Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation qui m'a été faite de conclure ces troisièmes rencontres parlementaires sur la chimie et je tiens à en remercier le député Garrigue qui préside le groupe parlementaire consacré à la chimie.
Bravo également de votre flair dans le choix de cette date, qui me donne le plaisir de clôturer les rencontres parlementaires sur la chimie le lendemain de la remise du prix Nobel à un Français. A nouveau et en notre nom à tous je félicite chaleureusement le professeur Chauvin pour ce prix.
Vous le savez tous, mon attachement à ce secteur n'est pas nouveau, il est ancré dans mon parcours professionnel d'industriel de la chimie.
Mais la motivation de ma présence ici aujourd'hui n'est pas seulement affective, même si cela compte beaucoup ; d'autres raisons m'y ont conduit.
Tout d'abord, je pense qu'il est sain dans une démocratie que des sujets aussi fondamentaux que la place de la Chimie dans la Société soient également portés par des parlementaires. Cela permet d'établir la qualité des débats nécessaires sur un secteur qui se situe au carrefour d'enjeux importants scientifiques, industriels, sociaux, qu'il s'agisse d'emploi, d'environnement ou de santé.
Je crois ensuite que notre pays doit prendre conscience que cette industrie revêt un caractère primordial pour le développement économique, car tous les secteurs industriels en sont dépendants. Nous avons re-découvert dans le contexte de la hausse du prix du pétrole que celui-ci est partout dans notre vie quotidienne ; eh bien il en va de même de la chimie, qui est dans nos voitures, dans nos vêtements, nos médicaments. Un changement de mentalité doit être collectivement opéré : le produit chimique n'est pas une substance dangereuse présente là où on ne peut l'éviter ; il est le plus souvent au contraire un agent indispensable au service du citoyen.
Enfin, je souhaite profiter de l'opportunité que vous m'offrez d'annoncer un ensemble de mesures concrètes qui marquent l'effort que le Gouvernement s'apprête à réaliser en direction de ce secteur économique.
Premièrement : la chimie française est à un tournant de son histoire
Ces mesures s'appuient bien évidemment sur le remarquable travail d'analyse et de prospective, et sur les propositions, du groupe présidé par Daniel Garrigue pendant un peu plus de huit mois.
Ce travail est exemplaire, d'abord par sa méthode. Le groupe de travail comprenait à la fois des chefs d'entreprise, des chercheurs, des représentants des syndicats, des membres des administrations, des experts.
Cette forme d'organisation est cohérente avec l'idée que le Gouvernement se fait de son rôle en matière de politique industrielle : aider le tissu économique à anticiper les évolutions tout d'abord, à coordonner les efforts des uns et des autres ensuite.
Le rapport écrit qui m'a été remis est bien évidemment important ; j'ai d'ailleurs immédiatement décidé en prenant mes fonctions de le rendre public. Il est en ligne sur le site internet du ministère. Mais à mon sens, les liens qui se sont établis et la compréhension mutuelle qui s'est installée sont tout autant essentiels. Cette diversité des acteurs n'a pas été une gêne mais au contraire un atout puisqu'elle a permis de dégager un constat partagé sur la situation de cette industrie.
Ce constat, quel est-il ?
Je veux rappeler, car cela est trop souvent méconnu, que la France est une grande nation de la chimie, et que la chimie est un secteur essentiel dans l'industrie française.
L'importance de ce secteur industriel est, en effet, considérable :
o 240 000 emplois directs, 500 000 en comptant les emplois induits,
o 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2004,
o 2e rang européen et 5e rang mondial en production
o 3e rang mondial en exportations.
o La chimie est le 4e secteur industriel français en terme d'emplois, le 2ème en terme de chiffres d'affaires
Cette large base industrielle est un atout pour l'ensemble de notre économie, en termes de compétitivité comme en termes d'innovation, tant il est vrai que les produits chimiques irriguent l'ensemble de l'industrie.
Autre atout, nous sommes présents sur une large gamme de secteurs de la chimie, avec sur beaucoup d'entre eux, des entreprises françaises parmi les leaders mondiaux : nos grands groupes sont reconnus dans le monde entier comme des acteurs incontournables, je tiens aussi à le rappeler. Mais notre tissu industriel s'appuie aussi sur de nombreuses PMI, souvent très innovantes, parfois leaders mondiaux sur leurs marchés de niche : c'est cela aussi qui fait notre force.
