Texte intégral
Q - Qu'attendez-vous de la réunion d'aujourd'hui avec vos homologues européens ?
R - J'espère que, sous l'impulsion de la France, l'Europe parviendra à refondre la politique d'aide au développement. Il s'agit de mieux décliner la sensibilité européenne, souvent différente de celle des Etats-Unis, sur les questions de développement. Je ne songe pas seulement au volume de l'aide, mais aussi à l'accent mis sur le développement social et humain. Il faut mettre fin à cette contradiction entre une participation européenne à l'aide au développement très majoritaire - puisque 55 % de l'aide mondiale vient de l'Europe - et le fait que sa voix n'est pas suffisamment entendue au sein des instances de développement comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et toutes les agences onusiennes.
Nous avons aussi pour volonté de mieux articuler la politique européenne de développement et la Politique extérieure et de sécurité commune de l'Union européenne.
Q - Certains craignent une dilution de la politique de développement dans la politique étrangère européenne.
R - Je peux comprendre cela, mais regardez la réforme du dispositif de coopération française qui, en se fondant dans le ministère des Affaires étrangères, a donné une plus grande cohérence aux concepts d'influence et d'aide au développement. L'Europe est confrontée au même défi : une meilleure efficacité de l'aide au développement européenne permettrait aux Quinze de renforcer considérablement leur influence sur la scène internationale, car nous serions capables de mobiliser avec nous les pays en développement. Je crois également que c'est une bonne manière pour la France de dépasser ce qui peut apparaître à certains comme de la nostalgie et tourner la page de cette histoire coloniale.
Q - Les intérêts divergents des membres de l'Union ne rendent-ils pas impossible une politique de développement commune ?
R - Il est évident que toute l'Europe n'a pas la même sensibilité aux questions de développement et que toute l'Europe ne regarde pas dans la même direction : certains regardent plus à l'Est, d'autres plus au sud et quelques-uns à l'ouest, c'est-à-dire les Caraïbes et l'Amérique latine. On comprendra que l'Afrique retienne davantage notre attention, notamment parce que cette grande Afrique est malheureusement en retard de développement. Elle est aussi l'illustration parfaite du lien entre insécurité, crises et pauvreté. Mais il faut bien aussi que l'Europe regarde, à l'est, "l'autre Europe" : que nous ayons le souci de préparer ces pays, qui frappent à la porte de l'Union dans le cadre d'une politique de coopération spécifique, est tout à fait normal. Il est donc nécessaire de donner une cohérence à tout cela en faisant en sorte que nous nous intéressions ensemble aux mêmes continents.
Q - L'aide de l'Union européenne passe malheureusement pour être particulièrement inefficace.
R - Il faut bien voir que la Commission européenne a été soumise à une multiplication par 3 du volume de l'aide communautaire, depuis la fin des années 1980, avec des effectifs qui sont restés pratiquement inchangés. Il est vrai que nous avons multiplié les outils, le Fonds européen de développement, le programme PHARE en faveur de l'Europe centrale et orientale, Meda à destination des pays méditerranéens, sans nous donner les moyens de les maîtriser. Cela explique en partie la crise que connaît l'aide de l'Union. Sans dramatiser le bilan, on ne peut que reconnaître la sous-consommation des crédits, la durée excessive dans la mobilisation des programmes, la lourdeur des procédures et surtout ce sentiment qu'il n'y pas assez de cohérence entre l'action de la Communauté et celle des Etats membres. Un pays comme la France, qui a une tradition de coopération bilatérale forte avec les pays en développement, est un témoin privilégié de ces dysfonctionnements.
Q - Que prévoit la déclaration commune pour remédier à cette situation ?
R - L'aide communautaire doit être complémentaire de celle des Etats membres. Il faut transformer une addition de solos en un orchestre où chacun joue sa partition. Cela veut dire recentrer l'aide communautaire sur quelques grands domaines comme la promotion de l'intégration et de la coopération régionales, le lien entre commerce et développement, l'appui aux politiques macro-économiques et l'accès aux services sociaux, la sécurité alimentaire et le développement rural, ou encore l'appui institutionnel, notamment en matière d'Etat de droit et de bonne gestion des affaires publiques. Je crois aussi que l'Union européenne peut déléguer la gestion de certains projets aux agences des Etats membres, qui agissent ainsi sous label européen. De son côté, l'office EuropeAid, qui sera créé prochainement, permettra une gestion plus souple et plus efficace de l'aide européenne.
Q - L 'Europe est souvent accusée d'être un peu trop complaisante à l'égard des violations des Droits de l'Homme dans les pays bénéficiaires de l'aide. Les Quinze seront-ils plus fermes à l'avenir ?
R - On ne peut pas parler de complaisance. Cette accusation fait peu de cas des occasions où l'Europe a exprimé fortement sa désapprobation. L'Europe applique des sanctions quand elle juge que la situation le justifie, mais la meilleure façon de servir les Droits de l'Homme est d'apporter un appui institutionnel; notamment pour garantir l'Etat de droit en développant les institutions judiciaires, et pour favoriser l'émergence d'une société civile forte./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2000).
