Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur les grands axes du budget 2001 pour la recherche, notamment l'emploi, les équipements et les moyens attribués aux disciplines prioritaires, Paris le 21 septembre 2000.

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Circonstance : Présentation du budget civil de recherche et développement pour 2001 à Paris le 21 septembre 2000

Texte intégral

Le projet de budget civil de recherche et développement pour 2001 traduit la volonté de donner un nouvel élan à la recherche, en amplifiant l'effort engagé et en lui consacrant des moyens accrus.
Une progression de 2,2 %
Le BCRD 2001 s'élève à 55,8 milliards de F en dépenses ordinaires et crédits de paiement (DO+CP), soit une progression de 2,2 % par rapport à 2000, alors que le BCRD 2000 avait progressé de 1,3 % par rapport à 1999.
Les autorisations de programme du BCRD s'élèvent à 24,3 milliards de F, soit une augmentation de 6,4 % par rapport à 2000, alors que leur progression moyenne avait été de 1,5 % par an depuis 1997 (1,9 % en 1998, 2,5 % en 1999 et 0,1 % en 2000).
Cette double progression permet de donner un nouvel essor à la recherche publique et de traduire concrètement les orientations du ministère. Celles-ci s'articulent autour de quatre axes prioritaires.
Une véritable politique de l'emploi scientifique : rajeunir la recherche
Le 4 mai dernier, en représentant mes orientations prioritaires, je déclarais : "Il faut rajeunir la recherche pour la renouveler, pour lui donner un nouveau dynamisme. J'entends donc soutenir les jeunes chercheurs et leur donner des perspectives."
Nous constatons, en effet, un double phénomène. D'un côté, le vieillissement de la recherche française : l'âge moyen des chercheurs et des enseignants-chercheurs est de 46 ans. De l'autre, un phénomène de " file d'attente ", avec la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche : multiplication des post-docs à l'étranger, exil forcé des cerveaux, etc.
Pour remédier à cette situation, qui est préjudiciable au renouvellement de la recherche, il est indispensable de définir avec volontarisme une véritable politique de l'emploi scientifique.
La période n'a jamais été aussi favorable pour le faire et la prochaine décennie constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence, vu les départs massifs à la retraite qui interviendront en 2004-2010.
Nous devons dès 2001 anticiper les départs à la retraite, notamment pour éviter de nouveaux " coups d'accordéon " dans les recrutements et pour maintenir un recrutement de qualité avec le potentiel de thésards et de jeunes docteurs actuellement disponible, alors qu'à l'avenir ce vivier risque de se réduire : diminution de la démographie étudiante, moindre attractivité des filières scientifiques, concurrence de l'industrie qui, avec la reprise économique, conduira une partie des doctorants potentiels à prendre un emploi dans le secteur privé à l'issue de la maîtrise ou du DEA au lieu de poursuivre jusqu'à la thèse.
Pour la première fois, ce budget 2001 engage une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs, dont la nécessité a été soulignée par le rapport Cohen - Le Déaut de juillet 1999 ainsi que par le Conseil supérieur de la recherche et de le technologie (CSRT) le 14 septembre 2000.
Le budget 2001 prévoit en effet la création de 305 emplois, dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) et 40 emplois au ministère de la Culture.
Ces créations d'emplois sont nettement plus importantes qu'en 1999 (150 créations) et en 2000 (18 créations).
Les 265 emplois créés dans les EPST se répartissent ainsi : 130 emplois de chercheurs et 135 emplois d'ITA.
Ces créations d'emplois ont un triple objectif :
- engager une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs ;
- offrir aux jeunes docteurs davantage de possibilités de recrutement et de débouchés dans la recherche publique ;
- renforcer les effectifs dans les disciplines prioritaires (sciences du vivant, STIC).
Par ailleurs, ce budget comporte 42,81 MF de mesures catégorielles et de transformations d'emplois, afin d'améliorer les perspectives de carrière des personnels et de requalifier leurs emplois, alors que ces mesures s'élevaient à 2 MF en 1999 et à 28 MF en 2000.
