Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, à "France 2" le 3 juin 2005, sur la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale, et sur ses priorités pour son ministère.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- Avant de vous interroger sur les nouveaux grands chantiers à venir, d'abord, tout de suite, des questions désagréables. Fallait-il vraiment quatre jours pour nommer un Gouvernement où, finalement, on retrouve, pour l'essentiel, beaucoup de têtes connues et où, au fond, il y a certes des changements - Douste-Blazy qui était à la Santé passe au Quai d'Orsay ; de Robien qui était à l'Equipement passe à l'Education... Est-ce que ce n'est pas un peu "on prend les mêmes et on recommence" ?
R- Là, vous êtes un peu réductrice quand même. Cette équipe a plusieurs caractéristiques : la première d'entre elles, c'est que c'est une équipe qui est très resserrée. Il n'y a plus de secrétaires d'Etat. Je crois que c'est la deuxième fois sous la 5ème République qu'on a un Gouvernement qui est aussi resserré, avec uniquement des ministres et des ministres délégués. Et puis, deuxièmement, avec comme toujours, quand on constitue une équipe de cette importance - il s'agit du Gouvernement français - des hommes et des femmes d'expérience, et puis des nouveaux venus. Je crois que c'est ça aussi qui fait l'originalité d'une équipe comme celle-ci, et puis elle n'a qu'un seul objectif : c'est de se mettre au travail.
Q- Parmi les nouveaux venus, les entrants, il y a F. Baroin, qui revient au Gouvernement, C. Colonna, qui était à la tête du CNC, C. Lagarde, avocate américaine... Au fond, on a le sentiment que ces nouveaux venus sont un peu en deuxième ligne. Ce n'est pas eux forcément qu'on met en première ligne.
R- Encore une fois, il faut bien voir qu'il y a dans cette équipe une très grande cohérence. Ce qu'a souhaité D. de Villepin, c'était surtout d'avoir une équipe qui puisse être tout à fait complémentaire, avec les uns qui ont déjà exercé des responsabilités, d'autres qui viennent d'arriver effectivement aux responsabilités. Mais surtout, ce qui compte, je le répète, c'est que nous soyons maintenant au travail. L'équipe a été nommée hier soir et nous commençons notre travail depuis ce matin.
Q- Il y aura cet après-midi un conseil des ministres qui sera, j'imagine, un peu formel. Comment va fonctionner le tandem Villepin / Sarkozy ? Pour prendre une image, n'est-ce pas un peu, j'allais dire un moteur à explosion à ses débuts ? C'est-à-dire soit ça marche bien et ça avance, soit le piston coince et il y a tout qui saute.
R- Je crois que l'esprit est de faire en sorte que les choses fonctionnent d'autant mieux que l'objectif est commun. Cet objectif, c'est évidemment d'entendre le message qui nous a été adressé au début de cette semaine, le 29 mai au soir et qui concentre toute notre énergie. Et puis, deuxièmement, vous l'avez bien vu, D. de Villepin comme N. Sarkozy, ce sont des hommes d'action qui ont la même méthode : l'obligation de résultat et, leur volonté - ils l'ont exprimée l'un et l'autre
- c'est de bosser ensemble.
Q- Posons la question différemment. Vous êtes porte-parole du Gouvernement, vous avez affaire à deux ministres qui vont beaucoup communiquer. Le premier est dans son rôle, et le deuxième, parce que... Il communique directement après le premier - on en a fait l'expérience, effectivement, avec une intervention de D. de Villepin sur TF1, suivi le lendemain par N. Sarkozy. Ce n'est pas un peu bizarre.
R- Non, d'autant que vous avez entendu les propos de l'un et de l'autre. Il y a une volonté très forte d'aller ensemble au résultat, dans une logique de rassemblement dont chacun a bien compris que c'est ce que les Français attendent. Donc, honnêtement, sur tout cela, maintenant, les choses sont prêtes à démarrer. Vous l'avez vu, le Premier ministre l'a rappelé dès son intervention à la télévision, le premier objectif c'est l'emploi, et il y a, évidemment, dans la foulée, une feuille de route qu'il va tracer la semaine prochaine, dans laquelle on va retrouver un certain nombre des grandes missions sur lesquelles le président de la République nous a fixé une ligne de conduite. L'emploi, bien sûr, sur lequel il y a une mobilisation très forte, mais l'immigration - N. Sarkozy l'a rappelé dès hier soir - c'est un chantier sur lequel les Français n'ont cessé de nous interpeller durant cette campagne, comme d'ailleurs ...
Q- Concrètement, il va y avoir quoi de nouveau sur l'immigration ?
Une plus grande surveillance ?
R- Attendez ! Aujourd'hui, le Gouvernement s'installe. Je crois que ce qu'il faut bien avoir à l'esprit, c'est la feuille de route sur laquelle on va travailler. Il y a de très grands chantiers qui vont être ouverts, dans la continuité aussi de ce qui a été entamé depuis trois ans, mais c'est aussi tout ce qui concerne naturellement les rendez-vous avec l'avenir.
