Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Messieurs les Présidents des institutions régionales,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de cette première occasion qui m'est aujourd'hui offerte de m'exprimer devant vous, qui représentez ces quinze pays au coeur de nos actions de coopération.
J'en suis d'autant plus heureuse que cette rencontre intervient à un moment particulier, en cette année 2005 qui est celle du développement. Le point d'orgue en a été le sommet des chefs d'Etats et de gouvernements qui s'est tenu aux Nations unies la semaine dernière et où j'ai accompagné le Premier ministre, Dominique de Villepin.
Certains ont pu dire que la déclaration finale de ce sommet manquait d'ambition ou ne répondait pas à toutes les attentes. Pour ma part, je pense à l'inverse que ce texte comporte des avancées tout à fait significatives, et je voudrais ici rendre un hommage particulier au président de l'Assemblée générale, le ministre des Affaires étrangères du Gabon, M. Jean Ping, qui a su faire preuve d'une subtilité et d'une habileté remarquables. Sans son intervention, je ne suis pas certaine que ce sommet aurait été un succès.
En matière de développement, bon nombre de progrès ont été enregistrés. Ce domaine représente à lui seul la moitié de la déclaration finale des chefs d'Etat, et je voudrais mettre en exergue trois éléments significatifs de ces conclusions :
- D'abord, l'harmonisation des objectifs internationaux est réaffirmée. Nous avions craint à un moment que les Etats-Unis ne remettent en cause les Objectifs du Millénaire pour le développement. C'est tout le contraire qui s'est produit, puisque pour la première fois le président des Etats-Unis d'Amérique a repris ce terme dans ses propos.
- Ensuite, la priorité à l'Afrique est bien identifiée, et le NEPAD est placé par l'ensemble des pays des Nations unies au coeur du partenariat avec ce continent.
- S'agissant enfin du financement du développement, la nécessité d'augmenter l'aide de 50 milliards de dollars d'ici 2010, dont 25 pour l'Afrique, est rappelée. Les sources innovantes sont également mentionnées, et notamment la proposition de prélèvement de solidarité assis sur les billets d'avions.
Sur ce dernier point, une réunion particulière a été organisée en marge du sommet par les dirigeants algérien, allemand, brésilien, chilien, espagnol et français. Elle a connu un vif succès, et ce sont 66 pays qui ont souscrit à la déclaration conjointe soutenant ce projet. Afin de lui donner la traduction concrète la plus large et la plus rapide possible, le président Chirac a annoncé que notre pays accueillerait en février 2006 une conférence ministérielle. Parmi les pays de la zone franc, 9 font déjà partie de ce groupe de 66. Je m'en félicite, et ne peux qu'encourager les 6 d'entre vous qui ne nous ont pas encore rejoints à le faire au plus vite. C'est en effet par cette voie que nous pourrons apporter les ressources durables et stables dont l'Afrique a besoin.
Mais ce sommet de New York est aussi venu conforter celui du G8, qui s'était tenu à Gleneagles quelques semaines plus tôt. A cette occasion, le partenariat du G8 avec l'Afrique a été réaffirmé, et surtout une annulation exceptionnelle de l'ensemble de la dette des pays pauvres très endettés a été décidée. L'ensemble de ces annulations devrait porter sur environ 55 milliards de dollars. Plusieurs pays de la zone franc verront ainsi totalement annulée leur dette vis-à-vis du FMI, de l'Association internationale de développement et du Fonds africain de développement.
Cette mesure représente une avancée historique, mais il ne saurait être question de s'en satisfaire, et ce pour deux raisons :
- d'une part, ce ne sont pas les allègements de dette qui créent à eux seuls les conditions du développement. Sans les efforts quotidiens de bonne gestion pour sortir de la pauvreté, toute action venue de l'extérieur serait vaine ;
- d'autre part, ces allègements de dette représentent un apport financier de 1,5 milliard de dollars par an pour les pays bénéficiaires, montant certes appréciable, mais bien insuffisant comparé aux 50 milliards dont je parlais il y a un instant. C'est pourquoi les efforts en matière d'augmentation de l'aide publique au développement doivent être poursuivis. C'est aussi pourquoi la mise en oeuvre de sources innovantes de financement est une nécessité absolue.
