Texte intégral
Q- Pas de doute, J. Chirac a suivi un sévère désaveu avec la victoire du "non" au référendum sur la Constitution européenne. Mais est-il le seul ? Et les socialistes qui ont appelé à voter "oui" ? Vous avez fait campagne pour le "oui", avec un meeting notamment avec G. Schröder, des interventions à la radio, à la télévision. Vous avez même réalisé un DVD en faveur du "oui". Résultat dans votre ville, Sarcelles, dans le Val d'Oise, fief de la gauche, le "non" a obtenu 62,5 % et le "oui" 37 %. Est-ce que ce n'est pas la preuve du formidable décalage entre le PS et son électorat ?
R- C'est évidemment un échec collectif. Le traité a été rejeté, la gauche est divisée, le PS est déchiré et les militants sont blessés. Il faut donc que nous en tirions les leçons. Il reste que le fait que nous n'ayons pas réussi à convaincre à propos de ce traité ne peut pas changer nos convictions. Je reste un militant convaincu de la construction de l'Europe politique. Comme cela a été beaucoup dit, je pense que le rejet de la politique du Gouvernement a joué sa part dans le "non" que vous avez mesuré, notamment par exemple dans ma ville, où les quartiers populaires, de ce point de vue-là, ont été très explicites. Quand je faisais campagne dans ces cités, personne ne me parlait du traité : on me parlait du chômage, du pouvoir d'achat. Les gens qui gagnent 1.200 ou 1.300 euros, leur problème direct - et c'est bien compréhensibles - était de dire que la situation est intenable, que l'on ne peut pas continuer comme cela.
Q- Mais peut-on dire aujourd'hui que les orientations politiques du PS ne correspondent aux aspirations de son électorat ?
R- Non, je ne dirais pas cela. D'abord, 55 % de l'électorat du PS a voté "non", 45 % a voté "oui". Et dans ces 55 % qui ont voté "non", je pense encore une fois, même si ce n'est pas toute l'explication, qu'il y a une part de ce rejet du Gouvernement. Mais ce qui m'intéresse aujourd'hui, au-delà de l'analyse de la situation du PS, c'est la situation du pays. Nous sommes véritablement au bord d'une crise de régime, d'une crise sociale et d'une crise démocratique, et que c'est à cela qu'il faut répondre.
Q- Mais "crise de régime", qu'est-ce que cela veut dire ? C'est un mot plein d'emphase !
R- Non, cela veut dire que le président de la République s'adresse aux Français et qu'il ne dit rien. Cela veut dire que dans un sondage qui suit, 75 % des Français disent ne plus lui faire confiance. Nous avons un système qui repose sur le président de la République. Lorsque les Français ne font plus confiance à la parole du chef de l'Etat, c'est bien le fonctionnement de notre démocratie qui est en cause. Lorsque D. de Villepin, nommé Premier ministre, commence par s'adresser à la télévision avant de faire son discours de politique générale à l'Assemblée nationale...
Q- Vous faites bien des DVD en campagne électorale, c'était médiatique !
R- Enfin, c'est autre chose ! Je ne suis pas au Gouvernement. Je pense que nous avons un Parlement qui est totalement abaissé - c'est d'ailleurs l'essence même, dans une certaine mesure, de la Vème République -, un Président dont l'irresponsabilité, j'entends l'irresponsabilité fonctionnelle, est garantie, puisqu'il peut faire ce qu'il veut, sans que finalement il ne tienne aucun compte de ce que disent les Français. Et lorsque les votes successifs de 2004 ont montré au Gouvernement que les Français ne voulaient pas de cette politique, il n'en a pas tenu compte. Lorsque les manifestations, dans la rue, depuis le début de l'année - les lycéens, les chercheurs, les salariés - ont montré qu'ils ne voulaient pas de cette politique, le Gouvernement n'en a pas tenu compte. Si bien que nous avons maintenant un tremblement de terre dans nos institutions et un Premier ministre qui vient à la télévision nous faire des paroles en quelque sorte, nous dire des mots, mais de l'action, là-dedans, je n'en vois pas. Je ne vois pas comment il annonce les marges de manuvre, les moyens qu'il veut mobiliser, je ne vois pas de chemin tracé...
