Déclarations de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la diffusion culturelle et le soutien financier des musées territoriaux, le développement culturel à tous les niveaux de la décentralisation territoriale, Rouen le 19 octobre 2000.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "A travers le miroir, de Bonnard à Buren" au Musée des Beaux arts de Rouen le 19 octobre 2000

Texte intégral

Je suis très heureux de retrouver une nouvelle fois la Haute-Normandie, (pour la quatrième fois exactement depuis mon arrivée au Gouvernement), dans cette région riche d'un patrimoine remarquable tant en termes de monuments emblématiques ou d'objets rares que de patrimoine rural ou industriel, dans cette région dont la vie artistique et culturelle est aussi très dense. C'est donc un réel plaisir pour moi d'inaugurer avec vous ce soir l'exposition "A travers le miroir, de Bonnard à Buren" dans ce splendide musée des Beaux-Arts de Rouen, qui est l'un des fleurons de nos grands musées de Région.
Cette manifestation me paraît devoir être saluée à double titre : d'abord parce qu'elle s'intègre dans une réflexion commune conduite sur le thème du miroir par cinq musées de la région, mais aussi parce que l'intérêt de son objet et de la programmation culturelle qui l'accompagne, constitue l'un des projets les plus intéressants réalisés cette année par les musées de région ; c'est pourquoi le Ministère de la culture et de la communication a décidé de le soutenir en lui accordant le label " d'intérêt national ".
Vous m'offrez ainsi l'occasion de rappeler combien j'attache d'importance à la politique de diffusion culturelle des musées territoriaux dont les expositions représentent un des axes majeurs. A cet effet, depuis l'année dernière, une nouvelle dotation budgétaire a été mise en uvre afin d'apporter un soutien financier renforcé à des expositions organisées par des musées comme le vôtre, Monsieur le Maire.
En 2000, six expositions ont reçu le label " d'intérêt national " : Les peintres du Roi une exposition du musée des Beaux-Arts de Tours et du musée des Augustins de Toulouse, Yves Klein une exposition du musée d'Art moderne et d'Art contemporain de Nice qui est présentée actuellement au centre Luigi Pecci en Italie, Soutine qui vient juste de s'achever au musée d'Art moderne de Céret, Sébastien Bourdon qui se poursuit quelques jours encore au musée Fabre de Montpellier et qui sera présentée ensuite au musée de Strasbourg, Gustave Courbet et la Franche-Comté qui vient de débuter au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon et enfin A travers le miroir, de Bonnard à Buren que nous inaugurons ce soir. Ces manifestations ont obtenu un vif succès au vu des résultats de fréquentation
C'est à l'initiative de l'association des conservateurs de Haute-Normandie, dont je tiens à saluer ici l'action, qu'est née cette réflexion commune entre cinq musées sur le thème du miroir, objet rare et précieux jusqu'au XVIIIe siècle et si présent dans notre quotidien.
On n'insistera jamais assez sur l'importance de cette approche collective qui dessine de nouveaux territoires autour de contenus communs. Aujourd'hui, grâce aux collections des musées de Haute-Normandie mais aussi aux uvres et objets empruntés à d'autres institutions, d'autres musées français et étrangers, des bibliothèques, des collections privées que je tiens tous à remercier très chaleureusement, le thème du Miroir est décliné dans cinq lieux complémentaires à travers un parcours qui nous entraîne de l'Antiquité au XXe siècle. Cinq très belles expositions nous sont ainsi données à voir traitant chacune un aspect de ce thème, une tranche chronologique, mettant l'accent sur des objets du quotidien ou au contraire exceptionnels et cela dans des domaines aussi variés que les vues d'optique, la peinture, ou la littérature...
Notre ministère encourage activement, vous le savez, les initiatives de mise en réseau. Elles ouvrent de nouvelles circulations entre établissements qui se définissent moins par leur importance ou leur statut que par la justesse de leurs propositions entre les disciplines artistiques ou scientifiques et bien sûr, entre les publics qui empruntent plus audacieusement les chemins de la découverte.
Je me réjouis donc qu'un tel projet ait pu voir le jour. J'adresse toutes mes félicitations pour ce remarquable travail en commun : à Geneviève Sennequier, conservateur du musée des Antiquités de Rouen, à Pierre Ickowicz, conservateur du Château-musée de Dieppe, à Nicole Aubé, conservateur du musée de Bernay, à Françoise Cohen, conservateur du musée Malraux du Havre, à Claude Petry, directeur des musées de la ville de Rouen et à Caroline Cros, inspecteur à la délégation aux arts plastiques.
Vous me permettrez d'y associer la direction régionale des affaires culturelles et sa directrice Sylvianne Tarsot-Gillery, pour leur vertu incitative et leur soutien effectif à la commande d'une uvre contemporaine, celle de Daniel Buren.
