Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre sur les relations France - Liban et la position de la France sur la reconstruction du Liban, Paris le 27 juillet 1995.

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Circonstance : Visite de M. Rafic Hariri, Premier ministre du Liban, Paris le 27 juillet 1995

Texte intégral

... D'abord parce que vous êtes le Chef du gouvernement d'un pays qui est particulièrement cher au cur des Français et aussi parce que vous symbolisez depuis plusieurs années l'image de la vitalité retrouvée des peuples libanais et de la reconstruction du Liban. Et puis enfin, si vous me le permettez, parce qu'au fil des mois, notamment pendant mon passage au quai d'Orsay, j'ai pu nouer avec vous des relations très franches, très cordiales, très amicales. Je voudrais également saluer les éminentes personnalités qui vous accompagnent au cours de cette visite et dont la présence témoigne, à la fois, de l'unité et de la diversité du Liban. Vous connaissez, monsieur le Président, l'attachement séculaire que la France porte à votre pays, nous ne manquons pas une occasion de le souligner, même si parfois nous nous sentons un peu seuls quand nous parlons du Liban. A souligner notamment le nécessaire respect de l'indépendance et de la souveraineté de votre pays. C'est le sens des efforts qu'a déployés et que continue à déployer la diplomatie française en faveur notamment de la mise en uvre de la résolution 425 du Conseil de sécurité. Vous avez également pu mesurer monsieur le Président, je m'en étais entretenu avec vous, en février dernier, à Beyrouth, toutes les initiatives que la France, en tant que présidente en exercice de l'Union Européenne pendant le premier semestre de 95, a prises en faveur des pays de la Méditerranée et l'action qu'elle a menée plus précisément pour le Liban, avec la tenue du premier Conseil de coopération Europe/Liban depuis 1977 et le lancement de la négociation d'un nouvel accord d'association entre l'Union et votre pays. La participation du Liban à la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone dans quelques mois, lui fournira de jouer le rôle, conforme à sa tradition et à son génie, de lien entre le monde Arabe et l'Europe. Aujourd'hui, chacun est bien conscient des conditions dans lesquelles le Liban fait face à sa reconstruction alors que son territoire reste en partie occupé, alors que le tissu social y est désorganisé. Monsieur Jumblad nous parlait de ce difficile problème des personnes déplacées, alors que votre administration et votre système éducatif sont à moderniser, les infrastructures à rétablir et à adapter au Proche-Orient de demain. C'est pourquoi le Liban a besoin que la paix s'établisse entre tous les États des régions, une paix globale, une paix juste, une paix équilibrée où bien entendu votre pays, et Dieu sait si je l'ai affirmé à plusieurs reprises, à Beyrouth mais ailleurs aussi, ne doit pas être oublié. En effet, le Liban est tributaire de la paix, non seulement pour recouvrer son intégrité territoriale, mais aussi pour mettre en uvre, avec les meilleures chances de réussite, sa reconstruction dans un climat de confiance propice aux grandes entreprises. Pour réaliser cette vaste ambition qui est la vôtre, je le sais monsieur le Président, votre pays a besoin du concours de toutes ses communautés, de tous ses citoyens, qu'ils soient d'ailleurs au Liban ou qu'ils l'aient quitté durant les années de guerre. C'est pourquoi nous espérons que tous les Libanais participeront aux élections législatives de 1996 dans le climat de démocratie qui fait intimement partie de la culture libanaise. Enfin, et vous le savez mieux que quiconque, monsieur le Président, le Liban a besoin de l'aide internationale. Mon gouvernement, sous l'autorité du président de la République, est résolu à faire en sorte que la contribution de la France à votre effort de reconstruction se traduise de manière tangible. Nous avons essayé d'en donner quelques preuves concrètes, aujourd'hui, au cours de nos entretiens. Cette aide, nous sommes prêts à la fournir dans le domaine économique, et je salue ici la présence de plusieurs responsables de très grandes entreprises françaises, mais aussi dans le domaine de la formation des cadres ou de la modernisation administrative. Elle doit bien sûr s'accompagner d'un effort propre du Liban, afin que l'entreprise de rénovation qu'il a lancée soit poursuivie avec vigueur et rigueur. Nous pouvons à cet égard, je le sais, compter sur la détermination de votre gouvernement. Je n'aurai garde d'oublier dans notre coopération les domaines essentiels de l'enseignement, de la culture, de l'audiovisuel, qui se fondent sur la francophonie, patrimoine commun de nos deux peuples, sans lesquels nos liens n'auraient pas cette intensité particulière qu'il nous faut préserver et développer. Je puis, par ailleurs, vous assurer, monsieur le Président, que la France veillera à ce que l'Union européenne accorde à l'avenir, dans son assistance aux États de la Méditerranée, une priorité au Liban, à commencer par Barcelone. Parce que vous êtes un pays symbole où des communautés de confessions différentes rebâtissent ensemble leur Nation, leur État et leur économie. Et je dois vous dire, monsieur le Président, que c'est avec beaucoup d'intérêt, beaucoup de curiosité, beaucoup de passion, même, que j'aimerais bien revenir à Beyrouth, puisque mes voisins me disaient tout à l'heure que, depuis février, beaucoup de choses ont déjà changé, les chantiers sont en cours, non pas simplement pour démolir, mais pour reconstruire. Je sais que vous vous êtes consacré personnellement à cette uvre et j'aimerais en voir les progrès, mois après mois, sur le sol de votre capitale si terriblement éprouvée. Nous n'avons jamais douté, monsieur le Président, que le Liban, après avoir survécu à 17 années de guerre, sans perdre espoir, sans renoncer à son identité, saurait relever le défi de sa reconstruction. Nous voyons, nous croyons dans la vitalité et dans les capacités exceptionnelles du peuple libanais. Comment la France, dont les Casques bleus, les diplomates, les entreprises, les enseignants, n'ont pas, malgré les périls, abandonné le Liban aux pires heures de la tragédie ne serait-elle pas présente, aujourd'hui, à l'heure du renouveau ? En vous demandant de transmettre au Liban tout entier le témoignage de la chaleur des sentiments que notre pays porte au pays des cèdres. Je voudrais lever mon verre à votre santé, monsieur le Président du Conseil, à celle de votre famille, à celle des Hautes personnalités qui vous accompagnent, à l'avenir de cette amitié singulière entre la France et le Liban.