Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je participe cet après-midi aux rencontres nationales vétérinaires qui réunissent chaque année l'ensemble de vos organisations professionnelles. Je devrais plutôt dire l'ensemble des familles vétérinaires : je sais combien, au-delà de pratiques diversifiées, une solide formation commune mais également votre engagement professionnel vous unissent.
Vous avez parlé de " miroir aux alouettes " pour clore votre discours, Monsieur le Président. C'est une expression particulièrement significative dans le contexte actuelle.
- Pour ma part, je commencerai le mien par là, en raison de l'actualité qui nous porte tous à nous intéresser de très près à l'avifaune (Première partie) ;
- J'évoquerai ensuite les animaux de compagnie (Deuxième partie),
- Et conclurai sur la formation des vétérinaires
I - Une politique sanitaire sur la brèche et impliquant tous les acteurs
I - 1 Nous anticipons tout risque éventuel de contamination de nos élevages par l'influenza aviaire
Nous rappelons à l'opinion que l'influenza aviaire est une maladie animale et que le risque de contamination humaine dans nos pays est proche de zéro. Toutefois, nous devons nous mobiliser pour prévenir tout risque de contamination qui pourrait avoir des conséquences, notamment sur l'économie de la filière avicole.
Dès le mois d'août dernier, un plan d'action renforcé contre l'influenza aviaire a été mis en place. A partir de la récente décision communautaire du 20 octobre dernier et de l'avis de l'AFSSA du 21 octobre, le Gouvernement a décidé mardi dernier d'adopter des mesures de protection généralisées des élevages sur l'ensemble du territoire. L'abreuvement et l'alimentation dans un abri ont été rendus obligatoires et l'utilisation des eaux de surfaces est interdite. Dans les 21 départements recensés par l'AFSSA comme présentant un risque particulier, auxquels l'agence a ajouté 5 départements complémentaires le 25 octobre, le confinement des oiseaux est imposé. En cas d'impossibilité pour des raisons pratiques, les détenteurs d'oiseaux devront respecter des règles de protection par rapport à la faune sauvage et faire effectuer une visite de contrôle par un vétérinaire sanitaire dans un délai d'un mois. Je suis en train d'examiner les modalités d'une participation financière de l'Etat à cette visite vétérinaire.
Ces mesures sont en application jusqu'au 1er décembre 2005, ce qui correspond au pic de la saison migratoire. Elles seront réévaluées en fonction de l'évolution sanitaire.
Les vétérinaires sanitaires ont un rôle de premier plan à jouer dans l'ensemble de ce dispositif. Nous comptons également sur vous pour assurer, aux côtés des éleveurs, une vigilance accrue dans les élevages. Seul un diagnostic très précoce d'un éventuel foyer permettra de le juguler avant une diffusion alentour.
I - 2 L'évolution de la surveillance des maladies présentes en France
Je veux souligner les succès de la lutte menée contre les grandes enzooties, grâce à la mobilisation de tous. Après la Fièvre Aphteuse, la Leucose Bovine, la Rage, la Tuberculose, c'est à présent vis-à-vis de la Brucellose Bovine que la France a obtenu tout récemment la reconnaissance du statut de pays indemne.
Ces succès nous conduisent à alléger les systèmes de dépistage.
Depuis avril 2005, une dérogation aux contrôles d'introduction vis-à-vis de la brucellose et de la tuberculose dans les élevages bovins a pu être envisagée. Les tests de dépistage individuels sont toutefois maintenus, par exemple pour les bovins issus de cheptels présentant un risque sanitaire particulier. Par ailleurs, je souhaite vous informer que mes services étudient la possibilité de généraliser, dès le premier trimestre 2006, le contrôle d'introduction en matière de Rhinotrachéite Infectieuse Bovine.
J'ai souhaité également que tout soit mis en uvre pour que l'allégement de la prophylaxie de la brucellose bovine, puisse être réalisé dès la campagne de prévention 2005-2006. Vous savez à ce propos que nous avons retenu la formule du dépistage annuel de 20 % des animaux dans tous les troupeaux allaitants.
Ces évolutions, qui se traduisent par une baisse d'activité dans le cadre de la lutte contre les maladies enzootiques, sont génératrices de désarroi pour bon nombre de vos confrères. Mais c'est à présent sur la prévention contre les maladies qui n'existent pas ou plus en France, qu'il faut concentrer nos efforts : le véritable risque se situe désormais à nos frontières.
