Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les atouts de l'agriculture méditerranéenne, notamment les OCM vin et fruits et légumes, Avignon le 20 avril 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant la CDOA du Vaucluse en présence de la garde des sceaux, devant à la fois les représentants du monde agricole et les élus. Je suis très heureux d'avoir pu vous entendre tous et de noter la force et la vitalité des porteurs de projets de votre département.
Mon intervention permettra de vous apporter quelques réponses concrètes, mais surtout de redire toute ma détermination à faire en sorte que l'agriculture méditerranéenne puisse valoriser ses atouts.
En effet, jusqu'ici, l'agriculture méditerranéenne n'a que très peu bénéficié des soutiens publics européens. Dans ce contexte, je peux vous dire que les OCM vin et fruits et légumes constituent à mes yeux des priorités incontournables et c'est important pour un département où ces deux filières concernent 7 agriculteurs sur 10.
1. C'est ainsi que sur l'OCM vin, grâce aux efforts de tous et notamment de Denis Verdier, nous avons su faire en sorte que la réforme de l'OCM réponde à nos attentes : interdiction de vinifier les moûts importés pour sauvegarder notre conception du vin, droit à la croissance du vignoble, reconnaissance des interprofessions, maintien d'outils de gestion du marché. Ensemble, nous avons fait un bon travail. Alors aujourd'hui, la Commission tarde dans ses textes d'application et l'inquiétude se manifeste. Je peux vous assurer que j'entends bien transformer l'essai et ne pas laisser la Commission reprendre en comité de gestion ce qu'elle a concédé au Conseil. Vous pouvez compter sur ma détermination à transformer l'essai et à ne pas nous laisser voler notre victoire.
2. Pour les fruits et légumes, nous avons besoin en effet d'une Organisation commune de marché qui soit plus simple et plus incitative pour développer des projets porteurs d'avenir et encourager les agriculteurs à rejoindre l'organisation économique. Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous avons tous ensemble tenté de préparer le terrain le mieux possible.
C'est ainsi que les pays méditerranéens, faisant fi de leurs querelles anciennes, se sont mis autour de la table pour préparer un mémorandum conjoint au printemps 1999 qui met en exergue deux objectifs majeurs : renforcer l'attractivité financière du régime des programmes opérationnels et simplifier leurs modalités de mise en uvre.
L'aboutissement sous présidence française de la réforme de l'OCM fruits et légumes dans un sens conforme à nos vues constitue pour moi une priorité. Je ne sous estime pas l'ampleur de la tâche : d'abord, il faut que la Commission nous fasse des propositions le plus tôt possible afin que le Conseil puisse travailler, il faut également que nous disposions d'une marge de manuvre budgétaire suffisante.
En effet, répondre à nos demandes nécessitera des ajustements pour améliorer le co-financement des programmes opérationnels ; il faudra donc dégager des marges de manuvre budgétaire, ce qui ne sera pas facile dans le contexte actuel.
Ces difficultés, n'entament en rien ma détermination, je dirai presque au contraire.
La simplification de cette OCM est également un impératif : elle est liée à la préoccupation que vous avez exprimée, s'agissant des contrôles. Plus de simplicité doit pouvoir signifier moins de contraintes pour les organisations de producteurs et donc moins de pression en matière de contrôles.
Pour marquer l'importance que j'attache à ce dossier, j'ai décidé d'ouvrir la présidence française du Conseil Agriculture en réunissant un colloque sur les fruits et légumes à Bruxelles le lundi 17 juillet à Bruxelles élaboré conjointement avec l'Espagne et l'Italie.
Cela permettra de mettre au grand jour l'importance accordée à ce secteur, de souligner ses atouts et de mettre en avant les opportunités qu'il présente pour l'Europe tout entière. Cela permettra également de valoriser ses vertus afin que les Européens et en particulier les jeunes aient envie de se faire plaisir en dégustant des fruits et des légumes sous toutes leurs formes.
3. Dans ces filières, je sais que le coût du travail est un sujet de préoccupation majeur.
Vous avez fait part de votre inquiétude concernant l'impact de la loi sur les trente-cinq heures qui prévoit la réduction négociée du temps de travail qui commence à porter ses fruits puisqu'elle contribue de façon sensible à la décrue importante que connaît le chômage dans notre pays.
Je rappelle qu'elle ne touche pas aux possibilités actuelles concernant l'emploi des travailleurs saisonniers et ne modifie pas les spécificités de la réglementation agricole, notamment en matière de durée maximale du travail : l'accord de branche pour les fruits et légumes est confirmé.
Vous faites valoir le renchérissement du coût de la main-d'uvre saisonnière qu'elle est susceptible d'entraîner dans un contexte de concurrence très forte. Vous le savez, attentif au maintien de la compétitivité de votre filière, j'ai proposé un aménagement du système actuel de réduction des charges sociales patronales qui vise à porter l'abattement de 75 à 90% pour réduire le coût de l'emploi de travailleurs saisonniers.
