Texte intégral
G. Cahour - On va commencer avec la sécheresse, car même s'il y a beaucoup de sujets à aborder, c'est le sujet qui nous concerne tous en ce moment : 60 départements français sont touchés par la sécheresse. La semaine dernière, il y a eu plusieurs orages, ont-ils soulagés les nappes phréatiques ?
R - Non, parce que les orages, lorsqu'ils surviennent en été, comme les pluies qui peuvent arriver aujourd'hui dans le Sud et le Sud-Est de la France, cela fait du bien aux cultures, parce que c'est un apport en eau que l'on n'est pas obligé d'apporter par l'irrigation, mais, bien sûr, ça ne recharge pas les nappes phréatiques. Le problème est qu'il n'a pas plu suffisamment pendant l'automne, pendant l'hiver et au printemps, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la sécheresse a pu être anticipée puisque, dès le mois de mars, nous avions déjà les feux clignotants dans beaucoup de départements, et même dans certains cas des feux rouges, et on a pu, dès le printemps, lorsque les paysans ont semé leurs cultures, tenir compte déjà du fait que nous aurions une sécheresse. Parce que, même s'il pleuvait au printemps, les nappes phréatiques étaient à un très bas niveau.
Q - Vous parlez de sécheresse et vous demandez aux auditeurs de RMC ce qu'ils font pour justement faire des économies d'eau. Mais j'ai parfois aussi l'impression qu'on nous culpabilise. Le gros de la consommation de l'eau pendant l'été, c'est l'agriculture. Pour 9 %, ce sont les particuliers, c'est peanuts !
R - C'est plus compliqué que ça. J'habite dans un département qui est un grand département touristique où, dans ma commune, par exemple, aujourd'hui, 1er août, la population est multipliée par 10 par rapport à sa population habituelle de 5.000 habitants, à Saint-Georges-de-Didonne, en Charente-Maritime. Eh bien, le fait que nous ayons la population multipliée par 10, naturellement, cela implique beaucoup plus de consommation de douches, de vaisselle, de vie quotidienne. C'est vrai que l'agriculture consomme de l'eau, mais elle la consomme, parce que, avec ce travail de l'agriculture, c'est notre alimentation, c'est le fonctionnement de notre industrie agroalimentaire. Je rappelle quand même que les emplois, en France, issus de l'agriculture ou de l'industrie agroalimentaire, c'est 16 %, c'est-à-dire que près d'un emploi sur cinq en France est lié à l'agriculture.
Q - Et non pas 2 %, comme le disait T. Blair...
R - Mais T. Blair a fait un calcul à minima : il a regardé ...
Q - ... Le nombre d'agriculteurs !
R - Voilà ! Dans son propre pays, où ils sont 213.000 - mais la France, ce n'est pas l'Angleterre, fort heureusement, on y vit différemment -, et puis il y a aussi tous ceux qui travaillent autour de l'agriculture... On a beaucoup parlé, la semaine dernière, de l'affaire Danone : c'est une entreprise industrielle de premier plan, elle vit à partir des productions agricoles... Donc, les agriculteurs consomment, c'est clair, cela veut dire d'ailleurs qu'il faut qu'à la rentrée ...
Q - ... Est-ce qu'ils consomment raisonnablement ?
R - Oui. Dans le passé, ce n'était pas le cas dans certaines régions. Mais aujourd'hui, l'irrigation se fait par exemple avec des compteurs, ce que l'on appelle la "régulation volumétrique", c'est-à-dire que chaque agriculteur a un compteur, il consomme en fonction de la possibilité d'avoir de l'eau, donc les choses ont beaucoup changé dans ce domaine. Dans mon département, je crois que la consommation d'eau, pour l'agriculture irriguée, en 15 ans, a été divisée par 4, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, les agriculteurs font très attention...
Q - On ne voit plus les jets d'eau qui arrosent les champs en pleine journée, ce qui est complètement ridicule...
R - On arrive à le voir de temps en temps, parce que parfois l'homme est seul sur une exploitation...
Q - Et ça, c'est sanctionné ou pas ?
R - Attendez, la gestion de l'eau se fait département par département. C'est-à-dire que depuis le printemps, nous demandons à chaque préfet de prendre des arrêtés dans chaque département. Cela peut être des arrêtés concernant la consommation privée : par exemple, on vient, chez moi, d'arrêter les douches de plage, parce que c'était symbolique quelque part d'une consommation effrénée, ou le lavage des bateaux dans les bases nautiques. On peut arrêter également l'arrosage des jardins ou des jardins publics, des collectivités, en leur disant de faire ça la nuit...
Q - Des golfs aussi...
