Texte intégral
Lutte Ouvrière n°1944 du 4 novembre 2005
La violence dans les quartiers populaires et ses responsables
Pendant plusieurs jours, après la mort de deux jeunes électrocutés en cherchant à fuir la police, la ville de Clichy-sous-Bois a été le théâtre, chaque nuit, d'affrontements entre la police et plusieurs centaines de jeunes d'un quartier populaire. L'agitation s'est étendue dans plusieurs localités dans la région parisienne.
Clichy-sous-Bois, c'est la banlieue parisienne. Mais la violence aurait pu exploser dans les banlieues de Lyon, Strasbourg, Lille ou ailleurs, et pour les mêmes raisons.
Bien sûr, les principales victimes de ces violences sont les habitants de ces banlieues. Les voitures qui brûlent ne sont pas des voitures de milliardaires ou de ministres, mais celles de travailleurs qui vivent dans ces quartiers. C'est pourquoi, lorsque les jeunes s'en prennent aux pompiers en tant que représentants de l'autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience.
C'est là-dessus que s'appuie Sarkozy pour déployer toute sa démagogie sécuritaire en promettant de " nettoyer au karcher " La Courneuve, " d'éradiquer la gangrène " à Argenteuil et de s'en prendre à " la racaille ", à Clichy-sous-Bois. Et de tenter de se poser en défenseur des quartiers populaires en leur promettant d'y rétablir la sécurité!
Mais ce ne sont que les propos démagogiques d'un homme qui cherche à plaire à l'électorat d'extrême droite en surenchérissant sur Le Pen. Même sur le plan strictement policier, il n'y a pas, dans les quartiers dits sensibles, plus de police de proximité ou de postes de police permanents. La politique de Sarkozy, c'est d'envoyer ponctuellement une armada de CRS pour mener la guerre contre un quartier en s'en prenant à tout ce qui est jeune, à tous ceux dont le faciès leur déplaît, quand ils ne s'amusent pas à tirer des grenades lacrymogènes à l'intérieur d'une salle de prières. La démagogie de Sarkozy ne rend pas les quartiers populaires plus sûrs pour leurs habitants, mais, en revanche, elle encourage les attitudes les plus répressives de la police et le racisme de nombre de ses éléments. Et, en face, elle sème la haine.
Aujourd'hui, le Parti Socialiste s'élève contre Sarkozy et ses méthodes. Même les concurrents de Sarkozy à l'intérieur de la majorité le font. Mais, au-delà du personnage du ministre de l'Intérieur qui ne se dit pas d'extrême droite mais en mène la politique, si la vie devient de plus en plus dure dans les quartiers populaires, les gouvernements de gauche du passé ont tout autant leur part de responsabilité que la droite.
Avec l'appauvrissement général des classes laborieuses, les quartiers populaires minés par le chômage de leurs habitants se transforment en ghettos: pas d'infrastructures pour les jeunes, pas d'éducateurs, pas d'animateurs de quartier, des écoles surchargées, des bureaux de poste fermés, des commerces qui désertent.
La violence au quotidien dans ces quartiers est peut-être le fait de voyous ou de trafiquants. Mais des voyous, il y en a toujours eu, pourquoi trouvent-ils aujourd'hui le soutien d'une bonne partie des jeunes? Pourquoi les explosions de violence entraînent-elles contre la police bien plus de jeunes que ces petits caïds de quartier? Parce qu'il n'y a pas un jeune dans ces quartiers qui n'ait touché du doigt qu'aux yeux de la police de Sarkozy, la " racaille ", ce sont les pauvres, tous les pauvres, et pas seulement quelques voyous ou quelques trafiquants. Parce que, pour la majorité d'entre eux, l'avenir est bouché et sans espoir.
La dégradation de la vie dans les quartiers pauvres fait partie de la dégradation de la condition ouvrière sous l'effet des coups que le grand patronat comme les gouvernements qui se succèdent ont portés aux classes populaires. Et ce qu'on peut souhaiter, c'est que la classe ouvrière, en retrouvant sa capacité à réagir à l'offensive du patronat et du gouvernement, trouvera l'oreille de la jeunesse des quartiers populaires et que celle-ci, de son côté, pourra, aux côtés de l'ensemble du monde du travail, exprimer ce qui est légitime dans sa révolte en laissant les voyous et les petits trafiquants sur le bord du chemin.
