Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs,
C'est évidemment avec un certain plaisir que je reviens aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, institution à laquelle vous connaissez mon attachement. Je souhaite évoquer avec vous une question majeure pour l'action, dans les tout prochains mois, du Ministre de l'Agriculture, comme de l'ensemble du Gouvernement et, s'agissant d'échéances européennes, du Président de la République. Je remercie mon ami Henri Nallet de me donner l'occasion de m'exprimer sur un tel sujet.
J'interviens en effet, au cours de ce colloque au carrefour des " regards étrangers " portés ce matin sur la réforme de la PAC et des " regards français " qui seront abordés de cette après-midi. Sans doute faut-il y voir une nouvelle preuve de ce qu'il incombe naturellement au représentant français au sein du Conseil des Ministres de l'Agriculture de l'Union européenne d'être à la fois profondément et naturellement sensible aux intérêts de l'agriculture nationale comme aux enjeux de l'intégration européenne, tant notre agriculture est ancrée dans notre identité européenne.
Grâce à la concordance des choix exprimés par les électeurs au cours de ces derniers mois dans la plupart des Etats membres de l'Union, la construction européenne connaît aujourd'hui un élan nouveau. Le récent Conseil européen informel de Portschacht fera certainement date à cet égard. Chacun sent bien la volonté des Quinze de relancer la construction européenne, en prenant appui sur l'échéance fondatrice que constitue le lancement de l'euro le 1er janvier prochain, pour moderniser les politiques communes au service d'un objectif désormais clairement marqué au niveau communautaire : l'emploi.
L'Allemagne et la France ont, dès le déplacement amical de Gerarhd Schroder à Paris au lendemain de la victoire du SPD et des Verts, réaffirmé leur volonté de jouer un rôle moteur au service de la relance européenne pour l'emploi. Permettez-moi à cet égard de me réjouir de la participation à ce colloque de M.THALHEIM, le nouveau secrétaire d'Etat allemand à l'Agriculture.
Cette relance, chacun en convient, passe d'abord par un accord à Quinze sur l'avenir des politiques communes et leur financement. Elle supposera aussi d'aller plus loin que ne le fait le Traité d'Amsterdam dans le sens de l'indispensable réforme des institutions communautaires. C'est d'ailleurs là un aspect auquel les Ministres de l'Agriculture de l'Union sont particulièrement sensibles. Dans une Europe élargie, le bon fonctionnement des institutions communautaires constitue une condition de la réussite de la PAC. Ce sont en effet ces institutions qui devront faire vivre, dans les années qui viennent, la PAC réformée. Vous ne trouverez pas, parmi les agriculteurs français, de partisans d'un affaiblissement du processus de décision communautaire.
La conclusion de la difficile négociation sur l'Agenda 2000 constitue ainsi d'évidence le préalable à la nouvelle dynamique européenne souhaitée par tous. Ce n'est qu'à cette condition que l'Union européenne pourra poursuivre son développement dans la ligne des Traités de Maastricht et d'Amsterdam et approfondir les politiques communes tout en s'élargissant aux pays candidats à l'adhésion.
Je voudrais à ce titre saluer la présence parmi nous de mon collègue polonais. J'ai eu hier soir le plaisir de m'entretenir longuement avec lui de la dynamique d'élargissement dans laquelle l'Union, et en son sein la France, ce sont engagées avec détermination.
En ce qui concerne l'agriculture, il est impératif que nous disposions d'une position commune pour la reprise des négociations à l'OMC, au début 2000, conformément aux accords de Marrakech. En effet, l'horizon de cette réforme de la PAC est bien celui de l'élargissement de l'Union et des négociations agricoles à l'OMC, dont l'issue peut être attendue vers les années 2003-2004. Tout cela détermine très largement les décisions à prendre à Quinze.
Je me réjouis ainsi de la volonté du Chancelier allemand et de son gouvernement de créer, dans le prolongement des efforts de l'actuelle Présidence autrichienne, les conditions d'un accord sur tous les volets de l'Agenda 2000 sous Présidence allemande, au premier semestre 1999, conformément au calendrier arrêté à Cardiff par les Chefs d'Etats et de Gouvernements.
