Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la recherche pétrolière, les programmes de recherche du CEA concernant la politique énergétique, Saclay le 13 octobre 2005.

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  • Gilles de Robien - Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Déplacement sur le site du CEA de Saclay le 13 octobre 2005

Texte intégral

Nous avons aujourd'hui deux certitudes grâce aux travaux des scientifiques, des climatologues, des économistes :
La première, c'est que nous sommes entrés dans une ère de pétrole rare, donc cher.
o Avec le réveil de l'Inde et de la Chine, la demande mondiale en énergie doit s'accroître de 60 % dans les 25 prochaines années.
o Chacun se demande en effet si les réserves de pétrole sont suffisantes pour faire face à un tel accroissement des besoins, car il faudrait trouver des gisements équivalents à deux ou trois fois les plus gros gisements mis à jour.
o Quand bien même les trouverait-on, qu'on se poserait la question de l'impact de ces combustibles fossiles sur l'effet de serre, dont on commence à voir les effets sur les dérèglements climatiques, comme récemment aux Etats-Unis
Car la deuxième certitude c'est que notre climat change. Et c'est une conséquence directe du développement de l'activité humaine, porté par les énergies fossiles.
o Les travaux des spécialistes, menés notamment dans le laboratoire de climatologie ici-même par l'étude des glaces polaires, montrent de plus que ces changements climatiques s'accélèrent : neuf des dix dernières années ont été plus chaudes que toutes les précédentes !
Ces certitudes, les pays du G8 les ont reconnues au niveau politique et se sont engagés cet été à Gleneagles à agir tant pour l'énergie que pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
o Car la question n'est plus de savoir si il y aura un " après pétrole ", mais quand.
o C'est une réalité à laquelle il faut se préparer dès aujourd'hui, avec une politique de recherche adéquate. Car la seule modération de la consommation ne suffira évidemment pas : la plupart des activités économiques ne peuvent se passer de pétrole aujourd'hui, il faudra précisément que la recherche nous permette de trouver des énergies alternatives.
Et nous anticipons : en 2005, près d'1 milliard d'euros est consacré à la recherche sur les énergies alternatives au pétrole.
- Les bioénergies : grâce aux recherches, ce qui a longtemps été un rêve un peu fou, est aujourd'hui une réalité. Le pôle de compétitivité Agroressources (Picardie - Champagne - Ardennes) le montre avec ses " raffineries vertes " qui vont prochainement voir le jour. Et les recherches continuent sur de nouveaux procédés plus performants. Par exemple, ce projet du Cirad et du CNRS retenu par l'ANR, pour étudier la transformation directe des résidus végétaux en gaz " élémentaires " pouvant être utilisés dans les " raffineries vertes " pour fabriquer des biocarburants. Les travaux d'Yves Chauvin, notre prix Nobel 2005 de chimie, sur les mécanismes utiles à ces synthèses seront au coeur du sujet. Les acteurs français ont donc tous les éléments en main pour devenir des précurseurs au niveau mondial dans ce domaine.
- L'hydrogène et les piles à combustibles : une piste considérée comme sérieuse pour répondre aux besoins d'énergie pour se déplacer, pourquoi pas une réalité dans l'automobile dans une dizaine d'années ? C'est ce que nous venons de voir, avec ces prototypes que nous utiliserons demain comme on utilise un téléphone portable aujourd'hui, c'est à dire quasiment sans y penser. Ces sujets font l'objet de recherches des deux constructeurs automobiles, PSA et Renault, dont les programmes en partenariat l'un avec le CEA, l'autre avec l'Université d'Orsay, sont accompagnés aujourd'hui par l'ANR.
- La recherche c'est aussi à plus long terme l'énergie thermonucléaire, l'énergie des étoiles que le projet 'ITER va nous permettre de maîtriser, une énergie propre, abondante et sans effet sur le climat. C'est en France qu'on construit le pilote. C'est en France que se regrouperont la plupart des équipes de chercheurs venus du monde entier.
- Mais avant que les recherches puissent conduire à des substituts économiquement viables du pétrole, il faut continuer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les spécialistes mondiaux du climat, dont le Professeur Jouzel, directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace par exemple, estiment qu'il faut réduire d'un facteur au moins 4 nos émissions actuelles d'ici 2050 pour stabiliser l'effet de serre actuel. Ce sont les recherches sur le captage et le stockage de carbone qui nous permettront aussi d'y parvenir. La science française a de réels atouts en la matière. En les valorisant, nos acteurs pourraient jouer un rôle de premier plan au niveau mondial dans ce domaine. Un projet du BRGM a par exemple été retenu par l'ANR par exemple pour étudier le stockage dans les couches géologiques profondes. Il y a aussi le projet précurseur de plusieurs laboratoires du CNRS tant en géologie qu'en biologie ou en chimie minérale, d'étudier la " biominéralisation du carbone " c'est à dire la transformation sous terre du gaz carbonique en roches minérales !
Les financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) permettent d'en faire davantage encore.
o Les " nouvelles technologies de l'énergie " sont l'un des quatre thèmes prioritaires d'intervention de l'Agence.
o C'est 60 MEUR de financements supplémentaires pour cette cinquantaine de projets retenus à l'issue de l'appel à projets 2005.
o Ce sont des financements pour des projets rassemblant les acteurs, dans une logique de coordination des efforts sur ces projets prioritaires. C'est la première fois qu'un projet réussit à fédérer l'ensemble des laboratoires des universités et des organismes travaillant sur un sujet donné, en l'occurrence les piles solaires " organiques ". Quelle démultiplication des efforts !
Mais il ne suffit pas seulement de chercher, nous devons aussi évoluer dans nos comportements grâce à notre meilleure compréhension des évolutions en cours.
La Fête de la Science a aussi cette finalité de nous permettre tous ensemble de comprendre ces phénomènes nouveaux comme le changement climatique, de mieux les intégrer et de les assumer pour modifier nos comportements.
C'est pourquoi j'ai invité ces collégiens de 4ème du collège Alexandre Fleming d'Orsay avec leur professeur de physique, M. Cousin, à nous accompagner aujourd'hui. Ils ont pu donner un tour plus concret aux phénomènes qu'ils commencent à étudier en classe de physique, voir ce à quoi cela pouvait servir. J'espère aussi que cela a éveillé sinon des vocations du moins un intérêt pour ces énergies de demain. Car elles feront partie de leur quotidien et, pourquoi pas, de leur quotidien professionnel !
(Source http://www.education.gouv.fr, le 14 octobre 2005)