Arlette LAGUILLER
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 7 novembre 2005)
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
L'espoir n'est ni dans la violence stérile ni dans la résignation
Après la banlieue parisienne, la flambée de violence dans les quartiers populaires s'est répandue dans d'autres villes. Ce n'étaient certainement pas les cyniques propos de Chirac sur "l'égalité des chances" qui pouvaient toucher les jeunes ! Quant à Sarkozy, chaque fois qu'il ouvre la bouche, il propulse dans les rues de nouveaux contingents de jeunes, voire de gamins.
Et il n'est pas dit que le geste, aussi démagogique que provocant, de faire appel à une loi sur l'état d'urgence datant de la guerre d'Algérie influe sur le devenir du mouvement.
Cette flambée de violence est stérile. Brûler les voitures de ses propres parents ou voisins, brûler des autobus qui desservent les quartiers populaires, saccager des écoles maternelles témoigne de la part de ceux qui le font d'une absence de conscience sociale et de solidarité. Rendre la vie plus invivable encore pour les siens, simplement par imitation des autres, n'est pas la seule façon d'exprimer sa colère, et sûrement pas la meilleure.
Mais comment les dirigeants politiques, ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui rêvent d'y revenir, pourraient-ils convaincre ces jeunes que, malgré leur vie présente, il y a un espoir d'avenir ?
La pauvreté des quartiers transformés en ghettos, le chômage, l'absence criante d'infrastructures n'expliquent pas la forme prise par la révolte mais en constituent le terreau. Comment oser prétendre que l'on fait quelque chose pour les quartiers populaires, lorsque les jeunes qui y vivent constatent jour après jour que rien n'y change, si ce n'est en pire ? Et que l'État n'y apparaît que sous la forme, en bas, de contrôles policiers au faciès ou d'interventions massives de CRS, en haut, de ministres méprisants vis-à-vis de tout ce qui est pauvre ?
La majorité de droite et l'opposition socialiste se retrouvent aujourd'hui à faire appel, en même temps qu'à la matraque, à "l'idéal républicain". Mais comment les jeunes de ces quartiers pourraient-ils prendre cette République pour idéal, alors qu'elle est faite pour les riches et les puissants ? Comment donner en exemple ceux qui s'en sortent par le travail, alors que ceux qui en cherchent n'en trouvent pas ?
Comment arracher les jeunes des quartiers populaires à l'influence des petits parasites qui vivent de trafics de toutes sortes, alors que la vie ne sourit qu'aux grands parasites qui dominent la société ? Et comment les convaincre qu'il est stupide de brûler des écoles dans les quartiers populaires, alors qu'à côté d'une école brûlée, combien d'autres, indispensables pourtant, n'ont même pas été construites parce que ceux qui nous gouvernent ne consacrent pas d'argent à cela ? Pendant qu'il y a des milliards dépensés en faveur des riches, les écoles des quartiers populaires sont surchargées, avec des enseignants dans l'impossibilité matérielle de transmettre à tous ce minimum d'éducation que les familles n'ont pas les moyens de transmettre -ne serait-ce que savoir lire, écrire et même parler correctement.
Les travailleurs n'ont pas à se réjouir de la forme que prend cette explosion, et pas seulement parce qu'ils sont les premiers à en souffrir. La jeunesse, c'est l'avenir. Mais de quel avenir une jeunesse déboussolée peut-elle être l'artisan ?
Ce ne sont pas ceux qui nous gouvernent qui peuvent donner un espoir à la jeunesse des quartiers pauvres. Car la seule perspective qu'ils offrent, c'est, au mieux, la réussite individuelle pour quelques-uns et la résignation pour les autres.
Pour que la jeunesse pauvre n'en soit pas réduite à l'alternative entre la résignation dans l'exploitation et la violence stérile, il faudrait que le mouvement ouvrier retrouve sa capacité de lutte et surtout la volonté politique d'incarner vis-à-vis de cette jeunesse un espoir de transformation sociale.