Cela concerne bien sûr au premier lieu la réforme de la PAC, pour lesquelles les propositions de la Commission européenne sont bien connues de tous. Guy Legras vous les a, je crois, exposé en détail ce matin.
Mon ambition est de faire participer la Politique Agricole Commune à la dynamique naissante de relance européenne au service de l'emploi. Pour ma part, je me refuse à considérer, comme on peut parfois l'entendre, que la Politique Agricole Commune relèverait d'une époque révolue de la construction européenne. Les paysans et le monde rural français demeurent au cur de l'édifice européen. Il reste que l'outil européen doit être adapté à la nouvelle étape qui s'ouvre pour répondre aux attentes des agriculteurs, du monde rural et de tous nos concitoyens. Devrait-on aujourd'hui reprocher au monde agricole d'avoir été à l'avant-garde de l'intégration européenne ? Il y aurait là un étrange paradoxe.
Nous devons aujourd'hui, me semble-t-il, dessiner les contours d'un nouveau Pacte entre les Européens et leur agriculture, adapté aux exigences d'une Europe élargie et insérée dans les échanges internationaux. Telle est l'ambition, en ce qui concerne la France, du projet de loi d'orientation agricole, adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale. Sans aucune volonté d'imposer à l'Europe notre vision des politiques agricoles, il constitue très largement ma source d'inspiration pour aborder les négociations qui nous attendent à Bruxelles.
Pourquoi faut-il réformer la Politique Agricole Commune ?
D'abord assurer sa continuité en ce qui concerne une organisation équilibrée des marchés. Cette responsabilité majeure incombe aux Ministres européens et au Commissaire en charge de l'Agriculture. Cela nous avait conduit à une première réforme en 1992. Le contexte international, marqué par la baisse sérieuse de la demande en Russie, en Asie et en Amérique latine et par le bas niveau des prix mondiaux de certaines productions, incite à une certaine prudence dans les prévisions économiques.
Cependant, la perspective de voir apparaître à nouveau d'importants excédents de céréales et de viande bovine sur le marché européen nous impose de prendre des mesures d'ajustement.
La discussion reste ouverte quant aux remèdes à mettre en place pour réguler au mieux ces marchés. Je ne considère pas que la baisse généralisée et systématique des prix constitue la meilleure réponse. Si la baisse des prix garantis est adaptée au secteur des grandes cultures, elle ne saurait être, seule, adaptée à l'élevage bovin. Le niveau de la baisse des prix et des compensations constitue un enjeu majeur dans un secteur fragilisé, tout particulièrement s'agissant de l'élevage allaitant dont la vocation en termes d'aménagement du territoire et d'entretien de nos paysages est bien connue.
En revanche, rien ne justifie de procéder dans l'immédiat à une réforme d'un secteur laitier en équilibre grâce aux quotas. D'autant qu'il s'agirait, j'y reviendrai, d'une démarche particulièrement coûteuse.
Au fond, l'Union doit, comme en 1992, adresser un message clair à tous: l'Europe remet de l'ordre dans sa politique agricole en maintenant et en adaptant ses outils de régulation des marchés. Ce signal est à mon sens déterminant pour nos amis candidats à l'Union, légitimement anxieux de connaître les contours précis de l'acquis communautaire que nous leur demanderons d'adopter. Il l'est aussi pour nos partenaires de la négociation multilatérale à la veille de la reprise des discussions à l'OMC. L'Union dispose d'une pluralité d'instruments de politique agricole : préférence communautaire, intervention sur les marchés, outils de régulation quantitative, aides directes,Elle entend bien les conserver, même s'ils doivent être adoptés aux nouvelles conditions internationales.
