Texte intégral
Conférence de presse à l'agence "Interfax
Mesdames et Messieurs,
Je suis venu à Moscou pour préparer les prochaines rencontres bilatérales franco-russes, pour préparer également le sommet Union européenne-Russie qui aura lieu le 30 octobre à Paris. J'ai donc, avec mes interlocuteurs, évoqué l'ensemble des questions soit européennes soit bilatérales. J'ai eu un programme, je crois, bien rempli avec évidemment l'audience avec le président Poutine, j'ai eu une longue séance de travail avec M. Ivanov, hier soir un dîner. Je l'ai revu ce matin.
D'autre part, j'ai eu des entretiens avec M. Klebanov et M. Khristenko et hier, avec le président de la Douma, également. J'ai rencontré des représentants des milieux d'affaires français, des milieux d'affaires russes, des experts de toutes sortes pour m'aider à parfaire ma connaissance de la situation de la Russie aujourd'hui. Naturellement, compte tenu de l'actualité, nous avons eu l'occasion de parler de la Serbie. Et j'ai également abordé, soit avec le président, soit avec M. Ivanov, d'autres questions internationales. Mon impression est que ce sommet Union européenne-Russie va être important. Il est préparé méthodiquement. M. Khristenko revient de Bruxelles. Donc on a pu couvrir l'ensemble des sujets que traite la Commission ou la Présidence pour que ce sommet soit une réussite. Nous allons donc travailler pendant le mois qui est devant nous à mieux articuler les demandes et les besoins prioritaires de la Russie par rapport à l'Europe et les réponses ou les propositions par rapport à cela.
Sur le plan bilatéral, je vois les choses de façon comparable, c'est-à-dire très positive. Et je pense que la période qui va de la fin octobre jusqu'à la mi-décembre devrait permettre une relance importante de la relation bilatérale, sur tous les plans. Il y a d'une part la partie bilatérale de la visite du président Poutine à Paris, mais aussi la réunion de la Commission présidée par les deux Premiers ministres, pour laquelle nous avons arrêté la date du 18 décembre, à Paris. Un certain nombre de groupes de travail, de sous-commissions se seront réunies auparavant pour préparer cette échéance. Voilà le résumé de ces deux journées de travail. Je ne vais pas plus loin dans le détail, parce que cela sera peut-être plus facile si je réponds à vos questions.
Q -Avez-vous parlé, lors de vos rencontres, d'une porte de sortie pour Milosevic, d'un exil en Russie ou dans un autre pays ?
R - La réponse, c'est que nous n'en avons pas parlé.
Q - Si vous n'avez pas parlé d'un asile quelconque, avez vous l'impression que le Kremlin est prêt à convaincre M. Milosevic de quitter le pouvoir ?
R - C'est au Kremlin de répondre plus qu'à moi, ou aux autorités russes, en général. Depuis que nous sommes obligés de parler régulièrement des problèmes touchant à la Yougoslavie, j'ai toujours entendu les Russes dire que nous exagérions beaucoup, dans les pays occidentaux, leur influence sur ce qui se passe dans ce pays.
Q -Avez-vous abordé les questions tchétchène et iraquienne ?
R - On a parlé de tout. On a refait le point sur la Tchétchénie, du reste, je n'ai pas d'éléments nouveaux à vous apporter. Vous connaissez la position russe, vous savez que les pays occidentaux et européens dans leur ensemble continuent à souhaiter une solution politique. Mais je n'ai pas d'élément nouveau. Quant à l'Iraq, on en a parlé, mais il y a plusieurs aspects dans les questions iraquiennes. Sur le fond, tous les membres permanents sont pour la mise en uvre de la nouvelle résolution, mais l'Iraq malheureusement ne veut pas coopérer avec l'ONU. Sur l'embargo, la France et la Russie ont des positions assez proches, sans être exactement les mêmes, à savoir qu'il serait souhaitable de lever l'embargo mais dans le cadre de la mise en uvre des dispositions prévues par la nouvelle résolution. Sur les vols récents vers l'Iraq, je rappelle que le vol qui était autorisé par la France l'a été parce que notre analyse juridique montre que ce vol n'entre pas en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité. Donc, c'est un échange toujours utile mais aujourd'hui il faut qu'il y ait un peu de progrès, il faudrait que l'Iraq accepte de coopérer avec l'ONU sur la base de la nouvelle résolution. Et malheureusement comme je l'ai vu, il y a quelques jours à New York, en rencontrant M. Tarek Aziz, il n'y a pas d'élément nouveau dans la position de l'Iraq.
Q -Concernant la position russe par rapport à la Yougoslavie, en avez parlé avec Vladimir Poutine ?