Pour autant, ces atouts essentiels ne doivent pas nous amener à masquer nos faiblesses, ni à sous estimer l'ampleur des défis qui nous attendent.
Ce n'est pas la moindre qualité du rapport du groupe de travail que d'avoir eu le courage de dresser un diagnostic sans concession de notre situation.
Nous souhaitons conserver une chimie française forte, mais plusieurs indicateurs sont aujourd'hui préoccupants :
o L'effort de R D des entreprises stagne depuis plusieurs années, il est inférieur de 1 ou 2 points par rapport à ce que l'on peut observer dans d'autres pays
o Les investissements en capacité diminuent depuis 4 ans
o L'emploi dans le secteur tend à diminuer, même si, par ailleurs, se développent aussi des emplois de services à l'industrie ; le vieillissement de la population qui touche l'ensemble de la population active concerne aussi la chimie.
o Les coûts des matières premières augmentent
A cela s'ajoute la question structurelle de la composition de notre tissu industriel, caractérisé par un grand éparpillement des sites, pour des raisons historiques, et un tissu de petites entreprises dont toutes n'ont pas la taille critique pour répondre aux défis qui nous attendent.
Il vous appartient collectivement de définir les stratégies gagnantes et de développer les synergies nécessaires entre entreprises. Je souhaite toutefois vous encourager, dans la logique des pôles de compétitivité, dans la logique de dialogue qui est celle du groupe de travail auquel vous avez participé, à travailler ensemble, dans les régions, au sein de la filière pour développer, là où cela est possible des synergies et des coopérations.
Le rapport du groupe de travail montre aussi que la chimie est aujourd'hui à un tournant crucial de son histoire.
- Un tournant parce que des opportunités nouvelles se présentent. Les taux de croissance des pays en développement, leur appétit en produits intermédiaires et en bien de consommation sont une bonne nouvelle pour l'ensemble du secteur. L'innovation et le développement accéléré de nouveaux domaines technologiques (biotechnologiques, chimie " verte " ) sont aussi une opportunité. Il n'y a pas de fatalité au déclin de la chimie, les taux de croissance constatés à l'étranger montrent la vitalité de ce marché. En Chine, les taux de croissance du secteur varient entre 10 et 15 % par an, et, ce qui est crucial pour nous, la Chine reste un gros importateur de produits chimiques : 32 % de sa consommation est importée.
- Tournant également, en raison des nouveaux acteurs présents sur le marché, et la concurrence de plus en plus forte, à laquelle vous être confrontés. Revenant à la Chine, vous savez en particulier que les groupes chimiques chinois se développent très rapidement et commencent à se faire " un nom " dans l'industrie mondiale
- Tournant enfin, parce que l'ensemble du secteur s'apprête à voir son environnement réglementaire transformé par le règlement Reach.
Je sais que votre attente est forte dans ce domaine, de connaître l'évolution des discussions, et je connais votre implication dans ce domaine. Je suis d'ailleurs en constante relation avec vos représentants et recevrai à nouveau le président de l'Union des Industries Chimiques lundi prochain pour discuter des dernières évolutions sur ce texte.
La négociation européenne sur Reach s'accélère, le Parlement devrait voter en plénière à la mi-novembre, et le Conseil compétitivité discutera du projet en octobre et en novembre.
Je ne rentrerai pas ici dans le détail des discussions sur ce texte très complexe : vous le savez, la journée entière n'y suffirait pas. Je rappellerai simplement que mon objectif est d'arriver à une conclusion du débat sur Reach qui aboutisse à un résultat effectivement " praticable ", de nature à rassurer nos concitoyens sur l'utilisation des substances chimiques, et à permettre à l'industrie de continuer d'innover. Vous avez fait le choix de vous prononcer en faveur, sur le principe, d'une réglementation Reach, afin de disposer d'un cadre réglementaire complet. C'est un choix que je salue, car l'attente de la société est effectivement forte.
