Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à RTL le 13 octobre 2005, sur le remplacement des professeurs absents et la privatisation des autoroutes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Gilles de Robien.
Gilles de Robien : Bonjour, Jean-Michel Aphatie.
Jean-Michel Aphatie : Les, ou des, professeurs de lycées et de collèges manifestaient leur mauvaise humeur, hier, contre votre réforme du remplacement des absences de moins de 15 jours dans ces établissements. Avant, c'était le Rectorat qui désignait un remplaçant. Aujourd'hui, c'est le chef d'établissement et le C.N.E.S (F.S.U) qui est le principal syndicat des lycées et collèges et qui dit : "c'est une mesure efficace et démagogique. C'est le genre de mesure qui peut faire partir un mouvement dans l'Education Nationale". Vous êtes menacé, Gilles de Robien ?
Gilles de Robien : Oh, moi, ça m'est égal. Ce n'est pas le problème. Est-ce qu'on peut laisser des enfants sans professeur ? Quand un professeur, par exemple, et c'est tout à fait légitime, sait depuis 8 jours ou 15 jours qu'il doit être absent parce qu'il a une formation à tenir, à recevoir, ou qu'il a une opération chirurgicale qui est prévue, dans 60 % des cas.
Jean-Michel Aphatie : Avant, le Rectorat ne désignait pas de remplaçant ?
Gilles de Robien : Mais, avant, il y avait, malheureusement, 4 millions d'heures non remplacées. Et la loi a voulu qu'il y ait ces remplacements. Les parents d'élèves qui, d'ailleurs, vont voter demain et après-demain, vendredi et samedi dans les établissements, veulent que ces remplacements soient effectués.
Alors, j'ai reçu, et j'ai fait beaucoup de concertations avec les enseignants, avec toutes les fédérations, avec des syndicats. Qu'est-ce qu'ils m'ont dit : "laissez-nous faire, ça va marcher !". Moi, je leur ai dit : "non, attendez", ils m'ont dit ça : "laissez-nous faire, ça va marcher". D'ailleurs, dans certains établissements, ça marche déjà.
Et je leur ai dit : "bonne idée, je vous laisse faire ! Vous allez vous organiser dans les établissements et vous allez donc passer des protocoles d'ici le 1er janvier".
Jean-Michel Aphatie : Alors, à vous, ils vous disent : "laissez-nous faire !" Et puis, maintenant, ils sont dans la rue pour dire il faut que vous preniez en charge les remplacements !
Gilles de Robien : Ils sont dans la rue : il y en avait 100 exactement à la porte du ministère.

Jean-Michel Aphatie : C'est marginal comme mouvement, d'après vous, Gilles de Robien ?
Gilles de Robien : Je ne sais pas si c'est marginal. Je ne cherche pas à exciter les choses. Je cherche simplement à comprendre pourquoi il y a encore quelques-uns qui ne veulent pas remplacer ou qui veulent simplement éviter que ce soit obligatoire et bien, je leur donne la réponse ce matin. Pour que ça ne soit pas obligatoire le 1er janvier, il suffit de se mettre d'accord avant le 1er janvier dans un protocole, sur la base du volontariat.
Et, en plus de ça, c'est incitatif puisque c'est bien rémunéré. C'est rémunéré en heure supplémentaire, majorée de 25 %. Il suffit de s'organiser établissement par établissement. Tous les partenaires sociaux m'ont dit que, dans certains établissements, c'était déjà organisé. Il suffit que, maintenant, ça soit dans tous les établissements.
On se met autour d'une table, on discute, on s'organise, on répartit les heures de remplacement sur le maximum de professeurs de façon que chacun n'en fasse pas trop. D'ailleurs, je vous rappelle que, c'est à la demande des syndicats aussi, que j'ai limité ça à 5 heures par semaine et à 60 heures par an.
Par conséquent, voyez, c'est quelque chose d'incitatif et de volontaire et, bien sûr, que si cette base de volontariat est mise en place à partir du 1er janvier, on ne parlera pas de désignation.
Jean-Michel Aphatie : Vous dialoguez avec les syndicats, vous les écoutez?
Gilles de Robien : Et avec les professeurs !
Jean-Michel Aphatie : Vous prenez en compte ce qu'ils disent et après vous les retrouvez dans la rue. Comment vous expliquez ça ?
Gilles de Robien : Je vais les retrouver dans la rue et je vais même les voir.
Jean-Michel Aphatie : Pourquoi agissent-ils comme ça, d'après vous ?
Gilles de Robien : Je pense que, quelquefois, il y a de la désinformation. Quelquefois, il y a un manque d'information. Sur le manque d'information, je veux bien plaider coupable parce qu'on ne fait jamais assez d'information et jamais assez de concertation.
J'ai passé deux mois à faire cette concertation. Je voudrais qu'il soit bien clair, bien clair que, si sur la base du volontariat - qu'on peut se mettre d'accord d'ici le 1er janvier - la loi exige que des remplacements soient effectués et, donc, je voudrais qu'à partir du 1er janvier, aucun établissement n'ait oublié de passer ce protocole.
