Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous dire, en préambule, le plaisir que je ressens d'ouvrir ces Premières assises nationales de l'Intégration qui sont à l'initiative d'un membre compétent et écouté du Haut Conseil à l'Intégration : Yves Jégo.
Notre politique d'intégration a connu quelques réussites exemplaires ; elle a connu aussi des échecs. Elle pose des questions stricto sensu qui appellent une réflexion collective et une nouvelle approche.
Aussi vos travaux me paraissent se situer au centre du débat public.
Mais, si nous nous retrouvons aujourd'hui, ce n'est pas que pour débattre de l'intégration... Chacun d'entre nous le ressent, la question est plus large, plus profonde encore ; elle se situe au coeur même de l'avenir de la République. A cet égard, soyons clairs et net : si l'intégration s'est essoufflée, c'est parce que les républicains n'ont pas su incarner avec suffisamment de force les principes qui les animent.
C'est dire combien le retour de la République doit être le préalable de nos efforts d'intégration.
La République est ancienne, certes... mais c'est toujours une idée neuve ! Elle est plus que jamais d'actualité dès lors que l'on accepte de la faire vivre et de l'enrichir.
Et à ceux qui doutent qu'elle puisse répondre aux incertitudes de notre temps et de notre monde, je réponds que l'Etat républicain est au contraire la seule réponse possible face aux questions brûlantes que nous pose le 21e siècle.
Face au scénario du conflit des civilisations ; face à la résurgence des barbaries et des haines raciales ; face à la culture du chacun pour soi qui parcourt nos sociétés développées ; face à la nécessité d'être uni dans l'adversité d'un monde ouvert et complexe, je dis que la République est une idée moderne ; elle est une idée vitale pour la France.
*
Mesdames, Messieurs,
Depuis des siècles, notre Patrie est une terre d'accueil et d'immigration. Des milliers de femmes et d'hommes, venus d'ailleurs, s'y sont installés et ont adopté la France. Ils l'ont aimée, enrichie et servie Présentant ses réflexions sur la laïcité, le Président de la République a eu l'occasion de dire combien la France s'est façonnée aux visages de celles et de ceux qui y ont pris racines. Des Italiens aux Espagnols ; des Polonais aux ressortissants de l'Afrique du Nord ; des Portugais aux boat people vietnamiens ; bref de tous ces peuples fuyant l'horreur des guerres à ceux cherchant les conditions d'une vie meilleure... Tous sont venus rejoindre la communauté nationale, voyant en la France d'abord un idéal qui a pour nom : la République !
Bien plus qu'un système juridique, la République est pour la France une morale qui repose sur ces quelques repères que l'on appelle les valeurs républicaines.
Ces valeurs, quelles sont-elles au juste ?
Celles qui forgent le pacte républicain et que recouvre notre devise : la liberté, l'égalité, la fraternité mais aussi la laïcité ou encore l'unité. Mais il convient également, selon moi, d'y ajouter l'égalité des chances ou encore la juste récompense du mérite, du travail et de l'effort.
Ce sont tous ces principes qui expriment la communauté de destin au sein de laquelle des femmes et hommes, aux multiples racines, veulent y écrire ensemble leur Histoire. Ce sont eux qui imposent à chacun d'entre-nous de transcender ses propres singularités pour bâtir notre communauté nationale.
Cette exigence est élevée.
Elle l'est d'autant plus pour ceux qui, d'origine et de culture différentes, font le choix de rejoindre notre Nation. Bien sûr, il ne s'agit pas pour eux de renier leur histoire. Mais par leur choix, ils s'engagent dans un processus d'adhésion qui n'est pas qu'administratif. Devenir Français, cela signifie que quelles que soient nos origines, notre couleur de peau, nos convictions spirituelles, nous sommes d'abord et avant tout des citoyens Français, acceptant les droits, mais aussi et surtout respectant les devoirs de la République.
Ce message n'est pas valable seulement pour les nouveaux arrivants... Il l'est pour tout le monde, chacun d'entre-nous devant cultiver sa citoyenneté.
Or ceci ne va pas de soi... La citoyenneté n'est pas une donnée naturelle ; elle n'est pas intangible. Elle est un effort ; elle est une volonté.
Elle est d'autant plus un combat permanent contre l'individualisme que depuis vingt-cinq ans, la crise économique fragilise notre modèle national.