Vous avez évoqué la création d'un Conseil supérieur d'orientation sanitaire. Ce sujet n'a pas été retenu par l'Assemblé nationale lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Le Sénat doit à présent examiner le texte. En tout état de cause, quelle que soit la formule qui sera retenue par les parlementaires, le Comité consultatif de la santé et de la protection animale qui existe est une enceinte de concertation qui permettra d'évoquer les orientations sanitaires.
I - 3 Je confirme le rôle central des vétérinaires titulaires du mandat sanitaire et la confiance que l'Etat place en eux.
Monsieur le Président, un message clair doit être adressé aux vétérinaires titulaires du mandat sanitaire. Les nouvelles mesures de prévention contre l'influenza aviaire, notamment la visite sanitaire obligatoire pour les élevages qui ne pourraient pas être confinés, témoigne de la place qu'ils occupent dans le dispositif sanitaire.
J'attends des vétérinaires sanitaires que l'Etat puisse compter à tout moment sur un réseau dense, compétent, fortement impliqué, notamment mais pas uniquement, dans le domaine des productions de rente. C'est une nécessité pour assurer une épidémio-vigilance efficace et une réactivité optimale en cas de besoin.
Ce réseau est en pleine mutation. Nous devons effectivement veiller à ce qu'il reste présent et avec une densité suffisante en zone rurale ; nous devons y veiller collectivement : vétérinaires, éleveurs, et l'Etat bien entendu. Vous vous souciez du maintien des revenus des vétérinaires libéraux en zone rurale et je me soucie du maintien d'une veille sanitaire de proximité auprès des éleveurs. Nos objectifs sont totalement convergents ; soyez en convaincus.
Comment maintenir, parfois réhabiliter la présence des vétérinaires en élevage ? Je l'ai dit, c'est un travail collectif :
- auprès des éleveurs qui doivent prendre la mesure du risque qu'il y aurait à laisser disparaître une médecine vétérinaire de proximité et d'une totale disponibilité. Pour cela, vous pouvez, Monsieur le Président, je le sais, compter sur l'aide de la Fédération Nationale des Groupements de Défense Sanitaire (FNGDS).
- auprès des vétérinaires pour proposer un service approprié aux éleveurs. Toutes les formes d'exercice s'y emploient : vétérinaires libéraux, vétérinaires consultants, vétérinaires salariés de groupements, vétérinaires spécialisés en filières.
- auprès de l'administration également. Nous devons repenser, avec les vétérinaires, les éleveurs et avec l'appui du réseau de laboratoires départementaux, les conditions de la surveillance sanitaire du territoire. C'est bien cet objectif que j'assigne à mes services, ce qui implique une collaboration constructive des uns et des autres.
Ainsi, s'agissant de la visite annuelle bovine obligatoire, sa création en avril dernier a permis de réaffirmer le rôle essentiel du vétérinaire au sein du dispositif de surveillance sanitaire. La prise en charge par l'Etat de cette visite à hauteur de plus de 15 millions d'euros par an témoigne de notre volonté forte d'accompagner les changements intervenus dans le suivi des élevages bovins. Mais la réalisation concrète de cette visite a pris du retard ces derniers mois. Seul un investissement complet des vétérinaires sanitaires permettra d'asseoir la crédibilité de cette visite annuelle. J'y attache, vous l'avez compris, une importance toute particulière.
Les vétérinaires sanitaires ne doivent pas compter que sur l'Etat. La relation de confiance entre l'éleveur et son vétérinaire sanitaire doit perdurer. C'était le sens donné au module volontaire de la visite sanitaire adossé au module obligatoire. Des accords ont été passés entre les représentants des vétérinaires et des éleveurs : je souhaite que la visite sanitaire bovine soit effectivement mise en place, notamment son module volontaire, avant de l'étendre éventuellement à d'autres filières.
