Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la présence militaire française à l'étranger au service de la sécurité des Français, à Paris le 20 juin 2005.

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Circonstance : Les Lundis de l' Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) sur le thème "Des opérations extérieures au service de la sécurité des Français", à Paris le 20 juin 2005

Texte intégral

C'est pour moi un honneur et un plaisir d'intervenir devant vous, pour ce 12ème " Lundi " de l'IHEDN, une manifestation qui connaît depuis déjà plus d'un an un succès avéré et croissant.
L'occasion m'est donnée ce soir de m'exprimer sur les " opérations extérieures au service de la sécurité des Français ".
J'en profite pour rappeler que l'action de la défense à l'extérieur du territoire, et particulièrement des services de la DGSE, a récemment permis en Iraq le dénouement heureux de la prise en otage de la journaliste Florence Aubenas, ce pour quoi je tiens à leur renouveler mes félicitations.
Je commencerais par un constat, à savoir que les Français sont aujourd'hui plus éloignés qu'ils ne l'ont jamais été, à la fois dans le temps et l'espace, d'un conflit majeur qui les affecteraient directement.
Grâce à 50 ans de construction européenne, une guerre au sein de l'Union apparaît inconcevable.
Grâce aussi, on l'oublie souvent, à ses élargissements successifs, l'UE a permis progressivement de repousser les frontières de la paix et de la sécurité.
Pourtant les menaces n'ont pas disparu.
Nos armées sont plus sollicitées que jamais pour intervenir à l'extérieur du territoire national.
Les Français sont parfaitement conscients des menaces provenant de l'extérieur, ainsi que de la nécessité d'y faire face.
J'en veux pour preuve une enquête réalisée par IPSOS fin 2004 sur les priorités nationales : la " défense pour la paix " y est citée en 3ème position, après la protection sociale et l'emploi, et avant la sécurité intérieure.
Ils ne connaissent pourtant souvent que quelques-unes des opérations que mènent les armées françaises hors de nos frontières : celles qui sont plus visibles parce que difficiles et dangereuses (Licorne en RCI) ; ou encore celles qui sont plus visibles parce que très médiatisées (BERYX).
Les opérations extérieures menées par la Défense sont essentielles à la sécurité des Français :
- parce qu'aujourd'hui la sécurité de nos populations est largement conditionnée par l'environnement international ;
- parce que la Défense apporte une réponse globale et efficace.
La sécurité de nos concitoyens est aujourd'hui tributaire de deux facteurs majeurs : le rôle éminent de la France dans le monde, qui en fait à la fois un acteur central et une cible potentielle et l'évolution des menaces.
Le rôle de la France dans le monde et la sécurité des Français sont intimement liés.
La France est un pays "ouvert", au coeur des relations internationales.
Elle a fait le choix de l'intégration européenne, favorisant la liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des personnes.
Son économie est libre, pleinement inscrite dans les échanges internationaux.
Elle entretient des échanges politiques et culturels permanents avec ses multiples partenaires et alliés.
Ses responsabilités internationales et ses intérêts nationaux la conduisent à jouer un rôle déterminant sur la scène internationale.
Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, détenteur de l'arme nucléaire, riche de son histoire et de son potentiel économique et humain, la France est un acteur majeur.
Parce que notre pays assume ses responsabilités d'acteur mondial, parce qu'il s'implique dans la résolution des conflits et en faveur de la paix, la sécurité des Français en est davantage exposée.
Cela ne doit en rien nous inciter au repli, bien au contraire.
Ma conception de la France est celle d'un pays volontaire, engagé, capable d'exercer une influence importante sur les affaires internationales.
Second facteur à prendre en compte : les menaces actuelles tendent à relier les problématiques de sécurité intérieure et extérieure.
Les menaces auxquelles nous devons faire face, au premier rang desquelles se trouvent le terrorisme islamiste radical et la criminalité organisée, exigent l'engagement résolu et la coordination de nombreux services de l'Etat.
Ces menaces sont évolutives.
Elles sont souvent liées entre elles, comme le montrent les connexions entre le financement du terrorisme et le crime organisé.
La défaillance d'un nombre croissant d'Etats contribue également à leur multiplication.
Le phénomène est amplifié par la mondialisation, du fait de la libre circulation des biens, des connaissances, de l'usage d'Internet.
C'est ce qui rend l'éloignement de ces menaces tout relatif.
Un attentat terroriste qui frapperait le coeur même de notre territoire peut avoir été préparé dans un pays très éloigné.
Du fait de la remise en cause de la séparation traditionnelle entre sécurité intérieure et extérieure, la gestion des menaces nécessite aujourd'hui une prise en compte globale.
La lutte contre le terrorisme implique par exemple en France de nombreux ministères : la Défense mais aussi l'Intérieur, les Affaires étrangères, la Santé, la Recherche, pour n'en citer que quelques-uns.
Nous devons mettre en oeuvre un large spectre de moyens, civils et militaires, qui assurent un continuum entre sécurisation du territoire national et opérations extérieures.
Nous adaptons en permanence notre outil de défense à cette nouvelle donne.
La Défense est en effet souvent la seule en mesure de déployer une réponse à la fois puissante et globale, offrant à nos concitoyens à la fois prévention et protection.