Le doute s'est alors emparé des Français. La crispation de notre société a provoqué des phénomènes de repli faisant de l'Autre, et plus particulièrement des populations issues de l'immigration, la cause de tous les maux. Devenues une catégorie " à part " dans la société, ces populations n'ont pas été assez accompagnées par l'Etat. La République n'a pas su leur offrir la contrepartie de leur intégration ni fixer les règles et devoirs qui s'attachent à son respect. Au même titre, d'ailleurs, que la France n'a pas su garantir à tous les clés de la promotion sociale.
Cette situation d'échec a été d'autant plus accentuée qu'à la crise économique et sociale s'est ajoutée une crise morale. Les valeurs collectives ont perdu de leur sens : l'idéal républicain a perdu de son rayonnement en tant que tel ; le patriotisme fut parfois moqué.
Peu à peu s'est installé sournoisement un discours vantant les mérites du chacun pour soi et de " l'argent facile. " Les golden boys, les montages financiers dans les paradis fiscaux ou encore les dealers roulant en décapotables furent alors admirés, reléguant le citoyen et le travail au rang de la ringardise... !
En l'espace de deux décennies, ce sont donc des repères collectifs majeurs qui se sont estompés.
Toutes ces années de doute et de déshérence se sont répercutées sur le processus d'intégration. De fait, les dégâts ont été considérables d'autant plus pour celles et ceux qui ont fait le choix de rejoindre la France, la voyant d'abord comme un idéal d'égalité, de solidarité et de méritocratie
Ainsi comment leur expliquer qu'ils appartiennent à une seule communauté nationale alors qu'ils ont été considérés dans le même temps comme une " catégorie à part " ?! Comment leur faire aimer l'idéal républicain alors que l'école n'a pas toujours su garantir l'égalité des chances ?! Comment leur demander d'honorer notre drapeau alors même que nos élites prennent un malin plaisir à le dénigrer ?! Comment expliquer à tous ces jeunes Français leur droit à la promotion sociale et les laisser à la porte de l'emploi parce qu'ils s'appellent Douadi, Deng ou Djamila ?!
Bref, comment pouvait-on espérer une intégration forte dans une France qui doute ?!
Aujourd'hui, certaines voix s'élèvent cherchant des alternatives... Ici le communautarisme serait un modèle de société ; là le voile serait l'expression d'une liberté ; là encore la discrimination positive pourrait se substituer à l'égalité des chances... Il est temps de stopper cette dérive. Toutes mesures qui soulignent les différences, renforcent la discrimination !
Aussi, je soutiens que c'est dans le cadre de l'Etat républicain qu'il faut refonder l'intégration.
*
Ce mot de refondation, Mesdames et Messieurs, n'est pas trop fort !
Si je parle de refondation c'est précisément parce que je souhaite rompre avec cet esprit de culpabilité qui a amené notre pays à douter de ses valeurs et de son histoire, tout comme j'entends tourner la page de ce différentialisme qui fait la part belle au communautarisme.
Quelques soient la couleur de peau ou la religion, il n'y a qu'un drapeau qui est celui de la France républicaine. En clair, pour les étrangers qui arrivent en situation régulière, je vise l'intégration et pas la coexistence ! Pour les résidents qui décident de devenir Français et les Français issus de l'immigration, je défends l'idée de l'assimilation pleine et entière par le biais de l'égalité des chances.
On me dit que le terme " assimilation " serait trop fort, trop contraignant... Mais lorsque je parle d'assimilation, je ne cherche pas à ce que " l'étranger " soit plus français que français ; à ce qu'il gomme son passé et revendique des origines gauloises ! Je souhaite, simplement, qu'en le regardant, un Français dit " de souche " voit en lui un compatriote à part entière.
Dans cet esprit, il était tout d'abord indispensable de rehausser les exigences de l'accueil et de l'intégration.
La France a besoin d'une politique migratoire choisie, sans doute mieux ciblée. Les populations qui s'installeront à l'avenir sur notre sol, n'auront sans doute pas, comme par le passé, les mêmes liens historiques, affectifs ou linguistiques avec la France. Il faut s'y préparer.