Q- Mais il va en parler mercredi prochain, il va faire un discours de politique générale à l'Assemblée nationale !
R- Dans ce cas, si c'était pour ne rien dire aux Français à la télévision, il valait mieux ne pas y aller.
Q- Venons-en maintenant à la crise au sein du Parti socialiste. Vous avez reconnu qu'il y a bien crise. Demain, grand moment : les retrouvailles entre partisans du "oui" et du "non" chez les socialistes, lors d'un conseil national à Paris. Est-ce que L. Fabius, partisan du "non", doit rester le numéro deux du Parti socialiste ?
R- Si nous voulons reconstruire un parti qui, en effet, a été ébranlé par la période qu'il vient de vivre, il lui faut une direction cohérente, homogène sur les orientations - comme le dit d'ailleurs F. Hollande, qui parlait de la "clarté" de l'orientation, de la "clarté" des équipes, de la "clarté" de la stratégie. Et les militants auront, dans un congrès prochain, à trancher cela. La direction cohérente peut être tenue par ceux qui ont été les défenseurs du "oui" ou les défenseurs du "non". Je suis parmi les défenseurs du "oui" et j'entends assumer ma place, avec les autres, dans cette direction...
Q- Vous ne me répondez pas clairement : est-ce que L. Fabius doit-il rester numéro deux du PS, oui ou non ?
R- Quand je vous dis qu'il faut une direction cohérente, cela veut dire qu'il faut une direction cohérente de ceux qui ont soutenu le "oui", il me semble que c'est parfaitement clair !
Q- Donc il doit quitter ce poste de numéro deux ?
R- Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas certain que lui-même souhaite rester numéro deux...
Q- Lui avez-vous parlé pour dire cela ou prenez-vous vos désirs pour des réalités ?
R- Ce n'est pas obligatoirement "un désir", mais ce sera peut-être une réalité. Ce qui compte, c'est que le Parti socialiste s'adresse à ses électeurs, aux Français en général, en faisant des propositions concrètes. Pour cela, il a besoin d'une direction qui soit regroupée et homogène. L. Fabius a pris, sur des sujets, des positions qui ne sont pas celles qui étaient celles du PS. C'est d'ailleurs en grande partie ce qui est à l'origine de notre division, car si chacun s'était tenu aux engagements qu'il avait pris pendant la campagne interne, nous n'aurions pas été divisés...
Q- Il y a les militants du PS, ceux qui paient leur cotisation : ceux-là se sont prononcés en faveur du "oui". Mais les sympathisants, les électeurs, ceux qui peuvent vous porter au pouvoir, eux se sont majoritairement prononcés en faveur du "non". Et apparemment, vous voulez sanctionner celui qui a senti ce phénomène !
R- Je ne veux pas "sanctionner", je veux que l'on définisse une ligne politique et que l'on voie, au sein du Parti socialiste, ceux qui veulent suivre cette ligne politique. Si elle est majoritaire, elle se mettra en uvre, sinon, ce seront les tenants du "non" qui devront tenir les commandes. Vous êtes en plein dans ce que j'évoquais tout à l'heure sur la crise de la démocratie : un parti politique, ce n'est pas fait pour surfer sur la vague. C'est fait pour avoir des convictions, les proposer aux Français et essayer de convaincre. Le fait de perdre une élection n'a jamais conduit un parti politique à dire : "J'ai perdu l'élection, c'est donc bien que ce sont mes adversaires qui avaient raison"...
Q- Mais là, ce sont vos électeurs ! L. Fabius vous demande d'écouter vos électeurs !
R- Oui, il faut les écouter, mais il faut surtout leur apporter des réponses. Et pour apporter des réponses, il faut la direction homogène dont je vous parlais. Et cette direction ne me semble pas devoir prendre une ligne qui est celle de la majorité de ceux qui, à gauche, défendaient le "non". Que M.-G. Buffet et O. Besancenot veulent faire croire que les Français sont devenus communistes ou trotskystes, c'est compréhensible. Mais que nous, nous nous laissions abuser, ce serait répréhensible. Nous devons continuer sur la ligne réformiste qui est la nôtre. Cette ligne réformiste comprend la construction européenne.