R- Oui j'ai parlé avec M. Poutine de la situation en Yougoslavie ainsi qu'avec M. Ivanov. Je voudrais souligner qu'il me semble qu'il y a une convergence globale des positions des Européens, des Russes et des Américains, dans la mesure où les autorités russes ne manifestent aucune complaisance, aucune indulgence envers le régime de M. Milosevic. Les autorités russes me paraissent bien mesurer l'importance de ce qui s'est passé dimanche. Et les autorités me paraissaient souhaiter, autant que nous, que la Serbie puisse trouver le chemin de la démocratie ce qui lui permettra de retrouver également le chemin de l'Europe. Et c'est pour cela que je parle de convergence globale. Maintenant au jour le jour, au fil des événements, il peut y avoir des nuances dans la façon de s'exprimer. Ce ne sont pas des divergences ni des contradictions, ce sont des nuances. Les liens historiques et culturels ne sont pas les mêmes entre les Européens et la Yougoslavie et entre la Russie et la Yougoslavie. Alors pour l'Europe, ce qui me paraît important au moment où je vous parle, c'est de soutenir la demande faite par M. Kostunica, qui a demandé à pouvoir confronter les chiffres allégués par la Commission de vérification des élections avec les chiffres de l'opposition. C'est une demande légitime, je souhaite qu'il soit le plus largement possible appuyé dans cette demande.
Q -Quelle est l'attitude de la France sur la situation en Afghanistan et est-ce que, par exemple, vous avez la possibilité de reconnaître le nouveau régime des Talibans.
R - L'Afghanistan reste une question à la fois très compliquée et très tragique par bien des aspects. Pour que la situation y soir réellement améliorée, il faudrait qu'il y ait une véritable convergence de politique de tous les pays voisins concernés par ce qui s'y passe. Nous avons enregistré les modifications qui ont lieu sur le terrain. Pour le moment, nous n'avons pas l'intention de changer d'attitude, et de toute façon cela supposerait une concertation au sein des Quinze.
Q -Un commissaire européen, hier à Bruxelles, a déclaré que l'un des objets de votre mission était d'évoquer le cas particulier de M. Milosevic. Quelle serait la position de l'Union Européenne si M. Milosevic se servait de la Russie pour aller vers un autre pays ?
R - Quel est le Commissaire européen qui a fait cette déclaration infondée ? Si vous l'évoquez c'est que c'est public, vous pouvez dire le nom, mais je n'ai pas vu d'interview officielle. La réponse à la deuxième partie de votre question, c'est qu'il s'agit d'une pure hypothèse, spéculative, et les autorités russes m'ont dit que rien ne se préparait de tel. C'est une hypothèse et je n'ai pas à m'y placer. La date de ma visite à été fixée, il y a plusieurs semaines. Elle est liée au sommet Europe-Russie. Elle a un contexte yougoslave, c'est évident, mais elle n'a pas été décidée pour cela. Sur la Yougoslavie, il ne faut pas se laisser écarter du vrai sujet. Le vrai sujet c'est de savoir comment on peut conforter, encourager ce mouvement démocratique extrêmement courageux qui s'est exprimé depuis dimanche. Et c'est cette idée qui a guidé toutes les déclarations qui ont pu être faites par la France au nom de l'Union Européenne.
Q -Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux sur le dossier tchétchène. Est-ce que cela veut dire que ni M. Poutine ni M. Ivanov n'ont apporté d'élément nouveau allant dans le sens de la recherche d'une solution pacifique en Tchétchénie ?
R - Ma formule c'est "solution politique". Quand j'ai dit qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux, c'est qu'ils ont leur analyse, nous avons la nôtre, et qu'il y a pas d'éléments qui modifient substantiellement ce que vous connaissez déjà.
Q -On a assisté à un certain refroidissement des relations franco-russes. En avez vous parlé ? Quelles seront les mesures prioritaires pour les améliorer, pour lever les derniers obstacles pour normaliser les relations ?
R - Je n'analyse pas les choses comme cela. Je pense que les relations franco-russes sont importantes, non seulement parce ce qu'elles sont très anciennes, mais aussi parce qu'elles ont un très grand potentiel de développement. Dans des relations entre des grands pays, cela n'arrive absolument jamais que les deux pays soient d'accord sur tout, tout le temps, cela n'existe pas. Pas plus entre la France et la Russie, qu'entre la France et l'Allemagne qu'entre la France et les Etats-Unis. Donc, il y a eu une réaction française d'une tonalité particulière sur les événements en Tchétchénie et une réaction très vive en Russie à la réaction française. Cela n'est pas un refroidissement, d'ailleurs les métaphores climatiques sont mauvaises parce qu'elles sont toujours approximatives. Il faut être plus précis. C'est un désaccord sur un point précis - différence d'analyse sur les méthodes souhaitables. Cela ne caractérise pas l'ensemble des relations. Cela ne veut pas dire qu'on cesse de travailler ensemble sur les quinze autres sujets où on travaille ensemble. On peut en même temps bien travailler ensemble sur l'Afghanistan précisément, sur l'Iraq, sur le Proche Orient, sur les questions stratégiques globales. Après, il y a une série d'événements qui n'ont rien à voir qui sont des événements judiciaires, qui ont entraîné des conséquences gênantes pour l'ambassade de Russie en France et immobilisé pendant quelques jours un bateau russe prestigieux. C'était très regrettable mais cela n'a aucune espèce de rapport avec la politique des autorités françaises. Ce sont des choses totalement séparées. C'est comme cela chez nous, le système judiciaire est totalement séparé. En plus, ce n'est une action du système judiciaire français en particulier, il y a plusieurs pays concernés. Donc il n'y a pas à associer cela à un prétendu refroidissement.