Chaque année, plus de 100.000 personnes s'installent de façon régulière dans notre pays. Pour les accueillir dans de bonnes conditions, l'Etat se devait de dépasser l'anonymat d'un numéro de dossier en préfecture. Entre la France et l'immigrant, il faut un pacte de confiance partagé et personnalisé.
C'est ici toute l'idée du contrat d'accueil et d'intégration qui permet à la fois de présenter et de faire prendre conscience de l'importance des valeurs de la République, et des droits et devoirs de chacun.
Ce contrat est mis en oeuvre par un nouveau service public de l'accueil dans chaque région. Il sera prochainement pris en charge par une nouvelle agence de l'accueil et de l'immigration.
Mais l'intégration est avant tout la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire un rejet. On touche là au problème de la promotion sociale.
Dans la République, l'Etat est responsable de l'égalité des chances et de la récompense de l'effort. C'est à lui d'offrir à chacun une chance de réussir, non par une politique de quotas, mais en garantissant dans les faits la promotion sociale et en sanctionnant les discriminations.
C'est à l'école que la République a confié la formation de ses citoyens. C'est à elle qu'il revient de permettre leur promotion en fonction de leur seul mérite et indépendamment de leurs origines
Or, le constat pour les jeunes français issus de l'immigration est connu : après l'échec scolaire qui est prégnant, le chômage les frappe trois fois plus que la moyenne ce qui accentue les phénomènes de violence et de perte des repères civiques.
Aussi avons-nous décidé de renforcer la mission " intégratrice " de l'école. Les mesures envisagées et qui doivent être approfondies, notamment lors du prochain Comité interministériel à l'intégration, traitent du contenu des enseignements, de l'orientation et du suivi des élèves. Par ailleurs, nous développons des bourses liées au mérite dans les établissements scolaires situés en ZEP. Ainsi, 5.000 jeunes en bénéficient depuis la rentrée de 2003 ; ils seront 10.000 à la rentrée de 2004. Nous incitons également au développement de partenariats entre les établissements scolaires des quartiers défavorisés et des partenaires prestigieux comme Polytechnique et autres grandes écoles...
Ensuite, nous avons commencé à dynamiser l'accès à l'emploi en retenant un dispositif articulé autour de mesures aussi essentielles que :
o Le parrainage vers l'emploi marchand. Au 31 décembre 2003, ce sont près de 15.000 jeunes qui ont en bénéficiés.
o Des préparations aux concours administratifs des fonctions publiques sont expérimentées dans les établissements situés en zone d'éducation prioritaire de 8 académies. Une fonction publique à l'image de la société est notre objectif. Aussi était-il urgent de favoriser des recrutements en faisant du mérite le seul critère objectif
o Enfin, l'apprentissage du français doit être une priorité. Aujourd'hui près d'un million de personnes d'origine immigrées sont démunis face à notre langue. Désormais l'apprentissage du français fait explicitement partie des actions de formation professionnelle inscrites dans le code du travail.
Autre valeur trop longtemps négligée, celle de l'égalité de traitement tant il est vrai qu'il ne peut y avoir intégration tant que subsisteront des discriminations, raciales ou toute autre Le Gouvernement a engagé une série d'actions dans le domaine du logement, de la culture, du sport ou encore de la santé pour briser les barrières de l'incompréhension et modifier le regard de notre société.
Mais c'est la création avant la fin de l'année d'une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qui constituera à cet égard un tournant important pour notre pays. C'est une volonté forte du Président de la République.
Permettez-moi ici d'insister tout particulièrement sur les discriminations à l'égard des femmes immigrées ou issues de l'immigration. Les jeunes filles et femmes constituent un enjeu central pour notre modèle d'intégration. Et on le voit bien avec les " pressions intégristes " Elles sont confrontées à des comportements incompatibles avec le respect des droits fondamentaux que la loi sur la laïcité rappelle dans ce qu'ils ont de plus profonds. Cette loi ne prétend pas tout régler. Mais il fallait cette clarification politique autant qu'un coup d'un arrêt à l'égard de velléités intégristes. Lorsqu'est en jeu un principe d'organisation générale de la société aussi essentiel que la laïcité, et au surplus à l'école, on ne se dérobe pas !
Par ailleurs, nous veillons à affirmer l'égalité de traitement en ce qui concerne l'accès au monde du travail. Cette question sera au coeur de vos travaux de cet après-midi.
