Interviews de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, à LCI le 15 juin 2005 et dans "La Tribune" du 16, sur la croissance économique, l'augmentation du SMIC et les négociations salariales et le nouveau contrat nouvelle embauche.

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Média : La Chaîne Info - La Tribune - Télévision

Texte intégral

LCI le 15 juin 2005
Q- Votre objectif, c'est évidemment l'emploi. Pour qu'il y ait de l'emploi, quels que soient les outils, il faut de la croissance. On a l'impression que vous n'avez pas pris de mesures pour relancer la croissance. On va prendre un exemple : le Smic : augmentation automatique du Smic, en fonction de l'harmonisation des Smic horaires, les fameuses 35 heures. Question d'abord : les 5,5 % qui sont donnés par la presse, au 1er juillet, sont-ils exacts ou pas ?
R- Nous connaissons les barèmes de référence : 1,6, d'un côté, qui est, allais-je dire, l'évolution des prix, et puis 3,7 qui est prévu dans la loi de 2003. Mais ce n'est pas l'addition de l'ensemble et les services sont en train de calculer. j'aurai, le 27 juin prochain, à présenter devant la Commission nationale de la négociation collective, l'évolution du Smic pour l'année qui vient, et notamment, la fin de la convergence des Smic. C'est-à-dire une forte croissance du Smic pour la dernière année, mais en même temps, une préoccupation qui est la préoccupation salariale de voir l'ensemble des grilles de salaires évoluer, et nous l'avons examinée la semaine dernière.
Q- Soyons quand même plus précis : c'est une augmentation qui sera dans quelle fourchette ?
R- 5,4 et 5,5, les calculs sont en cours.
Q- Et qui portera sur combien de salariés ?
R- 1.100.000 salariés. Et pour les autres salariés au Smic, c'est une espèce de phénomène en fonction du groupe de revenus auquel ils appartiennent. C'est un phénomène un peu compliqué... On va passer pour le Smic du pluriel au singulier, le 1er juillet prochain.
Q- N'entrons pas trop dans les détails techniques. Mais au-delà de cette augmentation, qui était prévisible par la loi de 2003, est ce que, comme l'ont souhaité certaines organisations syndicales, ne fallait-il pas un coup de pouce supplémentaire pour mettre "du carburant" dans le moteur de la croissance ?
R- Dans le moteur de la croissance, nous voyons le dernier rapport de l'Insee, c'est notamment au niveau des salaires intermédiaires que se situe sans doute la plus faible croissance, liée d'ailleurs, à la faible croissance économique et à l'activité économique...
Q- Ils ont faiblement augmenté en 2004 et n'ont pas augmenté en 2003 ?
R- Notamment, les salaires intermédiaires. Naturellement, travailler sur le Smic, mais aussi, et c'est ce à quoi j'ai invité les branches, à poursuivre leur travail de négociations salariales sur l'ensemble des salaires et les grilles des salaires.
Q- Là encore, soyons précis : il n'y aura pas de coup de pouce supplémentaire sur le Smic ?
R- En l'état actuel, il n'y aura pas de coup de pouce supplémentaire. Tout simplement, c'est l'application de la loi. A partir du 1er juillet 2005, nous retombons, en quelque sorte, dans les définitions antérieures du Smic, avec le coup de pouce éventuel prévu dans le texte.
Q- J'entends bien. Vous disiez à l'instant que vous vous attachiez aux minima salariaux. Il y a près de la moitié des branches où les négociations sont bloquées. Quel est votre pouvoir pour contraindre les gens à négocier ? On va prendre un exemple : dans la restauration, vous vous êtes plaint que dans la restauration, l'hôtellerie, on a donné des avantages, en attendant la baisse de la TVA - près de 800 millions d'avantages, si je ne me trompe. Or, premièrement, pas de créations d'emplois et deuxièmement, pas de déblocage des négociations salariales. Quel est votre pouvoir de contrainte, sinon de dire "arrêtons d'accorder des allégements de charges" ?