Au total, ces sommets ont été des étapes importantes pour faire progresser la lutte contre la pauvreté. Néanmoins, beaucoup reste à faire, et mes récents déplacements en Afrique m'ont permis de mesurer l'ampleur des enjeux.
C'est pourquoi je souhaite aujourd'hui vous dire comment la France entend mettre en uvre ses engagements en matière de développement : elle compte y parvenir, d'une part, en augmentant son aide, et, d'autre part, en améliorant son efficacité et sa prévisibilité.
Tout d'abord, l'augmentation de notre aide
Le président de la République s'est engagé en 2002 à Monterrey à porter progressivement l'aide publique au développement française à 0,7 % du revenu national brut d'ici 2012. Nous sommes en bonne voie. Partis de 0,32 % en 2001, nous avons atteint 0,42 % en 2004 et nous prévoyons de faire au moins 0,47 % en 2006.
Dans cette perspective, la priorité de la France est et restera le continent africain, auquel nous consacrons les deux tiers de notre aide bilatérale. La France plaide par ailleurs auprès de ses partenaires européens pour que cette priorité soit partagée.
La France préside le Club de Paris et joue à ce titre un rôle actif en matière d'annulation de dette. Elle est ainsi l'un des tout premiers contributeurs bilatéral à l'initiative sur l'allégement de la dette des pays pauvres très endettés.
Nous avons également très sensiblement augmenté notre aide multilatérale. Cette situation nous met aujourd'hui en première place au sein de trois des plus grands fonds multilatéraux affectés à l'Afrique :
- nous sommes devenus cette année le premier contributeur au Fonds africain de développement ;
- début septembre, à Londres, j'ai pu annoncer le doublement de la contribution française, qui fait de nous le premier contributeur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme ;
- nous restons par ailleurs le premier contributeur au Fonds européen de développement.
Mais notre effort multilatéral ne se limite pas à ces trois fonds. Nous allons en trois ans plus que doubler nos contributions volontaires aux Nations unies. Nous avons également augmenté de 40 % nos contributions à l'Association internationale de développement, le bras concessionnel de la Banque mondiale dont nous avons une fois de plus obtenu qu'il soit consacré pour moitié au moins au continent africain.
Toutes ces contributions multilatérales nous permettent d'augmenter notre aide rapidement et dans de bonnes conditions d'efficacité. Cela ne signifie en rien que nous comptons diminuer nos efforts en matière d'aide bilatérale.
Au contraire, le gouvernement compte présenter au Parlement dans les semaines qui viennent un projet de budget pour 2006 qui prévoira une augmentation sensible des nouveaux projets, en particulier ceux portés par l'Agence française de Développement, qu'il s'agisse de ses prêts ou de ses dons.
Au-delà de cet effort de son budget général, la France entend participer pleinement aux initiatives en matière de financement innovant :
Le président de la République a ainsi demandé fin août au gouvernement de prendre toutes les dispositions pour mettre en oeuvre dès 2006 un prélèvement de solidarité sur les billets d'avions. Les ressources mobilisées pourraient être consacrées dans un premier temps à la lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et autres pandémies. Et nous savons tous combien ces maux affectent tout particulièrement l'Afrique. C'est pourquoi nous avons défendu ce projet avec énergie et conviction.
Par ailleurs, Thierry Breton a annoncé il y a 10 jours que nous allions contribuer à hauteur du quart à la facilité financière internationale appliquée à la vaccination, qui permettra de dégager 4 milliards de dollars en faveur du fonds GAVI (Agence mondiale pour les vaccins et la vaccination).
Mais cette augmentation de l'aide ne saurait se concevoir sans amélioration de son efficacité.
C'est une nécessité pour les pays bénéficiaires, mais c'est aussi une exigence pour emporter la conviction du citoyen français, parfois sceptique sur l'utilité des 1000 milliards de dollars que le monde a consacré à l'Afrique depuis les indépendances.
Je compte donc sur notre action conjointe pour démontrer à nos concitoyens l'utilité de l'aide publique au développement. C'est aussi important pour convaincre le Parlement français d'accorder de nouvelles mobilisations financières conséquentes en soulignant que :
Moins de pauvreté en Afrique, c'est moins de flux migratoires incontrôlés : il nous faut démontrer, par des actions concrètes, que l'aide française fournit des emplois à ceux qui seraient tentés de partir en trouver ailleurs en Occident.