Ce qui se passe dans les quartiers populaires ne signifie pas seulement la faillite d'un gouvernement. Il signifie plus encore la faillite de l'organisation capitaliste de la société, pourrie d'inégalités, d'injustices, et qui ne peut mener la vie sociale qu'à la décomposition.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 14 novembre 2005)
La violence dans les quartiers populaires et ses responsables
Pendant plusieurs jours, après la mort de deux jeunes électrocutés en cherchant à fuir la police, la ville de Clichy-sous-Bois a été le théâtre, chaque nuit, d'affrontements entre la police et plusieurs centaines de jeunes d'un quartier populaire. L'agitation s'est étendue dans plusieurs localités dans la région parisienne.
Clichy-sous-Bois, c'est la banlieue parisienne. Mais la violence aurait pu exploser dans les banlieues de Lyon, Strasbourg, Lille ou ailleurs, et pour les mêmes raisons.
Bien sûr, les principales victimes de ces violences sont les habitants de ces banlieues. Les voitures qui brûlent ne sont pas des voitures de milliardaires ou de ministres, mais celles de travailleurs qui vivent dans ces quartiers. C'est pourquoi, lorsque les jeunes s'en prennent aux pompiers en tant que représentants de l'autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience.
C'est là-dessus que s'appuie Sarkozy pour déployer toute sa démagogie sécuritaire en promettant de " nettoyer au karcher " La Courneuve, " d'éradiquer la gangrène " à Argenteuil et de s'en prendre à " la racaille ", à Clichy-sous-Bois. Et de tenter de se poser en défenseur des quartiers populaires en leur promettant d'y rétablir la sécurité!
Mais ce ne sont que les propos démagogiques d'un homme qui cherche à plaire à l'électorat d'extrême droite en surenchérissant sur Le Pen. Même sur le plan strictement policier, il n'y a pas, dans les quartiers dits sensibles, plus de police de proximité ou de postes de police permanents. La politique de Sarkozy, c'est d'envoyer ponctuellement une armada de CRS pour mener la guerre contre un quartier en s'en prenant à tout ce qui est jeune, à tous ceux dont le faciès leur déplaît, quand ils ne s'amusent pas à tirer des grenades lacrymogènes à l'intérieur d'une salle de prières. La démagogie de Sarkozy ne rend pas les quartiers populaires plus sûrs pour leurs habitants, mais, en revanche, elle encourage les attitudes les plus répressives de la police et le racisme de nombre de ses éléments. Et, en face, elle sème la haine.
Aujourd'hui, le Parti Socialiste s'élève contre Sarkozy et ses méthodes. Même les concurrents de Sarkozy à l'intérieur de la majorité le font. Mais, au-delà du personnage du ministre de l'Intérieur qui ne se dit pas d'extrême droite mais en mène la politique, si la vie devient de plus en plus dure dans les quartiers populaires, les gouvernements de gauche du passé ont tout autant leur part de responsabilité que la droite.
Avec l'appauvrissement général des classes laborieuses, les quartiers populaires minés par le chômage de leurs habitants se transforment en ghettos: pas d'infrastructures pour les jeunes, pas d'éducateurs, pas d'animateurs de quartier, des écoles surchargées, des bureaux de poste fermés, des commerces qui désertent.
La violence au quotidien dans ces quartiers est peut-être le fait de voyous ou de trafiquants. Mais des voyous, il y en a toujours eu, pourquoi trouvent-ils aujourd'hui le soutien d'une bonne partie des jeunes? Pourquoi les explosions de violence entraînent-elles contre la police bien plus de jeunes que ces petits caïds de quartier? Parce qu'il n'y a pas un jeune dans ces quartiers qui n'ait touché du doigt qu'aux yeux de la police de Sarkozy, la " racaille ", ce sont les pauvres, tous les pauvres, et pas seulement quelques voyous ou quelques trafiquants. Parce que, pour la majorité d'entre eux, l'avenir est bouché et sans espoir.
La dégradation de la vie dans les quartiers pauvres fait partie de la dégradation de la condition ouvrière sous l'effet des coups que le grand patronat comme les gouvernements qui se succèdent ont portés aux classes populaires. Et ce qu'on peut souhaiter, c'est que la classe ouvrière, en retrouvant sa capacité à réagir à l'offensive du patronat et du gouvernement, trouvera l'oreille de la jeunesse des quartiers populaires et que celle-ci, de son côté, pourra, aux côtés de l'ensemble du monde du travail, exprimer ce qui est légitime dans sa révolte en laissant les voyous et les petits trafiquants sur le bord du chemin.