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi représente un enjeu essentiel pour notre cohésion sociale. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des conditions étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Aussi était-il urgent de réagir tant cette situation crée les conditions d'un repli identitaire propre à l'absence de reconnaissance sociale.
Le rôle des services publics, et plus particulièrement des institutions du service public de l'emploi, est dès lors essentiel et doit être réaffirmé. Intermédiaires sur le marché du travail et au coeur de la vie professionnelle, celles-ci doivent faire respecter strictement la loi, assurer l'égalité entre tous, mais aussi garder la confiance des entreprises pour accomplir leur mission dans le domaine de l'accès à l'emploi ou à la formation.
Conformément au rapport remis par Bernard Stasi, nous allons travailler sur des codes de promotion de l'égalité dans les entreprises, mais, avant tout, dans les administrations parce que les services publics doivent montrer l'exemple.
Enfin, j'ai la conviction que la question de la représentation et de la reconnaissance de ce que les immigrations successives ont apporté à la France est importante pour notre cohésion nationale.
A l'instar de nos partenaires européens qui créent des musées de l'histoire de leur Nation, nous menons une réflexion similaire. L'un des premiers éléments pourrait être le musée de l'histoire de l'immigration dans notre pays que défend avec conviction Jacques Toubon, à la demande du Premier ministre. Là encore, nous ferons preuve de volontarisme dans les prochaines semaines...
*
Mesdames, Messieurs,
Les temps changent mais les enjeux demeurent...
Voulons-nous une France une et indivisible ?
Voulons-nous des citoyens égaux en droit et en fait ?
Voulons-nous que l'Etat garantisse l'égalité des chances ?
Acceptons-nous une France des communautés ?
Ces questions, je vous le rappelle, ont motivé la Révolution Française... La République en est née. Elle est née de cette volonté de dépassement au service de l'égalité et de l'unité nationale.
Aujourd'hui, la question est simple : les 60 millions de Français veulent-ils affronter ensemble un monde où cohabitent six milliards d'individus ou préfèrent-ils se recroqueviller au sein de communautés aussi fragiles qu'illusoires ?
A cette question les Français, j'en ai la conviction, répondraient : la République d'abord !
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 16 mars 2004)
Je voudrais vous dire, en préambule, le plaisir que je ressens d'ouvrir ces Premières assises nationales de l'Intégration qui sont à l'initiative d'un membre compétent et écouté du Haut Conseil à l'Intégration : Yves Jégo.
Notre politique d'intégration a connu quelques réussites exemplaires ; elle a connu aussi des échecs. Elle pose des questions stricto sensu qui appellent une réflexion collective et une nouvelle approche.
Aussi vos travaux me paraissent se situer au centre du débat public.
Mais, si nous nous retrouvons aujourd'hui, ce n'est pas que pour débattre de l'intégration... Chacun d'entre nous le ressent, la question est plus large, plus profonde encore ; elle se situe au coeur même de l'avenir de la République. A cet égard, soyons clairs et net : si l'intégration s'est essoufflée, c'est parce que les républicains n'ont pas su incarner avec suffisamment de force les principes qui les animent.
C'est dire combien le retour de la République doit être le préalable de nos efforts d'intégration.
La République est ancienne, certes... mais c'est toujours une idée neuve ! Elle est plus que jamais d'actualité dès lors que l'on accepte de la faire vivre et de l'enrichir.
Et à ceux qui doutent qu'elle puisse répondre aux incertitudes de notre temps et de notre monde, je réponds que l'Etat républicain est au contraire la seule réponse possible face aux questions brûlantes que nous pose le 21e siècle.
Face au scénario du conflit des civilisations ; face à la résurgence des barbaries et des haines raciales ; face à la culture du chacun pour soi qui parcourt nos sociétés développées ; face à la nécessité d'être uni dans l'adversité d'un monde ouvert et complexe, je dis que la République est une idée moderne ; elle est une idée vitale pour la France.
*
Mesdames, Messieurs,
Depuis des siècles, notre Patrie est une terre d'accueil et d'immigration. Des milliers de femmes et d'hommes, venus d'ailleurs, s'y sont installés et ont adopté la France. Ils l'ont aimée, enrichie et servie Présentant ses réflexions sur la laïcité, le Président de la République a eu l'occasion de dire combien la France s'est façonnée aux visages de celles et de ceux qui y ont pris racines. Des Italiens aux Espagnols ; des Polonais aux ressortissants de l'Afrique du Nord ; des Portugais aux boat people vietnamiens ; bref de tous ces peuples fuyant l'horreur des guerres à ceux cherchant les conditions d'une vie meilleure... Tous sont venus rejoindre la communauté nationale, voyant en la France d'abord un idéal qui a pour nom : la République !