L'évocation historique du miroir, l'évolution de ses formes et de son rôle social sont le propos du musée départemental des Antiquités de Rouen avec Miroirs et reflets, de l'Antiquité à la Renaissance. J'ai eu le plaisir de découvrir tout à l'heure cette exposition et j'ai été particulièrement sensible à la beauté des objets et à la qualité de la réflexion scientifique qui a été conduite. Cette approche historique se retrouve au Château-musée de Dieppe avec Le miroir du XVIIe au XXe siècle, regard et symbole.
Les conséquences de l'utilisation du miroir ont été abordées par le musée municipal de Bernay qui s'est proposé de réfléchir sur la naissance du septième art à travers Jeux de miroir, vues d'optique. Le musée Malraux du Havre, quant à lui, a pris pour point de départ la dernière uvre de Gustave Flaubert, " premier grand modèle de la mise en abyme " et présente avec En miroir : hommage à Bouvard et Pécuchet des uvres du XIXe et XXe siècles. Enfin, le musée des Beaux-Arts de Rouen, bien qu'il dispose d'exceptionnelles collections du siècle dernier, a choisi de privilégier la place du miroir dans l'art du XXe siècle, à travers les oeuvres de Bonnard, Buren, Dan Graham, Kupka, Picasso, Pistoletto et bien d'autres, et ce jusqu'à la commande d'une nouvelle oeuvre.
Je tiens, par ailleurs, à saluer le caractère exemplaire de l'action culturelle qui accompagne cette manifestation. C'est une démarche prioritaire du Ministre de l'Education nationale, Jack Lang, mais aussi de Catherine Tasca et de moi-même. Le public est invité à la découverte de ces thèmes à travers des visites, des ateliers, des lectures, des conférences et des concerts. Hors les murs, pendant trois mois, le musée, part à la rencontre des élèves des établissements de l'agglomération rouennaise, des amateurs de photographies, des malades des hôpitaux, des forains. Des passerelles ont également été lancées entre le musée et d'autres lieux, entre l'exposition et d'autres manifestations telles que des programmations cinématographiques, des chorégraphies, des rencontres musicales ou encore une exposition de photographies.
Votre démarche, permettez-moi de me l'approprier pleinement en mettant brièvement en perspective les enjeux et le défi qu'elle recouvre.
Ces enjeux touchent en effet au plus intime de la relation de l'art et de la société, de la place des artistes dans la cité. Mais il s'agit là également d'une belle illustration de l'engagement et de l'ambition des élus qui refusent l'impasse du plus petit dénominateur commun culturel. En soutenant les démarches de ce type, ils délivrent un message : là où le risque, l'innovation existent, c'est aussi là où la rencontre et le partage sont plus fertiles.
L'intelligence et la passion mises au service d'une véritable rencontre entre les uvres et leurs destinataires ne sont jamais stériles. Car même si l'on peut ne pas s'accorder sur les mots, c'est bel et bien de la nécessité de l'art, dont il s'agit. Ce que dit Aristote de la philosophie ne vaut-il pas pour l'Art ? On peut vivre sans art, mais sans lui on ne peut pas vivre une existence véritablement humaine.
Voilà ce qui fonde l'universalité du droit d'accès de tous à la création. Voilà aussi ce qui rend proprement insupportables les inégalités en la matière ; pas plus que les autres, mais pas moins que les autres. Permettre à tous de dialoguer avec les oeuvres du temps présent, de s'approprier celles du passé, c'est donner à tous la chance de faire l'épreuve de l'inquiétude, du trouble, de l'interrogation mais aussi de l'adhésion et de l'enthousiasme.
Les oeuvres interrogent notre ordre social, elles lui révèlent sa contingence, qu'elles tournent en liberté, en responsabilité. Et le désordre qu'elles entraînent est tout aussi bien un ordre, ou pour le dire mieux les horizons d'un nouvel ordre qui reste entièrement à construire par ceux à qui elles s'adressent. C'est sous le signe de cet objectif que j'entends placer mon action. C'est aussi pourquoi ces oeuvres nous font le bonheur parfois de nous déranger, de nous irriter et de nous faire violence. Je n'aurai de cesse de le leur permettre.
Je voudrais pour terminer remercier les nombreux partenaires privés, le conseil régional de Haute-Normandie et bien sûr, Monsieur le Maire, la Ville de Rouen pour le soutien financier qu'ils ont apporté à cette exposition, remercier aussi toutes les collectivités territoriales, les associations sans lesquelles cette évocation du miroir déclinée dans cinq lieux n'aurait pu voir le jour.
Je souhaite vivement voir se développer au sein des musées de région une pratique qui favorise le développement culturel à tous les niveaux de la décentralisation territoriale. L'existence de ces réseaux s'affirme d'ailleurs sur le territoire national. Ils sont l'occasion, d'une mutualisation de différents moyens humains et financiers, de ressources diversifiées en termes de communication. Ils favorisent évidemment ainsi l'accès du plus grand nombre à la culture en contribuant à la connaissance et au rayonnement des patrimoines saisis dans leur diversité.
Il me reste à souhaiter un très grand succès à la très belle exposition que nous inaugurons ce soir, un très grand succès aussi à celles auxquelles nous convient, à travers l'histoire, quatre autres musées normands.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 20 octobre 2000)