Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les avancées et les nouvelles perspectives de la la Politique européenne de sécurité et de défense, à Paris le 1er octobre 2005.

Prononcé le 1er octobre 2005

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture des 11èmes Rencontres internationales Eurodéfense, à Paris le 1er octobre 2005

Texte intégral

C'est un réel plaisir de clôturer ces 11ème Rencontres internationales Eurodéfense et de pouvoir par la même occasion ouvrir la session de l'Association nationale des auditeurs jeunes de l'IHEDN.
C'est un beau passage de relais entre ceux qui contribuent aujourd'hui à construire la défense européenne et ceux qui seront sans doute les acteurs de l'Europe de demain.
Vous avez choisi de vous réunir pour discuter ensemble des avancées et des nouvelles perspectives de la PESD.
Cela me conforte dans l'idée que l'Europe de la défense est le domaine de réflexion et d'action qui a été le moins affecté par les résultats négatifs des référendums sur le projet de traité constitutionnel.
Pour ceux qui s'inquiètent des difficultés de l'Europe, la défense apparaît bien comme l'un des rares antidotes au découragement.
La défense européenne continue de progresser sans heurt depuis près de trois ans maintenant. Elle ne dévie pas de ses objectifs.
Même pour un public peu au fait des questions de défense, l'Europe de la défense fait aujourd'hui la preuve de son existence dans des opérations importantes (1).
Cela ne doit en rien nous inciter à suspendre nos efforts pour construire une défense européenne forte. Il nous faut pour cela une réelle ambition capacitaire (2).
Il importe également de susciter l'adhésion la plus large possible des Européens sur
ce projet (3).
L'Union européenne est devenue un acteur crédible et reconnu dans la gestion des crises militaires.
La PESD est une réalité concrète sur le terrain
Elle s'est illustrée à de multiples reprises :
- par la réussite des opérations de gestion de crise de l'UE sur le terrain, comme en Macédoine et en République démocratique du Congo ;
- par la contribution d'unités et de contingents en majorité européens aux opérations de l'OTAN en Afghanistan, au Kosovo et en Bosnie ;
- par la relève de l'OTAN par l'UE en Bosnie en décembre 2004.
Dans le Darfour, l'Union européenne couvre un large spectre d'actions aux côtés de l'Union Africaine : police civile et militaire, soutien logistique, planification, transport stratégique, formation.
Les autres opérations en RDC (EUPOL) et en Indonésie (Aceh monitoring mission) permettent aux Européens de s'impliquer dans des domaines nouveaux.
Même si faibles en volume, elles renforcent la visibilité de l'Union comme acteur mondial.
Nous avons renforcé les outils lui permettant d'élargir son champ d'action
Notre ambition est de multiplier le nombre d'instruments à la disposition de l'Union en réponse à une crise.
Les principaux outils sont en place ou en cours d'établissement.
Ils permettent d'évaluer les situations de crise civile et militaire, d'élaborer une réponse politique adaptée et de lancer les actions nécessaires.
La création d'une Force de Gendarmerie Européenne avec mes homologues espagnol, portugais, italien et néerlandais répond à un besoin opérationnel avéré.
La FGE permettra de couvrir la totalité du spectre des missions de sécurité publique lors des différentes phases d'une crise, quelles que soient leurs intensités.
Nous avons également développé des capacités de réaction rapide autonomes.
Aujourd'hui 20 Etats membres et la Norvège se sont déjà engagés à former 13 groupements tactiques nationaux ou multinationaux.
Je regrette à cet égard que les discussions se concentrent aujourd'hui sur des comparaisons techniques entre la NRF et les groupements tactiques.
Les deux démarches sont techniquement et politiquement cohérentes.
Elles se renforcent mutuellement.
Il ne saurait être question toutefois d'un partage des rôles confinant les GT dans des missions de basse intensité.
Cela irait à l'encontre de la vision ambitieuse de la PESD que nous défendons.
Il faudra pouvoir aller plus loin
Il appartient à l'Europe d'utiliser ses capacités dans des opérations nouvelles et ambitieuses où elle pourra montrer l'étendue de ses savoir-faire.
Je souhaiterais que nous saisissions toute occasion de lancer une opération autonome significative.
La FGE peut être engagée sans délai sur un théâtre d'opération.
Je souhaite que nous ayons également l'occasion de déployer un groupement tactique sur une opération autonome, d'une intensité semblable à celle de l'opération Artémis.
Ces instruments apportent un complément concret et visible à la PESD.
Je souhaite aussi que le centre d'opération soit rapidement mobilisé.
Seul un centre européen permettra en effet aux citoyens européens de visualiser l'engagement de l'Union et de se l'approprier.
Pour accompagner les futures opérations de l'Union, nous devons développer une culture stratégique européenne commune.
C'est le sens de la création du Collège européen de défense et de sécurité, qui fonctionne déjà de manière exemplaire.
Je tiens à cet égard à encourager l'Amiral Dupont, qui en tant que directeur de l'IHEDN est mon représentant auprès du comité directeur du CESD.
Développer une culture stratégique commune, c'est aussi le sens de nos efforts pour rapprocher la formation des officiers.
Nous avons déjà beaucoup de coopérations bilatérales dans ce domaine qui peuvent servir de point de départ.
Je pense à la coopération franco-allemande pour la formation des pilotes de Tigre ou franco-belge pour la formation de pilotes de chasse.