Je ne vois pas du tout les choses comme cela, je pense que, dans une relation d'amitié forte, on doit être capable de se parler franchement dans tous les cas, tout en gardant le sens des proportions. Dans la phase actuelle de l'histoire de la Russie, c'est à dire au début du mandat du président Poutine, nous pensons que l'Europe et la France et les autres pays d'Europe doivent adapter leur coopération à cette nouvelle situation. C'est cela le sujet central pour nous. C'est cela le vrai objet de mon voyage. Qu'est-ce qu'on peut faire à travers notre coopération, sous toutes ses formes, pour soutenir la modernisation de la Russie sur tous les plans
Q - Comment réagissez-vous au référendum au Danemark ?
R - Je pense que c'est dommage pour le Danemark, je pense que c'est une grosse déception pour le gouvernement danois qui s'est dépensé sans compter pour essayer de convaincre le peuple danois. Le peuple danois est libre de la réponse, par définition. Je pense que cela ne change rien pour l'euro. Je pense que cela ne change rien pour l'Union européenne en général. Je pense que cela n'enlève rien non plus à la position du Danemark dans l'Union européenne.
Q - Au sujet de l'affaire Zakharova. Avez-vous évoqué cette question avec M. Ivanov ?
R - En effet, il m'en a parlé. Là aussi, j'ai été obligé de lui dire que c'est une situation judiciaire. Mais je crois qu'il y a un appel qui n'est pas jugé encore. Donc, je souhaite que cette affaire connaisse un meilleur dénouement, plus humain, mais je n'ai aucun moyen d'intervention.
Q - Prévoyez-vous de signer avec M. Poutine des accords à Paris lors du sommet Union européenne-Russie ?
R - Non, c'est un peu tôt pour vous répondre, parce que tout cela est encore en discussion. Il y a, je le rappelle, deux niveaux différents, un niveau européen et un niveau français. Tout cela sera définitivement arrêté vers la mi-octobre. Mais je crois que nous avons bien préparé les choses pendant ces deux jours. Les autorités russes m'ont précisé avec beaucoup de clarté les attentes par rapport à l'Union Européenne sur six ou sept points importants. Mais cela ne conduit pas forcément à des accords, à des déclarations. Je prends deux exemples que je peux citer. Les autorités russes nous disent : nous voulons en savoir plus, parler avec vous sur le processus d'élargissement. L'élargissement de l'Europe, à ne pas confondre avec l'élargissement de l'OTAN - ce sont deux choses différentes. C'est une demande tout à fait légitime, il est bien normal qu'on en parle. Cela n'entraîne pas de signature, simplement on le met à l'ordre du jour des discussions. C'est la même chose à propos de la défense européenne. La Russie exprime un mélange d'interrogations et de curiosité par rapport à ce projet de défense européenne. Il est bien naturel qu'on en parle aussi. Il peut y avoir des sujets sur lesquels cela prend une forme plus précise, éventuellement des accords sur tel ou tel point. Tout cela va être finalisé dans les quinze à vingt jours qui viennent.
Sur le plan bilatéral, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la même chose. Entre la visite du président Poutine et la visite du Premier ministre à Paris, on aura passé en revue tous les volets de la coopération. On aura fait le point sur tout et on saura domaine par domaine ce que l'on doit faire en plus, s'il faut modifier les mécanismes de coopération, parfois un peu vieux. Il y aura d'autres rencontres de ministres, chaque fois cela sera utile. Voilà, nous allons tout passer en revue. C'est pour cela que c'est un trimestre important dans nos relations franco-russes et je repars avec une impression très positive sur ces deux plans. Le travail Europe-Russie, me semble-t-il, est de plus en plus précis, pas uniquement rhétorique, de plus en plus précis et concret. Et sur le plan bilatéral, nous organisons les conditions d'une relance./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2000)
Interview à la chaîne "Ort"
Q - Monsieur le Ministre, comment qualifieriez-vous le niveau des relations bilatérales franco-russes et quelles sont les questions sur lesquelles les deux pays ont l'approche la plus voisine ?
R - Les relations entre les deux pays sont très fortes à la fois parce qu'elles sont anciennes et qu'elles ont un fort potentiel d'avenir et de développement. On constate que, sur beaucoup de questions internationales, les deux pays sont très proches et souvent travaillent ensemble. Sur le Proche-Orient, nous avons des conceptions très proches sur le processus de paix. Au Moyen-Orient, nous avons des conceptions assez proches sur l'Iraq. Nous avons des soucis assez convergents sur la stabilité stratégique qui nous amènent à souhaiter le maintien du Traité ABM. Il y a encore beaucoup d'autres sujets sur lesquels nous travaillons ensemble. Sur les Balkans, il y a eu des points de différence, mais il y a eu aussi un énorme travail en commun. Sur le plan bilatéral, je ne vais pas entrer dans le détail, mais nous avons des relations très vivantes et très denses. Nous avons la conviction que nous sommes à un bon moment pour les intensifier. C'est une nouvelle époque en Russie, c'est le début du mandat du président Poutine. Il y aura les semaines prochaines beaucoup de rendez-vous importants qui vont avoir lieu en France et nous allons dans quelques semaines passer en revue tous les sujets. Donc nous sommes dans une phase de relance. Nos relations sont bonnes mais vous allez voir que nous allons "changer de braquet" comme on dit en vélo.