Q- Comment allez-vous exclure L. Fabius ? On dit que vous préparez une déclaration politique qui serait inacceptable pour lui, qu'il ne pourra pas signer et donc il partira ?
R- Vous voulez absolument m'entraîner dans la politique politicienne...
Q- Pas du tout, je veux essayer de savoir ce qui va se passer demain...
R- Eh bien, vous saurez demain ce qui se passera demain. Intéressons-nous plutôt à ce qui va se passer après-demain en Europe et dans notre pays. Et c'est autrement plus important que ce qui se passe à l'intérieur du Parti socialiste.
Q- Et que pensez-vous des propos d'A. Montebourg, qui est quand même député PS, qui disait hier dans Le Monde, que "le PS n'a pas de leader, pas de projet, nombre d'adhérents déchirent leur carte. Le parti est au bord de la crise de nerfs".
R- Il y a du vrai dans ce que dit A. Montebourg. Si le Parti socialiste avait été capable de proposer aux Français une alternative politique à la politique du Gouvernement, il aurait sans doute été plus facile de demander aux électeurs de faire le partage entre un vote protestataire contre le Gouvernement et le vote sur le traité. Mais comme nous n'avons pas, au cours des trois ans qui viennent de s'écouler, été en situation de proposer une alternative crédible aux Français, alors il y a eu cette sorte de vote mêlé, comprenant à la fois le rejet du Gouvernement et l'appréciation du traité. Nous avons donc une part importante de responsabilité.
Q- Croyez-vous que les règlements de compte qui auront lieu demain, en tentant de faire partir L. Fabius de sa position de numéro deux du PS, vont calmer la "crise de nerfs" au sein du parti ?
R- D'une part, je n'ai pas dit cela...
Q- Si, vous avez dit que vous souhaitiez le départ de L. Fabius...
R- Je dis qu'il faut une ligne politique claire dans un parti. Je ne souhaite le départ de personne. Je crois simplement qu'en effet, il faut une direction homogène, et dans ces conditions, cela conduit plutôt à ce que la direction ne s'organise pas avec L. Fabius - puisque vous voulez absolument que les formules soient dites.
Q- Non, mais il faut de la clarté, de la franchise...
R- Mais la franchise est totale. Je crois qu'il faut une ligne politique claire. Je ne peux pas continuer à militer, pour ma part, dans un parti politique dont la ligne politique serait évanescente. Et, comme elle a été divisée par certains, à partir d'un vote de militants qui est dans l'autre sens, depuis quelques mois, il faut en effet retrouver cette clarté.
Q- On dit qu'il y aura un congrès de clarification du PS pour préparer le grand rendez-vous, l'alternance en 2007, et pour cela, il faut un projet, vous y travaillez. Est-ce que ce non au référendum ne montre pas que vous êtes dans la difficulté pour trouvez une majorité pour faire élire votre candidat socialiste en 2007. Dites-moi si je résume bien : soit c'est le socialisme réformiste, une sorte de socialisme mou et ça ne plaît pas à l'électorat de gauche, les puristes, soit alors un socialisme de rupture, à gauche toute, mais là, vous risquez d'effrayer cette frange d'électeurs au centre, qui font les majorités. Est-ce que je résume
bien ?
R- Je ne sais pas. Je vais tenter de répondre, en tout cas, à la question que vous posez. Le socialisme de rupture, dont vous parlez, n'a jamais, dans l'histoire de notre pays, réussi à arriver au pouvoir et à changer les choses. Ce qui a changé les choses, que ce soit lorsque L. Blum était président du Conseil, que ce soit par la suite, quand F. Mitterrand a été élu en 1981, c'est un socialisme qui accepte de venir au pouvoir, de changer la réalité, sans doute de ne pas faire autant qu'il le souhaiterait, parce que les contraintes sont là, mais de faire avancer d'un pas. Et moi, j'ai toujours fait partie de ceux qui pensent que même si on voudrait faire dix pas en avant, lorsque l'on peut en faire un au bénéfice de ceux pour lesquels nous nous battons, de ce qui sont les plus démunis, les plus malheureux, il faut faire ce pas en avant.
Q- Vous vous trouvez, par exemple, un dénominateur commun avec M.-G. Buffet, O. Besancenot, J. Bové ?
