Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Malgré les progrès réalisés depuis quelques années, chacun s'accorde à dire que le " tourisme rural " en France est insuffisamment développé, au regard de notre exceptionnel potentiel de patrimoine, de nature, de paysages.
Jean Glavany a parlé d'agri-tourisme. Je lui pardonne cette expression, car il y a en France une tendance à assimiler ruralité et agriculture, en dépit des efforts déployés par la ministre de l'Aménagement du territoire, qui aimerait bien convaincre que l'avenir du monde rural ne dépend pas uniquement des agriculteurs.
L'attrait de la campagne n'a jamais été aussi fort pour une population européenne essentiellement citadine. La variété de nos sites, de nos milieux et de nos cultures est donc un formidable atout : leur mise en valeur pour le tourisme n'est plus forcément synonyme de concentration, de surconsommation d'eau ou d'espace. Elle rencontre aujourd'hui notre recherche de développement durable et notre politique d'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, nos préoccupations sont largement partagées, puisque la Commission Mondiale du Développement Durable, issue de la Conférence de Rio, a choisi le Tourisme Durable comme thème de son action pour l'année 1999.
De même, l'Union Européenne a pris conscience de la nécessité de définir les grands éléments d'une politique commune : le gouvernement autrichien a d'ores et déjà fait des propositions qui rejoignent l'esprit de la Charte Européenne, à la rédaction de laquelle notre Fédération des Parcs Naturels Régionaux a grandement contribué.
Il s'agit de répondre à quatre exigences fondamentales : préserver les ressources naturelles d'une région, développer harmonieusement son économie, maintenir l'équilibre socioculturel et contribuer à assurer un revenu à tous.
Où mieux que dans l'espace rural pourrait-on adopter une telle démarche et montrer que ces exigences n'ont rien de contradictoire ?
L'expérience du tourisme durable en France s'inspire d'abord de l'approche du tourisme dit de " nature " ; je n'en citerai que quelques exemples :
- les équipements d'accueil autour des sites naturels : maisons de parc, signalétique, visites guidées
- l'amélioration des hébergements nature : gîtes Panda, création d'une chaîne " Hôtels au naturel ", etc.
- la mise sur le marché de produits spécifiques de découverte des "Parcs Naturels de France" ;
- le plan d'action pour l'émergence et le développement de PME de tourisme en milieu rural. Ce plan a déjà été expérimenté par deux Parcs Naturels, il est relayé désormais par deux autres.
Enfin, autres sources d'inspiration pour un tourisme durable : les opérations " Grand Site ", les réhabilitations de sites industriels ou portuaires, la mise en valeur du patrimoine de nos villages.
À travers ces expériences, de nouveaux savoir-faire apparaissent, de nouveaux métiers surgissent correspondant à de nouvelles offres, proposées à des clientèles particulières : les enfants, les randonneurs, les observateurs d'animaux, les amateurs de circuits insolites (route du sel, route de la soie, etc.).
À côté de ces innovations, des compétences et des réalisations plus classiques sont renouvelées : le dynamisme de la Fédération Française de Randonnée Pédestre ou d'association telles que " les plus beaux villages ", ont redonné de l'appétit pour la découverte de nos paysages. Les progrès de la muséographie assurent une animation de qualité.
Le programme " nouveaux services ", pour lequel les secteurs de l'environnement et du développement local sont particulièrement bien placés, contribue d'ores et déjà à toutes ces émergences.
On peut donc dire sans exagération que les bases sont jetées pour passer à des services à forte valeur ajoutée, adaptés à des clientèles exigeantes et en recherche de contenu, bien différentes des touristes traditionnels.
Encore faut-il pour cela que la filière s'organise, élargisse l'éventail de ses réponses et adopte une démarche de qualité.
En la matière, je n'insisterai que sur un seul point : si l'on part de l'idée que le tourisme durable est la promotion non pas d'une facette, mais d'une palette des ressources d'un territoire, alors il faut raisonner en termes non plus d'offre sectorisée mais d'offre globale et concertée, articulée avec de véritables stratégies de développement local.
Sur des marchés caractérisés par la volatilité de la demande et la mobilité, une offre réduite à tel ou tel produit ne génère que du tourisme de passage à faible transfert de valeur, et finalement à rentabilité limitée. Elle ne crée que des emplois précaires ou saisonniers.
Il faut donc partout privilégier la mise en réseaux d'acteurs variés pour que chacun
- agriculteur, artisan, hôtelier, commerçant, collectivité gestionnaire de tourisme social - puisse jouer le rôle correspondant à sa qualification et à son métier, et non concurrencer les autres. Dans ce cadre, la fonction productive de l'agriculteur reste d'ailleurs stratégique.
Au total, la réussite d'un tourisme durable passe donc par l'organisation des prestataires, par la mise en service d'une offre labellisée, par une communication cohérente, et par une formation aux nouvelles compétences professionnelles.
Je souhaite que cet aspect soit pris en compte dans la contractualisation Etat-Région. J'espère également que la nouvelle dynamique des Pays qu'instaurera la LOADDT permettra la négociation de telles complémentarités, pour lesquelles la notion de projet est évidemment centrale.