Renforcer les moyens des laboratoires
De plus, ce budget s'attache à renforcer de manière très significative les moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires, que ceux-ci appartiennent aux organismes de recherche ou aux universités.
Il est indispensable d'accompagner la progression des effectifs de chercheurs et d'enseignants-chercheurs par l'augmentation des crédits des laboratoires. Il ne servirait à rien de recruter des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui n'auraient pas les moyens matériels de travailler : petits achats, matériels d'expérimentation, petits outillages et équipements, abonnements à des revues, etc. Ce qui est en jeu avec le renforcement du soutien de base des laboratoires, c'est la vie quotidienne des laboratoires, qui doivent disposer des crédits nécessaires pour travailler efficacement.
De même, il faut renforcer les moyens d'investissement des EPST et des universités, qui doivent disposer des équipements nécessaires.
Ce renforcement des moyens de fonctionnement et d'investissement concerne à la fois les organismes de recherche et les universités.
- Après être restées stables de 1997 à 2000, les autorisations de programme (AP) des organismes de recherche progressent en moyenne de 2,8 %.
Plus particulièrement, les AP des EPST progressent de 10 % pour la seule année 2001, alors qu'elles avaient progressé de 8,5 % pour l'ensemble de la période 1997-2000.
Cette forte augmentation prévue au budget 2001 permet de renforcer le soutien de base des laboratoires (+6,5 %) et d'accroître fortement les moyens d'investissement des établissements (+18 %) : CNRS (Centre de calcul IDRIS), INSERM, INRIA, INRA, etc.
- De même, pour la seule année 2001 les AP de la recherche universitaire progressent fortement (+10 %) pour le fonctionnement et l'équipement des laboratoires universitaires, alors qu'elles avaient progressé de 9,3 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Cette forte progression permettra en particulier de mettre en uvre le plan U3M et les contrats de plan Etat-Région.
Le ministre de la recherche ayant, de par son décret de compétence du 6 avril 2000, la responsabilité d'"élaborer et de mettre en uvre la politique de recherche universitaire", il entend consacrer un effort très important à celle-ci au budget 2001, afin d'aider les universités à dynamiser leur action de recherche.
Dynamiser les disciplines prioritaires
Ce budget 2001 renforce les moyens attribués aux disciplines prioritaires : sciences du vivant, sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC), environnement et énergie.
Ainsi, les 265 créations d'emplois dans les EPST permettent de renforcer les sciences du vivant (74 emplois créés à l'INSERM) et les STIC (116 emplois créés à l'INRIA, l'Institut national de la recherche en informatique et automatique ; par ailleurs, sur les 70 emplois créés au CNRS, plusieurs iront au département dédié aux STIC que le CNRS est en train de créer).
L'objectif, c'est de réussir le passage à la société de l'information. Conformément aux décisions arrêtées par le CISI (Comité interministériel pour la société de l'information) du 10 juillet 2000, les effectifs de la recherche publique consacrés aux STIC seront accrus de 25 % en 5 ans.
Ainsi, le contrat quadriennal Etat-INRIA, que j'ai signé avec le secrétaire d'Etat à l'industrie le 18 juillet, prévoit que les effectifs de cet Institut seront portés de 755 à 1180 personnes d'ici à 2003.
De même, le CNRS, sous l'impulsion du Pr Alain Costes, met en place un département des STIC, regroupant les laboratoires relevant de ce domaine de recherche. Dès 2001, des postes de chercheurs et d'ITA seront créés afin de renforcer les moyens du CNRS dans ce champ disciplinaire.
Par ailleurs, les moyens d'intervention des réseaux de recherche et d'innovation technologique dans ce domaine des STIC (télécommunications, technologies logicielles, micro et nanotechnologies, etc.) seront accrus grâce à l'augmentation du FRT.