Q- Arrêtons-nous quelques instants sur ces grands chantiers. Vous citez l'immigration. Les rendez-vous avec l'avenir, ça recouvre quoi ?
R- Il y a beaucoup de choses. Il y a par exemple tout ce qui concerne la mise en marche, maintenant, de la réforme de l'école, l'enseignement supérieur, la recherche. On a eu, le 29 mai au soir, dans le message du non comme du oui d'ailleurs, des impatiences et l'expression d'inquiétudes. Notre travail est d'essayer de voir comment on peut donner envie aux Français d'avoir confiance dans leur avenir, dans leur pays, à un moment où se sont exprimés des doutes, et le tout dans la perspective de l'Europe.
Q- La priorité c'est l'emploi, avec des marges de manuvre qui ne sont pas très grandes : on n'a pas une croissance ébouriffante. Comment vous allez faire pour trouver le moyen de relancer l'emploi, alors que l'économie française est plutôt comme ci comme ça ?
R- Vous le verrez dans les prochains jours, parce que le Premier ministre aura l'occasion de l'évoquer dans le détail lors de sa déclaration de politique générale. Le signal fort, c'est que dès hier, il a été sur le terrain. Il a visité une ANPE dans mon département de Seine-et-Marne. Comme d'ailleurs sur ces sujets-là, comme d'ailleurs sur l'immigration, vous le savez, le ministre d'Etat ministre de l'Intérieur a montré très vite qu'il serait très mobilisé.
Q- Il se rend à Perpignan d'ailleurs, aujourd'hui même...
R- Il est à Perpignan, là, cette fois, c'est plutôt sur une question liée à la sécurité et à la délinquance, compte tenu de ce qui s'est passé à Perpignan.
Q- Dans votre ministère, à Bercy, vous allez non seulement continuer à travailler avec T. Breton, ministre de l'Economie. Le budget est déjà assez avancé. Qu'est-ce que ça va être la réforme de l'Etat que vous avez maintenant en charge ?
R- Tout cela fait partie d'un tout. Aujourd'hui, les missions qui sont celles du ministre des Finances ou du ministre du Budget sont essentiellement tournées vers l'idée de faire en sorte que chaque Français voie comment est utilisé l'argent public, que chaque Français en ait pour ses impôts. Et donc, la modernisation de l'Etat s'inscrit dans cette logique. C'est : comment on fait pour que nos services publics soient toujours plus efficaces, toujours plus performants, avec une bonne gestion ; comment on fait pour moderniser l'action de l'Etat ? Moi, j'ai vécu en direct le succès de la télé-déclaration, par exemple, qui est un symbole de modernisation et de réforme de l'Etat. C'est la preuve que quand l'Etat se modernise, les Français sont au rendez-vous. Ils sont demandeurs, ils veulent en avoir pour leurs impôts, ils veulent savoir où va l'argent des impôts et c'est donc à tout cela qu'on va travailler, ensemble, durant les mois et les années qui viennent.
Q- Vous allez travailler de fait avec C. Jacob, qui a en charge la fonction publique. Comment va se passer l'échange entre vous ?
R- Il se passera très bien. Vous savez, que ce soit avec T. Breton, que ce soit avec C. Jacob, nous avons été amenés à conduire beaucoup de dossiers ensemble, car tous ces sujets évidemment sont liés. Ce qui compte, en réalité, c'est que les Français voient qu'il y a une équipe gouvernementale qui est préoccupée, évidemment, [qui] doit répondre à tout ce qui est demandé, tout ce qui est exprimé par les uns et les autres, mais aussi à faire un travail de modernisation. Comment est-ce qu'on peut préserver l'ensemble de notre modèle français, que ce soit sur le plan économique, que ce soit sur le plan social, que ce soit sur le fonctionnement de l'Etat, le préserver en le modernisant. Il faut que ça bouge, il faut qu'on modernise.
Q- Mais C. Jacob, c'est quelqu'un qui vient du monde agricole. Il passe à la fonction publique. Cela ne fait pas...
R- Il a quand même, depuis trois ans, une sacrée expérience gouvernementale, et il a montré à tous ces postes qu'il savait faire vite et bien, et donc, je crois que la coopération sera très opérationnelle.
Q- Justement, est-ce un Gouvernement qui est tout de suite opérationnel ?
R- C'est un Gouvernement qui s'est mis au travail dès aujourd'hui. Il y a parmi eux des personnalités qui viennent d'entrer dans le circuit, c'est vrai, et d'autres qui ont aussi eu des promotions - je pense par exemple à mon ami X. Bertrand. Tout cela, ça montre que les uns et les autres, on a un seul objectif : servir notre pays, et avec le Premier ministre, faire en sorte qu'on puisse apporter les réponses que les Français attendent, parce que le 29 mai, le message a été clair, il y a un choc pour tout le monde. Il faut qu'on entende tout cela cinq sur cinq.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2005)