S'il veut appuyer toutes ces orientations, l'Etat doit cependant mieux articuler ses propres politiques. Nous nous y employons, et cette initiative commune en est le premier signe. Elle a été précédée de plusieurs réunions de préparation, et sera suivie de bien d'autres initiatives. Jean Glavany a évoqué une " réunion conclusive ". Elle aura lieu.
Le saupoudrage, ou le coup par coup mal négocié entre les ministères, est incompatible avec l'évaluation des politiques publiques, avec l'élaboration de produits performants, ou encore avec la diffusion et l'essaimage des bonnes pratiques.
Vos propres têtes de réseaux s'en trouvent fragilisées. Votre capacité à travailler sur le long terme est affaiblie.
Le moment est donc venu de faire un sérieux effort. Il devient en particulier indispensable :
- de simplifier et de clarifier les modes d'accès à la pluriactivité. Jean Glavany est ici en première ligne ;
- de rendre plus lisibles nos différentes catégories de labellisation. Michelle Demessine l'a évoqué tout à l'heure ;
- de poursuivre l'aide à la mise en place d'hébergements de qualité.
- de mieux aider les porteurs de projets, en rendant plus accessibles les procédures et les financements, par exemple le FNADT ;
Certes, l'Etat ne peut pas exiger de ne voir " qu'une seule tête ", il doit au contraire valoriser la diversité des réseaux comme une richesse. Il a cependant besoin d'un espace mieux repéré de dialogue et de négociation avec l'ensemble des structures et groupements que vous représentez. Nous vous demandons donc de mieux coordonner vos actions, et de vous rencontrer de façon plus régulière au niveau local et au niveau national.
Mesdames, Messieurs,
Le tourisme rural ne représente aujourd'hui qu'un cinquième des dépenses touristiques en France. Mais cette part est en augmentation, et chacun s'accorde à dire que cette progression, même lente, va se poursuivre.
Dans les années à venir, l'Etat et les Régions seront eux-mêmes appelés à dépasser significativement les efforts qu'ils ont consacrés à ce secteur entre 1994 et 1999.
Puisque nous voulons réellement faire du tourisme un outil de maintien de la vitalité du milieu rural, et non une excroissance, dont le profit n'irait une fois de plus que vers la ville, il nous appartient de coopérer mieux, de soutenir les pratiques qui réussissent, et d'encourager les acteurs les plus innovants.
Je suis certaine que vos travaux permettront d'aller dans cette direction.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 septembre 2001)
Malgré les progrès réalisés depuis quelques années, chacun s'accorde à dire que le " tourisme rural " en France est insuffisamment développé, au regard de notre exceptionnel potentiel de patrimoine, de nature, de paysages.
Jean Glavany a parlé d'agri-tourisme. Je lui pardonne cette expression, car il y a en France une tendance à assimiler ruralité et agriculture, en dépit des efforts déployés par la ministre de l'Aménagement du territoire, qui aimerait bien convaincre que l'avenir du monde rural ne dépend pas uniquement des agriculteurs.
L'attrait de la campagne n'a jamais été aussi fort pour une population européenne essentiellement citadine. La variété de nos sites, de nos milieux et de nos cultures est donc un formidable atout : leur mise en valeur pour le tourisme n'est plus forcément synonyme de concentration, de surconsommation d'eau ou d'espace. Elle rencontre aujourd'hui notre recherche de développement durable et notre politique d'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, nos préoccupations sont largement partagées, puisque la Commission Mondiale du Développement Durable, issue de la Conférence de Rio, a choisi le Tourisme Durable comme thème de son action pour l'année 1999.
De même, l'Union Européenne a pris conscience de la nécessité de définir les grands éléments d'une politique commune : le gouvernement autrichien a d'ores et déjà fait des propositions qui rejoignent l'esprit de la Charte Européenne, à la rédaction de laquelle notre Fédération des Parcs Naturels Régionaux a grandement contribué.
Il s'agit de répondre à quatre exigences fondamentales : préserver les ressources naturelles d'une région, développer harmonieusement son économie, maintenir l'équilibre socioculturel et contribuer à assurer un revenu à tous.
Où mieux que dans l'espace rural pourrait-on adopter une telle démarche et montrer que ces exigences n'ont rien de contradictoire ?
L'expérience du tourisme durable en France s'inspire d'abord de l'approche du tourisme dit de " nature " ; je n'en citerai que quelques exemples :
- les équipements d'accueil autour des sites naturels : maisons de parc, signalétique, visites guidées
- l'amélioration des hébergements nature : gîtes Panda, création d'une chaîne " Hôtels au naturel ", etc.
- la mise sur le marché de produits spécifiques de découverte des "Parcs Naturels de France" ;
- le plan d'action pour l'émergence et le développement de PME de tourisme en milieu rural. Ce plan a déjà été expérimenté par deux Parcs Naturels, il est relayé désormais par deux autres.
Enfin, autres sources d'inspiration pour un tourisme durable : les opérations " Grand Site ", les réhabilitations de sites industriels ou portuaires, la mise en valeur du patrimoine de nos villages.
