Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur le rôle de la microfinance dans le financement du développement, à Paris le 20 juin 2005.

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Circonstance : Conférence internationale de Paris sur la microfinance, le 20 juin 2005

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire européen,
Messieurs les Gouverneurs de banques centrales,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les Conseillers du Secrétaire général des Nations unies pour l'année du microcrédit,
Mesdames et Messieurs les Représentants de la société civile et du secteur privé,
Honorables invités,
Je voudrais tout d'abord vous dire combien je me réjouis d'être à vos côtés pour procéder à la clôture de cette Conférence internationale sur la microfinance. C'est un thème auquel j'attache personnellement une grande importance et je suis très heureuse et fière que le président de la République ait souhaité que notre pays accueille un tel événement en cette année du microcrédit.
J'estime en effet que la microfinance apporte une réponse courageuse aux défis du développement, et ce à un double titre.
Courage pour démontrer qu'il est possible d'apporter aux plus pauvres, dans les conditions de précarité les plus grandes, des solutions financières, alors que la tentation naturelle d'un banquier est de ne s'adresser qu'aux clients les plus riches.
Courage également face aux opinions publiques du Nord, pour affirmer que la microfinance n'est pas une action de charité mais de développement responsable dans l'équilibre financier, et que la primauté doit être accordée à la viabilité de ces microbanques, à leur bonne gestion et à leur développement au service du plus grand nombre.
C'est donc un grand honneur pour la France d'avoir pu réunir à Paris tant de hautes personnalités, représentant des gouvernements, des institutions internationales du développement, de la société civile, du secteur privé, pour débattre des nouveaux enjeux de la microfinance, à l'occasion de l'année internationale du microcrédit, proclamée par le Secrétaire général des Nations unies.
J'exprime mes remerciements les plus chaleureux à nos partenaires de la communauté internationale, en particulier au CGAP, le Groupe consultatif d'assistance aux pauvres, à nos partenaires britannique et allemand du DFID et de la KFW, d'avoir bien voulu contribuer, aux côtés du gouvernement français et de l'Agence française de développement, à l'organisation de cette importante manifestation. Mes remerciements s'adressent également aux membres du collectif des acteurs français de la microfinance qui se sont fortement mobilisés, avec leurs partenaires du Sud, pour assurer la réussite de cette conférence.
Je voudrais aussi saluer la présence parmi nous de conseillers du Secrétaire général des Nations unies pour l'année du microcrédit, qui ont souhaité tenir une réunion de travail à Paris à l'occasion de cette conférence, afin de permettre de mieux intégrer les résultats de vos travaux dans leurs propres réflexions et recommandations.
Comme cela a été clairement énoncé, la microfinance constitue un outil essentiel à la fois pour favoriser le développement local et pour lutter contre la pauvreté et la précarité. A ce titre, c'est un instrument indispensable à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
En effet, comment espérer une accélération du développement économique et la réduction des fractures sociales, notamment dans les pays les plus pauvres, alors que plus de la moitié de la population mondiale n'a pas encore accès aux services financiers de base ? Qu'il s'agisse de l'épargne, du crédit, des moyens de paiement sécurisés ou encore des services de micro-assurance, la microfinance apporte, de façon très concrète, des solutions.
Mais la microfinance constitue également un formidable outil pour permettre la reconstruction du tissu économique et social dans les pays sortant de crises, qu'elles soient liées à des catastrophes naturelles - je pense plus particulièrement aux terribles conséquences du tsunami - ou à des conflits. Elle permet, en effet, aux populations démunies de recouvrer des activités économiques génératrices de revenus ou simplement de pouvoir à nouveau accéder à un logement.
Pour répondre aux besoins du plus grand nombre, la microfinance, nous le savons, est confrontée à de nouveaux enjeux d'ordre institutionnel, financier et social.
Ceci implique à la fois une professionnalisation accrue des acteurs, le renforcement des structures organisationnelles et financières des institutions de microfinance et une meilleure coopération avec le secteur financier formel.
Ceci implique également d'intégrer davantage la microfinance et, plus généralement, l'accès aux services financiers, dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté.