R - J'espère que, sous l'impulsion de la France, l'Europe parviendra à refondre la politique d'aide au développement. Il s'agit de mieux décliner la sensibilité européenne, souvent différente de celle des Etats-Unis, sur les questions de développement. Je ne songe pas seulement au volume de l'aide, mais aussi à l'accent mis sur le développement social et humain. Il faut mettre fin à cette contradiction entre une participation européenne à l'aide au développement très majoritaire - puisque 55 % de l'aide mondiale vient de l'Europe - et le fait que sa voix n'est pas suffisamment entendue au sein des instances de développement comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et toutes les agences onusiennes.
Nous avons aussi pour volonté de mieux articuler la politique européenne de développement et la Politique extérieure et de sécurité commune de l'Union européenne.
Q - Certains craignent une dilution de la politique de développement dans la politique étrangère européenne.
R - Je peux comprendre cela, mais regardez la réforme du dispositif de coopération française qui, en se fondant dans le ministère des Affaires étrangères, a donné une plus grande cohérence aux concepts d'influence et d'aide au développement. L'Europe est confrontée au même défi : une meilleure efficacité de l'aide au développement européenne permettrait aux Quinze de renforcer considérablement leur influence sur la scène internationale, car nous serions capables de mobiliser avec nous les pays en développement. Je crois également que c'est une bonne manière pour la France de dépasser ce qui peut apparaître à certains comme de la nostalgie et tourner la page de cette histoire coloniale.
Q - Les intérêts divergents des membres de l'Union ne rendent-ils pas impossible une politique de développement commune ?
R - Il est évident que toute l'Europe n'a pas la même sensibilité aux questions de développement et que toute l'Europe ne regarde pas dans la même direction : certains regardent plus à l'Est, d'autres plus au sud et quelques-uns à l'ouest, c'est-à-dire les Caraïbes et l'Amérique latine. On comprendra que l'Afrique retienne davantage notre attention, notamment parce que cette grande Afrique est malheureusement en retard de développement. Elle est aussi l'illustration parfaite du lien entre insécurité, crises et pauvreté. Mais il faut bien aussi que l'Europe regarde, à l'est, "l'autre Europe" : que nous ayons le souci de préparer ces pays, qui frappent à la porte de l'Union dans le cadre d'une politique de coopération spécifique, est tout à fait normal. Il est donc nécessaire de donner une cohérence à tout cela en faisant en sorte que nous nous intéressions ensemble aux mêmes continents.
Q - L'aide de l'Union européenne passe malheureusement pour être particulièrement inefficace.
R - Il faut bien voir que la Commission européenne a été soumise à une multiplication par 3 du volume de l'aide communautaire, depuis la fin des années 1980, avec des effectifs qui sont restés pratiquement inchangés. Il est vrai que nous avons multiplié les outils, le Fonds européen de développement, le programme PHARE en faveur de l'Europe centrale et orientale, Meda à destination des pays méditerranéens, sans nous donner les moyens de les maîtriser. Cela explique en partie la crise que connaît l'aide de l'Union. Sans dramatiser le bilan, on ne peut que reconnaître la sous-consommation des crédits, la durée excessive dans la mobilisation des programmes, la lourdeur des procédures et surtout ce sentiment qu'il n'y pas assez de cohérence entre l'action de la Communauté et celle des Etats membres. Un pays comme la France, qui a une tradition de coopération bilatérale forte avec les pays en développement, est un témoin privilégié de ces dysfonctionnements.
Q - Que prévoit la déclaration commune pour remédier à cette situation ?
R - L'aide communautaire doit être complémentaire de celle des Etats membres. Il faut transformer une addition de solos en un orchestre où chacun joue sa partition. Cela veut dire recentrer l'aide communautaire sur quelques grands domaines comme la promotion de l'intégration et de la coopération régionales, le lien entre commerce et développement, l'appui aux politiques macro-économiques et l'accès aux services sociaux, la sécurité alimentaire et le développement rural, ou encore l'appui institutionnel, notamment en matière d'Etat de droit et de bonne gestion des affaires publiques. Je crois aussi que l'Union européenne peut déléguer la gestion de certains projets aux agences des Etats membres, qui agissent ainsi sous label européen. De son côté, l'office EuropeAid, qui sera créé prochainement, permettra une gestion plus souple et plus efficace de l'aide européenne.
Q - L 'Europe est souvent accusée d'être un peu trop complaisante à l'égard des violations des Droits de l'Homme dans les pays bénéficiaires de l'aide. Les Quinze seront-ils plus fermes à l'avenir ?
R - On ne peut pas parler de complaisance. Cette accusation fait peu de cas des occasions où l'Europe a exprimé fortement sa désapprobation. L'Europe applique des sanctions quand elle juge que la situation le justifie, mais la meilleure façon de servir les Droits de l'Homme est d'apporter un appui institutionnel; notamment pour garantir l'Etat de droit en développant les institutions judiciaires, et pour favoriser l'émergence d'une société civile forte./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2000).