Texte intégral
Nous sommes aujourd'hui face à une crise de régime. Crise du projet européen qui a été depuis cinquante ans notre engagement national le plus constant et le plus cohérent.
Crise institutionnelle avec le pouvoir omnipotent et impotent d'un homme seul, le président de la République, qui a écrasé les contre-pouvoirs, ignoré la volonté populaire, érigé l'irresponsabilité et le mensonge en méthode de gouvernement. C'est un pouvoir qui n'est responsable que devant soi.
Crise économique avec une majorité impuissante à sortir le pays du marasme, à tracer des perspectives, à porter des politiques de croissance et d'emploi.
Crise de notre modèle social gangrené par le chômage de masse, la précarité, les atteintes à a cohésion sociale (à travers notamment la remise en cause des services publics). Les Français vivent aujourd'hui en état d'insécurité générale. Le Non qu'ils ont exprimé, c'est un cri de colère, d'exaspération, d'attente forte.
La responsabilité de J. Chirac dans ce désastre est considérable. Sa gestion clientéliste et versatile, son refus de prendre en compte les multiples désaveux populaires, ont fait de la France l'homme malade de l'Europe. L'honneur et la crédibilité de la politique auraient du le conduire à se démettre.
Le changement de gouvernement n'est qu'une énième tentative de sauver ce qui lui reste de pouvoir. La majorité reste la même et son projet libéral n'a pas changé. Le seul plan B de la droite s'appelle Nicolas Sarkozy qui veut aller encore plus loin que ce qu'a fait M. Raffarin dans la dérégulation sociale. Sarkozy c'est alliance du libéralisme, du populisme et de l'autoritarisme, avec un brin de bonapartisme.
Ce décalage entre la réalité du pouvoir et les aspirations de notre peuple ne peut qu'aggraver la démoralisation du pays et exige une opposition sans concession de notre part. On ne saurait concéder la moindre indulgence à un pouvoir qui n'a comme stratégie que de survivre sans aucune considération pour l'intérêt national.
Mais une crise de régime de cette ampleur n'aura pas d'issue sans une refondation républicaine fondée sur un nouveau contrat social. C'est à ce niveau que le Parti socialiste et la gauche doivent répondre, sans quoi il y a risque de décourager les attentes populaires.
L'enjeu national est trop grave pour en rester aux refus ou aux incantations. Notre rôle est d'offrir un espoir, de recréer une perspective crédible mais aussi audacieuse, de traduire le vote des Français sans renoncer à ce que nous sommes : une gauche réformiste et européenne qui concilie le souhaitable, l'espérance et le possible. Cela veut dire aussi que le PS sache dialoguer avec le mouvement social et avec toute la gauche pour travailler sur un contrat durable.
Le conseil national en décidera des modalités de cette clarification. Nous avons le devoir de sortir de cette crise par le haut, en refusant de rejouer les batailles d'hier pour aller à l'essentiel : la mise à jour de notre projet et de notre ligne politique.
A sa manière, le groupe a montré la voie durant cette difficile période. Malgré les clivages du référendum interne, nous avons veillé à préserver notre unité collective, nous avons continué de mener une opposition inlassable sur tous les grands dossiers, comme le lundi de Pentecôte.
La nouvelle donne politique ne peut que renforcer cette détermination. Quelle que soit son identité, le nouveau Premier ministre sera confronté aux mêmes impasses que son prédécesseur : une économie atrophiée, une situation financière catastrophique, une société fragmentée, une superposition de crises.
Si nous ne voulons pas que cette fin de règne tourne à la catastrophe, nous devons mener une bataille démocratique de tous les instants, montrer une alternative sur chaque projet de loi, décrire clairement ce que nous changerons ou ce que nous abrogerons. Il nous faut répondre concrètement aux inquiétudes. 2007 commence ici et aujourd'hui.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 1er juin 2005)
Chers camarades, j'ai écouté, après François Hollande, le premier orateur qui est intervenu, c'est le camarade Vincent Peillon. Je voudrais lui dire, à Vincent, que j'ai un point d'accord avec lui, c'est surtout la conclusion de son propos.
Non, ce n'est pas seulement rassemble, il a dit que nous avions effectivement besoin d'être rassemblés, le Parti socialiste, pour être fort, pour rassembler la gauche, pour permettre l'alternance qui est non seulement nécessite, mais sûrement souhaitée par une majorité du peuple français, que nous avons besoin d'un Parti socialiste qui réponde aux questions, qui propose un projet mais qui soit rassemblé.
Il a fait allusion à l'élection présidentielle en disant : " Quel que soit celui qui soit choisi par les militants du Parti socialiste " et pour moi cela ne peut être que fin 2006, début 2007, ce n'est pas la question d'aujourd'hui.
Que nous serons tous unis derrière ce candidat, je réponds qu'il a raison. Quand nous votons, quand nous décidons après débat, nous devons effectivement être tous unis, et c'est peut-être ce qui nous a manqué dans cette campagne du référendum.