R - Oui, mais, quand on arrête un golf, c'est bien gentil, mais qu'est-ce que l'on fait des emplois, des dizaines et des dizaines de personnes qui travaillent dans le golf, au restaurant du golf, etc. ? Donc, la plupart des golfs, d'ailleurs, sont assez malins : ils recyclent l'eau. Comme un golf a besoin de beaucoup d'eau, ils prennent l'eau pour arroser le golf et ensuite ils la recyclent. Donc il y a la consommation des personnes, la consommation des collectivités, la consommation agricole. A l'avenir, il faudra faire en sorte qu'il y ait plus de disponibilités en eau. Plus de disponibilités en eau, cela veut dire, en particulier, ce que l'on appelle des réserves de substitution, c'est-à-dire que partout où la nature le permet, par la nature des terres ou par le vallonnement, on ait des petites réserves d'eau et qu'on puisse, en cas de coup dur, se tourner vers ces réserves. C'est une politique qui a été engagée dans de nombreuses régions. J'observe que depuis les dernières élections régionales, les majorités socialistes des régions, sous la pression des Verts, ont souvent stoppé ces politiques de réserves de substitution...
Q - Pourquoi "sous la pression des Verts" ? Les Verts n'en veulent pas ?
R - Eh bien, parce que les Verts n'aiment pas l'eau, peut-être parce qu'ils trouvent que ça fait trop verdir, ou alors qu'ils n'aiment pas les agriculteurs, ce qui est souvent le cas, parce qu'ils considèrent que l'agriculture est plus une pollution qu'un apport de richesses ?! Mais il n'empêche que cette politique a un peu été stoppée et c'est dommage. Donc je crois qu'il faudra tirer les conclusions de tout ça. Ce n'est pas simplement maintenant qu'il faut parler de la sécheresse. C'est après, et après, il faudra travailler à remettre en place des réserves d'eau sur tout le territoire national.
Q - La Politique agricole commune incite, paraît-il, les agriculteurs à exploiter des champs avec de l'irrigation, des champs qui consomment beaucoup d'eau. Est-ce que c'est exact et pour quelles raisons des incitations financières de la sorte ?
R - Alors, d'abord, je ne vous ai pas complètement répondu tout à l'heure sur les arrosages, je viens à votre question. On peut trouver un arroseur dans un coin, qui fonctionne, et un kilomètre plus loin, il est à l'arrêt, parce que les préfets font leur politique d'arrêtés en fonction des bassins versants. Vous pouvez avoir un marais, une petite rivière, où il y a de l'eau, et donc on autorise, mais un kilomètre plus loin on n'autorise pas... C'est très localisé, donc, quand on circule sur le territoire, il faut faire attention, on peut voir un arroseur fonctionner parce que là il y a de l'eau, mais quelques kilomètres plus loin, il est arrêté parce que là il n'y en a pas et que les réseaux ne sont pas interconnectés. Premier point. Deuxièmement, c'est vrai que la Politique agricole commune, en favorisant le développement des grandes cultures dans l'ancien système de la PAC, a conduit parfois à augmenter sensiblement les cultures irriguées, en particulier le maïs. Mais aujourd'hui, je le répète, dans les assolements que font nos agriculteurs, dès le printemps, parce qu'il y a cette année sécheresse, le maïs a fortement diminué, de 20 % par exemple dans la région Poitou-Charentes, mais aussi les agriculteurs se tournent de plus en plus vers des agricultures moins consommatrices en eau. Donc je pense que cette tendance des années précédentes est en train de changer.
Q - Donc la PAC n'incite plus financièrement à créer des cultures qui consomment beaucoup ?
R - La PAC a été complètement refaite, ce que l'on oublie beaucoup. On a parlé du débat autour de monsieur Blair, mais on a oublié qu'elle s'était complètement modifiée ces dernières années, avec deux nouvelles directions : un, depuis le 1er janvier 2005, c'est en application en France, ce que l'on appelle "l'éco-conditionnalité", c'est-à-dire la nécessité pour les agriculteurs de répondre à des normes environnementales, souvent difficiles. Et ça a d'ailleurs été un débat dans les campagnes, parce que parfois ces normes sont difficiles à atteindre pour nos agriculteurs. Et deuxièmement, ce que l'on appelle le découplage des aides : cela veut dire que l'aide financière n'est plus liée au volume de production. Et se faisant d'ailleurs, nous sommes entrés dans les bonnes lignes de la réforme de l'Organisation mondiale du commerce. C'est pour cela qu'aujourd'hui, quand les Etats-Unis ou certains autres pays viennent demander à l'Europe de cesser les subventions aux exportations agricoles, eh bien nous leur disons : "Chiche, commencez vous aussi parce que nous, nous avons déjà mis notre système en adéquation".
Q - Donc la PAC va aussi dans le sens du respect de l'eau ?