R- Il faudra le chercher, mais à partir de nos positions. Il faut d'abord que le PS définisse son identité, ce qu'il veut faire, et ensuite, qu'il propose à ceux qui voudront travailler dans cette direction de le rejoindre. C n'est pas dans l'autre sens que nous devrons fonctionner.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2005)
R- C'est évidemment un échec collectif. Le traité a été rejeté, la gauche est divisée, le PS est déchiré et les militants sont blessés. Il faut donc que nous en tirions les leçons. Il reste que le fait que nous n'ayons pas réussi à convaincre à propos de ce traité ne peut pas changer nos convictions. Je reste un militant convaincu de la construction de l'Europe politique. Comme cela a été beaucoup dit, je pense que le rejet de la politique du Gouvernement a joué sa part dans le "non" que vous avez mesuré, notamment par exemple dans ma ville, où les quartiers populaires, de ce point de vue-là, ont été très explicites. Quand je faisais campagne dans ces cités, personne ne me parlait du traité : on me parlait du chômage, du pouvoir d'achat. Les gens qui gagnent 1.200 ou 1.300 euros, leur problème direct - et c'est bien compréhensibles - était de dire que la situation est intenable, que l'on ne peut pas continuer comme cela.
Q- Mais peut-on dire aujourd'hui que les orientations politiques du PS ne correspondent aux aspirations de son électorat ?
R- Non, je ne dirais pas cela. D'abord, 55 % de l'électorat du PS a voté "non", 45 % a voté "oui". Et dans ces 55 % qui ont voté "non", je pense encore une fois, même si ce n'est pas toute l'explication, qu'il y a une part de ce rejet du Gouvernement. Mais ce qui m'intéresse aujourd'hui, au-delà de l'analyse de la situation du PS, c'est la situation du pays. Nous sommes véritablement au bord d'une crise de régime, d'une crise sociale et d'une crise démocratique, et que c'est à cela qu'il faut répondre.
Q- Mais "crise de régime", qu'est-ce que cela veut dire ? C'est un mot plein d'emphase !
R- Non, cela veut dire que le président de la République s'adresse aux Français et qu'il ne dit rien. Cela veut dire que dans un sondage qui suit, 75 % des Français disent ne plus lui faire confiance. Nous avons un système qui repose sur le président de la République. Lorsque les Français ne font plus confiance à la parole du chef de l'Etat, c'est bien le fonctionnement de notre démocratie qui est en cause. Lorsque D. de Villepin, nommé Premier ministre, commence par s'adresser à la télévision avant de faire son discours de politique générale à l'Assemblée nationale...
Q- Vous faites bien des DVD en campagne électorale, c'était médiatique !
R- Enfin, c'est autre chose ! Je ne suis pas au Gouvernement. Je pense que nous avons un Parlement qui est totalement abaissé - c'est d'ailleurs l'essence même, dans une certaine mesure, de la Vème République -, un Président dont l'irresponsabilité, j'entends l'irresponsabilité fonctionnelle, est garantie, puisqu'il peut faire ce qu'il veut, sans que finalement il ne tienne aucun compte de ce que disent les Français. Et lorsque les votes successifs de 2004 ont montré au Gouvernement que les Français ne voulaient pas de cette politique, il n'en a pas tenu compte. Lorsque les manifestations, dans la rue, depuis le début de l'année - les lycéens, les chercheurs, les salariés - ont montré qu'ils ne voulaient pas de cette politique, le Gouvernement n'en a pas tenu compte. Si bien que nous avons maintenant un tremblement de terre dans nos institutions et un Premier ministre qui vient à la télévision nous faire des paroles en quelque sorte, nous dire des mots, mais de l'action, là-dedans, je n'en vois pas. Je ne vois pas comment il annonce les marges de manuvre, les moyens qu'il veut mobiliser, je ne vois pas de chemin tracé...
Q- Mais il va en parler mercredi prochain, il va faire un discours de politique générale à l'Assemblée nationale !
R- Dans ce cas, si c'était pour ne rien dire aux Français à la télévision, il valait mieux ne pas y aller.