Mais le système Reach doit être en mesure de fonctionner opérationnellement. C'est pour cette raison, par exemple, que la France défend l'idée d'une Agence européenne forte, parce qu'il faut un pilote pour gérer ce processus. C'est pour cette raison aussi que je compte être vigilant sur les conséquences pratiques du texte.
Deuxièmement : le temps est maintenant venu d'agir
Je souhaite maintenant vous faire part des décisions que j'ai prises pour accompagner la filière dans la mutation qui se présente.
En premier lieu, je suis favorable à la création d'un Conseil d'orientation stratégique de l'industrie chimique tel que préconisé par le rapport Garrigue. Je prends l'engagement devant vous de procéder à son installation d'ici la fin du mois de novembre, et de le présider personnellement.
Ce groupe réunira des industriels de la Chimie bien sûr, mais aussi des représentants d'industries clientes de la chimie afin de permettre un dialogue stratégique efficace orienté vers les marchés. Il comprendra également des chercheurs, et les experts techniques de toutes les administrations concernées ; je souhaite également qu'il associe des représentants syndicaux, dès lors que les questions liées à l'emploi seront abordées.
Ce Conseil participera à la définition des orientations stratégiques et des filières de développement des industries chimiques en lien avec les secteurs aval.
La recherche et l'innovation seront un axe clé de ses travaux.
o Je souhaite qu'il permette de déboucher sur des propositions opérationnelles de programmes d'innovations technologiques, qui puissent être éligibles aux financements de l'AII.
o Il devra également préparer la stratégie des industriels présents en France dans les grands programmes de recherche européens.
o Il s'appuiera sur les pôles de compétitivité, qui ont été labellisés par le CIADT en juillet dernier. Car la chimie est bien présente dans la liste des pôles labellisés, dans des pôles entièrement tournés vers la chimie (Chimie environnement en Rhône Alpes) ou dans des pôles incluant pour partie le secteur chimie (industries et agroressources, Plasturgie, Techtera, Up-Tex) - on retrouve là le rôle de la chimie pour une large gamme de secteurs industriels.
Les travaux du groupe porteront également sur les problèmes de gestion des compétences et des emplois, car l'anticipation de l'évolution de la pyramide des âges est une question clé ; je sais que l'UIC, avec mes services et ceux en charge de l'emploi et de la formation est très active sur ce thème. Cette gestion des compétences et l'anticipation des besoins sont essentielles ; par exemple, nous savons tous qu'avec Reach les besoins en expertise en ecotoxicologie vont être considérablement augmentés. Ces besoins doivent être évalués par l'industrie, en lien avec les ministères compétents.
D'ores et déjà, j'ai pour ma part décidé plusieurs mesures qui répondent aux attentes que vous avez exprimées dans le groupe de travail sur l'avenir de la chimie.
Concernant le coût de l'électricité, vous savez que j'ai réuni, avec Thierry Breton une table ronde sur les industries électro-intensives, qui a débouché sur des conclusions opérationnelles. Un consortium est en cours de constitution entre les industriels concernés, qui lancera un appel d'offre groupé auprès des producteurs d'électricité ; par cette voie les électro-intensifs devraient bénéficier de tarifs compétitifs.
En matière de recherche et d'innovation, des projets issus des pôles de compétitivité seront financés avant la fin de l'année. Un budget de 5 millions d'euros est alloué dès cette année sur un projet relatif à l'intensification des procédés. D'autres projets sont déjà en préparation sur le traitement de l'eau et les procédés membranes, les bio-ressources et biocarburants, sur la catalyse de polymérisation et le traitement des gaz et sur certains tests in vitro pour les cosmétiques. Ils pourront être financés par le Fonds de Compétitivité des Entreprises, l'Agence de l'Innovation Industrielle ou par l'Agence nationale de la Recherche en 2006. De plus, des programmes pluridisciplinaires alliant la chimie aux biotechnologies blanches seront favorisés afin de valoriser par exemple des procédés enzymatiques au profit de la chimie et du client final.