R - Du respect de l'eau, de plus en plus, puisque aujourd'hui l'aide est conditionnalisée au respect de l'environnement.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 août 2005)
R - Non, parce que les orages, lorsqu'ils surviennent en été, comme les pluies qui peuvent arriver aujourd'hui dans le Sud et le Sud-Est de la France, cela fait du bien aux cultures, parce que c'est un apport en eau que l'on n'est pas obligé d'apporter par l'irrigation, mais, bien sûr, ça ne recharge pas les nappes phréatiques. Le problème est qu'il n'a pas plu suffisamment pendant l'automne, pendant l'hiver et au printemps, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la sécheresse a pu être anticipée puisque, dès le mois de mars, nous avions déjà les feux clignotants dans beaucoup de départements, et même dans certains cas des feux rouges, et on a pu, dès le printemps, lorsque les paysans ont semé leurs cultures, tenir compte déjà du fait que nous aurions une sécheresse. Parce que, même s'il pleuvait au printemps, les nappes phréatiques étaient à un très bas niveau.
Q - Vous parlez de sécheresse et vous demandez aux auditeurs de RMC ce qu'ils font pour justement faire des économies d'eau. Mais j'ai parfois aussi l'impression qu'on nous culpabilise. Le gros de la consommation de l'eau pendant l'été, c'est l'agriculture. Pour 9 %, ce sont les particuliers, c'est peanuts !
R - C'est plus compliqué que ça. J'habite dans un département qui est un grand département touristique où, dans ma commune, par exemple, aujourd'hui, 1er août, la population est multipliée par 10 par rapport à sa population habituelle de 5.000 habitants, à Saint-Georges-de-Didonne, en Charente-Maritime. Eh bien, le fait que nous ayons la population multipliée par 10, naturellement, cela implique beaucoup plus de consommation de douches, de vaisselle, de vie quotidienne. C'est vrai que l'agriculture consomme de l'eau, mais elle la consomme, parce que, avec ce travail de l'agriculture, c'est notre alimentation, c'est le fonctionnement de notre industrie agroalimentaire. Je rappelle quand même que les emplois, en France, issus de l'agriculture ou de l'industrie agroalimentaire, c'est 16 %, c'est-à-dire que près d'un emploi sur cinq en France est lié à l'agriculture.
Q - Et non pas 2 %, comme le disait T. Blair...
R - Mais T. Blair a fait un calcul à minima : il a regardé ...
Q - ... Le nombre d'agriculteurs !
R - Voilà ! Dans son propre pays, où ils sont 213.000 - mais la France, ce n'est pas l'Angleterre, fort heureusement, on y vit différemment -, et puis il y a aussi tous ceux qui travaillent autour de l'agriculture... On a beaucoup parlé, la semaine dernière, de l'affaire Danone : c'est une entreprise industrielle de premier plan, elle vit à partir des productions agricoles... Donc, les agriculteurs consomment, c'est clair, cela veut dire d'ailleurs qu'il faut qu'à la rentrée ...
Q - ... Est-ce qu'ils consomment raisonnablement ?
R - Oui. Dans le passé, ce n'était pas le cas dans certaines régions. Mais aujourd'hui, l'irrigation se fait par exemple avec des compteurs, ce que l'on appelle la "régulation volumétrique", c'est-à-dire que chaque agriculteur a un compteur, il consomme en fonction de la possibilité d'avoir de l'eau, donc les choses ont beaucoup changé dans ce domaine. Dans mon département, je crois que la consommation d'eau, pour l'agriculture irriguée, en 15 ans, a été divisée par 4, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, les agriculteurs font très attention...
Q - On ne voit plus les jets d'eau qui arrosent les champs en pleine journée, ce qui est complètement ridicule...
R - On arrive à le voir de temps en temps, parce que parfois l'homme est seul sur une exploitation...
Q - Et ça, c'est sanctionné ou pas ?
R - Attendez, la gestion de l'eau se fait département par département. C'est-à-dire que depuis le printemps, nous demandons à chaque préfet de prendre des arrêtés dans chaque département. Cela peut être des arrêtés concernant la consommation privée : par exemple, on vient, chez moi, d'arrêter les douches de plage, parce que c'était symbolique quelque part d'une consommation effrénée, ou le lavage des bateaux dans les bases nautiques. On peut arrêter également l'arrosage des jardins ou des jardins publics, des collectivités, en leur disant de faire ça la nuit...
Q - Des golfs aussi...