Q - Parmi les pays occidentaux, la France occupe la position la plus radicale sur la question tchétchène. Comment l'expliquez-vous ?
R - En grande partie par le fait qu'il y a en France une opinion publique qui est très sensibilisée à cette question et qui est très réactive. Cela a amené la France à dire à plusieurs reprises qu'il fallait privilégier la recherche d'une solution politique. Et nous avons pu avoir des divergences soit dans l'analyse du problème, soit dans la recommandation des méthodes à employer pour le résoudre. Mais nous avons toujours pensé, en tout cas de notre côté que, lorsque les relations sont aussi fortes et aussi anciennes, diverses, solides que les relations franco-russes, que l'amitié franco-russe, on doit pouvoir se parler franchement. On a une analyse. Il se trouve que les Russes ont une analyse différente. On se parle quand même et cela n'empêche pas de travailler simultanément sur tous les autres sujets comme on l'a vu.
Q - L'opinion publique russe a été touchée par l'affaire Zakharova, par le sort de la petite Macha. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
R - Le gouvernement n'a pas de compétences dans ce domaine-là. C'est une affaire purement judiciaire. Donc je ne peux qu'exprimer un souhait : que la justice française trouve la meilleure solution, la plus humaine, concernant ce cas qui doit encore, je crois, être jugé en appel. Je n'ai aucun moyen d'intervention directe. Les responsabilités gouvernementales et celles qui relèvent de la Justice sont totalement distinctes.
Q - Votre évaluation des événements en Yougoslavie ?
R - Mon évaluation c'est que ce qui a commencé dimanche avec le vote des électeurs de la République fédérale de Yougoslavie ne s'arrêtera plus. C'est un changement fondamental et je trouve que les Serbes ont fait preuve d'un extraordinaire courage car cela ne va pas de soi dans ce type de régime d'aller voter en masse et dans ce sens. Car il est bien évident qu'ils ont voté massivement contre Milosevic et pour Kostunica, même si personne ne peut être tout à fait sûr des chiffres. C'est un courage qui mérite d'être salué. Je pense que nous devons tous soutenir ce changement démocratique voulu par les Serbes et qui n'a pas été imposé par l'extérieur. Ce n'est pas une ingérence. Ils le veulent et c'est leur volonté qui est en train d'être l'objet d'une tentative de confiscation. On ne peut plus retarder l'échéance. Par rapport à cette situation, s'agissant de l'UE, nous avons confirmé notre intention de réviser notre politique et nous nous sommes mis en mesure de prendre cette décision. La situation est encore troublée et incertaine. Nous allons donc voir ce qui se passe dans les jours prochains. Dans l'immédiat, nous souhaitons que la demande légitime exprimée par M. Kostunica de pouvoir confronter les chiffres de l'opposition avec ceux qui ont été avancés par la commission de vérification des élections - et qui, à notre avis, ne sont pas crédibles - soit soutenue le plus largement possible. C'est une demande légitime et démocratique.
Q - La préparation de la visite de Vladimir Poutine en France est l'un des objectifs de votre visite à Moscou. Dans ce contexte, comment évaluez-vous les perspectives des relations entre la France et la Fédération de Russie et entre la Russie et l'UE ?
R - Je crois que les choses se présentent bien sur les deux plans. Sur le plan UE-Russie, je crois que nous allons, notamment grâce à ce sommet fin octobre, dépasser le stade disons d'une rhétorique, qui était sympathique mais pas assez concrète, pour traiter de nombreux sujets très précis. Ce matin, avec le vice-Premier ministre chargé de ces questions européennes, nous avons travaillé sur l'ordre du jour et je crois que le sommet va être très concret, par exemple, tout ce qui concerne une meilleure adaptation du programme TACIS aux besoins de la Russie. Et puis, il y aura aussi des sujets politiquement très importants de consultation et d'information mutuelles, par exemple, sur le développement de la défense européenne, sur l'élargissement. En sens inverse, nous entendrons avec beaucoup d'intérêt toutes les informations complémentaires que le président Poutine voudra bien donner à l'UE sur sa politique, ses priorités, ses actions. Donc je crois que ce sera un très bon sommet, très dense et très utile. Sur le plan franco-russe, nous sommes également dans une très bonne phase puisqu'il y aura la partie bilatérale de la visite du président Poutine à Paris qui se tiendra avec le Président, le Premier ministre et les ministres concernés et il y aura aussi en décembre la commission présidée par les deux Premiers ministres, qui aura aussi été précédée par la réunion de toutes les sous-commissions et groupes de travail couvrant tous les sujets. Nous aurons ainsi, en moins de deux mois, passé en revue toute notre coopération. Nous allons donc pouvoir lui donner une nouvelle impulsion puisque la Russie change, ses besoins changent, ses priorités ne sont plus les mêmes. C'est un pays qui est engagé dans un très vaste processus de modernisation et notre coopération doit constamment s'adapter. Donc une très bonne perspective sur les deux plans./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2000)
Mesdames et Messieurs,
Je suis venu à Moscou pour préparer les prochaines rencontres bilatérales franco-russes, pour préparer également le sommet Union européenne-Russie qui aura lieu le 30 octobre à Paris. J'ai donc, avec mes interlocuteurs, évoqué l'ensemble des questions soit européennes soit bilatérales. J'ai eu un programme, je crois, bien rempli avec évidemment l'audience avec le président Poutine, j'ai eu une longue séance de travail avec M. Ivanov, hier soir un dîner. Je l'ai revu ce matin.
