Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur le théâtre décentralisé, et la démarche pluridisciplinaire de la Scène nationale Tarbes Pyrénées, Tarbes le 6 octobre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement à Tarbes pour une visite à la Scène nationale de Tarbes le 6 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Culturelles,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Directeur, dans le dernier éditorial de votre journal "FORUM", vous démontrez avec talent - comme à l'ordinaire - que nous avons besoin encore de théâtre et ce malgré les glissements successifs de la théâtralité vers d'autres espaces, la rue, les friches, les scènes multiples de la vie publique qui fragmentent effectivement notre représentation du monde.
Et il est vrai que lorsque vous avez entrepris en 1974 de croiser le trajet des pratiques populaires en utilisant le puissant vecteur de la consommation de masse que constituaient les grandes surfaces, vous avez installé plus qu'un théâtre puisque c'est un ensemble culturel comprenant une salle de spectacle, un centre d'art, et une salle de cinéma qui compose aujourd'hui le Parvis.
Le Professeur de philosophie que vous étiez, qui avait lu Hannah Arendt et " la crise de la culture " et ce qu'elle dit précisément de la culture de masse relevait là un défi en jouant de façon audacieuse de la mixité des financements - (privé-public) - de la pluridisciplinarité et en posant au coeur du projet la question essentielle des publics.
Aujourd'hui, les résultats parlent d'eux mêmes : 150 000 personnes, tous domaines artistiques confondus, une exigence artistique qui s'appuie sur une connaissance approfondie des grandes esthétiques et fait de leur confrontation raisonnée un principe d'action culturelle, une présence continue d'artistes et d'équipes de création, une obsession enfin celle de le formation et de l'éducation, puisque plus de 300 élèves des lycées et collèges suivent un enseignement artistique à l'année.
Et c'est parce que tous les fils ont été tendus entre la présence de l'art et de l'artiste, la monstration d'oeuvres majeures (parfois à l'écart des "tendances" comme on dit) et l'invention de médiations subtiles - nécessairement renouvelées - que le bilan est aussi impressionnant.
Celui-ci ne permet d'ailleurs de préciser deux ou trois choses qui me tiennent à cur :
- Le travail qui a été accompli ici permet d'évacuer cette fausse opposition entre les nouveaux lieux - que je soutiens fermement par ailleurs - et l'institution qui serait sclérosée, voire obsolète. Le rayonnement de la Scène nationale Tarbes Pyrénées, la qualité de son ancrage, son ambition territoriale prouve que l'on peut aussi créer, innover, former à partir d'un grand établissement et qu'il n'y a nulle fatalité qui pèse sur ce qui demeure un grand réseau de référence. Il suffit d'écouter le monde, de tâcher d'être en phase avec une réalité dont on sait qu'elle nous devance toujours, de réussir parfois à l'anticiper, cela s'appelle l'intelligence.
Celle-ci se manifeste à tous les niveaux de votre activité, de la programmation du théâtre aux multiples débats et rencontres qui font intervenir écrivains, philosophes, historiens ou encore à la qualité des éditoriaux très attendus de la profession et qui constituent autant de contributions au "défi culturel" que vous construisez au quotidien.
Je me plais aussi à souligner la qualité de la démarche pluridisciplinaire qui est conduite ici.
Il ne suffit pas de prôner le décloisonnement des disciplines, encore faut-il pour chacun des domaines artistiques concernés conduire une politique d'excellence qui seule peut permettre des croisements productifs, des interférences pertinentes et j'observe à la lecture de votre bilan qu'il n'est pas un domaine de votre compétence qui n'ait fait appel aux talents les plus remarquables. Vous me permettrez de souligner particulièrement la place accordée à la musique contemporaine - trop souvent absente de nos scènes nationales - et je ne peux que me réjouir de constater que Tanguy, Dusapin ou Xenakis puissent être présentés à votre public.
Cela exige une grande culture, des équipes compétentes et engagées, cela exige aussi, - j'y viens -, des moyens.
Nous allons, dans un moment, signer un contrat d'objectifs qui, à la fois consacre cette trajectoire et trace un avenir.
On connaît les orientations de fond : Choix de la création contemporaine, présence permanente d'artistes, inscription du public dans le processus d'élaboration artistique, pluridisciplinarité réfléchie, formation des jeunes, rayonnement territorial, nous l'avons dit, le projet n'omet aucune de ces dimensions essentielles au développement culturel.
Le couple fondateur - le GIE et l'Etat - a résisté au temps et fait preuve d'une belle fidélité - Il faut saluer cette solidité qui a permis la réussite de cette aventure. Mais heureusement, le cercle s'est élargi et l'on doit se réjouir de voir réuni aujourd'hui, autour de la Scène nationale - outre l'Etat et le GIE -, la ville de Tarbes, le département des Hautes Pyrénées et la Région Midi-Pyrénées.
C'est ensemble que nous avons subventionné, les travaux d'amélioration des équipements - scène, salle et cinéma.
C'est également ensemble que nous intervenons dans le fonctionnement - encore inégalement, certes [mais de nouveaux équilibres seront certainement trouvés, - je n'en doute pas].
Tous les grands projets artistiques et culturels sont et seront - de plus en plus de l'ordre de la responsabilité partagée, publique pour l'essentiel et privée dans le cas particulier du Parvis.
Le Secrétaire d'Etat à la décentralisation que je suis ne peut que militer pour ces nouveaux partenariats, sans lesquels il n'y aura pas d'avancées significatives.
Dans le domaine budgétaire bien sûr : Un projet culturel comme celui du Parvis inscrit au cur des problématiques de la Cité, en phase avec une réalité en constant mouvement doit disposer des moyens nécessaires à son ambition. Il y a là un devoir de développement - si je puis dire, de la part des responsables que nous sommes.
En ce qui concerne l'Etat, présent depuis ...., constant dans son soutien, il s'incrira dans cette dynamique. La progression même du budget de la Culture (+2,6 %) indique clairement que notre ministère prendra toute sa place dans cette nouvelle phase de la décentralisation.
Mais ce partenariat dépasse les seules considérations financières et fixe au-delà, le cadre d'une approche concertée, réfléchie et responsable des projets artistiques et culturels.
C'est le sens profond de la décentralisation et du progrès qu'elle représente en matière de démocratie culturelle.
Ce contrat d'objectifs de la Scène nationale doit marquer une nouvelle étape - dans la qualité d'accompagnement d'un projet dont chacun s'accorde à dire qu'il est remarquable à tous ses niveaux d'exigence.
- Enjeux, moyens, méthodes, durée -, ce document a toutes les vertus d'un bon contrat dont on sait depuis Jean Jacques Rousseau qu'il est l'instrument premier de l'exercice de notre liberté et de notre engagement.
Je dirais donc en conclusion, avec un autre philosophe, que "nous sommes embarqués".
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 9 octobre 2000)