Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur l'aéronautique militaire, le rôle de l'armée de l'air et la coopération européenne de défense, Mont-de-Marsan le 21 juillet 1995.

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Circonstance : Visite de la base aérienne de Mont-de-Marsan, le 21 juillet 1995

Texte intégral

Pour ma première visite aux Armées, je suis heureux de me trouver aujourd'hui sur cette base de MONT-DE-MARSAN que je connais bien pour y avoir servi, il y a de cela quelques années déjà.
Je voudrais en tout premier lieu présenter mes félicitations à tous les organisateurs qui, de près ou de loin, ont assuré le succès de cette présentation de l'Armée de l'air. En peu de temps, et d'une façon très dynamique, l'essentiel des capacités et des moyens a été remarquablement mis en valeur et je vous en remercie.
Indépendamment de considérations personnelles, je trouve le choix de la base aérienne 118 COLONEL ROZANOFF particulièrement heureux. Il y a peu d'endroits où le passé, le présent et l'avenir se conjuguent avec autant d'harmonie.
MONT-DE-MARSAN tient, en effet, une place très importante dans l'histoire de l'aviation française. La base aérienne a fêté la semaine dernière le cinquantenaire de sa création, et avant même l'installation de l'Armée de l'air, beaucoup de Landaises et de Landais se sont passionnés pour l'aviation.
Je voudrais saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour saluer la mémoire de trois aviatrices landaises dont la renommée était bien établie dans les années 1930 :
Adrienne BOLLAND, puis Andrée DUPEYRON, qui a été surnommée la grand-mère volante quand, à 47 ans, elle a repris à l'Américaine Amélia ENHARD son record de distance et enfin et surtout la figure emblématique de Hélène BOUCHER, Léno pour les Montois, qui, après avoir passé ici son brevet de pilote a battu successivement 7 records mondiaux.
Quelle belle figure également que le Colonel ROZANOFF, le parrain de la base 118. Pilote d'essai, il symbolise toutes les valeurs qu'exige un métier aussi difficile que celui d'aviateur.
Depuis ses origines l'aéronautique civile et militaire a toujours été, aux yeux des responsables nationaux, un des éléments clés de la puissance de la France. Partout dans le monde, la place des pionniers français est reconnue et le développement prodigieux de l'aviation, militaire d'abord, en particulier pendant la première guerre mondiale, civile ensuite, doit beaucoup au génie français.
Je suis, pour ma part, persuadé que l'aéronautique, qu'elle soit civile ou militaire conserve, en France comme en Europe, une place privilégiée. Je dirais même que dans la stratégie globale de notre pays, elle fait converger les données économiques, politiques et militaires.
Données économiques d'abord, car les réalisations dans les domaines de l'aéronautique et de l'espace doivent être en permanence à la pointe du progrès. Or, sur ce plan, nous pouvons être particulièrement fiers de tous les succès commerciaux de l'industrie aérospatiale française.
Et je suis heureux de constater qu'il n'y a plus d'exclusive en la matière. Si, il y a quelques années, le secteur militaire pouvait être en avance et tirer les programmes civils, ce n'est plus le cas aujourd'hui et les interpénétrations sont maintenant très fortes pour le plus grand bien de l'économie nationale. La dualité entre domaine civil et domaine militaire est déjà une réalité.
Données politiques ensuite, car l'aéronautique est un des éléments majeurs de l'autonomie stratégique. Elle permet d'apporter une réponse rapide et adaptée à toute la gamme des situations de crises qui ne manqueront pas de se présenter. Elle permet aussi d'avoir une action fédératrice, à terme, de souveraineté européenne par le rapprochement des nations autour de l'exploitation de la troisième dimension.
Données militaires enfin, car l'aéronautique possède une caractéristique opérationnelle fondamentale : la souplesse d'emploi. Le vecteur aérien possède, en effet, cette "versatilité" comme disent les aviateurs, qui lui permet de passer sans difficulté d'une configuration adaptée à une mission de défense aérienne à celle d'une attaque au sol.