Arlette LAGUILLER
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 7 novembre 2005)
Lutte Ouvrière n°1945 du 11 novembre 2005
L'espoir n'est ni dans la violence stérile ni dans la résignation
Après la banlieue parisienne, la flambée de violence dans les quartiers populaires s'est répandue dans d'autres villes. Ce n'étaient certainement pas les cyniques propos de Chirac sur "l'égalité des chances" qui pouvaient toucher les jeunes ! Quant à Sarkozy, chaque fois qu'il ouvre la bouche, il propulse dans les rues de nouveaux contingents de jeunes, voire de gamins.
Et il n'est pas dit que le geste, aussi démagogique que provocant, de faire appel à une loi sur l'état d'urgence datant de la guerre d'Algérie influe sur le devenir du mouvement.
Cette flambée de violence est stérile. Brûler les voitures de ses propres parents ou voisins, brûler des autobus qui desservent les quartiers populaires, saccager des écoles maternelles témoigne de la part de ceux qui le font d'une absence de conscience sociale et de solidarité. Rendre la vie plus invivable encore pour les siens, simplement par imitation des autres, n'est pas la seule façon d'exprimer sa colère, et sûrement pas la meilleure.
Mais comment les dirigeants politiques, ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui rêvent d'y revenir, pourraient-ils convaincre ces jeunes que, malgré leur vie présente, il y a un espoir d'avenir ?
La pauvreté des quartiers transformés en ghettos, le chômage, l'absence criante d'infrastructures n'expliquent pas la forme prise par la révolte mais en constituent le terreau. Comment oser prétendre que l'on fait quelque chose pour les quartiers populaires, lorsque les jeunes qui y vivent constatent jour après jour que rien n'y change, si ce n'est en pire ? Et que l'État n'y apparaît que sous la forme, en bas, de contrôles policiers au faciès ou d'interventions massives de CRS, en haut, de ministres méprisants vis-à-vis de tout ce qui est pauvre ?
La majorité de droite et l'opposition socialiste se retrouvent aujourd'hui à faire appel, en même temps qu'à la matraque, à "l'idéal républicain". Mais comment les jeunes de ces quartiers pourraient-ils prendre cette République pour idéal, alors qu'elle est faite pour les riches et les puissants ? Comment donner en exemple ceux qui s'en sortent par le travail, alors que ceux qui en cherchent n'en trouvent pas ?
Comment arracher les jeunes des quartiers populaires à l'influence des petits parasites qui vivent de trafics de toutes sortes, alors que la vie ne sourit qu'aux grands parasites qui dominent la société ? Et comment les convaincre qu'il est stupide de brûler des écoles dans les quartiers populaires, alors qu'à côté d'une école brûlée, combien d'autres, indispensables pourtant, n'ont même pas été construites parce que ceux qui nous gouvernent ne consacrent pas d'argent à cela ? Pendant qu'il y a des milliards dépensés en faveur des riches, les écoles des quartiers populaires sont surchargées, avec des enseignants dans l'impossibilité matérielle de transmettre à tous ce minimum d'éducation que les familles n'ont pas les moyens de transmettre -ne serait-ce que savoir lire, écrire et même parler correctement.
Les travailleurs n'ont pas à se réjouir de la forme que prend cette explosion, et pas seulement parce qu'ils sont les premiers à en souffrir. La jeunesse, c'est l'avenir. Mais de quel avenir une jeunesse déboussolée peut-elle être l'artisan ?
Ce ne sont pas ceux qui nous gouvernent qui peuvent donner un espoir à la jeunesse des quartiers pauvres. Car la seule perspective qu'ils offrent, c'est, au mieux, la réussite individuelle pour quelques-uns et la résignation pour les autres.
Pour que la jeunesse pauvre n'en soit pas réduite à l'alternative entre la résignation dans l'exploitation et la violence stérile, il faudrait que le mouvement ouvrier retrouve sa capacité de lutte et surtout la volonté politique d'incarner vis-à-vis de cette jeunesse un espoir de transformation sociale.
Ce qui se passe dans les quartiers populaires ne signifie pas seulement la faillite d'un gouvernement. Il signifie plus encore la faillite de l'organisation capitaliste de la société, pourrie d'inégalités, d'injustices, et qui ne peut mener la vie sociale qu'à la décomposition.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 14 novembre 2005)