D'autant plus que l'orientation donnée à la politique des marchés n'est pas sans incidence sur l'emploi. La concentration des exploitations ne saurait constituer une fin en soi, surtout lorsqu'elle détruit de l'emploi, car je ne me résous pas à voir se perpétuer la tendance à la baisse de l'emploi agricole. Il nous faut bien sûr prendre en compte les réalités démographiques du monde rural, qui constituent un frein à la progression de l'emploi, et partant élargir le champ de l'analyse à l'ensemble des acteurs du monde rural, mais nous ne saurions maintenir longtemps d'importants soutiens publics à l'agriculture sans considération pour l'emploi. C'est, je l'ai dit, une condition forte de la participation de la PAC à la relance européenne en gestation : cette relance européenne s'organise autour de la lutte pour l'emploi et contre le chômage ; l'agriculture et le monde rural peuvent et doivent y participer pleinement.
Cela passe aussi par la modernisation de l'outil européen de politique agricole, d'autant plus que c'est aussi de cette manière que nous préparerons au mieux la prochaine négociation à l'OMC. La PAC doit réellement prendre en compte et rémunérer les fonctions multiples des agriculteurs, comme je me propose de le faire, à la suite de mon collègue et ami Louis Le Pensec, à travers le Contrat Territorial d'Exploitation de la LOA en France.
Cela correspond de plus en plus à la réalité des activités de nombreux agriculteurs, qui sont d'abord des producteurs, mais aussi des aménageurs de l'espace rural, des utilisateurs et des protecteurs des ressources naturelles.
Tout ce qui forge, en même temps, les attentes de la société à l'égard de ses agriculteurs : animation du milieu rural, préservation de l'environnement, aménagement des paysages, développement de productions de qualité,Au cur de la multifonctionnalité, se trouve l'emploi en milieu rural, en lien avec l'agriculture et avec pour souci de ne pas provoquer de distorsions de concurrence au détriment des autres acteurs du monde rural.
Toutes ces préoccupations ne sont pas nouvelles pour moi. Elles sont le quotidien de l'agriculture de mon département, les Hautes-Pyrénées, où chacun sait qu'il serait illusoire d'opposer qualité et compétitivité, terroir et grand large. Notre agriculture est faite de diversité, et rien ne contribue plus à la compétitivité que la qualité des produits et l'organisation des filières.
Le Commissaire Fischler a fait largement siennes ces préoccupations dans ses propositions de réforme. Je sais que le Parlement européen n'y est pas insensible. Je m'en réjouis. C'est le sens de l'intégration des politiques de développement rural à la PAC. C'est aussi celui de la modulation des aides directes, pour laquelle nous avons formulé des propositions d'enrichissement du dispositif. Il m'apparaît en effet légitime - et pas seulement légitime : indispensable - que les aides directes aux agriculteurs puissent aussi contribuer à cette dynamique nouvelle de rééquilibrage des soutiens.
Nous devons aussi, à travers la réforme de la PAC, préparer la négociation agricole à l'OMC. Une réunion ministérielle lancera le processus à la fin 1999, et les discussions débuteront réellement au début 2000. La Commission européenne se sera alors vue confier un mandat de négociation par le Conseil des ministres, dont la réforme de la PAC constituera bien évidemment un chapitre essentiel.
Les contours de la négociation à venir restent encore relativement flous. Les politiques agricoles de certains de nos grands partenaires semblent évoluer sous l'effet de la conjoncture. Même si chacun devine que certains thèmes seront à nouveau évoqués, de nouvelles questions apparaissent, comme la façon d'appréhender la multifonctionnalité de l'agriculture, le bien être des animaux, les normes sociales ou environnementales.
L'Union devrait quant à elle aborder cette échéance sans renoncer à aucun des outils de politique agricole qui sont les siens, y compris la protection externe de notre marché. Mais nous devrons aussi avoir modernisé la PAC en engageant un processus de découplage des soutiens, afin de disposer d'une gamme élargie d'instruments de politique agricole.
Enfin la réforme de la PAC doit préparer l'élargissement de l'Union européenne. Je dois d'ailleurs dire que la clarté des signaux que les Quinze adresseront aux pays candidats sur leur volonté de préserver les outils de régulation qui sont les leurs, me paraît plus importante encore que de baisser les prix garantis dans l'Union pour réduire des écarts de prix agricoles qui sont d'ores et déjà, pour de nombreux produits, réduits.