L'image de l'industrie chimique auprès de la population et en particulier des jeunes doit être aussi améliorée, pour vous permettre d'embaucher et pour favoriser une meilleure acceptation par la société. J'ai décidé de prolonger la campagne de valorisation des métiers de l'industrie auprès des jeunes, financée avec les industriels mais par le ministère de l'industrie pour la plus grande partie ; la chimie fait partie des secteurs concernés. Je souhaite que l'Union des Industries Chimiques s'implique pleinement dans cette stratégie de reconquête de l'opinion.
Je sais également que vous avez besoin de visibilité et de lisibilité en matière réglementaire. Mon ministère réalise à cet effet en lien avec le ministère en charge de l'écologie une base de données juridiques spécialisée dans la réglementation chimique accessible aux entreprises et notamment aux PME. Je suis également favorable à ce qu'une réflexion soit engagée sur la possibilité de donner de la lisibilité en matière réglementaire, en capitalisant sur la jurisprudence des décisions de l'administration ; c'est là un sujet technique complexe, sur lequel le travail doit être engagé.
Pour conclure, je dirais que la nouvelle de la remise du Prix Nobel de la chimie à M.Chauvin est je crois pour nous tous un stimulant très fort pour poursuivre notre action en faveur d'une chimie française forte. Il est le symbole des capacités de recherche et de l'excellence scientifique de notre pays. Il montre les applications industrielles favorables à l'environnement de la recherche en chimie, dans ce domaine en particulier de la chimie verte.
Mais pour être compétitifs, nous devons nous interdire d'être complaisants. Il faut faire plus et mieux dans certains domaines pour garantir l'avenir : plus de recherche, plus de partenariats entre laboratoires publics et industriels, plus de synergies entre entreprises, et entre la chimie et ses clients. Je ne dirai pas plus de réglementation, ni moins, mais probablement mieux, nous nous y employons dans le dossier Reach.
Le comité d'orientation stratégique que nous allons créer ensemble devra prendre ces problèmes à bras le corps et déboucher sur des résultats concrets, comme des grands programmes de recherche industrielle à débouchés industriels rapides. Vous pouvez compter sur moi et sur mes services pour vous accompagner, et vous stimuler, dans cette voie.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 18 octobre 2005)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation qui m'a été faite de conclure ces troisièmes rencontres parlementaires sur la chimie et je tiens à en remercier le député Garrigue qui préside le groupe parlementaire consacré à la chimie.
Bravo également de votre flair dans le choix de cette date, qui me donne le plaisir de clôturer les rencontres parlementaires sur la chimie le lendemain de la remise du prix Nobel à un Français. A nouveau et en notre nom à tous je félicite chaleureusement le professeur Chauvin pour ce prix.
Vous le savez tous, mon attachement à ce secteur n'est pas nouveau, il est ancré dans mon parcours professionnel d'industriel de la chimie.
Mais la motivation de ma présence ici aujourd'hui n'est pas seulement affective, même si cela compte beaucoup ; d'autres raisons m'y ont conduit.
Tout d'abord, je pense qu'il est sain dans une démocratie que des sujets aussi fondamentaux que la place de la Chimie dans la Société soient également portés par des parlementaires. Cela permet d'établir la qualité des débats nécessaires sur un secteur qui se situe au carrefour d'enjeux importants scientifiques, industriels, sociaux, qu'il s'agisse d'emploi, d'environnement ou de santé.
Je crois ensuite que notre pays doit prendre conscience que cette industrie revêt un caractère primordial pour le développement économique, car tous les secteurs industriels en sont dépendants. Nous avons re-découvert dans le contexte de la hausse du prix du pétrole que celui-ci est partout dans notre vie quotidienne ; eh bien il en va de même de la chimie, qui est dans nos voitures, dans nos vêtements, nos médicaments. Un changement de mentalité doit être collectivement opéré : le produit chimique n'est pas une substance dangereuse présente là où on ne peut l'éviter ; il est le plus souvent au contraire un agent indispensable au service du citoyen.
Enfin, je souhaite profiter de l'opportunité que vous m'offrez d'annoncer un ensemble de mesures concrètes qui marquent l'effort que le Gouvernement s'apprête à réaliser en direction de ce secteur économique.