À travers ces expériences, de nouveaux savoir-faire apparaissent, de nouveaux métiers surgissent correspondant à de nouvelles offres, proposées à des clientèles particulières : les enfants, les randonneurs, les observateurs d'animaux, les amateurs de circuits insolites (route du sel, route de la soie, etc.).
À côté de ces innovations, des compétences et des réalisations plus classiques sont renouvelées : le dynamisme de la Fédération Française de Randonnée Pédestre ou d'association telles que " les plus beaux villages ", ont redonné de l'appétit pour la découverte de nos paysages. Les progrès de la muséographie assurent une animation de qualité.
Le programme " nouveaux services ", pour lequel les secteurs de l'environnement et du développement local sont particulièrement bien placés, contribue d'ores et déjà à toutes ces émergences.
On peut donc dire sans exagération que les bases sont jetées pour passer à des services à forte valeur ajoutée, adaptés à des clientèles exigeantes et en recherche de contenu, bien différentes des touristes traditionnels.
Encore faut-il pour cela que la filière s'organise, élargisse l'éventail de ses réponses et adopte une démarche de qualité.
En la matière, je n'insisterai que sur un seul point : si l'on part de l'idée que le tourisme durable est la promotion non pas d'une facette, mais d'une palette des ressources d'un territoire, alors il faut raisonner en termes non plus d'offre sectorisée mais d'offre globale et concertée, articulée avec de véritables stratégies de développement local.
Sur des marchés caractérisés par la volatilité de la demande et la mobilité, une offre réduite à tel ou tel produit ne génère que du tourisme de passage à faible transfert de valeur, et finalement à rentabilité limitée. Elle ne crée que des emplois précaires ou saisonniers.
Il faut donc partout privilégier la mise en réseaux d'acteurs variés pour que chacun
- agriculteur, artisan, hôtelier, commerçant, collectivité gestionnaire de tourisme social - puisse jouer le rôle correspondant à sa qualification et à son métier, et non concurrencer les autres. Dans ce cadre, la fonction productive de l'agriculteur reste d'ailleurs stratégique.
Au total, la réussite d'un tourisme durable passe donc par l'organisation des prestataires, par la mise en service d'une offre labellisée, par une communication cohérente, et par une formation aux nouvelles compétences professionnelles.
Je souhaite que cet aspect soit pris en compte dans la contractualisation Etat-Région. J'espère également que la nouvelle dynamique des Pays qu'instaurera la LOADDT permettra la négociation de telles complémentarités, pour lesquelles la notion de projet est évidemment centrale.
S'il veut appuyer toutes ces orientations, l'Etat doit cependant mieux articuler ses propres politiques. Nous nous y employons, et cette initiative commune en est le premier signe. Elle a été précédée de plusieurs réunions de préparation, et sera suivie de bien d'autres initiatives. Jean Glavany a évoqué une " réunion conclusive ". Elle aura lieu.
Le saupoudrage, ou le coup par coup mal négocié entre les ministères, est incompatible avec l'évaluation des politiques publiques, avec l'élaboration de produits performants, ou encore avec la diffusion et l'essaimage des bonnes pratiques.
Vos propres têtes de réseaux s'en trouvent fragilisées. Votre capacité à travailler sur le long terme est affaiblie.
Le moment est donc venu de faire un sérieux effort. Il devient en particulier indispensable :
- de simplifier et de clarifier les modes d'accès à la pluriactivité. Jean Glavany est ici en première ligne ;
- de rendre plus lisibles nos différentes catégories de labellisation. Michelle Demessine l'a évoqué tout à l'heure ;
- de poursuivre l'aide à la mise en place d'hébergements de qualité.
- de mieux aider les porteurs de projets, en rendant plus accessibles les procédures et les financements, par exemple le FNADT ;
Certes, l'Etat ne peut pas exiger de ne voir " qu'une seule tête ", il doit au contraire valoriser la diversité des réseaux comme une richesse. Il a cependant besoin d'un espace mieux repéré de dialogue et de négociation avec l'ensemble des structures et groupements que vous représentez. Nous vous demandons donc de mieux coordonner vos actions, et de vous rencontrer de façon plus régulière au niveau local et au niveau national.
Mesdames, Messieurs,
Le tourisme rural ne représente aujourd'hui qu'un cinquième des dépenses touristiques en France. Mais cette part est en augmentation, et chacun s'accorde à dire que cette progression, même lente, va se poursuivre.
Dans les années à venir, l'Etat et les Régions seront eux-mêmes appelés à dépasser significativement les efforts qu'ils ont consacrés à ce secteur entre 1994 et 1999.
Puisque nous voulons réellement faire du tourisme un outil de maintien de la vitalité du milieu rural, et non une excroissance, dont le profit n'irait une fois de plus que vers la ville, il nous appartient de coopérer mieux, de soutenir les pratiques qui réussissent, et d'encourager les acteurs les plus innovants.
Je suis certaine que vos travaux permettront d'aller dans cette direction.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 septembre 2001)