Nous souhaitons maintenant étudier la faisabilité d'une formation pour les officiers de marine au sein d'un navire-école européen.
Le défi de faire de l'Union un acteur véritablement opérationnel ne sera relevé qu'à travers une réelle ambition capacitaire.
Le plan de développement des capacités
Il est vrai que les résultats du processus ECAP ne sont pour l'instant pas à la hauteur de nos espérances.
Toutefois, si ce processus n'a pas permis d'avancées spectaculaires en termes d'équipements, il contribue largement à développer un esprit de coopération, et surtout favorise l'interopérabilité.
Les capacités européennes se renforcent aussi en multilatéral par des programmes communs de coopération.
Les programmes A400M, NH90, TIGRE, missile METEOR, missile de croisière SCALP, FREMM, démonstrateurs d'avions de combat sans pilote (UCAV) participent à combler les lacunes capacitaires de l'Union.
Le partage de nos moyens est une autre voie.
Je pense aux travaux visant à permettre l'échange de droits d'accès entre nations dans le domaine spatial.
Il faut poursuivre encore nos efforts dans ce domaine.
Le comblement des lacunes ne pourra être acquis que grâce à un engagement fort des nations.
L'agence européenne de défense devrait impulser une nouvelle dynamique au développement capacitaire de l'Union européenne.
L'Agence constitue l'exemple même de ce que les Européens sont capables de faire pour faire progresser la construction européenne.
Je me réjouis du travail accompli depuis un an.
Le dynamisme est d'excellent augure pour améliorer les capacités militaires de l'Union.
L'agence va jouer un rôle-clé dans l'harmonisation des besoins et le lancement des programmes d'armement qui en découleront.
Dans le domaine de la recherche, elle devra aussi jouer un rôle de facilitateur et de fédérateur des efforts des Etats membres.
L'Europe doit rattraper son retard en la matière.
Il s'agit d'un enjeu d'autonomie : nous devons être capables de maîtriser les technologies critiques.
Il faut que l'Agence relance, ré-oriente et coordonne efficacement les travaux engagés pour améliorer les capacités militaires européennes.
Les domaines d'action ne manquent pas : drones, ravitaillement en vol, NRBC, pour n'en citer que quelques-uns.
Le spatial doit aussi constituer un champ d'action privilégié pour l'Agence.
L'Agence doit disposer des ressources à la hauteur de l'ambition que nous avons pour elle et des résultats concrets que nous en attendons.
Je suis personnellement déterminée à ne pas ménager le soutien français pour que l'Agence puisse prendre sa vraie place au coeur de la construction des capacités européennes.
Notre action en faveur de la défense européenne n'a de sens que si nous recueillons une adhésion forte des Européens.
Un constat : les Européens adhèrent massivement à l'idée d'une défense européenne
Les Européens savent que le développement de la PESD contribue à leur sécurité au quotidien.
Ils savent qu'un outil de défense crédible est un moyen pour l'Europe de faire porter sa voix, de renforcer son influence.
Ils savent que l'Europe, continent qui porte des valeurs, a une place à prendre dans l'équilibre multipolaire des relations internationales et se doit pour cela d'avoir un rôle renforcé pour la stabilité de ce monde.
Pourquoi le non l'a-t-il emporté en France et aux Pays-Bas lors du référendum sur la Constitution européenne ?
Parce que l'Europe se construit de façon trop éloignée des peuples.
Parce que la communication est insuffisante.
Je suis convaincue que la politique de sécurité et de défense est un atout précieux pour une Europe qui cherche comment mettre en oeuvre concrètement ses valeurs et ses références communes.
La Défense a un rôle clé à jouer pour relancer l'idée européenne
Ne commettons pas la même erreur que les pères fondateurs de l'Europe qui ont voulu faire la Communauté européenne de défense sans l'adhésion des populations.
La défense européenne ne saurait être un projet technocratique.
Les citoyens souhaitent une Europe plus visible, plus proche de leur préoccupations et agissant concrètement.
Je suis déterminée à répondre à leurs attentes.
Je souhaite engager le plus grand nombre de nos partenaires européens sur la même voie.
Je sais que beaucoup d'entre eux en ont la volonté.
Pour cela, les politiques doivent montrer leur détermination à avancer, y compris par des efforts budgétaires.
Il faut convaincre les opinions publiques de la nécessité d'investir pour l'avenir, y compris dans le domaine de la défense.
Il faut rappeler aux Européens que ces efforts ont des effets positifs dans d'autres domaines, comme celui de l'emploi ou de la recherche.
L'Europe de la sécurité et de la défense est une réalité que l'on peut aujourd'hui voir à l'uvre.
Elle a ses savoir-faire propres, ses instruments, ses modes de fonctionnement.
Elle s'inscrit dans une vision du monde et dans des valeurs propres aux citoyens de l'Union européenne.
Aujourd'hui, même les eurosceptiques considèrent que la dimension européenne de la défense est une évidence et une nécessité.
Il faut s'appuyer sur ce consensus pour approfondir la défense européenne, en faisant preuve de pragmatisme.
Le groupe Eurodéfense et l'Association nationale des auditeurs jeunes de l'IHEDN sont des outils remarquables pour relayer cette ambition, à tous les âges, dans tous les milieux professionnels, dans tous les pays d'Europe.
Je compte sur vous.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 octobre 2005)