Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "La Tribune" du 16 novembre 2005, sur le débat sur la réforme fiscale et le vote du budget pour 2006.

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Média : La Tribune

Texte intégral

Q - Quel jugement global portez-vous sur la réforme fiscale qui va être débattue aujourd'hui à l'Assemblée ?
R - Il ne s'agit pas d'une réforme. Ce n'est pas parce qu'on baisse le nombre des tranches et qu'on intègre l'abattement de 20 % dans les taux qu'on effectue une réforme de l'impôt sur le revenu. Une vraie réforme, c'est par exemple ce qu'a proposé le conseil d'analyse économique, c'est-à-dire un système qui baisse les taux marginaux et supprime les niches fiscales et qui appréhende l'ensemble de la fiscalité, notamment du patrimoine.
De plus cette réforme n'est pas juste ; l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème et la réduction du nombre de tranches profiteront d'abord et avant tout à 100 000 contribuables dont le revenu dépasse 120 000 euros. Sur la baisse générale d'impôts de 3,5 milliards d'euros, cela représente près d'un tiers du coût. Le bouclier fiscal profitera essentiellement à 14 000 personnes imposables à l'ISF. Elles bénéficieront de 250 millions d'euros de réductions d'impôts. Le plafonnement de quelques niches fiscales (17 sur plus de 200) n'ira pas dans le sens d'une réduction des inégalités ; l'exonération des plus-values sur les valeurs mobilières détenues pendant plus de huit ans sans aucun plafond va également bénéficier aux plus favorisés.
Q - L'UDF était pourtant favorable à une réforme de l'ISF
R - L'idée de la concurrence fiscale pour les hauts revenus ne nous dérange pas à condition qu'en même temps, un effort soit engagé sur la réduction de la dépense publique. Or, ce n'est pas le cas. Le déficit continue de filer, l'endettement atteint des profondeurs jamais égalées, la dépense publique augmente de 5 %. On fait payer les cadeaux fiscaux à nos enfants.
Q - Après avoir voté contre le volet recettes, les députés UDF vont-ils rejeter cette partie du budget sur la réforme fiscale ?
R - Il n'y a rien dans ce fantôme de réforme qui justifierait un vote favorable. Dans ce contexte, je ne vois pas comment les députés du groupe UDF pourraient ne pas voter contre
Q - Les députés UDF pourraient-ils aller jusqu'à voter contre le vote global sur l'ensemble du budget le 22 novembre ?
R - Si nous avons déjà rejeté le volet recettes, l'article d'équilibre qui entérine près de 47 milliards d'euros de déficit et la réforme fiscale, la réponse définitive va de soi

Q - Ce serait la première fois ?
R - Il y a toujours un premier jour
Q - Cette position vous ferait définitivement sortir de la majorité
R - Nous n'avons jamais été associés à rien, depuis 3 ans, dans la politique gouvernementale. L'UMP et le PS ont échoué depuis 30 ans. C'est à nous de proposer une autre alternative.
Q - Dans le cadre de cette alternative, quel serait votre projet fiscal ?
R - Notre réforme fiscale repose sur trois idées majeures. La première, c'est une baisse considérable du coût du travail à travers une nouvelle forme de financement de la protection sociale. Nous proposons 3 pistes : une cotisation assise sur la valeur ajoutée des entreprises, l'introduction d'une TVA sociale et la création d'une taxe Tobin sociale sur les mouvements financiers. Il faut un transfert massif et non pas homéopathique pour débloquer des millions d'emplois, notamment dans les services. Le deuxième axe, c'est une réforme de l'impôt sur le revenu pour encourager le travail où la baisse des taux et la suppression des niches vont de pair. Enfin, troisième voie, il faut mettre en place une fiscalité qui intègre la problématique environnementale qui est une autre dette qu'on transfère à nos enfants.
Propos recueillis par Delphine Girard
(Source http://www.udf.org, le 17 novembre 2005)