Bien plus qu'un système juridique, la République est pour la France une morale qui repose sur ces quelques repères que l'on appelle les valeurs républicaines.
Ces valeurs, quelles sont-elles au juste ?
Celles qui forgent le pacte républicain et que recouvre notre devise : la liberté, l'égalité, la fraternité mais aussi la laïcité ou encore l'unité. Mais il convient également, selon moi, d'y ajouter l'égalité des chances ou encore la juste récompense du mérite, du travail et de l'effort.
Ce sont tous ces principes qui expriment la communauté de destin au sein de laquelle des femmes et hommes, aux multiples racines, veulent y écrire ensemble leur Histoire. Ce sont eux qui imposent à chacun d'entre-nous de transcender ses propres singularités pour bâtir notre communauté nationale.
Cette exigence est élevée.
Elle l'est d'autant plus pour ceux qui, d'origine et de culture différentes, font le choix de rejoindre notre Nation. Bien sûr, il ne s'agit pas pour eux de renier leur histoire. Mais par leur choix, ils s'engagent dans un processus d'adhésion qui n'est pas qu'administratif. Devenir Français, cela signifie que quelles que soient nos origines, notre couleur de peau, nos convictions spirituelles, nous sommes d'abord et avant tout des citoyens Français, acceptant les droits, mais aussi et surtout respectant les devoirs de la République.
Ce message n'est pas valable seulement pour les nouveaux arrivants... Il l'est pour tout le monde, chacun d'entre-nous devant cultiver sa citoyenneté.
Or ceci ne va pas de soi... La citoyenneté n'est pas une donnée naturelle ; elle n'est pas intangible. Elle est un effort ; elle est une volonté.
Elle est d'autant plus un combat permanent contre l'individualisme que depuis vingt-cinq ans, la crise économique fragilise notre modèle national.
Le doute s'est alors emparé des Français. La crispation de notre société a provoqué des phénomènes de repli faisant de l'Autre, et plus particulièrement des populations issues de l'immigration, la cause de tous les maux. Devenues une catégorie " à part " dans la société, ces populations n'ont pas été assez accompagnées par l'Etat. La République n'a pas su leur offrir la contrepartie de leur intégration ni fixer les règles et devoirs qui s'attachent à son respect. Au même titre, d'ailleurs, que la France n'a pas su garantir à tous les clés de la promotion sociale.
Cette situation d'échec a été d'autant plus accentuée qu'à la crise économique et sociale s'est ajoutée une crise morale. Les valeurs collectives ont perdu de leur sens : l'idéal républicain a perdu de son rayonnement en tant que tel ; le patriotisme fut parfois moqué.
Peu à peu s'est installé sournoisement un discours vantant les mérites du chacun pour soi et de " l'argent facile. " Les golden boys, les montages financiers dans les paradis fiscaux ou encore les dealers roulant en décapotables furent alors admirés, reléguant le citoyen et le travail au rang de la ringardise... !
En l'espace de deux décennies, ce sont donc des repères collectifs majeurs qui se sont estompés.
Toutes ces années de doute et de déshérence se sont répercutées sur le processus d'intégration. De fait, les dégâts ont été considérables d'autant plus pour celles et ceux qui ont fait le choix de rejoindre la France, la voyant d'abord comme un idéal d'égalité, de solidarité et de méritocratie
Ainsi comment leur expliquer qu'ils appartiennent à une seule communauté nationale alors qu'ils ont été considérés dans le même temps comme une " catégorie à part " ?! Comment leur faire aimer l'idéal républicain alors que l'école n'a pas toujours su garantir l'égalité des chances ?! Comment leur demander d'honorer notre drapeau alors même que nos élites prennent un malin plaisir à le dénigrer ?! Comment expliquer à tous ces jeunes Français leur droit à la promotion sociale et les laisser à la porte de l'emploi parce qu'ils s'appellent Douadi, Deng ou Djamila ?!