R- Sur les 74 premières branches les plus importantes, 37, il est vrai, étaient en dessous de ce que prévoit le code du travail. C'était en mars. Depuis, les choses ont évolué favorablement. Il reste un certain nombre de branches - douze très exactement - qui ont besoin aujourd'hui de poursuivre ou de réengager les négociations salariales. Hôtels, cafés, restaurants font partie de celles-là. Je dois dire qu'à la suite de mon "coup de gueule" - disons les choses comme elles sont - à l'occasion de la Sous-commission de la négociation collective, je dois dire qu'hier, à l'occasion de "Planète PME", j'ai vu le président du Syndicat des restaurateurs, j'ai vu le président du Syndicat des cafetiers...
Q- Vous vous êtes réconciliés, parce qu'il n'est pas très content de votre "coup de gueule" ?
R- Je ne cherche ni à me fâcher, ni à me réconcilier. Je cherche tout simplement à ce qu'il y ait une réflexion sur l'attractivité de ces métiers. Il faut se poser la question : pourquoi, dans ces métiers qui ne sont pas des métiers faciles, y a-t-il aussi peu de vocation et aussi peu de stabilité du personnel ? Je crois qu'il faut rendre attractifs ces métiers, que c'est l'intérêt de la profession, et c'est une profession importante pour notre pays, pour laquelle j'ai le plus grand respect. Mais conditionner les conditions de travail et les conditions salariales à une négociation qui se déroule entre ministres de l'Economie des Finances à Bruxelles ne m'apparaît pas tout à fait convenable.
Q- Précisément, au moment où le Gouvernement dit qu'il va être plus sévère sur les contrôles des chômeurs, ne doit-il pas être plus sévère sur l'accord d'avantages, notamment d'allégements de charges, lorsqu'il n'y a pas réaction positive des intéressés ? Je pense, par exemple, à l'hôtellerie et à la restauration, mais d'autres aussi. N'est-ce pas le seul moyen de pression que vous avez ?
R- Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a appelé les branches à achever les négociations, notamment sur les salaires et les grilles. On discute aussi conditions de travail, organisation, la branche est un lieu de dialogue social. Et le dialogue social est essentiel. Je dois dire que nous nous retrouverons fin septembre, pour faire le bilan de l'évolution des négociations dans les branches...
Q- Et là, pourriez-vous taper du poing sur la table ?
R- Et nous aurons à la fin de l'automne, un bilan global sur les 276 branches qui existent dans notre pays. Il s'agit, là aussi, d'être positifs, et de constater que le dialogue social est bien reparti. D'autre part, nous mettons en place, à l'intérieur de la direction des relations du travail, un groupe de suivi qui, année après année, signalera les branches qui n'ont pas entamé réellement de négociations. Et en même temps, nous sommes à la disposition des petites branches pour les aider dans leurs négociations.
Q- Vous avez deux pistes pour dynamiser l'emploi : "les emplois aidés", notamment dans le secteur non-marchand, et puis le fameux "contrat nouvelle embauche". Ce contrat est-il destiné un jour à faire école ? Et, dans votre esprit, l'horizon est-il d'aller - c'est ce que proposait N. Sarkozy, l'autre jour, dans son discours devant les cadres de l'UMP, ou ce qu'a proposé le président de la CGPME - vers un contrat unique ?
R- Avant de "faire école", il faut le mettre en place. Le Premier ministre en a tracé les contours : un CDI, qui, pendant deux années peut avoir une cessation de contrat, avec pour le salarié, contre cette souplesse en quelque sorte, des compensations importantes, qui sont des éléments de sécurité. Cela s'appelle "assurance chômage", cela s'appelle aussi "reclassement", "accompagnement". Toute cette réalité entre souplesse et sécurité, nous devons la mettre en place, notamment dans les PME, dont je rappelle qu'elles représentent, dans notre pays, 92 % des entreprises. Nous allons mettre en place ce contrat après une phase de consultation des partenaires sociaux qui commencera demain, aussi bien représentants des salariés que des entreprises, et après une consultation du Bureau du Conseil économique et social. Et je dois dire que, naturellement, nous réunirons, avec J.-L. Borloo, l'ensemble des structures qui sont prévues pour le dialogue social.