Un accompagnement personnalisé doit être assuré pour les agriculteurs sous la forme d'un conseil agricole. Il permettra un meilleur respect des exigences de la conditionnalité. C'est pourquoi j'ai reçu très favorablement la proposition de la Société Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires sur le conseil des vétérinaires sanitaires aux éleveurs. Le conseil sera obligatoire en 2007. D'ici là, il faudra en établir le cadre : le cahier des charges et les organismes concernés. Les représentants des vétérinaires sanitaires seront associés à ces travaux
I - 4 Vous êtes également préoccupés par le médicament vétérinaire
En ce qui concerne l'exercice en groupe et les sanctions contre les affairistes, un amendement auquel je suis favorable sera examiné dans le cadre de l'examen de la loi d'orientation agricole au Sénat dans les prochains jours.
Avec le Ministère de la santé, nous avons choisi pour l'élaboration du décret relatif à la prescription et la délivrance du médicament la voie de la concertation et de la recherche d'un consensus aussi large que possible.
Il semble qu'une incompréhension se soit instaurée sur ce projet de texte. Celui-ci ne constituera pas une ouverture à l'affairisme, comme vous semblez le craindre, mais va au contraire permettre d'encadrer strictement la prescription par l'obligation de plusieurs visites répétées tout au long de l'année pour mettre en place le protocole de soins et assurer son suivi. Il renforcera ainsi le rôle des vétérinaires dans les élevages.
Toutefois en raison des craintes que vous nourrissez, j'ai décidé d'engager les discussions sur les conditions d'application d'une interdiction du portage et du colisage des médicaments vétérinaires. Le cadre retenu doit permettre à toutes les formes d'exercice vétérinaire de poursuivre leurs activités, mais aussi recueillir l'adhésion des organisations professionnelles et des pharmaciens, également concernés par ce sujet. Il s'agit d'un travail de négociations entre différents acteurs avec comme ligne de mire le bénéfice pour la santé publique.
Je m'engage à ce que les travaux sur la réglementation du colisage et portage du médicament vétérinaire aboutissent rapidement. Par conséquent, l'adoption du décret concernant la prescription des médicaments vétérinaires, attendue par toutes les familles professionnelles, ne doit plus être différée.
Dans le domaine du médicament vétérinaire, un autre texte important et attendu concernant l'importation des médicaments vétérinaires a été publié. Des actions de contrôle menées conjointement avec les services des affaires sanitaires et sociales et ceux de la concurrence et de la répression des fraudes vont être organisées très prochainement.
II - Animaux de compagnie
II - 1 Un autre sujet préoccupe l'opinion publique : le bien-être et la protection animale.
J'ai bien identifié la nécessité de communiquer à l'intention des maires, des propriétaires et des citoyens sur différents thèmes. Le livret de responsabilisation réalisé avec le soutien de la profession vétérinaire s'inscrit dans ce sens. Mon intention est de poursuivre sa diffusion.
Par ailleurs, comme vous le savez, un décret est actuellement soumis au Conseil d'Etat pour encadrer les activités liées au commerce et à la vente des animaux de compagnie. La place du vétérinaire y est essentielle.
S'agissant des Comités Départementaux de Protection Animale, ils ont été créés dans 51 départements. Ils ont permis une coordination au plan départemental de l'ensemble des acteurs, tels que les services d'incendie et de secours et les polices municipales. Ces comités perdureront et seront étendus dans les autres départements.
A ce titre permettez-moi, Monsieur le Président, de saluer l'action de l'association " Vétérinaires Pour Tous ". Je souscris bien évidemment à la démarche de mon prédécesseur Hervé GAYMARD qui avait soutenu auprès du Ministre de l'Intérieur la démarche de reconnaissance d'utilité publique lancée par l'association. Je suggère que celle-ci reprenne contact avec mon cabinet dans ce sens.
II - 2 Identification des carnivores domestiques
Le service offert par votre Syndicat, qui a confié le fonctionnement du dispositif à la Société d'identification électronique vétérinaire (SIEV), est performant. Je salue votre travail et celui du Docteur René BAILLY, Directeur de la SIEV qui est également président honoraire de votre syndicat. C'est la raison pour laquelle de nouvelles conventions vont être prochainement établies pour une durée de cinq ans. Les différentes réunions techniques notamment celle du 14 octobre dernier, ont permis d'en arrêter les grands principes.
