Texte intégral
Question (Anita Hausser) : Je vous ai invité, ce matin, parce que vous avez rendez-vous avec le Premier ministre, pas comme toutes les semaines, mais parce qu'il réunit les présidents de groupes parlementaires, à propos des événements de Madrid et de la menace terroriste en général. Ces événements provoquent une poussée de fièvre dans la campagne électorale française, on va y revenir. Mais d'abord, qu'attendez-vous du Premier ministre, ce matin ?
Jacques Barrot (Réponse) : Plutôt que d'une poussée de fièvre, il faudrait beaucoup de sang-froid. Ce que l'on souhaite, c'est que le Parlement soit associé, parce que nous sommes un peu des relais entre les Français et le pouvoir. Et donc, si l'on veut arriver à cette mobilisation des Français contre le terrorisme, dans la vigilance quotidienne, dans la solidarité aussi, parce que tout ce qui peut arriver à l'autre nous concerne personnellement, c'est bien que le Premier ministre nous explique toutes les mesures prises et nous aide ainsi à répercuter cet ordre de mobilisation contre le terrorisme.
Question : Il a un peu tardé, parce qu'il y a bien polémique droite-gauche sur les manipulations, l'utilisation de ces événements, pour provoquer une émotion...
Jacques Barrot (Réponse) : Non. Alors là, nous tombons dans des polémiques d'abord secondaires, et puis des polémiques qui ne sont pas de mise à mon sens.
Question : Elles existent.
Jacques Barrot (Réponse) : Non, parce que je crois que, tout à l'heure, autour du Premier ministre, seront rassemblées toutes les forces politiques républicaines de ce pays. Et nous devons affirmer devant le pays une volonté française de ne céder à aucune menace. C'est cela qu'il faut faire passer comme message, et demander à nos compatriotes la vigilance voulue. Je me permets de dire au passage, que, quand même, depuis l'arrivée de la nouvelle majorité, il y a eu un grand effort pour prévenir l'insécurité, sous toutes ses formes. Quelquefois d'ailleurs, cette prévention de l'insécurité a été très critiquée, caricaturés. Elle a quand même permis à la France de mieux s'armer pour lutter contre le terrorisme. Et j'ajoute que le président, J. Chirac, a eu raison aussi de voir la nécessité d'une union des démocraties pour lutter contre le terrorisme, et de ne pas nous embarquer dans je ne sais quelle aventure qui n'aurait pas apporté plus de sécurité.
Question : Est-ce la lutte contre la délinquance en France et contre le terrorisme en général, ou est-ce le fait que la France ne soit pas engagée en Irak, qui nous préserve ?
Jacques Barrot (Réponse) : Non, je ne pense pas que nous soyons particulièrement préservés. Mais je dis simplement, qu'en effet, la détermination française contre le terrorisme a été à la fois ferme et éclairée. Il y a eu aussi, de notre part, une volonté de couper le mouvement terroriste d'une base sociale, que risquent de constituer tous les fondamentalistes, toutes les intolérances.
Question : Comment cela ?
Jacques Barrot (Réponse) : Dans la mesure où nous avons bien débattu, en disant que nous avions la volonté de faire toute sa place à la religion musulmane et à l'islam en France, mais que nous ne voulions pas que l'idéal de tolérance et de respect mutuels de la République soient mis en cause. Fermeté, mais en même temps souci de bien respecter nos amis musulmans en France, c'est vrai.
Question : Avons-nous été entendus ?
Jacques Barrot (Réponse) : Je crois que le débat était d'une bonne qualité et qu'il a illustré, je crois, ce qu'il faut faire si nous voulons éradiquer toutes ces forces de terrorisme.
Question : Le terrorisme a provoqué un renversement d'opinion en Espagne, avec les résultats que l'on connaît. Et maintenant s'en suit une polémique. Hier, un député du Parti populaire a posé la question : "Qui va gouverner le pays : Zapatero ou Ben Laden ?". Cela veut dire est-ce qu'il fallait céder au chantage ?
