Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités à BFM le 16 août 2005, sur le bilan de la réforme de l'assurance maladie la modération des dépenses de santé et la mise en place du choix du médecin traitant.

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Média : BFM

Texte intégral

Q- La réforme de l'assurance maladie a donc un an. Les premiers effets commencent à se faire sentir : les dépenses sont modérées depuis le début de l'année, le dispositif du médecin traitant se met en place, mais le plus dur sera de confirmer ces premiers essais - c'est en tout cas ce que laissent entendre les experts. Pour souffler tout de même cette première bougie, nous sommes en ligne ce matin avec X. Bertrand, le ministre de la Santé. Un an après, quel bilan tirez-vous de cette réforme que vous avez véritablement portée à bout de bras ?
R- Oui, avec P. Douste-Blazy, nous avons, à partir d'avril 2004, mis en place cette réforme, que certains disaient "impossible", et on s'aperçoit, un an après, que les premiers résultats sont là. Je dis bien "les premiers résultats", parce que, aujourd'hui, il n'est pas question du tout de crier "victoire". Mais on sent qu'il y a une véritable inversion de la tendance et qu'aujourd'hui, les dépenses d'assurance maladie sont beaucoup plus modérées et évoluent à un rythme qui va nous permettre, si nous continuons comme cela, à conserver notre système d'assurance maladie. Parce que l'enjeu était bien là. Il faut quand même se souvenir que, voilà un an et demi, nous avions un déficit que l'on nous annonçait de 16 milliards d'euros à la fin de l'année 2005. Nous serons, en réalité, à 8,3 milliards d'euros. Tout ceci n'est pas le fait du hasard ; c'est grâce à la réforme, et surtout, surtout, grâce aux efforts des Français et de tous les acteurs de l'assurance maladie.
Q- Pour autant, vous parlez justement de déficit. Effectivement, tout le monde s'accorde à dire que ce sera aux alentours de 8 milliards cette année...
R- 8,3 milliards, nous dit la Commission des comptes de la Sécurité sociale, c'est-à-dire moitié moins que ce qui était prévu s'il n'y avait pas eu la réforme. Tout cela pour montrer que la réforme, ça marche. Mais, encore une fois, il nous faut continuer, car nous nous sommes fixés un objectif, ce retour vers l'équilibre à la fin de l'année 2007.
Q- Justement, pour beaucoup, ce retour vers l'équilibre - je vous vois un peu prudent dans la formulation - ...
R- J'ai toujours eu la même formulation depuis maintenant quinze mois.
Q- Justement, ce retour vers l'équilibre, pour certains, paraît un petit peu hypothétique sans prendre des mesures complémentaires ; c'est notamment l'avis du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie... Ce n'est pas ce qu'écrit le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
R- Ce n'est pas ce qu'écrit le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie indique que nous sommes, cette année, normalement à 8,3 milliards d'euros - et je crois vraiment à cet objectif - mais qu'il faudra continuer à diminuer le déficit à la fin de l'année 2007 (sic) pour pouvoir revenir vers l'équilibre fin 2007. Et je tiens à indiquer que, fin 2006, nous continuerons à diminuer le déficit et nous serons donc en totale conformité avec ce qu'écrit le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Ce qui est vrai, c'est que si nous ne diminuons pas le déficit fin 2006, là, l'objectif s'éloignerait. Mais j'ai bien l'intention, avec P. Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, de faire un certain nombre de propositions pour que nous puissions continuer à diminuer le déficit. Mais, vous savez, quand on parle de système de santé, il ne s'agit pas d'avoir un regard qui serait un regard uniquement de comptable ; il s'agit bien, en diminuant les déficits, de permettre de redonner de l'oxygène à notre système de santé, et surtout à notre assurance maladie. Voilà pourquoi beaucoup d'acteurs ont les yeux rivés sur les déficits. Mais ce qui m'intéresse aussi, en même temps, c'est de mieux organiser le système de santé, et c'est surtout de mieux le gérer, parce que les Français veulent davantage de qualité dans leur système de santé.
Q- Mieux le gérer : est-ce que, pour le moment, d'une certaine manière, la plus grosse réussite n'est-elle pas ce changement de comportement des Français ? Parce que cela commence déjà à se voir, d'une certaine manière, dans les chiffres.
R- Vous avez raison de le souligner : s'il n'y a pas de changement des comportements, nous ne pourrons pas durablement conserver notre système d'assurance maladie. Ce changement des comportements que d'aucuns disait impossible est en train de se produire, parce que, premièrement, les Français sont très attachés à leur système d'assurance maladie et que, deuxièmement, ils ont le sentiment que les efforts que nous leur avons demandés sont des efforts qui sont tout à fait possibles et que cela vaut la peine de changer son comportement quand cela va nous permettre de garder cette Sécurité sociale, qui est héritée de la Libération. Un exemple, le médecin traitant : le médecin traitant, c'est avant tout le médecin de famille, celui qui vous connaît le mieux et qui va le mieux vous orienter si vous avez un problème de santé.
Q- Aujourd'hui, 58 % des Français l'ont choisi...
R- Ving-huit millions de Français - je ne sais pas si l'on se rend bien compte du chiffre - en quelques mois, 28 millions de Français ont fait la démarche, ont choisi leur médecin traitant. Et ce médecin traitant va nous permettre, non seulement d'être mieux pris en charge, par le
médecin qui vous connaît le mieux, et d'éviter aussi les consultations inutiles, parce que, dans de nombreuses situations, on peut être tenté d'aller faire soi-même le tour de certains spécialistes, alors qu'en fin de compte, si on va voir son généraliste en premier, directement, soit il vous soignera lui-même, soit il vous orientera directement, plus vite, vers le spécialiste dont vous avez besoin. C'est du temps gagné, ce sont des prescriptions secondaires économisées et ce sont aussi des consultations gagnées. Il y a aujourd'hui 15 % de consultations dans notre pays, d'actes médicaux, qui sont faits en double, qui ne servent à rien. Cela représente 1,5 milliard d'euros. Eh bien, ce milliard et demi d'euros, je préfère effectivement l'économiser pour mieux lutter contre le cancer ou contre les maladies orphelines, plutôt que de le jeter par les fenêtres en consultations inutiles.
Q- Et qu'en est-il de la carte Vitale 2 qui devait comporter la photo d'identité de l'assuré ? Afin de limiter les coûts, son déploiement, semble-t-il, devrait être étalé jusqu'en 2013 ?
R- C'est ce que j'ai lu, mais ce n'est pas ma position. Je tiens à vous dire que je suis très attaché à la carte Vitale 2 avec photo ; nous avons besoin de renouveler la carte Vitale 1, celle que nous avons, ce petit rectangle vert de plastique ; je pense qu'il faut personnaliser les choses, parce qu'il faut aussi...
Q- Est-ce que cela va se faire dans les délais prévus ?
R- J'ai l'intention de travailler avec la Caisse nationale d'assurance maladie sur ce sujet. Bien évidemment, il nous faut aussi avoir le meilleur rapport qualité/prix sur ce sujet. Je suis très attaché à ce que l'on tienne les délais et que cette carte Vitale avec photo soit bel et bien une réalité, parce qu'elle est importante au niveau de la responsabilisation, de la personnalisation. Et puis, aussi, elle nous permettra, par voie de conséquence, de diminuer les abus et les fraudes. Je suis très attaché à la bonne gestion de l'assurance maladie ; cela veut dire mettre un terme à tout ce qui peut être abusif et excessif dans notre système de santé.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 août 2005)