Premièrement : la chimie française est à un tournant de son histoire
Ces mesures s'appuient bien évidemment sur le remarquable travail d'analyse et de prospective, et sur les propositions, du groupe présidé par Daniel Garrigue pendant un peu plus de huit mois.
Ce travail est exemplaire, d'abord par sa méthode. Le groupe de travail comprenait à la fois des chefs d'entreprise, des chercheurs, des représentants des syndicats, des membres des administrations, des experts.
Cette forme d'organisation est cohérente avec l'idée que le Gouvernement se fait de son rôle en matière de politique industrielle : aider le tissu économique à anticiper les évolutions tout d'abord, à coordonner les efforts des uns et des autres ensuite.
Le rapport écrit qui m'a été remis est bien évidemment important ; j'ai d'ailleurs immédiatement décidé en prenant mes fonctions de le rendre public. Il est en ligne sur le site internet du ministère. Mais à mon sens, les liens qui se sont établis et la compréhension mutuelle qui s'est installée sont tout autant essentiels. Cette diversité des acteurs n'a pas été une gêne mais au contraire un atout puisqu'elle a permis de dégager un constat partagé sur la situation de cette industrie.
Ce constat, quel est-il ?
Je veux rappeler, car cela est trop souvent méconnu, que la France est une grande nation de la chimie, et que la chimie est un secteur essentiel dans l'industrie française.
L'importance de ce secteur industriel est, en effet, considérable :
o 240 000 emplois directs, 500 000 en comptant les emplois induits,
o 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2004,
o 2e rang européen et 5e rang mondial en production
o 3e rang mondial en exportations.
o La chimie est le 4e secteur industriel français en terme d'emplois, le 2ème en terme de chiffres d'affaires
Cette large base industrielle est un atout pour l'ensemble de notre économie, en termes de compétitivité comme en termes d'innovation, tant il est vrai que les produits chimiques irriguent l'ensemble de l'industrie.
Autre atout, nous sommes présents sur une large gamme de secteurs de la chimie, avec sur beaucoup d'entre eux, des entreprises françaises parmi les leaders mondiaux : nos grands groupes sont reconnus dans le monde entier comme des acteurs incontournables, je tiens aussi à le rappeler. Mais notre tissu industriel s'appuie aussi sur de nombreuses PMI, souvent très innovantes, parfois leaders mondiaux sur leurs marchés de niche : c'est cela aussi qui fait notre force.
Pour autant, ces atouts essentiels ne doivent pas nous amener à masquer nos faiblesses, ni à sous estimer l'ampleur des défis qui nous attendent.
Ce n'est pas la moindre qualité du rapport du groupe de travail que d'avoir eu le courage de dresser un diagnostic sans concession de notre situation.
Nous souhaitons conserver une chimie française forte, mais plusieurs indicateurs sont aujourd'hui préoccupants :
o L'effort de R D des entreprises stagne depuis plusieurs années, il est inférieur de 1 ou 2 points par rapport à ce que l'on peut observer dans d'autres pays
o Les investissements en capacité diminuent depuis 4 ans
o L'emploi dans le secteur tend à diminuer, même si, par ailleurs, se développent aussi des emplois de services à l'industrie ; le vieillissement de la population qui touche l'ensemble de la population active concerne aussi la chimie.
o Les coûts des matières premières augmentent
A cela s'ajoute la question structurelle de la composition de notre tissu industriel, caractérisé par un grand éparpillement des sites, pour des raisons historiques, et un tissu de petites entreprises dont toutes n'ont pas la taille critique pour répondre aux défis qui nous attendent.
Il vous appartient collectivement de définir les stratégies gagnantes et de développer les synergies nécessaires entre entreprises. Je souhaite toutefois vous encourager, dans la logique des pôles de compétitivité, dans la logique de dialogue qui est celle du groupe de travail auquel vous avez participé, à travailler ensemble, dans les régions, au sein de la filière pour développer, là où cela est possible des synergies et des coopérations.
Le rapport du groupe de travail montre aussi que la chimie est aujourd'hui à un tournant crucial de son histoire.