Moins de pauvreté en Afrique, c'est aussi la limitation de la transmission des maladies : il nous faut démontrer que, grâce à l'aide française, les malades sont mieux soignés.
Mais cette mobilisation accrue des financements internationaux doit s'accompagner, pour être efficace, d'une mobilisation chaque jour plus active des ressources intérieures des pays bénéficiaires. A cet égard, l'amélioration de la collecte des impôts et la réduction de l'évasion fiscale sont capitales. La bonne gestion des affaires publiques en agissant fermement contre la corruption est aussi essentielle. Enfin, l'activité du secteur privé doit être encouragée, en lui offrant un cadre juridique et judiciaire de qualité.
Messieurs les Ministres,
Les efforts que vous menez pour augmenter les ressources budgétaires doivent être poursuivis sans relâche. C'est à ce prix que vous pourrez accroître votre maîtrise des politiques et des stratégies de développement.
Dans cette recherche de résultats, l'action multilatérale est également importante, et l'année 2005 restera marquée par l'adoption de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide. Les grands principes de cette déclaration s'inscrivent en effet dans une logique de responsabilité mutuelle du développement.
Je compte, pour ma part, faire tout ce qu'il faut pour que l'aide française remplisse bien son impératif d'efficacité. Grâce à la réforme de la coopération engagée l'an dernier, qui comprend une meilleure organisation de notre dispositif, le gouvernement français a désormais entre ses mains des outils adaptés.
La leçon que je retiens de mon récent déplacement au Niger me conduit en particulier à considérer qu'il faut revoir le lien entre urgence et développement, que l'on dissocie trop souvent, à tort. Voilà une crise dont les causes sont essentiellement structurelles. Or elle est présentée dans tous les médias comme une situation d'urgence humanitaire. Le problème n'est pas une attention excessive sur cette crise malheureusement trop peu exceptionnelle, mais le manque d'attention sur d'innombrables crises similaires ailleurs dans le monde. Je souhaite que nous puissions mieux assurer la cohérence entre le court terme et le moyen terme, entre l'urgence et le développement.
Je compte également tirer pleinement parti de la réforme engagée en 2004, qui confie au ministre de la Coopération le pilotage stratégique de toute l'aide au développement, ainsi que la tutelle des établissements français, et l'influence multilatérale.
Avec chacun de ses partenaires, la France va signer un véritable contrat de développement pour une période de 5 ans. Ces contrats appelés "documents-cadres de partenariat" doivent devenir de véritables outils opérationnels, listant en particulier les projets qui seront réalisés au cours des cinq prochaines années, avec des plans de financement précis et la liste des bailleurs de fonds prêts à y participer. Il conviendra de toujours bien veiller à inclure l'ensemble des actions françaises, y compris celles réalisées par les établissements publics, l'Agence française de Développement, bien entendu, mais également les établissements de recherche comme le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ou l'Institut de recherche pour le développement (IRD), les différents GIP ministériels, etc. Ces documents-cadres devront rendre l'aide française mieux harmonisée et plus prévisible, gages essentiels de son efficacité.
Avant de conclure, je voudrais dire un mot des assemblées annuelles qui se dérouleront en fin de semaine à Washington. Lors du comité du développement, je compte rappeler la priorité qui s'attache au développement de l'Afrique. Le plan d'action de la Banque mondiale pour ce continent constitue un bon cadre de travail. Il permettra notamment une meilleure harmonisation entre bailleurs de fonds.
Mais je compte également y rappeler que cette priorité africaine doit se décliner dans tous les domaines, notamment lorsqu'il s'agira d'allouer l'aide supplémentaire que nous nous sommes engagés à mobiliser d'ici 2010.
Il doit en aller de même dans les relations commerciales. A quelques mois de la réunion de Hong Kong, la France souhaite qu'un régime spécifique soit octroyé aux pays africains. Certains cherchent à créer la confusion dans les esprits en prônant une libéralisation commerciale totale du secteur de l'agriculture. Or les études montrent bien qu'une telle libéralisation profiterait avant tout aux pays membres du groupe de Cairns tels que l'Australie, le Brésil, le Canada ou la Nouvelle Zélande, mais bien peu au continent africain.