La sécurité des Français passe aujourd'hui largement par une implication de la Défense à l'extérieur du territoire, à la fois forte et diversifiée.
Les " OPEX "
Les événements de Côte d'Ivoire sont venus rappeler l'absolue nécessité de disposer de forces armées capables de protéger nos concitoyens, où qu'ils se trouvent dans le monde.
Les opérations extérieures sont bien évidemment une garantie de sécurité pour nos ressortissants qui vivent à l'étranger dans des zones sensibles.
Au-delà, uvrer hors de nos frontières à la stabilité et à la paix est aussi notre meilleure garantie contre la réapparition de grandes menaces et le développement de crises ou de conflits.
Au total, plus de 12 000 militaires français sont engagés actuellement dans des opérations hors du territoire national.
En Côte d'Ivoire, les soldats de la force Licorne, dans des conditions difficiles et de tension extrême, stabilisent le pays et au-delà tout l'ouest de l'Afrique, qui pourrait s'embraser par contagion.
Ils évitent ainsi, on s'en rend trop peu compte, des flux migratoires de milliers de personnes qui chercheraient par tous les moyens à quitter les zones de guerre pour la paix de l'Europe.
Au Kosovo, la KFOR est placée sous les ordres d'un général français depuis septembre 2004 et la participation française y s'élève à près de 2 400 militaires.
En Bosnie, l'Union européenne a relevé l'OTAN avec succès. Cette opération, baptisée ALTHEA, est la première de cette ampleur pour l'Europe de la défense.
Dans ces deux pays, aux frontières de l'Europe, nos armées contribuent à la stabilité d'une zone dont l'histoire nous rappelle qu'elle a été à l'origine de conflits majeurs sur notre continent.
Les armées françaises participent également à la lutte contre le terrorisme, notamment en Afghanistan.
Un détachement de nos forces spéciales, d'avions de reconnaissance et de transport y est déployé, aux côtés de nos alliés américains.
Peut-être certains s'interrogent-ils sur l'efficacité et la nécessité de ce type d'action.
Pourtant, maintenir une pression sur Al Qaïda au plus près de son principal bastion, traquer quotidiennement chacun de ses dirigeants historiques est une nécessité absolue.
C'est aussi le rôle de la France qui dispose de forces spéciales de très haut niveau.
Dans le cadre de l'opération "Liberté immuable", des bâtiments et des avions de surveillance maritime de la marine nationale opèrent dans le nord de l'Océan Indien.
Ils s'inscrivent eux aussi dans la lutte de longue haleine contre le terrorisme.
La Défense met en oeuvre ses moyens hors du territoire national, au service d'une action de plus en plus élargie.
La lutte contre la criminalité organisée, les trafics de stupéfiants et de migrants
Dans les Balkans, les forces armées combattent, en amont, la criminalité organisée qui sévit sur notre territoire.
En particulier, la gendarmerie y contribue à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Dans les Caraïbes, la marine, l'armée de l'air et la gendarmerie apportent leur concours à la lutte contre le narco-trafic maritime.
Une action globale et préventive qui mobilise tous les acteurs de la Défense
Notre politique de défense donne la priorité à la prévention des crises et des conflits.
C'est l'objet de la " diplomatie de défense " qui combine en permanence plusieurs domaines d'action :
La veille stratégique :
Elle permet d'évaluer en permanence, notamment par le renseignement, les menaces et les foyers potentiels de crise afin d'être en mesure de les prévenir.
Le prépositionnement des forces :
Il doit permettre de marquer notre détermination à ne pas laisser une situation conflictuelle dégénérer. Il permet également d'anticiper une soudaine dégradation de la situation.
La priorité actuelle se porte sur le continent africain.
La France, par son passé et le niveau actuel de son engagement militaire, peut y développer une stratégie ambitieuse en faveur de la stabilité régionale.
Pour autant, elle n'a pas vocation à être éternellement le gendarme de l'Afrique.
A terme, nous privilégions donc le renforcement des capacités propres (RECAMP), en aidant les organisations régionales et sous-régionales à assumer progressivement seules les missions de maintien de la paix sur le continent.
La coopération bilatérale de défense :
Elle s'appuie sur un large éventail d'outils, qui vont des accords bilatéraux (accords de défense, accords de coopération) à la formation des élites civiles et militaires.
La participation aux organisations internationales de sécurité :
L'ONU, l'UE, l'OTAN, l'OSCE disposent de moyens importants pour maintenir la stabilité sur les différents continents.
Nous y jouons un rôle actif, déterminé, toujours dicté par notre vision du monde et notre attachement au multilatéralisme.
La Défense dispose d'atouts inégalés pour assurer la sécurité des Français, des continents les plus éloignés jusqu'à notre territoire national.
La France assure d'autant mieux la protection de ses concitoyens qu'elle le fait aux côtés de ses partenaires.
En mettant en commun nos moyens nous sommes plus efficaces.
Un renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense contribue donc également à cet objectif.
Ce sentiment est d'ailleurs partagé par l'immense majorité des Français et des Européens.
Les nombreuses initiatives qui aboutissent actuellement vont dans ce sens : les Groupements tactiques 1500, la Force de gendarmerie européenne, l'Agence européenne de défense.
C'est la raison pour laquelle j'entends poursuivre avec la plus grande détermination mon engagement en faveur de l'Europe de la défense, au bénéfice de la sécurité des Français.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 juin 2005)