Enfin, je rappelle que j'ai installé en juillet 2000 5 CNRT (Centres nationaux de recherche technologique) dans le domaine des STIC : optoélectronique (Marcoussis), micro et nanotechnologies, (Grenoble), télécommunications, images et multimédia (Rennes-Lannion-Brest), télécommunications, Internet et usages, (Sophia Antipolis) et matériaux pour l'électronique et la microélectronique (Grenoble).
Par ailleurs, le Fonds national de la science (FNS), qui est destiné à donner une impulsion aux recherches dans les domaines scientifiques prioritaires, est porté de 700 MF à 885 MF en AP (+26 %). Cette augmentation servira en particulier à financer les recherches dans les sciences du vivant : génomique et post-génomique (Centre national de séquençage, centre national de génotypage, réseau des génopoles, réseau GenHomme, bioinformatique, etc), agents infectieux (VIHPAL, microbiologie, prions), biologie intégrative.
Cette augmentation du FNS financera également les recherches dans les sciences de l'information et de la communication (photonique, micro et nano, cryptologie, mégaressources informatiques), ainsi que celles menées dans les sciences humaines et sociales (cognitique-école, ville, travail, réseau MSH-numérisation), sur les matériaux et sur la planète (système Terre, catastrophes naturelles, écologie quantitative, observation de la Terre, eau), ainsi que l'ACI jeunes chercheurs.
De même, le Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) est porté à 1000 MF en augmentant de près de 100 MF (+ 10,5 %). Cette augmentation permettra en particulier d'amplifier la recherche dans les technologies de l'information et de la communication (technologies logicielles, Internet du futur, etc.), dans les technologies liées aux sciences du vivant (génome et post-génome, bioinformatique, médicament, technologies pour la santé, etc.).
Les moyens attribués aux recherches sur les technologies liées à l'environnement et à l'énergie connaissent aussi une forte hausse : réseau Eau et Environnement, pollutions accidentelles, pile à combustible et énergie, etc.). Avec la conviction que la recherche peut et doit contribuer à une meilleure protection de l'environnement et au "développement durable".
La dotation du CEA et de l'IPSN (Institut pour la protection et la sûreté nucléaire) progresse de 7,6 % en DO + AP, tant pour renforcer l'IPSN que pour permettre au CEA d'accentuer ses recherches sur la sûreté du parc nucléaire, le traitement des déchets, l'assainissement et les nouvelles sources d'énergie.
Hors IPSN, les crédits de recherche du Ministère de l'Environnement progressent de 23 % en DO + AP, pour augmenter les moyens de l'INERIS (Institut national de l'environnement et des risques industriels) et de la nouvelle Agence française de sécurité environnementale (AFSE).
Soutenir l'innovation et la recherche industrielle
Le ministère de la Recherche a également en charge la Technologie et l'Espace.
Il importe de poursuivre et d'amplifier la politique de soutien à l'innovation, pour favoriser la création et le développement d'entreprises technologiques innovantes.
Aujourd'hui, dans les pays avancés, la recherche est devenue le principal moteur de la compétitivité et de la croissance, le premier "booster" de l'économie et de l'emploi.
Il faut favoriser la valorisation de la recherche et le transfert de technologie, pour irriguer l'économie des résultats de la recherche. Cette politique de soutien à l'innovation, sur laquelle j'ai présenté une communication au conseil des ministres du 18 juillet 2000, est un facteur essentiel de modernisation, de progrès et de création de nouvelles entreprises : les jeunes entreprises technologiques innovantes ; les "start-up".
- Des moyens nouveaux sont dégagés pour appuyer les projets de recherche et de développement des entreprises. Les soutiens à la recherche industrielle -y compris l'ANVAR, qui aide les PME-PMI à innover, le FRT et les crédits pour l'aéronautique civile- s'élèveront à 6 milliards de F en AP, soit une progression de 9 %.