Ne nous trompons pas de combat. Oui, il faut réformer les agricultures des pays développés pour éviter que celles-ci ne créent des distorsions sur le marché mondial, et c'est la voie choisie par l'Union européenne. Oui, il faut accorder des exemptions de droits de douane pour les pays africains, comme le fait l'Union Européenne, qui accueille à elle seule plus de la moitié des exportations africaines. Mais il faut aller plus loin, il faut que tous les pays du monde, y compris les pays à revenu intermédiaire, accordent des préférences similaires à l'Afrique. Il faut envisager sérieusement le moratoire immédiat sur toutes les subventions agricoles à l'exportation à destination de l'Afrique que le président Chirac a proposé il y a deux ans et qu'il a rappelé dans son discours aux ambassadeurs français il y a trois semaines. Il faut traiter de manière égale tous les régimes générateurs de distorsions que peuvent utiliser les pays du Nord, y compris les exportations subventionnées de céréales ou l'aide alimentaire qui obéissent parfois à des logiques d'écoulement des surplus nationaux.
Parmi tous les produits agricoles, le coton est sans doute le plus emblématique de l'existence de telles distorsions. Une action résolue s'impose pour permettre aux pays d'Afrique du Centre et de l'Ouest de profiter pleinement des avantages comparatifs dont ils disposent sur le marché mondial, et pour permettre aux cours internationaux, déprimés par les exportations subventionnées d'Amérique du Nord, de retrouver un niveau suffisant pour faire vivre décemment des millions de paysans africains.
Vous le voyez, Messieurs les Ministres, l'Afrique est plus que jamais présente au coeur de notre action.
Soyez donc assurés de pouvoir compter sur mon soutien pour porter la voix de ce continent partout où ce sera utile.
En retour, je compte aussi sur le vôtre pour m'aider à défendre notre vision commune d'une mondialisation plus solidaire, et d'une aide plus efficace.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2005)
Messieurs les Gouverneurs,
Messieurs les Présidents des institutions régionales,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de cette première occasion qui m'est aujourd'hui offerte de m'exprimer devant vous, qui représentez ces quinze pays au coeur de nos actions de coopération.
J'en suis d'autant plus heureuse que cette rencontre intervient à un moment particulier, en cette année 2005 qui est celle du développement. Le point d'orgue en a été le sommet des chefs d'Etats et de gouvernements qui s'est tenu aux Nations unies la semaine dernière et où j'ai accompagné le Premier ministre, Dominique de Villepin.
Certains ont pu dire que la déclaration finale de ce sommet manquait d'ambition ou ne répondait pas à toutes les attentes. Pour ma part, je pense à l'inverse que ce texte comporte des avancées tout à fait significatives, et je voudrais ici rendre un hommage particulier au président de l'Assemblée générale, le ministre des Affaires étrangères du Gabon, M. Jean Ping, qui a su faire preuve d'une subtilité et d'une habileté remarquables. Sans son intervention, je ne suis pas certaine que ce sommet aurait été un succès.
En matière de développement, bon nombre de progrès ont été enregistrés. Ce domaine représente à lui seul la moitié de la déclaration finale des chefs d'Etat, et je voudrais mettre en exergue trois éléments significatifs de ces conclusions :
- D'abord, l'harmonisation des objectifs internationaux est réaffirmée. Nous avions craint à un moment que les Etats-Unis ne remettent en cause les Objectifs du Millénaire pour le développement. C'est tout le contraire qui s'est produit, puisque pour la première fois le président des Etats-Unis d'Amérique a repris ce terme dans ses propos.
- Ensuite, la priorité à l'Afrique est bien identifiée, et le NEPAD est placé par l'ensemble des pays des Nations unies au coeur du partenariat avec ce continent.
- S'agissant enfin du financement du développement, la nécessité d'augmenter l'aide de 50 milliards de dollars d'ici 2010, dont 25 pour l'Afrique, est rappelée. Les sources innovantes sont également mentionnées, et notamment la proposition de prélèvement de solidarité assis sur les billets d'avions.