Et si tous les établissements ont passé un protocole, le chef d'établissement n'aura même plus à désigner puisqu'il y aura un protocole d'accord sur la base du volontariat et de l'incitation.
Jean-Michel Aphatie : Pas question pour vous de remettre en cause ce décret : 1er janvier, la mesure sera généralisée ?
Gilles de Robien : Je suis sûr que les professeurs sont tous républicains et démocrates. Ils savent qu'il y a une loi. J'ai pris la façon, la manière de l'aborder la plus, comment dire, la plus concertante possible. J'ai pris en cause beaucoup de leurs réclamations, et notamment ce volontariat, c'est une idée d'eux-mêmes. Par conséquent, je l'applique et je l'applique jusqu'au 1er janvier. On a 4 mois, on avait 4 mois à la rentrée scolaire pour mettre en place ce système sur la base du volontariat.
Jean-Michel Aphatie : Depuis septembre, on entend beaucoup les professeurs, les étudiants de faculté réclamer encore plus d'argent. Vous êtes en mesure de leur donner satisfaction, Gilles de Robien ?
Gilles de Robien : Oui, il y a 110 millions, effectivement. Et puis, l'année prochaine, avec les P.R.E.S. - vous savez, les regroupements, les Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur - il y a 300 millions que vient de débloquer le premier ministre.
Jean-Michel Aphatie : Ils demandent beaucoup plus que ça !
Gilles de Robien : C'est vrai que les universités ont besoin d'argent.
Jean-Michel Aphatie : Ils en demandent beaucoup plus. Ils demandent au moins 1 milliard, comme le Plan Recherche !
Gilles de Robien : Je ne dis pas qu'il n'y a pas besoin d'1 milliard, mais on fait des efforts considérables, aujourd'hui, au niveau des moyens de l'enseignement supérieur aussi. Et sachez que le budget 2006 - que je prépare aujourd'hui - c'est, d'une part, le premier budget de la nation. C'est, deuxièmement, le budget qui augmente le plus de tous les budgets de la nation : plus 5,5 %, presque 3 fois l'inflation. Voyez que là, franchement, l'Etat c'est-à-dire les contribuables font un effort considérable. Je sais qu'il y a du retard.
Jean-Michel Aphatie : Qui disait, le 11 décembre 2003 sur L.C.I : "soit on vend les autoroutes tout de suite. Ça fait du bien tout de suite et puis on va le regretter pendant 30 ans. Soit, on engrange pour le compte de l'Etat des dividendes qui vont permettre de faire des infrastructures pendant 30 ans" ? Réponse : Gilles de Robien. Vous étiez, alors, ministre des Transports. Et puis aujourd'hui, le gouvernement auquel vous appartenez privatise les autoroutes !
Gilles de Robien : Oui, mais il va mettre une grande partie de ce produit des privatisations dans ce qu'on appelle l'A.F.I.T.F : c'est-à-dire, l'Agence de Financement des Infrastructures Terrestres pour pouvoir, justement, faire du ferroviaire, des cadeaux, bref, des transports propres. Moi, mon objectif, c'est qu'ils soient finançables.
Jean-Michel Aphatie : C'est bien la politique ! Un jour, vous avez un avis et, le lendemain, on est obligé d'être solidaire d'une décision qui est totalement contraire !
Gilles de Robien : Non, elle n'est pas contraire puisque l'Agence de Financement des Infrastructures Terrestres va se voir doter, justement, de plus de 4 milliards d'euros grâce à la vente de ces autoroutes.
Alors, je préférais la première solution : je ne le nie pas. Mais la deuxième, avec cette dotation à l'Agence de Financement, va permettre de faire les infrastructures qui étaient prévues par le C.I.A.T du 18 décembre 2003. C'est ça, l'essentiel : c'est de pouvoir réaliser !
Jean-Michel Aphatie : Et, du coup, François Bayrou, qui est le président de votre Parti, crie au scandale. Il n'est pas content !
Gilles de Robien : François Bayrou d'abord, il a raison d'en discuter si c'est son avis.
Jean-Michel Aphatie : Il a raison !
Gilles de Robien : Il a raison d'en discuter. Simplement, s'il avait voulu l'éviter, c'était simple. Il n'avait qu'à comme dans tous les pays modernes faire une coalition avec le gouvernement et, dans le panier de la coalition, il aurait dit : "moi, je veux bien que l'U.D.F participe, à condition de ne pas vendre les autoroutes". Donc, finalement, aujourd'hui, il n'a plus ces moyens-là parce qu'il n'a pas voulu faire une coalition, au mois de mai dernier, tout simplement.
Jean-Michel Aphatie : Vous êtes toujours fâché avec François Bayrou ? Vous le traitez d'autiste à la fin du mois d'août !
Gilles de Robien : Non, ce n'est pas une question de fâcherie ! C'est que je voudrais qu'il soit positif, qu'il fasse des propositions. Et là, par exemple, pour avoir vraiment la politique, c'est le sens de l'action et, justement, pour avoir ce qu'il souhaite, il fallait faire une coalition : il a raté l'occasion.
Jean-Michel Aphatie : Gilles de Robien, favorable à la privatisation des autoroutes, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.


(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2005)