- Un tournant parce que des opportunités nouvelles se présentent. Les taux de croissance des pays en développement, leur appétit en produits intermédiaires et en bien de consommation sont une bonne nouvelle pour l'ensemble du secteur. L'innovation et le développement accéléré de nouveaux domaines technologiques (biotechnologiques, chimie " verte " ) sont aussi une opportunité. Il n'y a pas de fatalité au déclin de la chimie, les taux de croissance constatés à l'étranger montrent la vitalité de ce marché. En Chine, les taux de croissance du secteur varient entre 10 et 15 % par an, et, ce qui est crucial pour nous, la Chine reste un gros importateur de produits chimiques : 32 % de sa consommation est importée.
- Tournant également, en raison des nouveaux acteurs présents sur le marché, et la concurrence de plus en plus forte, à laquelle vous être confrontés. Revenant à la Chine, vous savez en particulier que les groupes chimiques chinois se développent très rapidement et commencent à se faire " un nom " dans l'industrie mondiale
- Tournant enfin, parce que l'ensemble du secteur s'apprête à voir son environnement réglementaire transformé par le règlement Reach.
Je sais que votre attente est forte dans ce domaine, de connaître l'évolution des discussions, et je connais votre implication dans ce domaine. Je suis d'ailleurs en constante relation avec vos représentants et recevrai à nouveau le président de l'Union des Industries Chimiques lundi prochain pour discuter des dernières évolutions sur ce texte.
La négociation européenne sur Reach s'accélère, le Parlement devrait voter en plénière à la mi-novembre, et le Conseil compétitivité discutera du projet en octobre et en novembre.
Je ne rentrerai pas ici dans le détail des discussions sur ce texte très complexe : vous le savez, la journée entière n'y suffirait pas. Je rappellerai simplement que mon objectif est d'arriver à une conclusion du débat sur Reach qui aboutisse à un résultat effectivement " praticable ", de nature à rassurer nos concitoyens sur l'utilisation des substances chimiques, et à permettre à l'industrie de continuer d'innover. Vous avez fait le choix de vous prononcer en faveur, sur le principe, d'une réglementation Reach, afin de disposer d'un cadre réglementaire complet. C'est un choix que je salue, car l'attente de la société est effectivement forte.
Mais le système Reach doit être en mesure de fonctionner opérationnellement. C'est pour cette raison, par exemple, que la France défend l'idée d'une Agence européenne forte, parce qu'il faut un pilote pour gérer ce processus. C'est pour cette raison aussi que je compte être vigilant sur les conséquences pratiques du texte.
Deuxièmement : le temps est maintenant venu d'agir
Je souhaite maintenant vous faire part des décisions que j'ai prises pour accompagner la filière dans la mutation qui se présente.
En premier lieu, je suis favorable à la création d'un Conseil d'orientation stratégique de l'industrie chimique tel que préconisé par le rapport Garrigue. Je prends l'engagement devant vous de procéder à son installation d'ici la fin du mois de novembre, et de le présider personnellement.
Ce groupe réunira des industriels de la Chimie bien sûr, mais aussi des représentants d'industries clientes de la chimie afin de permettre un dialogue stratégique efficace orienté vers les marchés. Il comprendra également des chercheurs, et les experts techniques de toutes les administrations concernées ; je souhaite également qu'il associe des représentants syndicaux, dès lors que les questions liées à l'emploi seront abordées.
Ce Conseil participera à la définition des orientations stratégiques et des filières de développement des industries chimiques en lien avec les secteurs aval.
La recherche et l'innovation seront un axe clé de ses travaux.
o Je souhaite qu'il permette de déboucher sur des propositions opérationnelles de programmes d'innovations technologiques, qui puissent être éligibles aux financements de l'AII.
o Il devra également préparer la stratégie des industriels présents en France dans les grands programmes de recherche européens.
o Il s'appuiera sur les pôles de compétitivité, qui ont été labellisés par le CIADT en juillet dernier. Car la chimie est bien présente dans la liste des pôles labellisés, dans des pôles entièrement tournés vers la chimie (Chimie environnement en Rhône Alpes) ou dans des pôles incluant pour partie le secteur chimie (industries et agroressources, Plasturgie, Techtera, Up-Tex) - on retrouve là le rôle de la chimie pour une large gamme de secteurs industriels.