Bref, comment pouvait-on espérer une intégration forte dans une France qui doute ?!
Aujourd'hui, certaines voix s'élèvent cherchant des alternatives... Ici le communautarisme serait un modèle de société ; là le voile serait l'expression d'une liberté ; là encore la discrimination positive pourrait se substituer à l'égalité des chances... Il est temps de stopper cette dérive. Toutes mesures qui soulignent les différences, renforcent la discrimination !
Aussi, je soutiens que c'est dans le cadre de l'Etat républicain qu'il faut refonder l'intégration.
*
Ce mot de refondation, Mesdames et Messieurs, n'est pas trop fort !
Si je parle de refondation c'est précisément parce que je souhaite rompre avec cet esprit de culpabilité qui a amené notre pays à douter de ses valeurs et de son histoire, tout comme j'entends tourner la page de ce différentialisme qui fait la part belle au communautarisme.
Quelques soient la couleur de peau ou la religion, il n'y a qu'un drapeau qui est celui de la France républicaine. En clair, pour les étrangers qui arrivent en situation régulière, je vise l'intégration et pas la coexistence ! Pour les résidents qui décident de devenir Français et les Français issus de l'immigration, je défends l'idée de l'assimilation pleine et entière par le biais de l'égalité des chances.
On me dit que le terme " assimilation " serait trop fort, trop contraignant... Mais lorsque je parle d'assimilation, je ne cherche pas à ce que " l'étranger " soit plus français que français ; à ce qu'il gomme son passé et revendique des origines gauloises ! Je souhaite, simplement, qu'en le regardant, un Français dit " de souche " voit en lui un compatriote à part entière.
Dans cet esprit, il était tout d'abord indispensable de rehausser les exigences de l'accueil et de l'intégration.
La France a besoin d'une politique migratoire choisie, sans doute mieux ciblée. Les populations qui s'installeront à l'avenir sur notre sol, n'auront sans doute pas, comme par le passé, les mêmes liens historiques, affectifs ou linguistiques avec la France. Il faut s'y préparer.
Chaque année, plus de 100.000 personnes s'installent de façon régulière dans notre pays. Pour les accueillir dans de bonnes conditions, l'Etat se devait de dépasser l'anonymat d'un numéro de dossier en préfecture. Entre la France et l'immigrant, il faut un pacte de confiance partagé et personnalisé.
C'est ici toute l'idée du contrat d'accueil et d'intégration qui permet à la fois de présenter et de faire prendre conscience de l'importance des valeurs de la République, et des droits et devoirs de chacun.
Ce contrat est mis en oeuvre par un nouveau service public de l'accueil dans chaque région. Il sera prochainement pris en charge par une nouvelle agence de l'accueil et de l'immigration.
Mais l'intégration est avant tout la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire un rejet. On touche là au problème de la promotion sociale.
Dans la République, l'Etat est responsable de l'égalité des chances et de la récompense de l'effort. C'est à lui d'offrir à chacun une chance de réussir, non par une politique de quotas, mais en garantissant dans les faits la promotion sociale et en sanctionnant les discriminations.
C'est à l'école que la République a confié la formation de ses citoyens. C'est à elle qu'il revient de permettre leur promotion en fonction de leur seul mérite et indépendamment de leurs origines
Or, le constat pour les jeunes français issus de l'immigration est connu : après l'échec scolaire qui est prégnant, le chômage les frappe trois fois plus que la moyenne ce qui accentue les phénomènes de violence et de perte des repères civiques.
Aussi avons-nous décidé de renforcer la mission " intégratrice " de l'école. Les mesures envisagées et qui doivent être approfondies, notamment lors du prochain Comité interministériel à l'intégration, traitent du contenu des enseignements, de l'orientation et du suivi des élèves. Par ailleurs, nous développons des bourses liées au mérite dans les établissements scolaires situés en ZEP. Ainsi, 5.000 jeunes en bénéficient depuis la rentrée de 2003 ; ils seront 10.000 à la rentrée de 2004. Nous incitons également au développement de partenariats entre les établissements scolaires des quartiers défavorisés et des partenaires prestigieux comme Polytechnique et autres grandes écoles...