La France, comme l'ensemble des pays de l'Union, s'engage avec détermination et esprit d'ouverture dans la négociation des accords d'élargissement.
Mais la reprise de l'acquis constitue le principe de base incontournable de l'adhésion. C'est dire s'il nous faudra probablement, comme dans le passé, organiser des périodes de transition. C'est souligner aussi combien la stratégie de pré-adhésion qui se met en place sera décisive pour accompagner des mutations qui seront sans aucun doute lourdes de conséquences économiques et sociales dans les pays candidats.
La perspective d'un élargissement majeur constitue indéniablement la grande richesse, en même temps que la réelle complexité, de la négociation des prochaines perspectives financières et de la réforme des politiques communes. Cela conduit en particulier les Quinze actuels Etats membres à faire preuve d'une grande rigueur budgétaire.
Le Pacte de stabilité et de croissance impose de réelles et utiles disciplines budgétaires. A cela s'ajoute les difficultés financières invoquées par nos amis allemands.
La solution à tout cela ne réside pas à mes yeux dans la mise en place d'un dispositif de co-financement des aides européennes à l'agriculture. Le Président de la République comme le Premier ministre, ont marqué leur hostilité à une telle perspective qui constituerait un recul de la construction européenne et comporte en germe la disparition à terme de la PAC.
Seule la stabilisation de la dépense communautaire en faveur des Quinze, permettant de réserver une augmentation de la dépense en faveur des nouveaux Etats membres, paraît à même de constituer une réponse au problème budgétaire qui se pose à tous les acteurs de la négociation de l'Agenda 2000.
La réforme de la PAC n'échappe pas à cette règle et c'est bien dans un contexte de discipline budgétaire que le Conseil Agriculture devra avancer dans ses travaux.
L'exercice qui nous attend et sur lequel les institutions communautaires travaillent depuis déjà de longs mois, n'est pas chose aisée. Il nous faut en effet prévenir de futurs déséquilibres sur les marchés agricoles européens tout en exerçant une importante rigueur budgétaire.
Nous n'avons cependant pas le droit de décevoir les attentes. Celles de nos agriculteurs, légitimement soucieux de la pérennité de leur activité et de voir s'ouvrir de réelles perspectives pour les jeunes qui s'installent. Celles d'un monde rural où les agriculteurs sont à la fois numériquement minoritaires mais si décisifs pour l'animation locale et l'emploi. Celles de tous nos concitoyens impatients de voir l'agriculture remplir toutes les fonctions que chacun lui assigne. Celles enfin des peuples des pays candidats à l'Union, désireux de connaître les contours de l'Europe dans laquelle ils seront accueillis.
Tous mes efforts sont maintenant tournés vers l'issue de la négociation, à l'heure où nos amis allemands affirment vouloir aboutir à un accord sur le Paquet Santer, et donc sur la réforme de la PAC, sous leur Présidence, au début 1999. Etablies en étroite concertation entre le Président de la République, le Premier ministre et le Ministre de l'Agriculture, nos priorités de négociation sont maintenant bien connues. Elles ont été réaffirmées avec force et constance depuis l'été 1997 et le début des discussions sur l'Agenda 2000.
Nous devrons prochainement aboutir. Cela exigera constance, initiative et imagination. Les agriculteurs français peuvent compter sur mon engagement pour aboutir au meilleur compromis possible, à un accord qui assure leur avenir au-delà des échéances les plus immédiates. Je pense à l'avenir de la construction européenne et à la négociation à l'OMC.
J'entends demeurer au sein du Conseil une force d'impulsion, de proposition et de rassemblement dans les négociations sur la réforme de la PAC. Je ne saurais le faire sans y associer systématiquement et le plus étroitement possible les représentants des agriculteurs français, dont j'estime qu'ils constituent un acteur permanent de la négociation. Ils auront sans aucun doute l'occasion de le dire cette après-midi ici même.