Les travaux du groupe porteront également sur les problèmes de gestion des compétences et des emplois, car l'anticipation de l'évolution de la pyramide des âges est une question clé ; je sais que l'UIC, avec mes services et ceux en charge de l'emploi et de la formation est très active sur ce thème. Cette gestion des compétences et l'anticipation des besoins sont essentielles ; par exemple, nous savons tous qu'avec Reach les besoins en expertise en ecotoxicologie vont être considérablement augmentés. Ces besoins doivent être évalués par l'industrie, en lien avec les ministères compétents.
D'ores et déjà, j'ai pour ma part décidé plusieurs mesures qui répondent aux attentes que vous avez exprimées dans le groupe de travail sur l'avenir de la chimie.
Concernant le coût de l'électricité, vous savez que j'ai réuni, avec Thierry Breton une table ronde sur les industries électro-intensives, qui a débouché sur des conclusions opérationnelles. Un consortium est en cours de constitution entre les industriels concernés, qui lancera un appel d'offre groupé auprès des producteurs d'électricité ; par cette voie les électro-intensifs devraient bénéficier de tarifs compétitifs.
En matière de recherche et d'innovation, des projets issus des pôles de compétitivité seront financés avant la fin de l'année. Un budget de 5 millions d'euros est alloué dès cette année sur un projet relatif à l'intensification des procédés. D'autres projets sont déjà en préparation sur le traitement de l'eau et les procédés membranes, les bio-ressources et biocarburants, sur la catalyse de polymérisation et le traitement des gaz et sur certains tests in vitro pour les cosmétiques. Ils pourront être financés par le Fonds de Compétitivité des Entreprises, l'Agence de l'Innovation Industrielle ou par l'Agence nationale de la Recherche en 2006. De plus, des programmes pluridisciplinaires alliant la chimie aux biotechnologies blanches seront favorisés afin de valoriser par exemple des procédés enzymatiques au profit de la chimie et du client final.
L'image de l'industrie chimique auprès de la population et en particulier des jeunes doit être aussi améliorée, pour vous permettre d'embaucher et pour favoriser une meilleure acceptation par la société. J'ai décidé de prolonger la campagne de valorisation des métiers de l'industrie auprès des jeunes, financée avec les industriels mais par le ministère de l'industrie pour la plus grande partie ; la chimie fait partie des secteurs concernés. Je souhaite que l'Union des Industries Chimiques s'implique pleinement dans cette stratégie de reconquête de l'opinion.
Je sais également que vous avez besoin de visibilité et de lisibilité en matière réglementaire. Mon ministère réalise à cet effet en lien avec le ministère en charge de l'écologie une base de données juridiques spécialisée dans la réglementation chimique accessible aux entreprises et notamment aux PME. Je suis également favorable à ce qu'une réflexion soit engagée sur la possibilité de donner de la lisibilité en matière réglementaire, en capitalisant sur la jurisprudence des décisions de l'administration ; c'est là un sujet technique complexe, sur lequel le travail doit être engagé.
Pour conclure, je dirais que la nouvelle de la remise du Prix Nobel de la chimie à M.Chauvin est je crois pour nous tous un stimulant très fort pour poursuivre notre action en faveur d'une chimie française forte. Il est le symbole des capacités de recherche et de l'excellence scientifique de notre pays. Il montre les applications industrielles favorables à l'environnement de la recherche en chimie, dans ce domaine en particulier de la chimie verte.
Mais pour être compétitifs, nous devons nous interdire d'être complaisants. Il faut faire plus et mieux dans certains domaines pour garantir l'avenir : plus de recherche, plus de partenariats entre laboratoires publics et industriels, plus de synergies entre entreprises, et entre la chimie et ses clients. Je ne dirai pas plus de réglementation, ni moins, mais probablement mieux, nous nous y employons dans le dossier Reach.
Le comité d'orientation stratégique que nous allons créer ensemble devra prendre ces problèmes à bras le corps et déboucher sur des résultats concrets, comme des grands programmes de recherche industrielle à débouchés industriels rapides. Vous pouvez compter sur moi et sur mes services pour vous accompagner, et vous stimuler, dans cette voie.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 18 octobre 2005)