D'autre part, j'ai eu des entretiens avec M. Klebanov et M. Khristenko et hier, avec le président de la Douma, également. J'ai rencontré des représentants des milieux d'affaires français, des milieux d'affaires russes, des experts de toutes sortes pour m'aider à parfaire ma connaissance de la situation de la Russie aujourd'hui. Naturellement, compte tenu de l'actualité, nous avons eu l'occasion de parler de la Serbie. Et j'ai également abordé, soit avec le président, soit avec M. Ivanov, d'autres questions internationales. Mon impression est que ce sommet Union européenne-Russie va être important. Il est préparé méthodiquement. M. Khristenko revient de Bruxelles. Donc on a pu couvrir l'ensemble des sujets que traite la Commission ou la Présidence pour que ce sommet soit une réussite. Nous allons donc travailler pendant le mois qui est devant nous à mieux articuler les demandes et les besoins prioritaires de la Russie par rapport à l'Europe et les réponses ou les propositions par rapport à cela.
Sur le plan bilatéral, je vois les choses de façon comparable, c'est-à-dire très positive. Et je pense que la période qui va de la fin octobre jusqu'à la mi-décembre devrait permettre une relance importante de la relation bilatérale, sur tous les plans. Il y a d'une part la partie bilatérale de la visite du président Poutine à Paris, mais aussi la réunion de la Commission présidée par les deux Premiers ministres, pour laquelle nous avons arrêté la date du 18 décembre, à Paris. Un certain nombre de groupes de travail, de sous-commissions se seront réunies auparavant pour préparer cette échéance. Voilà le résumé de ces deux journées de travail. Je ne vais pas plus loin dans le détail, parce que cela sera peut-être plus facile si je réponds à vos questions.
Q -Avez-vous parlé, lors de vos rencontres, d'une porte de sortie pour Milosevic, d'un exil en Russie ou dans un autre pays ?
R - La réponse, c'est que nous n'en avons pas parlé.
Q - Si vous n'avez pas parlé d'un asile quelconque, avez vous l'impression que le Kremlin est prêt à convaincre M. Milosevic de quitter le pouvoir ?
R - C'est au Kremlin de répondre plus qu'à moi, ou aux autorités russes, en général. Depuis que nous sommes obligés de parler régulièrement des problèmes touchant à la Yougoslavie, j'ai toujours entendu les Russes dire que nous exagérions beaucoup, dans les pays occidentaux, leur influence sur ce qui se passe dans ce pays.
Q -Avez-vous abordé les questions tchétchène et iraquienne ?
R - On a parlé de tout. On a refait le point sur la Tchétchénie, du reste, je n'ai pas d'éléments nouveaux à vous apporter. Vous connaissez la position russe, vous savez que les pays occidentaux et européens dans leur ensemble continuent à souhaiter une solution politique. Mais je n'ai pas d'élément nouveau. Quant à l'Iraq, on en a parlé, mais il y a plusieurs aspects dans les questions iraquiennes. Sur le fond, tous les membres permanents sont pour la mise en uvre de la nouvelle résolution, mais l'Iraq malheureusement ne veut pas coopérer avec l'ONU. Sur l'embargo, la France et la Russie ont des positions assez proches, sans être exactement les mêmes, à savoir qu'il serait souhaitable de lever l'embargo mais dans le cadre de la mise en uvre des dispositions prévues par la nouvelle résolution. Sur les vols récents vers l'Iraq, je rappelle que le vol qui était autorisé par la France l'a été parce que notre analyse juridique montre que ce vol n'entre pas en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité. Donc, c'est un échange toujours utile mais aujourd'hui il faut qu'il y ait un peu de progrès, il faudrait que l'Iraq accepte de coopérer avec l'ONU sur la base de la nouvelle résolution. Et malheureusement comme je l'ai vu, il y a quelques jours à New York, en rencontrant M. Tarek Aziz, il n'y a pas d'élément nouveau dans la position de l'Iraq.
Q -Concernant la position russe par rapport à la Yougoslavie, en avez parlé avec Vladimir Poutine ?
