisé, la très grande majorité des médecins généralistes (plus de 80 %) déclare être informée et fait confiance à l'efficacité de ces programmes.
La publication de ces données est, pour moi, l'occasion de rappeler les mesures récemment adoptées pour poursuivre et étendre le programme de prévention des cancers féminins :
- élaboration d'un cahier de charge sur la qualité de l'organisation nécessaire pour des programmes départementaux de qualité
- mise en place de référentiels de bonnes pratiques, élaborés par l'ANAES avec les professionnels,
- évaluation de ces programmes par l'InVS.
Nous savons que la participation de la population concernée par ces programmes de dépistage impose la mobilisation des acteurs de première ligne -médecins généralistes, pharmaciens-. Les résultats de ce baromètre nous rassurent sur l'engagement des professionnels dans ce domaine et leur accompagnement positif.
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Concernant les maladies transmissibles
Infection à VIH et hépatite C. Trop de patients ne découvrent encore que trop tardivement leur infection à hépatite C et VIH. Le dépistage de l'hépatite C doit être renforcé. De même, il faut poursuivre le dépistage VIH.
Dans ces deux domaines, la mobilisation des professionnels -les résultats d'aujourd'hui nous le rappellent- reste massif.
Les efforts doivent être poursuivis : nous avons prévu dans le cadre des programmes en cours de mettre à disposition des professionnels mais aussi du public, dans les semaines, qui viennent des documents d'information réactualisés sur :
-les traitements antirétroviraux,
-le diagnostic et le traitement de l'hépatite C,
-plus généralement, sur les risques des maladies sexuellement transmissibles.
-et surtout sur la contraception.
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Les pratiques addictives
Ces résultats montrent : ceux qui ont des comportements de santé positifs pour eux même sont ceux qui sont les plus actifs pour la prévention.
On voit émerger une nouvelle génération de médecins davantage ouverte aux démarches préventives et d'éducation du patient. Ils appartiennent à des réseaux de santé ou sont médecins "référents". Ils s'investissent davantage dans des thèmes tels que le VIH ou l'usage des drogues.
Vous le savez, le Gouvernement a adopté en juin dernier un ambitieux plan triennal de lutte contre les drogues et de prévention des dépendances.
Ce plan triennal tient compte de l'évolution des consommations, en particulier, chez les jeunes.
Il vise à permettre dans tous les lieux de vie -à l'école, sur les stades, dans les équipes de sports, en famille, pendant les loisirs- à mieux informer sur les dangers de chaque produit. Naturellement, c'est très souvent vers le généraliste ou le pharmacien que l'on vient rechercher des explications et des informations.
Là encore, j'aimerai souligner l'engagement actif nécessaire des professionnels dans ces actions de prévention.
Je citerai, en particulier, le succès des formations Nicomede, déstinées aux médecins géneralistes, pour l'aide au sevrage tabagique.
Apprendre à mieux connaître le statut tabagique de son patient, à mieux classer les dépendances, à informer et sensibiliser les fumeurs "heureux". Mieux maîtriser les programmes de sevrage. A s'engager réellement : telles sont les clés de la réussite du généraliste dans ce domaine.
Les premiers résultats sont prometteurs. Le programme sera amplifié cette année.
De même, j'aimerai remercier les pharmaciens pour leur engagement actif dans la politique de réduction des risques.
En octobre dernier, nous avons mis en place le Stéribox 2, qui améliore le dispositif antérieur en permettant de limiter encore les risques de l'usage de drogues intraveineuses.
Je sais que dans la plupart des cas, l'achat d'un stéribox 2 est souvent également l'occasion d'établir un dialogue avec l'usager de drogues.
Même si des progés importants doivent encore étre fait. Je voudrai également souligner l'engagement des médecins et des pharmaciens dans notre politique de substitution.
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Beaucoup d'autres domaines sont concernés par cette enquête : l'alimentation, l'activité physique, le rôle de médiateur des médecins et des pharmaciens.
Mais pour conclure, permettez-moi de vous rappeler les caractéristiques du médecin "5 étoiles" défini par l'OMS :
- un dispensateur de soins qui considère le patient à la fois en tant qu'individu, membre d'une famille et d'une communauté, qui dispense des soins de qualité, complets, continus et personnalisés dans le cadre d'une relation durable basée sur la confiance,
- un décideur qui choisit quelles approches et techniques utiliser dans un souci d'éthique et de coût-efficacité pour optimiser les soins qu'il dispense,
- un communicateur capable d'écouter, d'expliquer et de convaincre pour promouvoir des modes de vie saine, donnant ainsi aux individus et aux groupes les moyens d'améliorer et de protéger leur santé,
- un membre influent de la communauté, ayant gagné la confiance de ceux parmi lesquels il travaille, qui est capable de concilier les besoins des individus et de ceux la communauté et d'agir au nom de cette dernière,
- un gestionnaire capable de travailler en harmonie avec des personnes et des organismes à l'intérieur du système de santé pour répondre aux besoins des individus et des communautés et d'utiliser à bon escient les informations sanitaires disponibles.
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Pour ma part, j'ajouterai à ces cinq étoiles du médecins caractérisées par l'OMS son engagement dans la lutte contre les exclusions - je pense ici, après les AMG, à la mise en place de la couverture maladie universelle qui va permettre de mettre fin à une des pires exclusions : l'exclusion des soins ou la stigmatisation d'une approche différente selon que l'on peut ou non, payer sa consultation.
Aujourd'hui, la CMU est une étape essentielle dans notre volonté d'ameliorer l'intégration sociale, en permettant d'atteindre à l'universalité de la sécurité sociale et enfin de poursuivre pour tous quatre objectifs qui fondent notre action en matière de santé et d'action sociale :
- l'égalité d'accès au système de santé,
- la réduction des inégalités,
- la garantie de la qualité des services proposés,
- enfin d'assurer le respect de l'homme au sein du systéme de santé.
Merci

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).