Q- Venons-en maintenant à la crise au sein du Parti socialiste. Vous avez reconnu qu'il y a bien crise. Demain, grand moment : les retrouvailles entre partisans du "oui" et du "non" chez les socialistes, lors d'un conseil national à Paris. Est-ce que L. Fabius, partisan du "non", doit rester le numéro deux du Parti socialiste ?
R- Si nous voulons reconstruire un parti qui, en effet, a été ébranlé par la période qu'il vient de vivre, il lui faut une direction cohérente, homogène sur les orientations - comme le dit d'ailleurs F. Hollande, qui parlait de la "clarté" de l'orientation, de la "clarté" des équipes, de la "clarté" de la stratégie. Et les militants auront, dans un congrès prochain, à trancher cela. La direction cohérente peut être tenue par ceux qui ont été les défenseurs du "oui" ou les défenseurs du "non". Je suis parmi les défenseurs du "oui" et j'entends assumer ma place, avec les autres, dans cette direction...
Q- Vous ne me répondez pas clairement : est-ce que L. Fabius doit-il rester numéro deux du PS, oui ou non ?
R- Quand je vous dis qu'il faut une direction cohérente, cela veut dire qu'il faut une direction cohérente de ceux qui ont soutenu le "oui", il me semble que c'est parfaitement clair !
Q- Donc il doit quitter ce poste de numéro deux ?
R- Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas certain que lui-même souhaite rester numéro deux...
Q- Lui avez-vous parlé pour dire cela ou prenez-vous vos désirs pour des réalités ?
R- Ce n'est pas obligatoirement "un désir", mais ce sera peut-être une réalité. Ce qui compte, c'est que le Parti socialiste s'adresse à ses électeurs, aux Français en général, en faisant des propositions concrètes. Pour cela, il a besoin d'une direction qui soit regroupée et homogène. L. Fabius a pris, sur des sujets, des positions qui ne sont pas celles qui étaient celles du PS. C'est d'ailleurs en grande partie ce qui est à l'origine de notre division, car si chacun s'était tenu aux engagements qu'il avait pris pendant la campagne interne, nous n'aurions pas été divisés...
Q- Il y a les militants du PS, ceux qui paient leur cotisation : ceux-là se sont prononcés en faveur du "oui". Mais les sympathisants, les électeurs, ceux qui peuvent vous porter au pouvoir, eux se sont majoritairement prononcés en faveur du "non". Et apparemment, vous voulez sanctionner celui qui a senti ce phénomène !
R- Je ne veux pas "sanctionner", je veux que l'on définisse une ligne politique et que l'on voie, au sein du Parti socialiste, ceux qui veulent suivre cette ligne politique. Si elle est majoritaire, elle se mettra en uvre, sinon, ce seront les tenants du "non" qui devront tenir les commandes. Vous êtes en plein dans ce que j'évoquais tout à l'heure sur la crise de la démocratie : un parti politique, ce n'est pas fait pour surfer sur la vague. C'est fait pour avoir des convictions, les proposer aux Français et essayer de convaincre. Le fait de perdre une élection n'a jamais conduit un parti politique à dire : "J'ai perdu l'élection, c'est donc bien que ce sont mes adversaires qui avaient raison"...
Q- Mais là, ce sont vos électeurs ! L. Fabius vous demande d'écouter vos électeurs !
R- Oui, il faut les écouter, mais il faut surtout leur apporter des réponses. Et pour apporter des réponses, il faut la direction homogène dont je vous parlais. Et cette direction ne me semble pas devoir prendre une ligne qui est celle de la majorité de ceux qui, à gauche, défendaient le "non". Que M.-G. Buffet et O. Besancenot veulent faire croire que les Français sont devenus communistes ou trotskystes, c'est compréhensible. Mais que nous, nous nous laissions abuser, ce serait répréhensible. Nous devons continuer sur la ligne réformiste qui est la nôtre. Cette ligne réformiste comprend la construction européenne.
Q- Comment allez-vous exclure L. Fabius ? On dit que vous préparez une déclaration politique qui serait inacceptable pour lui, qu'il ne pourra pas signer et donc il partira ?
R- Vous voulez absolument m'entraîner dans la politique politicienne...
Q- Pas du tout, je veux essayer de savoir ce qui va se passer demain...
