Déclarations de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, en réponse à des questions sur la situation au Proche-Orient et l'arrivée au pouvoir de M. Kostunica en Yougoslavie, à l'Assemblée nationale le 11 octobre 2000.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Député.
Je ne reviendrai pas sur l'engrenage des derniers jours sauf pour rappeler qu'à partir de la provocation initiale, il a porté les deux populations israélienne et palestienne à un degré extrêmement élevé d'antagonisme, à nouveau par crainte, par peur, par colère, par douleur, tout cela étant mélangé en fait. Ils se sont retrouvés face à face un peu au bord du gouffre et nous avons suivi les premières étapes de cet engrenage et de cette escalade alors même que le processus de paix sur le fonds continuait à cheminer et on sait que la provocation qui a été accomplie n'a pas été sans rapport avec cette perspective d'une solution que les extrémistes de tous bords rejettent.
Nous avons vu cette montée, nous sommes intervenus à ce moment là et tous les efforts ont été coordonnés et conjugués. Partout le monde entier souhaite la paix, mais au bout du compte, ce sont les protagonistes directs qui doivent prendre leur responsabilité et trouver les gestes nécessaires pour la désescalade et trouver les mots nécessaires pour rassurer à nouveau. Ces populations qui ayant peur les unes des autres peuvent commettre dans ce contexte les pires excès. Nous faisons des propositions, nous sommes là, nous les accompagnons. On peut dire qu'en quelque sorte, au Proche-Orient et autour des protagonistes, le monde entier se relaie pour leur dire : "arrêtez l'escalade, descendez, reprenons la discussion".
La France a une autorité toujours particulière compte tenu du travail qu'elle fait depuis des années sur le fonds et notamment ces dernières semaines après les percées de Camp David pour faire cheminer et aboutir les solutions très compliquées mais possibles malgré tout. Sur Jérusalem, sur les frontières, sur les réfugiés, sur toutes ces questions. Donc voilà où nous en sommes, je ne désespère pas que l'on puisse inverser la tendance, je crois qu'on constate en ce moment même une accalmie. M. Solana, à qui j'ai demandé lundi, en tant que Président du Conseil Affaires générales de l'Union en ce moment, d'aller sur place rapidement pour apporter la contribution de la politique étrangère commune à ces efforts à la demande de la Présidence française, me fait savoir qu' il y a quand même des signes encourageants qui pourraient se concrétiser dans les heures qui viennent.
Si c'était le cas, et si la désescalade a vraiment lieu parce que les instructions nécessaires ont été données de part et d'autre quelles que soient les responsabilités initiales, il faut que les deux agissent. A ce moment là, il faut immédiatement dans la foulée reprendre la discussion sur le fonds, parce que rien n'est pire au Proche-Orient que de ne plus avoir de perspectives de solution et de perspectives de fait. Il faut qu'il n'y ait aucun temps d'arrêt, aucun délai pour reprendre la discussion de paix et là nous continuerons cet effort inlassable qui finira, je l'espère, par aboutir./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 octobre 2000)
Il y a moins d'une semaine, nous ignorions encore si le peuple serbe allait réussir à renverser le régime sous lequel il vivait et qui disposait des moyens de résister. Je peux vous dire, pour avoir rencontré hier à Belgrade M. Kostunica, qui tenait à ce premier contact avec la France, qu'il m'a parlé sans gêne du sort de M. Milosevic, de la question de son jugement, du Kosovo ou des prisonniers albanais en Serbie. Il m'a dit, et les leaders de l'opposition me l'ont confirmé, que le nouveau régime était à peine installé -j'espère pour ma part pouvoir envoyer très vite un ambassadeur à Belgrade-, et n'était même pas sûr de contrôler les corps constitués. S'il faudra répondre à vos questions, qui sont légitimes, la priorité ne réside-t-elle pas dans la consolidation de ce nouveau régime ?
Les leaders serbes sont conscients du passé de leur pays et de l'opprobre que M. Milosevic a fait jeter sur lui. Ils savent que la démocratie est à construire, et M. Kostunica, juriste de formation, tient à en donner des signaux forts. Le président de la République l'a d'ailleurs invité au sommet européen de Biarritz. Des élections parlementaires viennent d'être décidées pour fin décembre. Je suis convaincu que ce peuple courageux, qui vient de reprendre le contrôle de son destin, est conscient de ses responsabilités. Comme le président du TPI l'a dit, il y a un temps pour chaque chose, et l'on peut parier, me semble-t-il, sur l'avancée de ce fleuve démocratique./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 octobre 2000)