Sur ce dernier point, une réunion particulière a été organisée en marge du sommet par les dirigeants algérien, allemand, brésilien, chilien, espagnol et français. Elle a connu un vif succès, et ce sont 66 pays qui ont souscrit à la déclaration conjointe soutenant ce projet. Afin de lui donner la traduction concrète la plus large et la plus rapide possible, le président Chirac a annoncé que notre pays accueillerait en février 2006 une conférence ministérielle. Parmi les pays de la zone franc, 9 font déjà partie de ce groupe de 66. Je m'en félicite, et ne peux qu'encourager les 6 d'entre vous qui ne nous ont pas encore rejoints à le faire au plus vite. C'est en effet par cette voie que nous pourrons apporter les ressources durables et stables dont l'Afrique a besoin.
Mais ce sommet de New York est aussi venu conforter celui du G8, qui s'était tenu à Gleneagles quelques semaines plus tôt. A cette occasion, le partenariat du G8 avec l'Afrique a été réaffirmé, et surtout une annulation exceptionnelle de l'ensemble de la dette des pays pauvres très endettés a été décidée. L'ensemble de ces annulations devrait porter sur environ 55 milliards de dollars. Plusieurs pays de la zone franc verront ainsi totalement annulée leur dette vis-à-vis du FMI, de l'Association internationale de développement et du Fonds africain de développement.
Cette mesure représente une avancée historique, mais il ne saurait être question de s'en satisfaire, et ce pour deux raisons :
- d'une part, ce ne sont pas les allègements de dette qui créent à eux seuls les conditions du développement. Sans les efforts quotidiens de bonne gestion pour sortir de la pauvreté, toute action venue de l'extérieur serait vaine ;
- d'autre part, ces allègements de dette représentent un apport financier de 1,5 milliard de dollars par an pour les pays bénéficiaires, montant certes appréciable, mais bien insuffisant comparé aux 50 milliards dont je parlais il y a un instant. C'est pourquoi les efforts en matière d'augmentation de l'aide publique au développement doivent être poursuivis. C'est aussi pourquoi la mise en oeuvre de sources innovantes de financement est une nécessité absolue.
Au total, ces sommets ont été des étapes importantes pour faire progresser la lutte contre la pauvreté. Néanmoins, beaucoup reste à faire, et mes récents déplacements en Afrique m'ont permis de mesurer l'ampleur des enjeux.
C'est pourquoi je souhaite aujourd'hui vous dire comment la France entend mettre en uvre ses engagements en matière de développement : elle compte y parvenir, d'une part, en augmentant son aide, et, d'autre part, en améliorant son efficacité et sa prévisibilité.
Tout d'abord, l'augmentation de notre aide
Le président de la République s'est engagé en 2002 à Monterrey à porter progressivement l'aide publique au développement française à 0,7 % du revenu national brut d'ici 2012. Nous sommes en bonne voie. Partis de 0,32 % en 2001, nous avons atteint 0,42 % en 2004 et nous prévoyons de faire au moins 0,47 % en 2006.
Dans cette perspective, la priorité de la France est et restera le continent africain, auquel nous consacrons les deux tiers de notre aide bilatérale. La France plaide par ailleurs auprès de ses partenaires européens pour que cette priorité soit partagée.
La France préside le Club de Paris et joue à ce titre un rôle actif en matière d'annulation de dette. Elle est ainsi l'un des tout premiers contributeurs bilatéral à l'initiative sur l'allégement de la dette des pays pauvres très endettés.
Nous avons également très sensiblement augmenté notre aide multilatérale. Cette situation nous met aujourd'hui en première place au sein de trois des plus grands fonds multilatéraux affectés à l'Afrique :
- nous sommes devenus cette année le premier contributeur au Fonds africain de développement ;
- début septembre, à Londres, j'ai pu annoncer le doublement de la contribution française, qui fait de nous le premier contributeur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme ;
- nous restons par ailleurs le premier contributeur au Fonds européen de développement.
Mais notre effort multilatéral ne se limite pas à ces trois fonds. Nous allons en trois ans plus que doubler nos contributions volontaires aux Nations unies. Nous avons également augmenté de 40 % nos contributions à l'Association internationale de développement, le bras concessionnel de la Banque mondiale dont nous avons une fois de plus obtenu qu'il soit consacré pour moitié au moins au continent africain.