Une autre voie prometteuse est de mieux associer les institutions de microfinance à la mise en uvre de politiques de codéveloppement. Les transferts financiers des migrants portent sur des sommes considérables, souvent supérieures aux flux d'aide publique au développement, qu'il convient de mieux canaliser en faveur du développement. C'est l'un des axes de la politique française de codéveloppement. Dans ce cadre, les institutions de microfinance, situées au plus près des populations, constituent un relais indispensable.
Pour faire face aux nouveaux enjeux auxquels est confrontée la microfinance, je voudrais appeler à une mobilisation internationale de tous les acteurs :
Les Etats, en premier lieu, ont un rôle essentiel à jouer, en créant les conditions d'un environnement sûr et incitatif. L'objectif doit être, à la fois, de sécuriser les épargnants, et de favoriser l'épanouissement d'une diversité de formes d'institutions de microfinance susceptibles de répondre à une gamme étendue de besoins en matière de services financiers.
Le secteur privé, ensuite, comme en témoignent vos travaux, est aujourd'hui convaincu de la nécessité de s'impliquer davantage dans ce processus. Les banques commerciales et les institutions privées de financement sont appelées à nouer des partenariats pour favoriser la consolidation de la structure financière des institutions de microfinance et leur permettre d'étendre leurs activités, par l'apport de fonds propres ou l'octroi de prêts à moyen et long terme.
Les bailleurs de fonds, quant à eux, doivent continuer d'accompagner cette évolution, en faisant preuve de créativité. Ils peuvent notamment jouer un rôle de catalyseur en créant des mécanismes financiers innovants.
Tous enfin doivent s'appuyer sur l'immense expérience des ONG et des acteurs de la société civile qui oeuvrent depuis plus de 30 ans dans ce domaine, et dont je salue l'engagement en direction des populations les plus défavorisées.
Depuis une vingtaine d'années, la coopération française accompagne le développement de la microfinance au Sud.
Au regard des nouveaux enjeux que je viens d'évoquer, la France a centré sa stratégie d'appui selon 4 axes :
- améliorer la performance générale du secteur par des actions de formation et de renforcement des capacités ;
- appuyer les gouvernements dans la mise en place de cadres juridiques et fiscaux adaptés et la définition de stratégies sectorielles ;
- favoriser et accompagner les partenariats entre les institutions de microfinance et le secteur privé, comme par exemple la facilité d'investissement en microfinance de l'Agence française de développement de 20 millions d'euros que le président de la République a annoncée ce matin ;
- contribuer à la réflexion internationale sur le secteur, favoriser les transferts de savoir-faire, développer la concertation, comme lors de cette conférence.
Avant de conclure, je voudrais souligner que la microfinance concerne l'ensemble des continents. Le manque d'accès aux services financiers en effet n'affecte pas seulement les habitants des pays les plus pauvres. Ainsi, la mise en place de systèmes de microcrédit peut aider à la réinsertion économique des travailleurs privés d'emploi en Europe. Je voudrais saluer, à cet égard, les initiatives prises par l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) en ce domaine, qui montrent bien que l'expérience du Sud peut aussi être utile au Nord.
Mais, bien entendu, c'est surtout dans les pays les moins avancés et particulièrement en Afrique que les besoins se font sentir. Comme vous le savez, l'Afrique, qui est loin d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, sera au centre des discussions du prochain G8 de Gleneagles et du sommet des Nations unies en septembre. La France place ce continent au coeur de ses priorités.
Mesdames et Messieurs, au terme de cette journée d'intenses débats, je tiens à remercier personnellement chacun d'entre vous d'avoir contribué de manière positive à l'enrichissement des travaux de cette conférence.
Sachez bien que vos propositions seront relayées dans d'autres enceintes. Je pense en particulier au prochain G8 de Gleneagles en juillet et au Sommet des Nations unies sur le suivi de la Déclaration du Millénaire et des grandes conférences qui aura lieu en septembre. Le président de la République y sera attentif.
Je souhaite que cet ensemble de propositions constitue une "feuille de route" pour tous les acteurs, publics et privés, en vue de donner un nouvel élan à la microfinance.
Dans un monde souvent en proie au pessimisme et aux déchirements, vos travaux viennent rendre une lueur d'espoir que je partage avec vous.
Sachez que le gouvernement français saura accompagner vos efforts dans la construction d'un monde plus juste, plus équitable et plus solidaire.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2005)