Jacques Barrot (Réponse) : Mais je crois que, dans nos démocraties, il faut éviter de se mettre en position de subir des chantages. Il faut, d'une certaine manière, rester de marbre, ignorer les chantages. Et le débat espagnol, interne, risque précisément de donner encore plus d'importance à ces chantages. Je crois qu'il serait raisonnable aujourd'hui, à l'Espagne, de faire corps avec toute l'Europe pour lutter contre le terrorisme. Et je pense que, tout à l'heure, nous allons demander aussi à J.-P. Raffarin, comment lui et le président de la République envisagent de redonner élan à cette politique européenne de lutte contre le terrorisme. C'est cela qu'il faut, plutôt que de se laisser aller à des questions qui ne viennent en quelque sorte, qu'encourager tous ces maîtres-chanteurs qui veulent affaiblir nos démocraties.
Question : Comment ne pas affaiblir la démocratie, c'est en allant voter.
Jacques Barrot (Réponse) : Oui, c'est sûr. Et à cet égard, nous sommes à la veille d'un scrutin qui a de l'importance.
Question : Et les perspectives ne sont pas très souriantes dans ce domaine...
Jacques Barrot (Réponse) : Oui, alors c'est un peu désolant de voir que certains Français resteront chez eux, alors que c'est l'avenir de leur région, pendant six ans, qui est en cause. Or, l'avenir de la région c'est l'avenir de la vie quotidienne de chacun. Ce sont les transports, la formation professionnelle, c'est la bataille pour l'emploi. Elle ne se gagnera pas par des équipes régionales qui n'auront pas vraiment la détermination de bien gérer leur région, et de tout orienter vers le développement et la création d'emploi.
Question : Mais c'est peut-être parce que le Gouvernement et l'UMP ont voulu minimiser la portée de ce scrutin, en disant que ce n'est qu'un scrutin local...
Jacques Barrot (Réponse) : Non, ce n'était pas "minimiser", c'était bien cerner les enjeux.
Question : Oui mais, M. Barrot, quand vous dites : "les équipes qui doivent mobiliser pour l'emploi", franchement, l'emploi ce n'est pas seulement une affaire régionale, c'est surtout un affaire nationale !
Jacques Barrot (Réponse) : C'est les deux. Aujourd'hui, cela dépend d'une politique nationale de développement économique et évidemment d'un certain nombre d'outils qui sont forgés au plan national - comme le contrat pour les jeunes en entreprise. Mais ensuite, quand il s'agit de mettre en action ces politiques nationales, la détermination de l'équipe régionale joue un grand rôle. Je gère un département, et je peux dire que j'en ait fait, de ce développement et de cette situation de l'emploi, la grande priorité. J'ai mobilisé toutes les équipes possibles dans le département. Et cela donne quand même un certain nombre de résultats. Dites-vous bien que la région, demain, c'est le premier acteur public de l'emploi.
Question : Pourtant, cela passe mal quand on entend le Premier ministre et vous-même dire que "c'est un scrutin à portée locale". Si dimanche soir la droite essuie une série d'échecs, ce seront des échecs locaux ou des succès locaux ?
Jacques Barrot (Réponse) : Mais le contrat que nous avons passé en 2002 pour remettre ce pays en état de marche et de développement, pour essayer de faire une politique sociale qui ne soit pas une politique d'assistance, vous pensez bien que cet engagement on va continuer à s'efforcer de le tenir. Il y a encore des réformes à faire. Il faudra le faire courageusement. Nous regretterons simplement que, dans certaines régions, on n'ait pas choisi des équipes de bons gestionnaires, qui soient en plein accord avec cette politique nationale. C'est cela que nous regretterons. Mais nous continuerons à mener ce pays là où il doit être, c'est-à-dire, un pays dynamique, capable de connaître une croissance meilleure.
Question : Le Premier ministre dit : "Je reste". Vous en êtes si sûr ?
Jacques Barrot (Réponse) : Le Premier ministre, aujourd'hui, il répond de sa mission devant l'Assemblée et devant le Président. Et, que je sache, on ne vote ni pour le Président, ni pour l'Assemblée dimanche. Il faut quand même qu'en démocratie, on mesure bien chaque enjeu. Là, l'enjeu, ce sont les départements et les régions. Ce n'est pas un enjeu secondaire quand il y a la décentralisation. Et je ne vois pas comment on peut émettre ainsi, surtout avec les abstentions et des votes extrémistes, comment on peut donner des indications à un Gouvernement qui s'efforce de remettre la France en bon état de marche.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 mars 2004)