R- Eh bien, vous saurez demain ce qui se passera demain. Intéressons-nous plutôt à ce qui va se passer après-demain en Europe et dans notre pays. Et c'est autrement plus important que ce qui se passe à l'intérieur du Parti socialiste.
Q- Et que pensez-vous des propos d'A. Montebourg, qui est quand même député PS, qui disait hier dans Le Monde, que "le PS n'a pas de leader, pas de projet, nombre d'adhérents déchirent leur carte. Le parti est au bord de la crise de nerfs".
R- Il y a du vrai dans ce que dit A. Montebourg. Si le Parti socialiste avait été capable de proposer aux Français une alternative politique à la politique du Gouvernement, il aurait sans doute été plus facile de demander aux électeurs de faire le partage entre un vote protestataire contre le Gouvernement et le vote sur le traité. Mais comme nous n'avons pas, au cours des trois ans qui viennent de s'écouler, été en situation de proposer une alternative crédible aux Français, alors il y a eu cette sorte de vote mêlé, comprenant à la fois le rejet du Gouvernement et l'appréciation du traité. Nous avons donc une part importante de responsabilité.
Q- Croyez-vous que les règlements de compte qui auront lieu demain, en tentant de faire partir L. Fabius de sa position de numéro deux du PS, vont calmer la "crise de nerfs" au sein du parti ?
R- D'une part, je n'ai pas dit cela...
Q- Si, vous avez dit que vous souhaitiez le départ de L. Fabius...
R- Je dis qu'il faut une ligne politique claire dans un parti. Je ne souhaite le départ de personne. Je crois simplement qu'en effet, il faut une direction homogène, et dans ces conditions, cela conduit plutôt à ce que la direction ne s'organise pas avec L. Fabius - puisque vous voulez absolument que les formules soient dites.
Q- Non, mais il faut de la clarté, de la franchise...
R- Mais la franchise est totale. Je crois qu'il faut une ligne politique claire. Je ne peux pas continuer à militer, pour ma part, dans un parti politique dont la ligne politique serait évanescente. Et, comme elle a été divisée par certains, à partir d'un vote de militants qui est dans l'autre sens, depuis quelques mois, il faut en effet retrouver cette clarté.
Q- On dit qu'il y aura un congrès de clarification du PS pour préparer le grand rendez-vous, l'alternance en 2007, et pour cela, il faut un projet, vous y travaillez. Est-ce que ce non au référendum ne montre pas que vous êtes dans la difficulté pour trouvez une majorité pour faire élire votre candidat socialiste en 2007. Dites-moi si je résume bien : soit c'est le socialisme réformiste, une sorte de socialisme mou et ça ne plaît pas à l'électorat de gauche, les puristes, soit alors un socialisme de rupture, à gauche toute, mais là, vous risquez d'effrayer cette frange d'électeurs au centre, qui font les majorités. Est-ce que je résume
bien ?
R- Je ne sais pas. Je vais tenter de répondre, en tout cas, à la question que vous posez. Le socialisme de rupture, dont vous parlez, n'a jamais, dans l'histoire de notre pays, réussi à arriver au pouvoir et à changer les choses. Ce qui a changé les choses, que ce soit lorsque L. Blum était président du Conseil, que ce soit par la suite, quand F. Mitterrand a été élu en 1981, c'est un socialisme qui accepte de venir au pouvoir, de changer la réalité, sans doute de ne pas faire autant qu'il le souhaiterait, parce que les contraintes sont là, mais de faire avancer d'un pas. Et moi, j'ai toujours fait partie de ceux qui pensent que même si on voudrait faire dix pas en avant, lorsque l'on peut en faire un au bénéfice de ceux pour lesquels nous nous battons, de ce qui sont les plus démunis, les plus malheureux, il faut faire ce pas en avant.
Q- Vous vous trouvez, par exemple, un dénominateur commun avec M.-G. Buffet, O. Besancenot, J. Bové ?
R- Il faudra le chercher, mais à partir de nos positions. Il faut d'abord que le PS définisse son identité, ce qu'il veut faire, et ensuite, qu'il propose à ceux qui voudront travailler dans cette direction de le rejoindre. C n'est pas dans l'autre sens que nous devrons fonctionner.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2005)