Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur l'évolution des relations commerciales franco-croates, Paris, le 11 octobre 2000.

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Circonstance : Séminaire sur la Croatie au CFCE, à Paris, le 11 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs,
Monsieur l'ambassadeur,
Je suis très heureux de venir aujourd'hui au Centre Français du Commerce Extérieur pour ouvrir avec M. Mimica, ministre-adjoint de l'économie de la République de Croatie, le séminaire consacré à son pays. L'idée de cette manifestation est née lors de la visite à Paris en mai dernier du président de la République de Croatie, M. Mezic. La France voulait réserver un accueil chaleureux à la nouvelle Croatie issue du scrutin du 7 février 2000. Je m'étais félicité à cette occasion, de l'alternance démocratique et de l'attachement de la Croatie à l'Etat de droit. Je voyais dans ce choix des urnes un signal fort adressé à tous les Balkans. J'avais même souhaité publiquement que le refus du repli national servît de modèle aux peuples de l'ex-Yougoslavie. Finalement, le message du peuple croate semble avoir été entendu : les événements de ces derniers jours à Belgrade en témoignent. Je me félicite bien sûr, comme vous, de la victoire de l'opposition démocratique en République Fédérale de Yougoslavie qui doit permettre une stabilisation politique bénéfique pour l'ensemble des Balkans.
Cette stabilité est à la fois la condition indispensable et la première étape du retour à la prospérité pour les pays de l'ex-Yougoslavie en général, et pour la Croatie en particulier. La seconde étape sur la voie du développement économique consiste à restaurer la confiance des acteurs économiques. Lors de la visite du président Mezic, le ministre de l'économie, M. Fisulic, avait évoqué la préparation d'un plan de réformes économiques pour la Croatie.p Il m'avait convaincu des efforts de son gouvernement pour réunir les conditions d'un rapprochement avec l'Union. La rencontre d'aujourd'hui témoigne de la volonté française p de participer à cette nouvelle dynamique et de contribuer à convaincre les acteurs économiques de la pertinence des réformes mises en uvre par la Croatie. Les circonstances politiques, l'engagement de l'Union aux côtés de la Croatie, créent de nouvelles opportunités : il nous est apparu important de les exposer aux acteurs économiques. C'est l'une des raisons de notre séminaire d'aujourd'hui et de la présence de M. Neven Mimica que je tiens à remercier d'être venu aujourd'hui à votre rencontre. Je souhaite remercier également le CFCE, et son directeur général, Jean-Daniel Gardère qui accueille cette rencontre et manifeste ainsi, aux côtés du réseau du commerce extérieur de la France, son intérêt pour le développement de nos relations commerciales bilatérales.
Développer les relations commerciales entre la France et la Croatie : voilà bien la priorité aujourd'hui ! Quelques chiffres d'emblée, si vous le permettez, pour donner une idée de ce que sont ces échanges commerciaux. La Croatie n'était l'année dernière que le 66ème client de la France, pour un montant de 2 milliards de francs, c'est à dire 0,1% du total de nos exportations. Est-il besoin de dire combien ces chiffres nous paraissent insuffisants et ne reflètent en rien la qualité des liens qui pourraient se tisser entre nos deux pays ? Dans la relative modestie de ces ordres de grandeur, je vois surtout l'importance de notre marge de progression réciproque du point de vue commercial. Ce premier constat est encouragé par la tendance à l'accroissement rapide de ces échanges. Les exportations françaises vers la Croatie - + 13 % en 1999 - sont tirées, sans surprise, par les secteurs industriels exportateurs que sont l'automobile, l'aéronautique ou les biens d'équipement. Je me réjouis à cet égard que la compagnie aérienne nationale Croatia Airlines, ait choisi le constructeur européen Airbus pour renouveler sa flotte, un signe fort, à mes yeux, de l'option européenne prise par votre pays. Malgré tout, nos exportations restent trop concentrées sur quelques grands contrats ou secteurs clés. Je crois important de les diversifier dès à présent. La Croatie est pour ainsi dire un pays voisin et, au-delà de la présence de nos grands groupes, nos PME d'envergure mondiale doivent s'y faire connaître et apprécier.
S'agissant de nos importations, la Croatie était de son côté notre 80ème fournisseur et ses ventes à notre pays se sont élevées à seulement 633 millions de francs. Même si ces exportations sont en augmentation de 23 % au premier semestre 2000, le solde commercial apparaît trop déséquilibré. Si, je souhaite que le volume global de nos échanges progresse, je pense que nous devons tendre également vers l'équilibre. A cet égard, votre décision d'ouvrir plus largement la Croatie aux investissements étrangers, doit permettre d'améliorer la productivité des entreprises. Les réformes en cours et la révision du processus de privatisation, qui met l'accent sur la transparence des procédures vont dans le sens d'une plus grande compétitivité de votre économie, ce qui constitue l'un des piliers des critères de Copenhague. Je crois, M. le ministre, que les acteurs économiques français présents aujourd'hui, seront très attentifs aux différents aspects de cette politique de réformes et de modernisation que vous allez nous exposer. Je souhaite naturellement que les entreprises françaises y puisent la confiance et l'intérêt pour nouer des partenariats en Croatie. Près des deux tiers des investissements étrangers en Croatie émanent de l'Union Européenne contre un quart en provenance des Etats-Unis. Or, la France ne comptait, en 1998, que pour à peine plus de 2% de ces investissements. Là encore, comme pour nos échanges commerciaux, la marge d'appréciation de nos investissements est très importante. Vous m'avez notamment confirmé, lors de notre entretien ce matin, les opportunités de partenariat dans les secteurs des infrastructures, de la construction, des télécommunications, de l'agroalimentaire ou du tourisme, autant de domaines dans lesquels les entreprises françaises disposent d'une expérience et d'un savoir-faire reconnus.