L'avance de la France dans le domaine aéronautique constitue un atout de premier ordre. La compétence française est également une chance pour l'Europe. Les besoins sont exprimés, les moyens sont recensés, la volonté politique existe. Il reste encore à adapter les structures en place pour faire valoir pleinement cet atout considérable.
A l'évidence, les forces aériennes seront toujours en première ligne dans la maîtrise des crises comme dans la résolution des conflits.
Parmi les composantes aériennes, et sans préjuger les conclusions du comité stratégique mis sur pied à la demande du Président de la République par le Ministre de la Défense, je voudrais tracer quelques lignes de forces.
En premier lieu, le renseignement doit acquérir progressivement une place de choix. Le lancement récent et parfaitement réussi du satellite HÉLIOS engage fortement l'Armée de l'air qui a la responsabilité de la mise en condition du segment sol.
La deuxième ligne de force concerne la projection.
Après avoir pris connaissance de la situation, et procédé à son analyse, grâce au renseignement, il faut pouvoir agir. Et là encore, grâce aux caractéristiques de la troisième dimension que j'évoquais à l'instant, l'Armée de l'air se trouve en première ligne dès qu'il s'agit d'actions extérieures. La démonstration qui vient de m'être faite en témoigne. Il doit être possible de se projeter en tout point du globe, à tout moment et souvent dans des délais réduits.
Projection de puissance d'abord et c'est la raison pour laquelle il faut assurer notre présence dans un secteur de pointe, celui des avions de combat, en particulier grâce au programme RAFALE sur lequel reposeront les capacités opérationnelles de nos forces aériennes et de l'aéronautique navale.
Projection de forces ensuite qui justifie le besoin d'un transport militaire, avec des capacités suffisantes pour ne plus avoir recours systématiquement à des appareils étrangers dans des conditions d'affrètement toujours durement négociées. L'avion de transport futur ATF, dans sa définition actuelle, répond bien aux besoins de nos Armées comme à ceux de nos partenaires européens et je souhaite que soient réunies les conditions d'aboutissement de ce programme majeur. Comme je l'ai dit au Salon du Bourget, il en va de notre survie en matière de compétence européenne dans le transport aérien militaire.
L'Armée de l'air, c'est inéluctable, participera à l'effort de maîtrise des dépenses publiques engagées par le Gouvernement. Mais il ne s'agit ni de baisser la garde ni de donner à un adversaire potentiel une avance technologique qu'il sera toujours très difficile de rattraper. Son format et ses matériels devront garantir les capacités d'action nécessaires à la politique de la France, en tenant compte des contraintes économiques et financières auxquelles notre pays est confronté et de la dimension européenne de notre politique de défense.
Cela peut conduire à resserrer encore le format et le dispositif qui se mettent progressivement en place depuis quelques années déjà. Je ne peux qu'encourager l'Armée de l'air à continuer cette action avec sérénité et le souci de ménager les personnels car ce sont eux qui fort la véritable valeur des matériels qu'ils mettent en uvre. L'Armée de l'air a, dans ce domaine, une obligation d'excellence.
C'est chose faite grâce aux officiers, aux sous-officiers et aux aviateurs du contingent qui y servent et qui, chaque jour, dans l'hexagone comme sur les théâtres extérieurs, se signalent par leur disponibilité et leur compétence.
A cet hommage, je voudrais associer les personnels civils dont le dévouement n'est plus à souligner.
Je constate enfin avec plaisir que sur les bases aériennes, véritables outils de combat aussi bien en temps de paix que de crise ou de guerre, l'Armée de l'air marie toujours aussi étroitement tradition et technique. Elles inspirent un solide esprit de corps que je n'ai pas oublié.
L'Armée de l'air est et demeurera un élément essentiel du dispositif de défense de la France. Son rôle dans la dissuasion nucléaire comme dans le domaine conventionnel, sa capacité propre de projection de feu comme sa contribution à la capacité globale de projection de forces continueront à donner à la France la puissance et la souplesse dont elle a besoin pour assurer sa sécurité, être fidèle à ses engagements et marquer sa présence dans le monde.