Cette réforme de la PAC doit en effet constituer de la part de l'Union européenne un acte majeur de responsabilité, en donnant à nos agriculteurs les moyens d'affronter les déséquilibres qui s'annoncent à moyen terme, mais aussi de trouver, à un horizon plus lointain mais en réalité si proche, les moyens de répondre aux défis de la négociation multilatérale comme aux exigences de la société.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 septembre 2001)
Mesdames, messieurs,
C'est évidemment avec un certain plaisir que je reviens aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, institution à laquelle vous connaissez mon attachement. Je souhaite évoquer avec vous une question majeure pour l'action, dans les tout prochains mois, du Ministre de l'Agriculture, comme de l'ensemble du Gouvernement et, s'agissant d'échéances européennes, du Président de la République. Je remercie mon ami Henri Nallet de me donner l'occasion de m'exprimer sur un tel sujet.
J'interviens en effet, au cours de ce colloque au carrefour des " regards étrangers " portés ce matin sur la réforme de la PAC et des " regards français " qui seront abordés de cette après-midi. Sans doute faut-il y voir une nouvelle preuve de ce qu'il incombe naturellement au représentant français au sein du Conseil des Ministres de l'Agriculture de l'Union européenne d'être à la fois profondément et naturellement sensible aux intérêts de l'agriculture nationale comme aux enjeux de l'intégration européenne, tant notre agriculture est ancrée dans notre identité européenne.
Grâce à la concordance des choix exprimés par les électeurs au cours de ces derniers mois dans la plupart des Etats membres de l'Union, la construction européenne connaît aujourd'hui un élan nouveau. Le récent Conseil européen informel de Portschacht fera certainement date à cet égard. Chacun sent bien la volonté des Quinze de relancer la construction européenne, en prenant appui sur l'échéance fondatrice que constitue le lancement de l'euro le 1er janvier prochain, pour moderniser les politiques communes au service d'un objectif désormais clairement marqué au niveau communautaire : l'emploi.
L'Allemagne et la France ont, dès le déplacement amical de Gerarhd Schroder à Paris au lendemain de la victoire du SPD et des Verts, réaffirmé leur volonté de jouer un rôle moteur au service de la relance européenne pour l'emploi. Permettez-moi à cet égard de me réjouir de la participation à ce colloque de M.THALHEIM, le nouveau secrétaire d'Etat allemand à l'Agriculture.
Cette relance, chacun en convient, passe d'abord par un accord à Quinze sur l'avenir des politiques communes et leur financement. Elle supposera aussi d'aller plus loin que ne le fait le Traité d'Amsterdam dans le sens de l'indispensable réforme des institutions communautaires. C'est d'ailleurs là un aspect auquel les Ministres de l'Agriculture de l'Union sont particulièrement sensibles. Dans une Europe élargie, le bon fonctionnement des institutions communautaires constitue une condition de la réussite de la PAC. Ce sont en effet ces institutions qui devront faire vivre, dans les années qui viennent, la PAC réformée. Vous ne trouverez pas, parmi les agriculteurs français, de partisans d'un affaiblissement du processus de décision communautaire.
La conclusion de la difficile négociation sur l'Agenda 2000 constitue ainsi d'évidence le préalable à la nouvelle dynamique européenne souhaitée par tous. Ce n'est qu'à cette condition que l'Union européenne pourra poursuivre son développement dans la ligne des Traités de Maastricht et d'Amsterdam et approfondir les politiques communes tout en s'élargissant aux pays candidats à l'adhésion.
Je voudrais à ce titre saluer la présence parmi nous de mon collègue polonais. J'ai eu hier soir le plaisir de m'entretenir longuement avec lui de la dynamique d'élargissement dans laquelle l'Union, et en son sein la France, ce sont engagées avec détermination.
En ce qui concerne l'agriculture, il est impératif que nous disposions d'une position commune pour la reprise des négociations à l'OMC, au début 2000, conformément aux accords de Marrakech. En effet, l'horizon de cette réforme de la PAC est bien celui de l'élargissement de l'Union et des négociations agricoles à l'OMC, dont l'issue peut être attendue vers les années 2003-2004. Tout cela détermine très largement les décisions à prendre à Quinze.