Il a dit une deuxième chose, et en tout cas c'est sûrement ce que nous proposera François Hollande, bien entendu que ce congrès doit être préparé pour être un congrès d'orientation, de projet, et d'orientation stratégique et de projet. Cela ne doit pas être un nouveau congrès de Rennes et qu'il faudra une commission pluraliste où tout le monde se retrouvera pour que, dans la transparence, l'esprit de responsabilité, ce congrès soit préparé, permette un vrai débat et un vrai choix. Cela va de soi Vincent, il n'y a pas de divergence entre nous là-dessus.
Mais Serge Janquin a dit des choses très fortes. Moi, je suis dans une ville, Nantes, qui a voté oui à plus de 59 %. Mais j'ai regardé aussi ceux qui avaient voté non dans un certain nombre de bureaux parmi les plus populaires et j'essaie d'analyser, mais j'essaie de le faire avec patience, avec rigueur et non en ayant déjà tiré toutes les conclusions sur ce que souhaitent ceux qui ont voté non.
Mon cher Jacques Généreux, je trouve intéressante ton intervention, mais tu commences - ce n'est pas toi qui l'as dit mais c'est écrit dans le texte qui a été distribué - : " La gauche a voté non, la droite a voté oui. " C'est un peu court comme analyse et comme conclusion. Je souhaite simplement, mes chers camarades, quelles que soient les opinions que nous ayons défendues dans le débat interne du Parti socialiste, et il m'est arrivé de débattre avec toi, je crois que c'était à Dijon, et je respecte ton engagement comme je sais que tu respectes aussi le mien, mais ayons l'exigence entre nous d'aller jusqu'au bout de l'analyse.
Et puisque je vous parle d'un exemple que je connais, je vous parle de ma ville, j'ai vu des électeurs qui votent pour moi et qui continueront de voter pour moi, qui m'ont dit : " Monsieur Ayrault, cette fois-ci, on n'en peut plus. " Oui, je comprends qu'ils nous disent qu'ils n'en peuvent plus et qu'ils veulent que ça change et qu'ils veulent une politique qui réponde effectivement à leurs attentes, ceux qui sont victimes du chômage, de la précarité, de l'inégalité, des discriminations. Et ceux-là, leur message est clair, je l'ai compris. Et c'est souvent des électeurs socialistes. Mais d'autres ne m'ont pas dit pourquoi ils votaient non. Et je sais parfois aussi pourquoi ils ont voté non quand, dans un quartier il se trouve qu'il y a eu des caravanes qui venaient de Roumanie et qu'on a Mais attendez, vous me laissez finir. Je n'agresse personne, je vous dis la réalité que je rencontre et que vous rencontrez aussi et que, parmi ceux qui ont voté non, il y en a qui me l'ont dit, mais la plupart ne me l'ont pas dit, et qui ne sont pas forcément des électeurs de gauche, et qui ont dit : " On n'en veut plus de ces gens-là, qui ne sont pas encore rentrés dans l'Europe. "
Ces problèmes, mes chers camarades, ils sont devant nous. Le problème de la mondialisation, le problème de l'organisation d'une Europe qui porte un projet de société, qui porte un projet de croissance, d'emploi, et qui dise non à la dérive libérale. C'est notre tâche aujourd'hui, celle des socialistes français et des socialistes européens. Cette tâche est devant nous. Mais en même temps vous voyez bien qu'il y a une question que nous avons souvent sous-estimée, qui est la question de l'identité nationale, de la République, de la place de la France en Europe et dans le monde, et qui effectivement est aussi au cur du débat politique, et qu'il faudra bien traiter dans notre projet et dans nos orientations stratégiques, donc ne soyons pas trop courts et conclusifs. La question est difficile, elle est exigeante pour tous, et en particulier pour les classes populaires.
Alors, c'est, je crois, la responsabilité du Parti socialiste de s'attaquer à tout cela parce que, ce que nous vivons, c'est une double crise : c'est la crise de régime qui est en fin de course. Mais quand je dis crise de régime, je ne dis pas crise politique du Président de la République, qui est effectivement en fin de règne, mais la crise de régime de la Ve République qui ne répond plus à aucune aspiration, qui ne donne aussi respiration démocratique, qui verrouille tout avec un président qui n'a à rendre compte que devant lui-même et qui, pour se sauver, appelle le dernier carré de son clan. Mais c'est aussi un pays où la démocratie sociale n'existe pas, où elle est totalement verrouillée. C'est cela aussi qui nous attend : répondre à ces deux défis dans notre projet, mes chers camarades.
Mais si je suis pour un projet rapproché et que j'appuie également l'initiative de François Hollande d'un congrès ou d'une convention européenne, parce qu'il y a aussi la crise de l'Europe et la crise de l'incapacité de l'Europe à répondre à la question du chômage de masse aujourd'hui. Si nous avons appelé à voter oui à voter à ce Traité constitutionnel, c'est parce que nous avons pris date, parce que malgré Chirac, malgré les déceptions de la politique européenne, nous savons que, pour répondre aux défis de la mondialisation, seule, la France ne pourra pas le faire, mais elle doit le faire, pour ce qui la concerne, mais elle doit le faire aussi dans un cadre plus large, et c'est tout le débat sur le projet des socialistes et des sociaux démocrates européens.