R- Oui j'ai parlé avec M. Poutine de la situation en Yougoslavie ainsi qu'avec M. Ivanov. Je voudrais souligner qu'il me semble qu'il y a une convergence globale des positions des Européens, des Russes et des Américains, dans la mesure où les autorités russes ne manifestent aucune complaisance, aucune indulgence envers le régime de M. Milosevic. Les autorités russes me paraissent bien mesurer l'importance de ce qui s'est passé dimanche. Et les autorités me paraissaient souhaiter, autant que nous, que la Serbie puisse trouver le chemin de la démocratie ce qui lui permettra de retrouver également le chemin de l'Europe. Et c'est pour cela que je parle de convergence globale. Maintenant au jour le jour, au fil des événements, il peut y avoir des nuances dans la façon de s'exprimer. Ce ne sont pas des divergences ni des contradictions, ce sont des nuances. Les liens historiques et culturels ne sont pas les mêmes entre les Européens et la Yougoslavie et entre la Russie et la Yougoslavie. Alors pour l'Europe, ce qui me paraît important au moment où je vous parle, c'est de soutenir la demande faite par M. Kostunica, qui a demandé à pouvoir confronter les chiffres allégués par la Commission de vérification des élections avec les chiffres de l'opposition. C'est une demande légitime, je souhaite qu'il soit le plus largement possible appuyé dans cette demande.
Q -Quelle est l'attitude de la France sur la situation en Afghanistan et est-ce que, par exemple, vous avez la possibilité de reconnaître le nouveau régime des Talibans.
R - L'Afghanistan reste une question à la fois très compliquée et très tragique par bien des aspects. Pour que la situation y soir réellement améliorée, il faudrait qu'il y ait une véritable convergence de politique de tous les pays voisins concernés par ce qui s'y passe. Nous avons enregistré les modifications qui ont lieu sur le terrain. Pour le moment, nous n'avons pas l'intention de changer d'attitude, et de toute façon cela supposerait une concertation au sein des Quinze.
Q -Un commissaire européen, hier à Bruxelles, a déclaré que l'un des objets de votre mission était d'évoquer le cas particulier de M. Milosevic. Quelle serait la position de l'Union Européenne si M. Milosevic se servait de la Russie pour aller vers un autre pays ?
R - Quel est le Commissaire européen qui a fait cette déclaration infondée ? Si vous l'évoquez c'est que c'est public, vous pouvez dire le nom, mais je n'ai pas vu d'interview officielle. La réponse à la deuxième partie de votre question, c'est qu'il s'agit d'une pure hypothèse, spéculative, et les autorités russes m'ont dit que rien ne se préparait de tel. C'est une hypothèse et je n'ai pas à m'y placer. La date de ma visite à été fixée, il y a plusieurs semaines. Elle est liée au sommet Europe-Russie. Elle a un contexte yougoslave, c'est évident, mais elle n'a pas été décidée pour cela. Sur la Yougoslavie, il ne faut pas se laisser écarter du vrai sujet. Le vrai sujet c'est de savoir comment on peut conforter, encourager ce mouvement démocratique extrêmement courageux qui s'est exprimé depuis dimanche. Et c'est cette idée qui a guidé toutes les déclarations qui ont pu être faites par la France au nom de l'Union Européenne.
Q -Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux sur le dossier tchétchène. Est-ce que cela veut dire que ni M. Poutine ni M. Ivanov n'ont apporté d'élément nouveau allant dans le sens de la recherche d'une solution pacifique en Tchétchénie ?
R - Ma formule c'est "solution politique". Quand j'ai dit qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux, c'est qu'ils ont leur analyse, nous avons la nôtre, et qu'il y a pas d'éléments qui modifient substantiellement ce que vous connaissez déjà.
Q -On a assisté à un certain refroidissement des relations franco-russes. En avez vous parlé ? Quelles seront les mesures prioritaires pour les améliorer, pour lever les derniers obstacles pour normaliser les relations ?
R - Je n'analyse pas les choses comme cela. Je pense que les relations franco-russes sont importantes, non seulement parce ce qu'elles sont très anciennes, mais aussi parce qu'elles ont un très grand potentiel de développement. Dans des relations entre des grands pays, cela n'arrive absolument jamais que les deux pays soient d'accord sur tout, tout le temps, cela n'existe pas. Pas plus entre la France et la Russie, qu'entre la France et l'Allemagne qu'entre la France et les Etats-Unis. Donc, il y a eu une réaction française d'une tonalité particulière sur les événements en Tchétchénie et une réaction très vive en Russie à la réaction française. Cela n'est pas un refroidissement, d'ailleurs les métaphores climatiques sont mauvaises parce qu'elles sont toujours approximatives. Il faut être plus précis. C'est un désaccord sur un point précis - différence d'analyse sur les méthodes souhaitables. Cela ne caractérise pas l'ensemble des relations. Cela ne veut pas dire qu'on cesse de travailler ensemble sur les quinze autres sujets où on travaille ensemble. On peut en même temps bien travailler ensemble sur l'Afghanistan précisément, sur l'Iraq, sur le Proche Orient, sur les questions stratégiques globales. Après, il y a une série d'événements qui n'ont rien à voir qui sont des événements judiciaires, qui ont entraîné des conséquences gênantes pour l'ambassade de Russie en France et immobilisé pendant quelques jours un bateau russe prestigieux. C'était très regrettable mais cela n'a aucune espèce de rapport avec la politique des autorités françaises. Ce sont des choses totalement séparées. C'est comme cela chez nous, le système judiciaire est totalement séparé. En plus, ce n'est une action du système judiciaire français en particulier, il y a plusieurs pays concernés. Donc il n'y a pas à associer cela à un prétendu refroidissement.