Je me réjouis ainsi de la volonté du Chancelier allemand et de son gouvernement de créer, dans le prolongement des efforts de l'actuelle Présidence autrichienne, les conditions d'un accord sur tous les volets de l'Agenda 2000 sous Présidence allemande, au premier semestre 1999, conformément au calendrier arrêté à Cardiff par les Chefs d'Etats et de Gouvernements.
Cela concerne bien sûr au premier lieu la réforme de la PAC, pour lesquelles les propositions de la Commission européenne sont bien connues de tous. Guy Legras vous les a, je crois, exposé en détail ce matin.
Mon ambition est de faire participer la Politique Agricole Commune à la dynamique naissante de relance européenne au service de l'emploi. Pour ma part, je me refuse à considérer, comme on peut parfois l'entendre, que la Politique Agricole Commune relèverait d'une époque révolue de la construction européenne. Les paysans et le monde rural français demeurent au cur de l'édifice européen. Il reste que l'outil européen doit être adapté à la nouvelle étape qui s'ouvre pour répondre aux attentes des agriculteurs, du monde rural et de tous nos concitoyens. Devrait-on aujourd'hui reprocher au monde agricole d'avoir été à l'avant-garde de l'intégration européenne ? Il y aurait là un étrange paradoxe.
Nous devons aujourd'hui, me semble-t-il, dessiner les contours d'un nouveau Pacte entre les Européens et leur agriculture, adapté aux exigences d'une Europe élargie et insérée dans les échanges internationaux. Telle est l'ambition, en ce qui concerne la France, du projet de loi d'orientation agricole, adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale. Sans aucune volonté d'imposer à l'Europe notre vision des politiques agricoles, il constitue très largement ma source d'inspiration pour aborder les négociations qui nous attendent à Bruxelles.
Pourquoi faut-il réformer la Politique Agricole Commune ?
D'abord assurer sa continuité en ce qui concerne une organisation équilibrée des marchés. Cette responsabilité majeure incombe aux Ministres européens et au Commissaire en charge de l'Agriculture. Cela nous avait conduit à une première réforme en 1992. Le contexte international, marqué par la baisse sérieuse de la demande en Russie, en Asie et en Amérique latine et par le bas niveau des prix mondiaux de certaines productions, incite à une certaine prudence dans les prévisions économiques.
Cependant, la perspective de voir apparaître à nouveau d'importants excédents de céréales et de viande bovine sur le marché européen nous impose de prendre des mesures d'ajustement.
La discussion reste ouverte quant aux remèdes à mettre en place pour réguler au mieux ces marchés. Je ne considère pas que la baisse généralisée et systématique des prix constitue la meilleure réponse. Si la baisse des prix garantis est adaptée au secteur des grandes cultures, elle ne saurait être, seule, adaptée à l'élevage bovin. Le niveau de la baisse des prix et des compensations constitue un enjeu majeur dans un secteur fragilisé, tout particulièrement s'agissant de l'élevage allaitant dont la vocation en termes d'aménagement du territoire et d'entretien de nos paysages est bien connue.
En revanche, rien ne justifie de procéder dans l'immédiat à une réforme d'un secteur laitier en équilibre grâce aux quotas. D'autant qu'il s'agirait, j'y reviendrai, d'une démarche particulièrement coûteuse.
Au fond, l'Union doit, comme en 1992, adresser un message clair à tous: l'Europe remet de l'ordre dans sa politique agricole en maintenant et en adaptant ses outils de régulation des marchés. Ce signal est à mon sens déterminant pour nos amis candidats à l'Union, légitimement anxieux de connaître les contours précis de l'acquis communautaire que nous leur demanderons d'adopter. Il l'est aussi pour nos partenaires de la négociation multilatérale à la veille de la reprise des discussions à l'OMC. L'Union dispose d'une pluralité d'instruments de politique agricole : préférence communautaire, intervention sur les marchés, outils de régulation quantitative, aides directes,Elle entend bien les conserver, même s'ils doivent être adoptés aux nouvelles conditions internationales.