En outre, j'ai proposé un allongement de la durée des contrats ouvrant droit à l'abattement pendant la période de 100 jours. Cette disposition permettra de lutter contre la précarité du travail et de faciliter la gestion de la main d'uvre saisonnière si importante pour vous. Je me suis fixé pour objectif d'obtenir la signature du décret au plus tard au mois de juin, permettant ainsi à ce dispositif d'être applicable dès le 1er juillet, c'est à dire pour la prochaine campagne fruits d'été.
Je peux vous dire que le rapport que Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac ont remis aujourd'hui reprend cette suggestion, ce qui renforce ainsi ma position dans un débat interministériel délicat.
Je sais que Jean Pierre Boisson et Christian Dubreuil, le directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi ont réalisé sur ce sujet un excellent travail et j'espère donc aboutir dans les délais.
En outre, je vous invite à tirer tout le parti des possibilités qu'offre la loi sur les 35 heures. Vous pouvez compter sur moi pour me faire votre avocat auprès de mes collègues du gouvernement pour éviter de déstabiliser un secteur si fondamental en terme d'emplois.
Au-delà, pour faciliter la recherche de salariés occasionnels, il me paraît important d'améliorer l'image de la filière fruits et légumes et de rendre le travail dans cette filière plus attractifs. Pour cela, il convient d'améliorer les conditions de travail, de les rendre plus sûres mais j'y reviendrai.
4. Je vais maintenant évoquer un autre sujet clé : les relations avec la distribution. A cet égard, je dois dire que les producteurs de fruits et légumes ont appelé l'attention de tous sur un problème de fond qui concerne aujourd'hui largement nos concitoyens, industriels comme agriculteurs. Le Premier ministre a répondu à votre appel dénonçant des relations par trop déséquilibrées et demandant d'instituer en ce domaine quelques règles simples : tel fut l'objet des assises du commerce et de la distribution du 13 janvier dernier. Des avancées concrètes en sont issues et un projet de loi sur les régulations économiques a été rédigé, incluant la question des catalogues à laquelle je vous sais particulièrement sensible.
Il sera soumis à l'examen du Parlement dans les prochaines semaines, permettant ainsi de compléter et d'améliorer un texte qui comporte déjà des avancées considérables.
5. Ainsi, l'Etat consacre à filière fruits et légumes des crédits très importants ; ainsi, l'Oniflhor est-il, chaque année, parmi les offices les mieux dotés, en raison de l'importance spécifique que le Gouvernement attache à votre filière. Et c'est normal.
Nous devons nous interroger sur l'utilisation de ces crédits. En particulier, il m'apparaît plus que jamais nécessaire de réorienter les moyens d'interventions conjoncturels de l'Etat : la crise de cet été a clairement mis en évidence leur inefficacité, sans parler des effets pervers qu'ils provoquent parfois en entretenant, à partir de crédits publics, des concurrences acharnées entre organisations de producteurs. A la fin, c'est le producteur qui est la victime, sans que le marché se soit pour autant redressé. Sans écarter l'utilité ciblée de certains de ces dispositifs, je crois qu'ils doivent être plus limités et plus strictement encadrés dans leurs modalités d'utilisation, les disponibilités ainsi dégagées étant consacrées au développement à plus long terme de votre filière.
C'est pourquoi les crédits destinés à répondre aux crises conjoncturelles, les plans de campagne doivent voir leur niveau décroître pour que l'on puisse bâtir l'avenir de votre filière sur des projets plus intéressants, sur des projets structurants.
Nous devons faire ainsi émerger un programme important sur la filière fruits et légumes fondée sur la qualité afin de relancer la consommation, permettant une meilleure connaissance du potentiel et une réorientation du verger afin de mieux correspondre à la demande et intégrant un volet social.
Ce programme devra être décliné au niveau régionale et je suis heureux d'avoir entendu M. Boisson évoquer des pistes précises sur ce sujet.
6. Je voudrais également évoquer le contrat de plan Etat Région. Vous savez qu'un effort très significatif a été fait pour votre région puisque le volet agricole représente 620 MF sur 7 ans, soit une augmentation de 54%, effort auquel le conseil régional s'est largement associé en fournissant un effort équivalent à celui de l'Etat soit 637 MF.
Dans mes efforts, je cois que nous avons bien travaillé avec le Président Rigaud et Michel Vauzelle. Je crois qu'un magicienne nous a également aidé qui est la garde des sceaux qui est aussi la gardienne de la Provence.
Pour le ministère de l'agriculture et de la pêche, trois postes mobilisent l'essentiel de l'enveloppe de 620 MF :
- l'amélioration de la gestion de l'eau avec 165,5 MF soit près de 27% du total,
- la valorisation qualitative des produits à savoir l'implication des Offices agricoles pour 216 MF soit 35 % du montant global. Ceci constitue une progression de 24 % par rapport au précédent contrat de plan,
- l'appui à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles avec 70 MF destinés aux industries agro-alimentaires, soit 11 % du total.
Deux autres thématiques ont été notamment inscrites à savoir la défense contre les incendies de forêt ainsi que les bâtiments d'élevage en montagne.
Le contrat de plan tient donc largement compte des spécificités de la région.