Je ne vois pas du tout les choses comme cela, je pense que, dans une relation d'amitié forte, on doit être capable de se parler franchement dans tous les cas, tout en gardant le sens des proportions. Dans la phase actuelle de l'histoire de la Russie, c'est à dire au début du mandat du président Poutine, nous pensons que l'Europe et la France et les autres pays d'Europe doivent adapter leur coopération à cette nouvelle situation. C'est cela le sujet central pour nous. C'est cela le vrai objet de mon voyage. Qu'est-ce qu'on peut faire à travers notre coopération, sous toutes ses formes, pour soutenir la modernisation de la Russie sur tous les plans
Q - Comment réagissez-vous au référendum au Danemark ?
R - Je pense que c'est dommage pour le Danemark, je pense que c'est une grosse déception pour le gouvernement danois qui s'est dépensé sans compter pour essayer de convaincre le peuple danois. Le peuple danois est libre de la réponse, par définition. Je pense que cela ne change rien pour l'euro. Je pense que cela ne change rien pour l'Union européenne en général. Je pense que cela n'enlève rien non plus à la position du Danemark dans l'Union européenne.
Q - Au sujet de l'affaire Zakharova. Avez-vous évoqué cette question avec M. Ivanov ?
R - En effet, il m'en a parlé. Là aussi, j'ai été obligé de lui dire que c'est une situation judiciaire. Mais je crois qu'il y a un appel qui n'est pas jugé encore. Donc, je souhaite que cette affaire connaisse un meilleur dénouement, plus humain, mais je n'ai aucun moyen d'intervention.
Q - Prévoyez-vous de signer avec M. Poutine des accords à Paris lors du sommet Union européenne-Russie ?
R - Non, c'est un peu tôt pour vous répondre, parce que tout cela est encore en discussion. Il y a, je le rappelle, deux niveaux différents, un niveau européen et un niveau français. Tout cela sera définitivement arrêté vers la mi-octobre. Mais je crois que nous avons bien préparé les choses pendant ces deux jours. Les autorités russes m'ont précisé avec beaucoup de clarté les attentes par rapport à l'Union Européenne sur six ou sept points importants. Mais cela ne conduit pas forcément à des accords, à des déclarations. Je prends deux exemples que je peux citer. Les autorités russes nous disent : nous voulons en savoir plus, parler avec vous sur le processus d'élargissement. L'élargissement de l'Europe, à ne pas confondre avec l'élargissement de l'OTAN - ce sont deux choses différentes. C'est une demande tout à fait légitime, il est bien normal qu'on en parle. Cela n'entraîne pas de signature, simplement on le met à l'ordre du jour des discussions. C'est la même chose à propos de la défense européenne. La Russie exprime un mélange d'interrogations et de curiosité par rapport à ce projet de défense européenne. Il est bien naturel qu'on en parle aussi. Il peut y avoir des sujets sur lesquels cela prend une forme plus précise, éventuellement des accords sur tel ou tel point. Tout cela va être finalisé dans les quinze à vingt jours qui viennent.
Sur le plan bilatéral, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la même chose. Entre la visite du président Poutine et la visite du Premier ministre à Paris, on aura passé en revue tous les volets de la coopération. On aura fait le point sur tout et on saura domaine par domaine ce que l'on doit faire en plus, s'il faut modifier les mécanismes de coopération, parfois un peu vieux. Il y aura d'autres rencontres de ministres, chaque fois cela sera utile. Voilà, nous allons tout passer en revue. C'est pour cela que c'est un trimestre important dans nos relations franco-russes et je repars avec une impression très positive sur ces deux plans. Le travail Europe-Russie, me semble-t-il, est de plus en plus précis, pas uniquement rhétorique, de plus en plus précis et concret. Et sur le plan bilatéral, nous organisons les conditions d'une relance./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2000)
Interview à la chaîne "Ort"
Q - Monsieur le Ministre, comment qualifieriez-vous le niveau des relations bilatérales franco-russes et quelles sont les questions sur lesquelles les deux pays ont l'approche la plus voisine ?
R - Les relations entre les deux pays sont très fortes à la fois parce qu'elles sont anciennes et qu'elles ont un fort potentiel d'avenir et de développement. On constate que, sur beaucoup de questions internationales, les deux pays sont très proches et souvent travaillent ensemble. Sur le Proche-Orient, nous avons des conceptions très proches sur le processus de paix. Au Moyen-Orient, nous avons des conceptions assez proches sur l'Iraq. Nous avons des soucis assez convergents sur la stabilité stratégique qui nous amènent à souhaiter le maintien du Traité ABM. Il y a encore beaucoup d'autres sujets sur lesquels nous travaillons ensemble. Sur les Balkans, il y a eu des points de différence, mais il y a eu aussi un énorme travail en commun. Sur le plan bilatéral, je ne vais pas entrer dans le détail, mais nous avons des relations très vivantes et très denses. Nous avons la conviction que nous sommes à un bon moment pour les intensifier. C'est une nouvelle époque en Russie, c'est le début du mandat du président Poutine. Il y aura les semaines prochaines beaucoup de rendez-vous importants qui vont avoir lieu en France et nous allons dans quelques semaines passer en revue tous les sujets. Donc nous sommes dans une phase de relance. Nos relations sont bonnes mais vous allez voir que nous allons "changer de braquet" comme on dit en vélo.
