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La montée en puissance de l'économie chinoise est un des phénomènes majeurs de ce début de siècle. D'une certaine manière, il s'agit d'un retour à la normale : au cours de sa longue histoire, la Chine produisait généralement le quart de la richesse mondiale, et il a fallu une accumulation de désastres pour faire tomber cette proportion à 2 % au cours du siècle dernier.
La rapidité du rattrapage en cours ne peut que susciter l'admiration : la richesse produite par habitant a augmenté en moyenne de 8,5 % sur chacune des 25 dernières années. La Chine occupe désormais le sixième rang mondial en termes de PIB et le quatrième rang en termes de production industrielle. En 25 ans, les exportations chinoises sont passées de 1 à 4,3 % du total mondial et se situent désormais au quatrième rang mondial.
La réussite chinoise illustre les vertus d'une transition menée avec pragmatisme vers l'économie de marché. Elle montre aussi comment la mondialisation a permis de valoriser les atouts de la Chine. Parmi ces atouts, figure en premier lieu le réservoir de 740 millions de travailleurs, dont 150 à 200 millions, excédentaires dans les campagnes, constituent une masse migrante qui maintient une forte pression sur les salaires. Un autre atout, moins connu, est l'abondance de capitaux dans le système financier chinois, en raison de la croissance des revenus de la population et d'un taux d'épargne sans équivalent dans le monde. Mais c'est l'ouverture de la Chine à partir du début des années 1980 qui a entraîné l'extraordinaire croissance du pays.
Dans nul autre pays que la Chine, les entreprises étrangères n'ont en effet joué un rôle aussi important dans le développement industriel. Malgré une contribution modeste à l'investissement total, de l'ordre de 10 %, les investissements directs étrangers ont permis à la fois un saut qualitatif de la production et une insertion rapide dans les circuits de distribution internationaux qui auraient sans cela demandé des décennies. Contrepartie de cette ouverture, 54 % du commerce extérieur chinois est aujourd'hui réalisé par des entreprises à capitaux étrangers. Dans ce contexte de segmentation des processus de production, la répartition des bénéfices n'est pas toujours celle que l'on croit. Sur 10 euros payés par un consommateur occidental pour un produit importé de Chine, 7 euros rétribueront en moyenne le circuit d'importation, la distribution et la TVA, sur les 3 euros restant payés à l'exportateur chinois, 1 euro reviendra à différents fournisseurs de biens intermédiaires ou d'équipement (machines-outils européennes, circuits intégrés ou textile taïwanais, énergie du Moyen-Orient...), ce qui ne laisse in fine qu'environ 2 euros sur place.
Une fois les coûts de fonctionnement locaux retirés, une partie des bénéfices reviendra même vers le pays investisseur lorsqu'il s'agit d'entreprises étrangères implantées en Chine. Ces rapatriements de bénéfices sont d'ores et déjà loin d'être négligeables et représentent 15 milliards d'euros par an, soit le même ordre de grandeur que l'excédent commercial chinois.
On l'aura bien compris : nous aussi, nous figurons parmi les bénéficiaires de la percée du made in China, en tant que consommateurs de produits moins chers, en tant qu'exportateurs de biens intermédiaires, en tant qu'investisseurs. De nombreuses entreprises françaises l'ont déjà bien compris : plus de 3000 d'entre elles ont exporté en 2003 environ 4 milliards d'euros vers la Chine. Environ 500 entreprises françaises se sont également implantées en Chine où elles emploient 150.000 personnes. Ces investissements en Chine sont principalement destinés à servir le marché intérieur chinois mais ils permettent également à nos entreprises d'améliorer leur compétitivité globale et leur position sur les autres marchés, notamment en Asie.
Certes, la production chinoise vient aussi concurrencer nos propres producteurs, parfois durement. Depuis les années 70, notre tissu industriel a connu déjà plusieurs vagues de restructurations. Le décollage de la Chine conduit à des difficultés pour un certain nombre de nos entreprises, souvent traditionnelles, ce qui est difficile à gérer dans les bassins d'emplois fragiles. Mais ce sont surtout les pays à revenus intermédiaires qui souffrent de la concurrence chinoise. Celle-ci concerne principalement les pays émergents qui travaillent dans les mêmes filières textiles et électroniques que la Chine, en Asie, au Mexique ou en Afrique du Nord.
Le développement du marché intérieur chinois sera le fait marquant de l'émergence de la Chine. Nos entreprises n'ont pas d'autres choix que de s'y intéresser. C'est un marché difficile qui nécessite une préparation adéquate et un grand professionnalisme de la part de nos entreprises, mais son taux de croissance le rend particulièrement attractif. Car si la soif d'importations de la machine exportatrice chinoise est en passe de devenir le moteur de la région, les besoins du consommateur chinois en produits étrangers ont eux vocation à prendre une place de choix dans la croissance économique mondiale.
Nos exportations vers la Chine tirent dès à présent parti de cette évolution : + 80 % dans les biens d'équipements, mais aussi + 48 % dans l'automobile, + 33 % dans l'agroalimentaire. En 2003, la Chine est passée devant la Suède, le Portugal, la Pologne et l'Algérie pour devenir notre dixième client. Dans un contexte de tassement du commerce global et malgré l'appréciation de l'euro par rapport à la monnaie chinoise, il est remarquable que nos exportations vers la Chine aient progressé de 40 % en 2003.
Le partenariat économique avec la Chine ne doit pas être le seul fait de grands groupes Comme les entreprises italiennes ou allemandes, nos PME doivent dès maintenant tirer partie de la croissance de cet immense marché. La coopération économique franco-chinoise progresse. En matière de transport ferroviaire ou urbain, d'environnement, pour la production d'énergie, dans l'aéronautique, des projets structurants pourraient permettre de franchir une nouvelle étape dans les relations franco-chinoises
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2004)