Ensuite, nous avons commencé à dynamiser l'accès à l'emploi en retenant un dispositif articulé autour de mesures aussi essentielles que :
o Le parrainage vers l'emploi marchand. Au 31 décembre 2003, ce sont près de 15.000 jeunes qui ont en bénéficiés.
o Des préparations aux concours administratifs des fonctions publiques sont expérimentées dans les établissements situés en zone d'éducation prioritaire de 8 académies. Une fonction publique à l'image de la société est notre objectif. Aussi était-il urgent de favoriser des recrutements en faisant du mérite le seul critère objectif
o Enfin, l'apprentissage du français doit être une priorité. Aujourd'hui près d'un million de personnes d'origine immigrées sont démunis face à notre langue. Désormais l'apprentissage du français fait explicitement partie des actions de formation professionnelle inscrites dans le code du travail.
Autre valeur trop longtemps négligée, celle de l'égalité de traitement tant il est vrai qu'il ne peut y avoir intégration tant que subsisteront des discriminations, raciales ou toute autre Le Gouvernement a engagé une série d'actions dans le domaine du logement, de la culture, du sport ou encore de la santé pour briser les barrières de l'incompréhension et modifier le regard de notre société.
Mais c'est la création avant la fin de l'année d'une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qui constituera à cet égard un tournant important pour notre pays. C'est une volonté forte du Président de la République.
Permettez-moi ici d'insister tout particulièrement sur les discriminations à l'égard des femmes immigrées ou issues de l'immigration. Les jeunes filles et femmes constituent un enjeu central pour notre modèle d'intégration. Et on le voit bien avec les " pressions intégristes " Elles sont confrontées à des comportements incompatibles avec le respect des droits fondamentaux que la loi sur la laïcité rappelle dans ce qu'ils ont de plus profonds. Cette loi ne prétend pas tout régler. Mais il fallait cette clarification politique autant qu'un coup d'un arrêt à l'égard de velléités intégristes. Lorsqu'est en jeu un principe d'organisation générale de la société aussi essentiel que la laïcité, et au surplus à l'école, on ne se dérobe pas !
Par ailleurs, nous veillons à affirmer l'égalité de traitement en ce qui concerne l'accès au monde du travail. Cette question sera au coeur de vos travaux de cet après-midi.
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi représente un enjeu essentiel pour notre cohésion sociale. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des conditions étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Aussi était-il urgent de réagir tant cette situation crée les conditions d'un repli identitaire propre à l'absence de reconnaissance sociale.
Le rôle des services publics, et plus particulièrement des institutions du service public de l'emploi, est dès lors essentiel et doit être réaffirmé. Intermédiaires sur le marché du travail et au coeur de la vie professionnelle, celles-ci doivent faire respecter strictement la loi, assurer l'égalité entre tous, mais aussi garder la confiance des entreprises pour accomplir leur mission dans le domaine de l'accès à l'emploi ou à la formation.
Conformément au rapport remis par Bernard Stasi, nous allons travailler sur des codes de promotion de l'égalité dans les entreprises, mais, avant tout, dans les administrations parce que les services publics doivent montrer l'exemple.
Enfin, j'ai la conviction que la question de la représentation et de la reconnaissance de ce que les immigrations successives ont apporté à la France est importante pour notre cohésion nationale.
A l'instar de nos partenaires européens qui créent des musées de l'histoire de leur Nation, nous menons une réflexion similaire. L'un des premiers éléments pourrait être le musée de l'histoire de l'immigration dans notre pays que défend avec conviction Jacques Toubon, à la demande du Premier ministre. Là encore, nous ferons preuve de volontarisme dans les prochaines semaines...
*
Mesdames, Messieurs,
Les temps changent mais les enjeux demeurent...
Voulons-nous une France une et indivisible ?
Voulons-nous des citoyens égaux en droit et en fait ?
Voulons-nous que l'Etat garantisse l'égalité des chances ?
Acceptons-nous une France des communautés ?
Ces questions, je vous le rappelle, ont motivé la Révolution Française... La République en est née. Elle est née de cette volonté de dépassement au service de l'égalité et de l'unité nationale.
Aujourd'hui, la question est simple : les 60 millions de Français veulent-ils affronter ensemble un monde où cohabitent six milliards d'individus ou préfèrent-ils se recroqueviller au sein de communautés aussi fragiles qu'illusoires ?
A cette question les Français, j'en ai la conviction, répondraient : la République d'abord !
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 16 mars 2004)