R - Oui, mais, quand on arrête un golf, c'est bien gentil, mais qu'est-ce que l'on fait des emplois, des dizaines et des dizaines de personnes qui travaillent dans le golf, au restaurant du golf, etc. ? Donc, la plupart des golfs, d'ailleurs, sont assez malins : ils recyclent l'eau. Comme un golf a besoin de beaucoup d'eau, ils prennent l'eau pour arroser le golf et ensuite ils la recyclent. Donc il y a la consommation des personnes, la consommation des collectivités, la consommation agricole. A l'avenir, il faudra faire en sorte qu'il y ait plus de disponibilités en eau. Plus de disponibilités en eau, cela veut dire, en particulier, ce que l'on appelle des réserves de substitution, c'est-à-dire que partout où la nature le permet, par la nature des terres ou par le vallonnement, on ait des petites réserves d'eau et qu'on puisse, en cas de coup dur, se tourner vers ces réserves. C'est une politique qui a été engagée dans de nombreuses régions. J'observe que depuis les dernières élections régionales, les majorités socialistes des régions, sous la pression des Verts, ont souvent stoppé ces politiques de réserves de substitution...
Q - Pourquoi "sous la pression des Verts" ? Les Verts n'en veulent pas ?
R - Eh bien, parce que les Verts n'aiment pas l'eau, peut-être parce qu'ils trouvent que ça fait trop verdir, ou alors qu'ils n'aiment pas les agriculteurs, ce qui est souvent le cas, parce qu'ils considèrent que l'agriculture est plus une pollution qu'un apport de richesses ?! Mais il n'empêche que cette politique a un peu été stoppée et c'est dommage. Donc je crois qu'il faudra tirer les conclusions de tout ça. Ce n'est pas simplement maintenant qu'il faut parler de la sécheresse. C'est après, et après, il faudra travailler à remettre en place des réserves d'eau sur tout le territoire national.
Q - La Politique agricole commune incite, paraît-il, les agriculteurs à exploiter des champs avec de l'irrigation, des champs qui consomment beaucoup d'eau. Est-ce que c'est exact et pour quelles raisons des incitations financières de la sorte ?
R - Alors, d'abord, je ne vous ai pas complètement répondu tout à l'heure sur les arrosages, je viens à votre question. On peut trouver un arroseur dans un coin, qui fonctionne, et un kilomètre plus loin, il est à l'arrêt, parce que les préfets font leur politique d'arrêtés en fonction des bassins versants. Vous pouvez avoir un marais, une petite rivière, où il y a de l'eau, et donc on autorise, mais un kilomètre plus loin on n'autorise pas... C'est très localisé, donc, quand on circule sur le territoire, il faut faire attention, on peut voir un arroseur fonctionner parce que là il y a de l'eau, mais quelques kilomètres plus loin, il est arrêté parce que là il n'y en a pas et que les réseaux ne sont pas interconnectés. Premier point. Deuxièmement, c'est vrai que la Politique agricole commune, en favorisant le développement des grandes cultures dans l'ancien système de la PAC, a conduit parfois à augmenter sensiblement les cultures irriguées, en particulier le maïs. Mais aujourd'hui, je le répète, dans les assolements que font nos agriculteurs, dès le printemps, parce qu'il y a cette année sécheresse, le maïs a fortement diminué, de 20 % par exemple dans la région Poitou-Charentes, mais aussi les agriculteurs se tournent de plus en plus vers des agricultures moins consommatrices en eau. Donc je pense que cette tendance des années précédentes est en train de changer.
Q - Donc la PAC n'incite plus financièrement à créer des cultures qui consomment beaucoup ?
R - La PAC a été complètement refaite, ce que l'on oublie beaucoup. On a parlé du débat autour de monsieur Blair, mais on a oublié qu'elle s'était complètement modifiée ces dernières années, avec deux nouvelles directions : un, depuis le 1er janvier 2005, c'est en application en France, ce que l'on appelle "l'éco-conditionnalité", c'est-à-dire la nécessité pour les agriculteurs de répondre à des normes environnementales, souvent difficiles. Et ça a d'ailleurs été un débat dans les campagnes, parce que parfois ces normes sont difficiles à atteindre pour nos agriculteurs. Et deuxièmement, ce que l'on appelle le découplage des aides : cela veut dire que l'aide financière n'est plus liée au volume de production. Et se faisant d'ailleurs, nous sommes entrés dans les bonnes lignes de la réforme de l'Organisation mondiale du commerce. C'est pour cela qu'aujourd'hui, quand les Etats-Unis ou certains autres pays viennent demander à l'Europe de cesser les subventions aux exportations agricoles, eh bien nous leur disons : "Chiche, commencez vous aussi parce que nous, nous avons déjà mis notre système en adéquation".
Q - Donc la PAC va aussi dans le sens du respect de l'eau ?
R - Du respect de l'eau, de plus en plus, puisque aujourd'hui l'aide est conditionnalisée au respect de l'environnement.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 août 2005)