La progression des crédits de recherche industrielle hors aéronautique servira notamment à financer les 11 réseaux de recherche et d'innovation technologiques, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et laboratoires privés, et les 29 incubateurs, destinés à accompagner et à soutenir les porteurs de projets de création ou de développement d'entreprises innovantes.
- Le budget consacré à la construction aéronautique augmentera fortement (+22%) et atteindra 2161 MF, en particulier pour soutenir le développement par Airbus de l'avion de grande capacité A3XX. Compte tenu des provisions déjà constituées en 2000, ce programme pourra ainsi bénéficier dès 2001 d'un soutien de 1140 MF.
- En matière spatiale, la subvention au Centre national d'études spatiales (CNES) s'élève à 8810 MF et représente 16 % du BCRD, ce qui constitue le deuxième poste du BCRD. La France est le leader de la politique spatiale européenne ; elle est le moteur de l'Europe spatiale. Elle est aussi le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne (ESA) devant l'Allemagne et l'Italie.
Cette dotation permettra, d'une part, de réaliser les programmes engagés dans le cadre de l'ESA et du CNES (dont la poursuite des développements d'Ariane-5, dont le 6ème tir a eu lieu le 14 septembre, Arianespace ayant le leadership du marché commercial des lanceurs, et le programme GALILEO, système européen de positionnement et de datation par satellites) et, d'autre part, de lancer de nouveaux programmes prioritaires (dans le domaine de l'observation de la Terre et de la science notamment).
La légère diminution de la subvention du CNES (-130 MF sur un budget 2000 de 8825 MF en DO+AP, soit -1,5 %) s'explique par une augmentation moindre que prévue de la contribution du CNES à l'ESA (qui dispose d'excédents de trésorerie lui permettant de réduire ses appels de fonds) et par un démarrage moins rapide des programmes du CNES en préparation (notamment le programme de Retour d'échantillons de Mars en cours de discussion entre le CNES et la NASA).
La France dans le monde
D'après les derniers chiffres dont nous disposons (1999), la France occupe le 4ème rang parmi les grands pays de l'OCDE pour la dépense de recherche totale en pourcentage du P.I.B. (2,17%), après le Japon (3,06%), les Etats-Unis (2,84%) et presque à égalité avec l'Allemagne (2,29 %). Elle devance sensiblement le Royaume-Uni (1,83%).
Ce rang serait encore amélioré si la dépense de recherche des entreprises françaises en pourcentage du PIB était plus forte : 2,18 % au Japon, 2,16 % aux Etats-Unis, 1,55 % en Allemagne et 1,37 % en France en 1999.
En revanche, la France se situe au 2ème rang en matière de dépense publique de recherche civile: 0,76% en Allemagne ; 0,74 % en France ; 0,58 % au Japon ; 0,42 % au Royaume-Uni et 0,41% aux Etats-Unis en 1999.
C'est donc bien la faiblesse relative des dépenses de recherche des entreprises -et non celle des dépenses de recherche publique civile- qui explique le niveau de la dépense nationale de recherche en pourcentage du PIB comparé aux Etats-Unis ou au Japon. Cette situation est d'ailleurs en train de s'améliorer.
En tout cas, il importe d'amplifier l'effort de recherche public et privé pour conforter la place de notre pays parmi les grandes nations scientifiques.
Inscrire notre pays dans la modernité
Il appartient plus que jamais à la recherche de préfacer et de préparer l'avenir. D'où le nouvel élan marqué par ce projet de budget 2001.
Aujourd'hui, notre indépendance et notre place dans le monde se défendent beaucoup plus dans les laboratoires et les centres de recherche que sur les champs de bataille ou dans les conférences diplomatiques. L'objectif, c'est de conforter notre place dans le peloton de tête des grandes nations innovantes.
Il s'agit d'inscrire notre pays dans la modernité. De le tourner résolument vers le futur et vers le progrès. Il s'agit d'ouvrir un nouvel horizon à la recherche, qui doit être une grande ambition collective.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 29 septembre 2000).