Déjà, les parlementaires socialistes et sociaux démocrates qui se sont réunis à plusieurs reprises ces dernières semaines vont se réunir à nouveau avant l'été pour débattre de cela, des initiatives que nous pouvons prendre ensemble pour répondre à l'attente populaire dans tous nos pays, ceux qui ont voté non comme ceux qui ont voté oui. Je crois que c'est une question essentielle, c'est une tâche vers le, exigeante, j'en suis profondément convaincu.
Mais quant à la France, je termine par cela, si je suis favorable à ce que nous allions vite, ce n'est pas pour régler des problèmes internes. Bien entendu, il faut prendre les décisions que François Hollande a proposées pour que le Parti tourne, mais c'est surtout pour répondre et préparer l'alternance, car il y a urgence, et je dirai même qu'il y a danger. Ceux qui sont aujourd'hui au pouvoir ont clairement annoncé la couleur à travers une formule, mais peut-être qu'on a cru formule de circonstance : les cent jours. Si le programme de M. de Villepin, c'est les cent jours, ne croyez pas qu'il a envie que cela se termine à Waterloo. Il y a autre chose, mes chers camarades, c'est que ce pouvoir est si mal, mais en même temps qu'il est de tradition gaullo-chiraco-bonapartiste, qu'il nous prépare quelque chose.
Et nous savons qu'aujourd'hui, à la demande du Conseil constitutionnel, ce qui aurait dû être fait d'ailleurs depuis un certain temps, qu'il y a nécessité de revoir l'équilibre démographique entre le nombre de députés et la situation démographique de chaque département, et que donc un redécoupage est à l'uvre dans les bureaux du ministère de l'Intérieur et que le pouvoir qui a été donné à M. Sarkozy peut être seulement pour cent jours en tant que chef du parti de l'UMP, c'est de préparer ce redécoupage et de préparer peut-être une dissolution de l'Assemblée nationale.
Alors, il faudra que le Parti socialiste soit prêt, pas d'un parti qui caporalise. Nous ne sommes, ni le Parti communiste, ni un parti trotskiste. Nous sommes le Parti socialiste qui accepte le débat, qui accepte la diversité, mais qui devra choisir une orientation et un projet. Il doit le faire sans délai et il devra le faire en se rassemblant et en respectant ses propres règles parce que, s'il n'y a plus de Parti socialiste, ou s'il y en a plusieurs, alors oui, le gaullo-bonapartisme ou le sarko-bonapartisme, c'est lui qui répondra à l'attente populaire.
Et on sait très bien que, quand il y a un désarroi populaire, alors la solution autoritaire, s'il n'y a pas une solution de gauche, peut être au rendez-vous.
Et cela, nous n'en voulons pas !
Alors, mes chers camarades, dès la semaine prochaine, nous allons entendre à l'Assemblée nationale la déclaration de politique nationale de M. de Villepin qui va sans doute nous parler de sa priorité : la lutte contre le chômage, dérisoire promesse bien entendu.
Et nous demanderons que le bilan soit fait de toute la destruction des politiques publiques de l'emploi depuis trois ans. C'est le préalable à tout. Mais je vous propose, en accord avec mon camarade Jean-Pierre Belbe, président du groupe socialiste au Sénat, qu'avant le 16 et le 17 juin nous demandions à l'Assemblée nationale comme au Sénat un débat pour dire à M. Chirac et au Premier Ministre : " Vous allez rencontrer les autres chefs d'États et de gouvernements européens. " Ce que nous attendons d'eux pour relancer la croissance en Europe, pour dire non à des directives dont la vie n'est pas terminée, je pense à la directive Bolkestein ou la directive temps de travail, ou encore l'exigence de préparer une directive sur les services publics, c'est cela qui peut nous rassembler parce que je crois que, dans les électeurs, je ne parle pas de ceux qui ont toujours été les adversaires de l'Europe, à droite, ou même des adversaires du Parti socialiste, il en existe aussi à gauche, mais dans les électeurs, ceux qui ont voté oui et, mon cher Pascal Popelin, si tu étais venu m'écouter dans ta fédération, j'ai fait une campagne pour un oui de combat et pas pour un oui-ouisme ou un béni oui-oui.
Oui, c'est la campagne que j'ai menée avec beaucoup d'autres socialistes. Et bien qu'on ait voté oui parmi les électeurs socialistes après avoir peut-être hésité à voter non pour orienter l'Europe autrement, ou qu'on ait voté non parce qu'on veut que l'Europe avance autrement, si on le veut, si on le souhaite, si on s'en donne les moyens, alors oui le Parti socialiste sera à l'initiative. Il doit être à l'initiative en France, il dit l'être en Europe et c'est lui qui doit entraîner la gauche et c'est sans notre responsabilité. En tout cas, c'est le sens de mon engagement dans les responsabilités qui sont les miennes.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 6 juin 2005)