Interview de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, à "BFM" le 22 septembre 2005, sur le rôle des agences de voyages face au développement des propositions touristiques sur internet et sur la taxe sur les billets d'avion pour les pays en voie de développement.

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Média : BFM

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Q- Vous allez voir les professionnels du tourisme, ils sont réunis à Deauville. Il y a deux choses : d'abord, les agences de voyages sont très inquiètes car certaines d'entre elles pensent qu'Internet va les tuer purement et simplement. Que pouvez-vous leur dire ?
R- Je pense qu'Internet va peut-être tuer les agences qui n'auront pas le courage d'absorber les mutations et puis de se réorganiser. Parce que, finalement, lorsque l'on regarde les potentialités, elles sont énormes. D'abord, Internet ne pourra jamais remplacer une agence de voyages avec un personnel accueillant, un sourire, des conseils à donner, exactement comme le médecin de famille. Il est clair que les agences qui vont simplement se contenter d'enregistrer et qui n'auront pas justement à aller vers un peu plus de conseils, d'établir la synergie entre la clientèle et elles, il est clair que ces agences vont disparaître.
Q- Elles doivent même se servir d'Internet dit-on ? Il peut y avoir des synergies très efficaces de fait, entre l'agence physique et l'agence dématérialisée sur Internet.
R- Absolument. Il faut arriver à faire une combinaison entre les deux, c'est-à-dire, l'agence qui aura toujours, bien entendu, son mot à dire. Je rappelle d'ailleurs que, lorsque l'on regarde le nombre de Français qui partent en France, c'est-à-dire, qui restent en France et qui n'utilisent à peine que 8 % des agences, là, il y a un potentiel extraordinaire. Et puis nous savons aussi de plus en plus que les plus de 55 ans, ceux que nous appelons "les seniors" ont besoin de plus de conseils. Par conséquent, là aussi il y a des marges de croissance à récupérer. On peut imaginer, c'est vrai, qu'il y a une combinaison très intelligente entre les deux, c'est-à-dire, les agences telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui, et puis Internet. Par conséquent, je ne suis pas du tout inquiet.
Q- Et puis vous pensez, vous, que c'est en France que se trouve le salut de beaucoup d'agences de voyages, elles ne vendent pas assez la destination France. Mais c'est peut-être aussi qu'on la juge trop chère la destination France ?
R- La destination France restera toujours chère, tout simplement parce que la France est ce qu'elle est : elle a un modèle économique complètement différent des autres, comme par exemple, la Croatie ou bien la République dominicaine. Ceci dit, ce n'est pas parce que l'on est cher que l'on n'est pas vendable, c'est une question de rapport qualité prix. Il faut simplement arriver à mettre tout cela en valeur, c'est ce que nous faisons d'ailleurs avec "Le Plan qualité France". Simplement, il faut que dans des grandes occasions comme "Top Resa", que nous ayons davantage d'exposants. C'était déjà le cas, puisque je rappelle que des pays ou plutôt des régions, comme la Vendée, la Bretagne, le Var, Paris, étaient déjà dans les "Top Resa" précédents. Cette année, je constate avec beaucoup de plaisir que nous aurons en plus [inaud.], les Hautes-Alpes. Il faut donc d'abord que les exposants viennent exposer en profitant de ces salons, et il faut bien entendu que les agences s'emparent aussi du produit français.
Q- Dans un contexte où l'on essaye de tirer les prix au maximum, quelques explications sur la taxe sur les billets d'avion pour les pays en voie de développement, c'est la grande idée de J. Chirac. On peut le prendre dans tous les sens, c'est quand même un nouvel impôt d'une manière générale que l'on veut nous imposer !
R- II y aura toujours à un moment donné des augmentations, ne serait-ce que par le problème du pétrole qui s'impose à nous tous. Simplement, lorsqu'un voyageur, lorsqu'un touriste sait qu'il peut se déplacer quelque part, et qu'en achetant un billet, il crée un geste responsable, je pense que l'on ne voit pas du tout le prix du billet, en tout cas, le prix de l'augmentation surtout s'il est minime. Par conséquent, c'est un débat qu'il faut ouvrir et qu'il faut effectivement mûrir. Mais en tout cas, je suis absolument certain que c'est possible. D'ailleurs, moi-même... Vous savez que nous sommes un fervent combattant contre ce que j'appelle l'exploitation sexuelle des enfants, c'est-à-dire, tout faire pour lutter contre le tourisme sexuel, nous sommes en train actuellement de réfléchir sur un principe qui consistera, au moment où un voyageur va acheter un billet, de réserver par exemple une certaine somme, 1 ou 2 euros, qui permettra ensuite d'aller monter des projets dans les pays concernés, afin de lutter contre la pauvreté. A partir du moment où le client, le voyageur qui achète un billet, est informé en toute transparence, je pense qu'il verra ce problème avec d'autres yeux.
Q- En tout cas, le Gouvernement est déterminé à aller jusqu'au bout pour cette taxe sur les billets d'avions ?
R- Je crois que nous étions les seuls. C'était une idée de J. Chirac. Aujourd'hui, près de 70 pays suivent le Président. Par conséquent je crois que nous sommes sur la bonne voie.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 septembre 2005)