Toutes ces contributions multilatérales nous permettent d'augmenter notre aide rapidement et dans de bonnes conditions d'efficacité. Cela ne signifie en rien que nous comptons diminuer nos efforts en matière d'aide bilatérale.
Au contraire, le gouvernement compte présenter au Parlement dans les semaines qui viennent un projet de budget pour 2006 qui prévoira une augmentation sensible des nouveaux projets, en particulier ceux portés par l'Agence française de Développement, qu'il s'agisse de ses prêts ou de ses dons.
Au-delà de cet effort de son budget général, la France entend participer pleinement aux initiatives en matière de financement innovant :
Le président de la République a ainsi demandé fin août au gouvernement de prendre toutes les dispositions pour mettre en oeuvre dès 2006 un prélèvement de solidarité sur les billets d'avions. Les ressources mobilisées pourraient être consacrées dans un premier temps à la lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et autres pandémies. Et nous savons tous combien ces maux affectent tout particulièrement l'Afrique. C'est pourquoi nous avons défendu ce projet avec énergie et conviction.
Par ailleurs, Thierry Breton a annoncé il y a 10 jours que nous allions contribuer à hauteur du quart à la facilité financière internationale appliquée à la vaccination, qui permettra de dégager 4 milliards de dollars en faveur du fonds GAVI (Agence mondiale pour les vaccins et la vaccination).
Mais cette augmentation de l'aide ne saurait se concevoir sans amélioration de son efficacité.
C'est une nécessité pour les pays bénéficiaires, mais c'est aussi une exigence pour emporter la conviction du citoyen français, parfois sceptique sur l'utilité des 1000 milliards de dollars que le monde a consacré à l'Afrique depuis les indépendances.
Je compte donc sur notre action conjointe pour démontrer à nos concitoyens l'utilité de l'aide publique au développement. C'est aussi important pour convaincre le Parlement français d'accorder de nouvelles mobilisations financières conséquentes en soulignant que :
Moins de pauvreté en Afrique, c'est moins de flux migratoires incontrôlés : il nous faut démontrer, par des actions concrètes, que l'aide française fournit des emplois à ceux qui seraient tentés de partir en trouver ailleurs en Occident.
Moins de pauvreté en Afrique, c'est aussi la limitation de la transmission des maladies : il nous faut démontrer que, grâce à l'aide française, les malades sont mieux soignés.
Mais cette mobilisation accrue des financements internationaux doit s'accompagner, pour être efficace, d'une mobilisation chaque jour plus active des ressources intérieures des pays bénéficiaires. A cet égard, l'amélioration de la collecte des impôts et la réduction de l'évasion fiscale sont capitales. La bonne gestion des affaires publiques en agissant fermement contre la corruption est aussi essentielle. Enfin, l'activité du secteur privé doit être encouragée, en lui offrant un cadre juridique et judiciaire de qualité.
Messieurs les Ministres,
Les efforts que vous menez pour augmenter les ressources budgétaires doivent être poursuivis sans relâche. C'est à ce prix que vous pourrez accroître votre maîtrise des politiques et des stratégies de développement.
Dans cette recherche de résultats, l'action multilatérale est également importante, et l'année 2005 restera marquée par l'adoption de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide. Les grands principes de cette déclaration s'inscrivent en effet dans une logique de responsabilité mutuelle du développement.
Je compte, pour ma part, faire tout ce qu'il faut pour que l'aide française remplisse bien son impératif d'efficacité. Grâce à la réforme de la coopération engagée l'an dernier, qui comprend une meilleure organisation de notre dispositif, le gouvernement français a désormais entre ses mains des outils adaptés.
La leçon que je retiens de mon récent déplacement au Niger me conduit en particulier à considérer qu'il faut revoir le lien entre urgence et développement, que l'on dissocie trop souvent, à tort. Voilà une crise dont les causes sont essentiellement structurelles. Or elle est présentée dans tous les médias comme une situation d'urgence humanitaire. Le problème n'est pas une attention excessive sur cette crise malheureusement trop peu exceptionnelle, mais le manque d'attention sur d'innombrables crises similaires ailleurs dans le monde. Je souhaite que nous puissions mieux assurer la cohérence entre le court terme et le moyen terme, entre l'urgence et le développement.