Q- Dernière question au sujet des salariés de La Samaritaine, M. Voisin, le secrétaire général de la CFTC, a dit, après vous avoir rencontré, que vous alliez "prendre les choses en mains". Cela veut dire quoi exactement ?
R- Tout simplement, ayant rencontré J. Voisin, qui préside la Confédération des travailleurs chrétiens, hier, il m'a fait part de ses préoccupations. Je lui ai fait savoir que, depuis un certain nombre de jours, nous suivions particulièrement le dossier Samaritaine, que je m'engageais pour le maintien de l'emploi et que je vais rencontrer les instances dirigeantes de LVMH, pour que nous fassions le point avant la fin de la semaine sur ce sujet.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 juin 2005)
La Tribune du 16 juin 2005
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Catherine Delgado
Sur le contrat nouvelle embauche, des évolutions sont-elles possibles, notamment sur la durée de la période d'essai ?
Le Premier ministre a fixé des orientations précises sur lesquelles il a souhaité que les partenaires sociaux soient consultés. Avec Jean-Louis Borloo, nous commençons à les rencontrer aujourd'hui. Il s'agit d'un premier cycle, il y en aura un autre. Nous rencontrerons aussi le bureau du Conseil économique et social. Ensuite, en juillet, se tiendra sous ma présidence une réunion de la Commission nationale conventions et accords, où siègent les partenaires sociaux. Le texte sera finalisé à l'issue de cette procédure. Le principe, je le rappelle, est simple. Il s'agit de mettre en place un contrat pérenne avec une période de deux ans pendant laquelle le salarié ou l'employeur pourra mettre fin au contrat sans formalités trop lourde. Dans ce cas, le salarié bénéficiera de droits renforcés. Un préavis systématique et une indemnisation du chômage, par exemple, et ce même s'il n'a pas travaillé le minimum requis de 180 jours, ainsi qu'un accompagnement au reclassement.
Pensez-vous étendre cette nouvelle mesure aux entreprises de plus de dix salariés ?
Le Premier ministre a été clair. Cette mesure ne concerne que les très petites entreprises.
Combien d'emplois nouveaux pourrait entraîner ce nouveau contrat ?
Il est toujours difficile de se livrer à des pronostics. Cela dit, on dénombre actuellement 375.000 contrats à durée déterminée dans les entreprises employant moins de dix salariés, ce qui peut permettre d'envisager la conclusion d'un nombre significatif de contrats.
Il y aura finalement 80.000 contrats d'accompagnement dans l'emploi en plus, réservés aux jeunes. C'est le retour des emplois-jeunes ?
Non. 57.000 jeunes au chômage depuis plus d'un an vont être reçus par l'ANPE, cela commencera dès la semaine prochaine. La priorité, c'est de leur proposer des emplois dans le privé. Le CAE, le contrat d'accompagnement dans l'emploi, dans le secteur public, sera proposé aux jeunes les plus en difficulté, assorti d'un accompagnement pour un vrai retour dans l'emploi.
Quand seront dévoilés le texte définitif de la convention tripartite Etat-ANPE-Unedic et le décret sur le contrôle des chômeurs ?
Nous reviendrons dès aujourd'hui sur ces chantiers avec les partenaires sociaux. Les discussions avec l'Unedic et l'ANPE vont s'engager très prochainement. S'agissant du décret sur la recherche d'emploi, je rappelle que tout est dans la loi du 18 janvier 2005. Le décret doit définir l'échelle des sanctions. Notre objectif, ne l'oublions pas, s'inscrit dans la démarche positive d'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Même si ce n'est pas directement de votre responsabilité, y a-t-il pour vous des points incontournables lors de la prochaine négociation sur la convention Unedic ?
- La négociation sur l'assurance-chômage est l'affaire des partenaires sociaux. Mais vous dire que je n'y pense pas serait mentir : l'Etat ne peut se désintéresser de l'Unedic, de son rôle et de ses finances. L'évolution du régime d'assurance-chômage sera le grand chantier de la rentrée.

(Source http://www.u-m-p.org, le 16 juin 2005)