Q - Parmi les pays occidentaux, la France occupe la position la plus radicale sur la question tchétchène. Comment l'expliquez-vous ?
R - En grande partie par le fait qu'il y a en France une opinion publique qui est très sensibilisée à cette question et qui est très réactive. Cela a amené la France à dire à plusieurs reprises qu'il fallait privilégier la recherche d'une solution politique. Et nous avons pu avoir des divergences soit dans l'analyse du problème, soit dans la recommandation des méthodes à employer pour le résoudre. Mais nous avons toujours pensé, en tout cas de notre côté que, lorsque les relations sont aussi fortes et aussi anciennes, diverses, solides que les relations franco-russes, que l'amitié franco-russe, on doit pouvoir se parler franchement. On a une analyse. Il se trouve que les Russes ont une analyse différente. On se parle quand même et cela n'empêche pas de travailler simultanément sur tous les autres sujets comme on l'a vu.
Q - L'opinion publique russe a été touchée par l'affaire Zakharova, par le sort de la petite Macha. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
R - Le gouvernement n'a pas de compétences dans ce domaine-là. C'est une affaire purement judiciaire. Donc je ne peux qu'exprimer un souhait : que la justice française trouve la meilleure solution, la plus humaine, concernant ce cas qui doit encore, je crois, être jugé en appel. Je n'ai aucun moyen d'intervention directe. Les responsabilités gouvernementales et celles qui relèvent de la Justice sont totalement distinctes.
Q - Votre évaluation des événements en Yougoslavie ?
R - Mon évaluation c'est que ce qui a commencé dimanche avec le vote des électeurs de la République fédérale de Yougoslavie ne s'arrêtera plus. C'est un changement fondamental et je trouve que les Serbes ont fait preuve d'un extraordinaire courage car cela ne va pas de soi dans ce type de régime d'aller voter en masse et dans ce sens. Car il est bien évident qu'ils ont voté massivement contre Milosevic et pour Kostunica, même si personne ne peut être tout à fait sûr des chiffres. C'est un courage qui mérite d'être salué. Je pense que nous devons tous soutenir ce changement démocratique voulu par les Serbes et qui n'a pas été imposé par l'extérieur. Ce n'est pas une ingérence. Ils le veulent et c'est leur volonté qui est en train d'être l'objet d'une tentative de confiscation. On ne peut plus retarder l'échéance. Par rapport à cette situation, s'agissant de l'UE, nous avons confirmé notre intention de réviser notre politique et nous nous sommes mis en mesure de prendre cette décision. La situation est encore troublée et incertaine. Nous allons donc voir ce qui se passe dans les jours prochains. Dans l'immédiat, nous souhaitons que la demande légitime exprimée par M. Kostunica de pouvoir confronter les chiffres de l'opposition avec ceux qui ont été avancés par la commission de vérification des élections - et qui, à notre avis, ne sont pas crédibles - soit soutenue le plus largement possible. C'est une demande légitime et démocratique.
Q - La préparation de la visite de Vladimir Poutine en France est l'un des objectifs de votre visite à Moscou. Dans ce contexte, comment évaluez-vous les perspectives des relations entre la France et la Fédération de Russie et entre la Russie et l'UE ?
R - Je crois que les choses se présentent bien sur les deux plans. Sur le plan UE-Russie, je crois que nous allons, notamment grâce à ce sommet fin octobre, dépasser le stade disons d'une rhétorique, qui était sympathique mais pas assez concrète, pour traiter de nombreux sujets très précis. Ce matin, avec le vice-Premier ministre chargé de ces questions européennes, nous avons travaillé sur l'ordre du jour et je crois que le sommet va être très concret, par exemple, tout ce qui concerne une meilleure adaptation du programme TACIS aux besoins de la Russie. Et puis, il y aura aussi des sujets politiquement très importants de consultation et d'information mutuelles, par exemple, sur le développement de la défense européenne, sur l'élargissement. En sens inverse, nous entendrons avec beaucoup d'intérêt toutes les informations complémentaires que le président Poutine voudra bien donner à l'UE sur sa politique, ses priorités, ses actions. Donc je crois que ce sera un très bon sommet, très dense et très utile. Sur le plan franco-russe, nous sommes également dans une très bonne phase puisqu'il y aura la partie bilatérale de la visite du président Poutine à Paris qui se tiendra avec le Président, le Premier ministre et les ministres concernés et il y aura aussi en décembre la commission présidée par les deux Premiers ministres, qui aura aussi été précédée par la réunion de toutes les sous-commissions et groupes de travail couvrant tous les sujets. Nous aurons ainsi, en moins de deux mois, passé en revue toute notre coopération. Nous allons donc pouvoir lui donner une nouvelle impulsion puisque la Russie change, ses besoins changent, ses priorités ne sont plus les mêmes. C'est un pays qui est engagé dans un très vaste processus de modernisation et notre coopération doit constamment s'adapter. Donc une très bonne perspective sur les deux plans./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2000)