Je compte également tirer pleinement parti de la réforme engagée en 2004, qui confie au ministre de la Coopération le pilotage stratégique de toute l'aide au développement, ainsi que la tutelle des établissements français, et l'influence multilatérale.
Avec chacun de ses partenaires, la France va signer un véritable contrat de développement pour une période de 5 ans. Ces contrats appelés "documents-cadres de partenariat" doivent devenir de véritables outils opérationnels, listant en particulier les projets qui seront réalisés au cours des cinq prochaines années, avec des plans de financement précis et la liste des bailleurs de fonds prêts à y participer. Il conviendra de toujours bien veiller à inclure l'ensemble des actions françaises, y compris celles réalisées par les établissements publics, l'Agence française de Développement, bien entendu, mais également les établissements de recherche comme le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ou l'Institut de recherche pour le développement (IRD), les différents GIP ministériels, etc. Ces documents-cadres devront rendre l'aide française mieux harmonisée et plus prévisible, gages essentiels de son efficacité.
Avant de conclure, je voudrais dire un mot des assemblées annuelles qui se dérouleront en fin de semaine à Washington. Lors du comité du développement, je compte rappeler la priorité qui s'attache au développement de l'Afrique. Le plan d'action de la Banque mondiale pour ce continent constitue un bon cadre de travail. Il permettra notamment une meilleure harmonisation entre bailleurs de fonds.
Mais je compte également y rappeler que cette priorité africaine doit se décliner dans tous les domaines, notamment lorsqu'il s'agira d'allouer l'aide supplémentaire que nous nous sommes engagés à mobiliser d'ici 2010.
Il doit en aller de même dans les relations commerciales. A quelques mois de la réunion de Hong Kong, la France souhaite qu'un régime spécifique soit octroyé aux pays africains. Certains cherchent à créer la confusion dans les esprits en prônant une libéralisation commerciale totale du secteur de l'agriculture. Or les études montrent bien qu'une telle libéralisation profiterait avant tout aux pays membres du groupe de Cairns tels que l'Australie, le Brésil, le Canada ou la Nouvelle Zélande, mais bien peu au continent africain.
Ne nous trompons pas de combat. Oui, il faut réformer les agricultures des pays développés pour éviter que celles-ci ne créent des distorsions sur le marché mondial, et c'est la voie choisie par l'Union européenne. Oui, il faut accorder des exemptions de droits de douane pour les pays africains, comme le fait l'Union Européenne, qui accueille à elle seule plus de la moitié des exportations africaines. Mais il faut aller plus loin, il faut que tous les pays du monde, y compris les pays à revenu intermédiaire, accordent des préférences similaires à l'Afrique. Il faut envisager sérieusement le moratoire immédiat sur toutes les subventions agricoles à l'exportation à destination de l'Afrique que le président Chirac a proposé il y a deux ans et qu'il a rappelé dans son discours aux ambassadeurs français il y a trois semaines. Il faut traiter de manière égale tous les régimes générateurs de distorsions que peuvent utiliser les pays du Nord, y compris les exportations subventionnées de céréales ou l'aide alimentaire qui obéissent parfois à des logiques d'écoulement des surplus nationaux.
Parmi tous les produits agricoles, le coton est sans doute le plus emblématique de l'existence de telles distorsions. Une action résolue s'impose pour permettre aux pays d'Afrique du Centre et de l'Ouest de profiter pleinement des avantages comparatifs dont ils disposent sur le marché mondial, et pour permettre aux cours internationaux, déprimés par les exportations subventionnées d'Amérique du Nord, de retrouver un niveau suffisant pour faire vivre décemment des millions de paysans africains.
Vous le voyez, Messieurs les Ministres, l'Afrique est plus que jamais présente au coeur de notre action.
Soyez donc assurés de pouvoir compter sur mon soutien pour porter la voix de ce continent partout où ce sera utile.
En retour, je compte aussi sur le vôtre pour m'aider à défendre notre vision commune d'une mondialisation plus solidaire, et d'une aide plus efficace.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2005)