Pour ne choisir que ce dernier exemple, celui du tourisme, je suis persuadé que nos partenariats avec la Croatie seront demain plus nombreux. Vous ne démentirez pas, Monsieur le ministre, les beautés du littoral dalmate que l'on m'a vanté, avec ses dizaines d'îles découpées, ses milliers de kilomètres de côte, ses criques turquoises.
Un autre atout de la Croatie, également de nature à séduire les hommes d'affaires, est le bon niveau du pouvoir d'achat. Je parle sous votre contrôle M. le ministre : le PIB par habitant de la Croatie est l'un des plus importants des Balkans. A 4800$ par an, il est trois fois plus élevé que dans certaines régions de l'ex-Yougoslavie. C'est une performance remarquable au regard des soubresauts de la décennie écoulée. Est-il encore besoin d'ajouter que l'inflation reste sous contrôle ?
Autant d'éléments qui doivent encourager les acteurs économiques à revoir leur stratégie d'investissement en Croatie. Je ne doute pas, M. le ministre, que vous saurez les séduire, mais aussi les rassurer, comme ont été séduits et rassurés la communauté internationale et les partenaires de l'Union.
Pour ceux qui doutaient encore, le succès de la candidature de la Croatie à l'OMC en juillet dernier est un signe fort, de nature à vaincre leurs réticences. La France vous a soutenu dans cette démarche. Ne doutez pas désormais de son soutien dans votre rapprochement de l'Union Européenne. En effet, si le spectre de la guerre et de la haine s'éloigne aujourd'hui des Balkans, comment imaginer que l'Europe se détournerait maintenant de vous ? Bien au contraire, l'Union a toujours refusé la fatalité de la discorde et l'a prouvé dans les circonstances les plus cruelles. L'Union n'a pas ménagé ses efforts en faveur de la paix et de la démocratie, elle n'est pas moins déterminée à accompagner le retour de la prospérité dans les Balkans.
L'Union souhaite désormais se doter d'un programme unique à la mesure des enjeux. C'est le sens du nouveau programme d'aides communautaires baptisé CARDS (Community Assistance for Reconstruction, Democratisation and Stabilisation). A l'instar des programmes TACIS et MEDA, CARDS doit donc donner plus de cohérence et d'efficacité à l'aide de l'Union en faveur de l'Europe du Sud-Est. Ses priorités sont le renforcement de la démocratie, le développement économique et la coopération régionale. La France mettra tout en uvre pour que ce programme ambitieux soit adopté au cours de sa présidence de l'Union, en tout état de cause lors du Conseil des affaires général du 20 novembre pour une annonce officielle lors du Sommet Union Européenne/Balkans qui se tiendra à Zagreb le 24 novembre prochain. Le choix du lieu de ce sommet est d'ailleurs hautement symbolique et marque la place centrale de la Croatie dans le rapprochement ente les Balkans et l'Europe.
Ce sommet du 24 novembre prochain serait l'occasion idéale pour lancer les négociations avec la Croatie concernant l'Accord de Stabilisation et d'association (ASA). La Présidence française est là encore déterminée à ce que le mandat de négociation, préalable nécessaire, soit adopté d'ici là. Ce processus de stabilisation et d'association est devenu la pièce maîtresse de la politique communautaire en faveur des Balkans. Un aspect original de cet accord que l'Union doit négocier avec la Croatie est la convention de coopération régionale qui doit favoriser l'éclosion d'une zone régionale de libre-échange entre les pays qui auront signé cet accord avec l'Union. Il doit permettre, sous réserve de progrès réels en matière de coopération régionale, l'établissement d'une relation contractuelle entre la Croatie et l'Union. Il doit surtout permettre le rapprochement de l'acquis communautaire, et donc de l'Europe. Au Conseil européen de Feira, la Croatie s'est vue reconnaître le statut de candidat potentiel à l'adhésion. Je ne doute pas que sa capacité à aller de l'avant dans la voie des réformes et de la coopération avec ses voisins retrouvés lui permettront demain de rejoindre l'Union. La France estime d'ailleurs que cette perspective d'adhésion reste liée à des progrès en matière de coopération régionale.
Ce retour de la paix dans les Balkans est donc aussi une promesse de prospérité. Nouveaux programmes communautaires d'aides financières, élaboration progressive d'une zone régionale de libre-échange, l'Union Européenne se donne les moyens d'inscrire les Balkans, la Croatie, dans une prospérité durable. Hier zone d'inquiétude, les Balkans offrent aujourd'hui les plus grandes espérances, la perspective d'un continent européen réconcilié avec lui-même et consolidé. Investir en Croatie c'est donc faire le pari de l'histoire et de l'espoir.

(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 13 octobre 2000)