La négociation s'est bien déroulée entre nos services et ceux du SGAR. Le préfet a reçu l'autorisation de signer de Matignon en date du 12 avril. Le conseil régional a voté pour sa part favorablement en date du 23 mars 2000, malgré l'abstention de l'UDF.
A ce jour, et à notre connaissance la signature définitive n'a pas encore eu lieu.
L'hydraulique agricole constitue naturellement une priorité pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, soumise au climat méditerranéen. L'eau est indispensable à une production agricole de qualité.
Le contrat de plan Etat-Région traduit l'importance de l'hydraulique agricole puisqu'une somme de 13,6 millions de francs/an a été inscrite.
Toutefois, il existe un décalage pour la première année du contrat de plan mais je m'engage à rattraper ce montant au cours des années suivantes.
7. J'en viens maintenant à l'axe majeur de la politique du gouvernement qu'est le diptyque modulation / contrat territorial d'exploitation.
Sur la modulation, le Vaucluse qui reçoit 65 MF d'aides directes sera très peu modulé . Seules 11 exploitations sont concernées alors même que des centaines d'exploitations pourront bénéficier de CTE. L'enjeu en terme de rééquilibrage et de relégitimation des soutiens à l'agriculture est donc fondamental et vous devez vous en saisir.
Je voudrais donc féliciter les porteurs de projets et le DDAF pour le travail qu'ils ont réalisé et répondre aux questions les plus cruciales.
Il me revient des difficultés de mise en route et c'est bien normal. Il est toujours plus difficile de défricher que de cultiver des jardins bien connus. Il est plus délicat de préparer des cahiers des charges pour des systèmes de productions très spécialisées qui associent plusieurs cultures que dans des systèmes plus simples mais je prends l'engagement de vous aider à surmonter ces difficultés.
Pour ce qui concerne la circulaire du 22 mars, les choses doivent être claires. Il ne s'agir en rien de brider les énergies ou les initiatives, de faire rentrer les projets dans un moule unique et d'ignorer les spécificités propres à chaque département ou à chaque produit. Il s'agit simplement d'harmoniser les choses et d'éviter des disparités de traitement criantes. Je souhaite d'ailleurs que ce travail soit réalisé rapidement au sein de la DRAF PACA avec le concours de tous.
En particulier, compte tenu de l'importance des marges à l'hectare de ces cultures et de la nature des contraintes, le niveau des montants financiers à l'hectare devra être adapté, même si nous devrons respecter les plafonds prévus au plan européen. En ce qui concerne les serres notamment, des contacts sont en cours et je suis certain que nous pourrons aboutir sur ce sujet, si possible avant le mois de juin.
De même, il sera nécessaire de tenir compte des variabilités de la main d'uvre consécutives à l'importance des récoltes. Il serait quand même paradoxal que le principal secteur agricole pourvoyeur d'emplois fasse l'objet d'une limitation en ce domaine. Toutefois, dans ce cas , il me paraît indispensable de mettre en place des mesures positives concernant le logement, les conditions de travail des travailleurs occasionnels, permettant ainsi de trouver plus facilement des salariés.
Vous avez également évoqué les problèmes de compatibilité entre le CTE et les programmes opérationnels : vous suggérez que, la démarche environnementale étant obligatoire aussi bien au titre des procédures " CTE " que des procédures " programmes opérationnels ", le fait, pour une exploitation, de conduire cette démarche dans le cadre des programmes opérationnels soit pris en compte au titre du CTE ; la condition environnementale serait dés lors supposée remplie et inscrite " pour mémoire " dans le cahier des charges CTE. Je n'y vois pas d'obstacle majeur, pour autant que les exigences spécifiques de la réglementation CTE en la matière soient observées au titre des programmes opérationnels.
En outre, je souligne que vos coopératives sont, par la démarche collective qu'elles peuvent mettre en uvre au service d'un territoire, susceptibles de jouer un rôle essentiel pour le développement des CTE.
Pour les CUMA, il s'agit d'un dossier national qui est actuellement à l'étude avec la Commission. La volonté de trouver des solutions existe, et nous devrons la concrétiser très vite, notamment pour privilégier dans le cadre des CTE les agriculteurs qui réalisent des investissements dans le cadre de CUMA.
Enfin, sur les tomates d'industrie, j'ai bien noté l'enjeu des CTE pour votre filière comme la volonté de respecter l'esprit du CTE. Nous pourrons accepter votre projet à condition qu'il comporte bien les deux volets et qu'il concerne toute l'exploitation. Naturellement, dans un premier temps, il pourrait concerner principalement la sôle tomate afin d'être applicable dès cette année à condition qu'un engagement de tenue d'un cahier de culture concerne toute l'exploitation et qu'un diagnostic d'exploitation puisse permettre le plus vite possible de créer un projet concernant plus globalement l'exploitation. Cet exemple montre bien à mes yeux notre volonté d'avancer et de vous aider. Je suis certain que l'exemple du Vaucluse pourra ensuite concerner tous les départements intéressés par cette culture.
Comme vous le voyez, sur ce sujet, ma volonté est de trouver des solutions est à la mesure de votre implication. Ensemble, nous saurons j'en suis sûr avancer sur cette voie d'avenir pour l'agriculture méditerranéenne.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 avril 2000).