Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur l'art de l'autoportrait et sur la célébration d'artistes vivants, Paris le 30 mars 2004.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "Moi ! Autoportraits du XXème Siècle" au Sénat le 30 mars 2004

Texte intégral

Mes chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'inaugurer aujourd'hui cette septième exposition au Musée du Luxembourg depuis que le Sénat a repris la responsabilité de sa programmation.
Comme vous le savez, le Musée du Luxembourg est à la fois le plus ancien musée de France puisque voulu par Marie de Médicis, et aussi, dès 1818, le premier Musée des Artistes vivants, musée d'Art moderne et contemporain.
Placé sous l'égide d'une Assemblée politique, il symbolise la place que doit tenir la Création dans la Cité, dans un pays comme le nôtre qui tient à une certaine idée de la Culture.
Nous avons choisi de célébrer tour à tour la Renaissance italienne et l'Art moderne. Après le succès de Botticelli, exposition présenté aujourd'hui à Florence, et ses 550.000 visiteurs, c'est le tour de l'Art moderne. Après Rodin, après l'aventure de Pont-Aven et Gauguin, après Modigliani, le Sénat a choisi de relever le défi que lui a proposé un commissaire talentueux, passionné et plein d'humour, Pascal Bonafoux, en présentant " Moi ! Autoportraits du XXème siècle ".
Quelle heureuse coïncidence d'abord, quelle conjonction entre les deux vocations du Musée ! Nous continuons à rendre hommage aux Médicis et en particulier à Léopoldo de Medici qui commença la fameuse collection des autoportraits de Florence ; par ailleurs, nous retrouvons la vocation du Musée de célébrer les artistes vivants.
Et je me réjouis qu'après avoir surpris - ceux qui voulaient l'être- en organisant des expositions d'art ancien avec des uvres majeures et des spécialistes aussi profonds que le regretté Daniel Arasse auquel je tiens à rendre hommage, le Sénat puisse encore une fois être là où on ne l'attend pas et surprendre encore par le choix de ce thème audacieux et par cette intrusion dans l'art le plus contemporain.
Qu'il me soit permis de saluer donc tous les artistes de notre temps, tous ceux, Baselitz, Bulatov, Zaborov, Zec et bien d'autres que je ne peux tous citer et qui nous font l'honneur d'être parmi nous aujourd'hui.
Avec eux, qui nous prêtent parfois des autoportraits intimes qu'ils gardaient par devers eux dans leur collection personnelle, je tiens à remercier tous les musées prêteurs français et étrangers, toutes les Fondations, toutes les galeries et tous les collectionneurs privés qui, par leur générosité, ont rendu cette exposition possible.
D'Israël, de Russie, de toute l'Europe, des Etats-Unis, - et je remercie particulièrement Madame Laurie Norton Moffatt du Musée de Stockbridge-, ce projet a rencontré un tel enthousiasme que nous avions recueilli plus de 220 accords de prêts : malheureusement, nous avons du renoncer avec douleur à bien des uvres, faute de place.
Le mérite de M. Hubert Le Gall, le brillant scénographe de cette exposition, dont nous avons apprécié la fraîcheur, l'enthousiasme et la part d'enfance sans laquelle il n'est pas possible de transmettre l'amour du beau, est justement d'avoir surmonté toutes ces contraintes pour mettre en scène avec clarté tous ces regards.
Une nouvelle fois, je tiens à saluer l'excellente organisation de M. Sylvestre Verger sur lequel repose, en étroite liaison avec le Sénat, le succès désormais confirmé du Musée du Luxembourg.
Et, aujourd'hui, c'est bien un tour de force qu'il nous faut saluer, un exercice inédit, le panthéon d'un siècle entier : De Vuillard à Arman, de Malevitch, Mondrian, Picasso, à Baselitz, Fromanger, Zoran Music ou Norman Rockwell, c'est toute l'histoire de ce siècle, notre histoire qui est convoquée.
L'artiste qui se regarde, qui se présente à nous, qui établit un manifeste de sa peinture, qui ouvre des voies nouvelles et qui nous dit : " c'est Moi ! ". Pascal Bonafoux dit mieux que je ne saurais le faire ? dans le catalogue et dans le très beau livre qu'il sort aux éditions Diane de Sellier, toutes les significations esthétiques, psychanalytiques ou historiques de l'autoportrait.
Comment, en tant que politique, ne pas être, au milieu de ces uvres, ému par le dernier autoportrait figuratif de Mondrian, qui marque le basculement dans la modernité géométrique du XXème siècle ? Emu par ce peintre polonais qui s'identifie en 1919 avec la Pologne renaissante. Emu par Zoran Music, dont l'uvre est placée sous le signe de l'épreuve des camps de concentration ?
Et pour finir ce siècle et rejeter en quelque sorte par un exorcisme de l'Art, le malheur dans les ténèbres du siècle écoulé, quel meilleur ponctuation que la sculpture de 2003 de Nicolas Alquin, ombre portée, dont on doit savoir qu'elle fait suite à celle, dédiée aux victimes des attentats, qui se trouve dans le jardin des Invalides : cet autoportrait symbolique a été conçu pour figurer à l'emplacement des deux tours jumelles de New-York, abattues par une nouvelle barbarie.
Ce double autoportrait qui nous dit peut-être comme un artiste peut le dire plus fortement qu'un autre: " je suis moi, l'autre est le même que moi, pourquoi tant de haine ? "
Je vous remercie.
(source http://www.senat.fr, le 2 avril 2004)