Je tiens à vous remercier pour votre approche pragmatique qui a permis de trouver des solutions pour la nécessaire modernisation du système de gestion de ce fichier, en concertation avec la Société Centrale Canine (SCC). Ceci nous permet d'envisager l'avenir avec sérénité. Enfin, la notion de " vétérinaire agent de l'état civil des carnivores domestiques " va être étudiée pour donner un rôle plus actif et de nouvelles responsabilité aux identificateurs que sont les vétérinaires.
III - La formation des vétérinaires
En ce qui concerne la formation, vous l'avez rappelé Monsieur le Président, cette année 2005 a vu se concrétiser la création du groupement d'intérêt public " formation santé animale et auxiliaires vétérinaires " regroupant le Ministère de l'agriculture et votre syndicat et je m'en félicite.
Pour les Ecoles nationales vétérinaires (ENV), j'aimerais rappeler qu'elles bénéficieront d'une partie des 24 postes prévus pour la recherche en 2006. Par ailleurs, la baisse des dotations des ENV, due au retour à 4 années de formation, sera compensée pour moitié par la mise en place du nouveau cursus. Les deux écoles ayant signé un contrat avec l'Etat vont pouvoir également bénéficier de moyens supplémentaires dès 2005 et les 2 autres devraient signer un contrat en 2006. Concernant les investissements, des crédits supplémentaires issus de la loi de finances rectificative 2004 ont été orientés vers les écoles de Maisons-Alfort et de Toulouse.
La formation continue des vétérinaires sanitaires constitue un point essentiel qui déterminera l'efficacité du réseau d'épidémio-vigilance vétérinaire et sa réactivité.
Concernant la formation des vétérinaires sanitaires, un comité de pilotage s'est constitué en juin dernier autour de la Direction Générale de l'Administration, avec des représentants du Conseil de l'Ordre des Vétérinaires et de toutes les familles vétérinaires et avec la participation de l'Ecole Nationale des Services Vétérinaires (ENSV). J'ai chargé ce comité de bâtir avec vous un dispositif global de formation continue des vétérinaires sanitaires. L'arrêté financier que vous évoquez est en cours d'élaboration et sera publié lorsque les détails de ce dispositif global seront définis.
La première session de formation a regroupé 400 vétérinaires sanitaires du sud de la France en septembre 2005 autour du thème de la fièvre catarrhale ovine. Je souhaite saluer ici l'efficacité de l'organisation de cette session pilote qui a reposé sur la forte implication de l'Ecole Nationale des Services Vétérinaires (ENSV). Sa réussite tient aussi au volontarisme des formateurs de la Société Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires (SNGTV) et des 22 Directions Départementales des Services Vétérinaires concernées. La forte participation constatée et l'enregistrement d'un indice de satisfaction élevé chez les participants montrent que la formule est bonne. La prochaine session de formation sera consacrée à l'influenza aviaire.
Conclusion
Monsieur le Président, je conclurai mon propos sur une note plus optimiste que la votre. La profession vétérinaire est partie intégrante au dispositif sanitaire français reconnu comme l'un des meilleurs du monde. C'est lié à la qualité de notre formation, mais aussi à l'originalité de notre organisation, notamment les relations privilégiées des vétérinaires avec les éleveurs et avec l'Etat.
Vous avez des sujets de préoccupation légitimes sur lesquelles je m'engage. La réforme des modalités de la surveillance sanitaire ne se fera ni en un jour, ni sans une volonté de collaboration forte du SNVEL. Vous devez envisager les perspectives d'avenir avec une vision positive et pro-active et non sur la défense d'une situation passée qui est nécessairement dépassée.
Les vétérinaires ne sont pas sollicités uniquement en cas de crise. Les chantiers que nous avons ouverts ensemble et votre implication systématique dans toutes les réflexions et les mesures engagées par le Ministère de l'agriculture prouvent que je souhaite mettre en place une politique cohérente en ce qui concerne la profession vétérinaire, dans le respect de toutes ses pratiques et toutes ses modalités d'exercice.
La menace actuelle de l'influenza aviaire vient nous rappeler que nous devons rester vigilants. Les vétérinaires sanitaires ont un rôle technique à jouer pour surveiller, détecter et lutter contre la maladie. Ils ont également un rôle d'information capital auprès de nos concitoyens. Nous devons nous mobiliser. Je compte avec confiance sur votre implication.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 7 novembre 2005)