D'autant plus que l'orientation donnée à la politique des marchés n'est pas sans incidence sur l'emploi. La concentration des exploitations ne saurait constituer une fin en soi, surtout lorsqu'elle détruit de l'emploi, car je ne me résous pas à voir se perpétuer la tendance à la baisse de l'emploi agricole. Il nous faut bien sûr prendre en compte les réalités démographiques du monde rural, qui constituent un frein à la progression de l'emploi, et partant élargir le champ de l'analyse à l'ensemble des acteurs du monde rural, mais nous ne saurions maintenir longtemps d'importants soutiens publics à l'agriculture sans considération pour l'emploi. C'est, je l'ai dit, une condition forte de la participation de la PAC à la relance européenne en gestation : cette relance européenne s'organise autour de la lutte pour l'emploi et contre le chômage ; l'agriculture et le monde rural peuvent et doivent y participer pleinement.
Cela passe aussi par la modernisation de l'outil européen de politique agricole, d'autant plus que c'est aussi de cette manière que nous préparerons au mieux la prochaine négociation à l'OMC. La PAC doit réellement prendre en compte et rémunérer les fonctions multiples des agriculteurs, comme je me propose de le faire, à la suite de mon collègue et ami Louis Le Pensec, à travers le Contrat Territorial d'Exploitation de la LOA en France.
Cela correspond de plus en plus à la réalité des activités de nombreux agriculteurs, qui sont d'abord des producteurs, mais aussi des aménageurs de l'espace rural, des utilisateurs et des protecteurs des ressources naturelles.
Tout ce qui forge, en même temps, les attentes de la société à l'égard de ses agriculteurs : animation du milieu rural, préservation de l'environnement, aménagement des paysages, développement de productions de qualité,Au cur de la multifonctionnalité, se trouve l'emploi en milieu rural, en lien avec l'agriculture et avec pour souci de ne pas provoquer de distorsions de concurrence au détriment des autres acteurs du monde rural.
Toutes ces préoccupations ne sont pas nouvelles pour moi. Elles sont le quotidien de l'agriculture de mon département, les Hautes-Pyrénées, où chacun sait qu'il serait illusoire d'opposer qualité et compétitivité, terroir et grand large. Notre agriculture est faite de diversité, et rien ne contribue plus à la compétitivité que la qualité des produits et l'organisation des filières.
Le Commissaire Fischler a fait largement siennes ces préoccupations dans ses propositions de réforme. Je sais que le Parlement européen n'y est pas insensible. Je m'en réjouis. C'est le sens de l'intégration des politiques de développement rural à la PAC. C'est aussi celui de la modulation des aides directes, pour laquelle nous avons formulé des propositions d'enrichissement du dispositif. Il m'apparaît en effet légitime - et pas seulement légitime : indispensable - que les aides directes aux agriculteurs puissent aussi contribuer à cette dynamique nouvelle de rééquilibrage des soutiens.
Nous devons aussi, à travers la réforme de la PAC, préparer la négociation agricole à l'OMC. Une réunion ministérielle lancera le processus à la fin 1999, et les discussions débuteront réellement au début 2000. La Commission européenne se sera alors vue confier un mandat de négociation par le Conseil des ministres, dont la réforme de la PAC constituera bien évidemment un chapitre essentiel.
Les contours de la négociation à venir restent encore relativement flous. Les politiques agricoles de certains de nos grands partenaires semblent évoluer sous l'effet de la conjoncture. Même si chacun devine que certains thèmes seront à nouveau évoqués, de nouvelles questions apparaissent, comme la façon d'appréhender la multifonctionnalité de l'agriculture, le bien être des animaux, les normes sociales ou environnementales.
L'Union devrait quant à elle aborder cette échéance sans renoncer à aucun des outils de politique agricole qui sont les siens, y compris la protection externe de notre marché. Mais nous devrons aussi avoir modernisé la PAC en engageant un processus de découplage des soutiens, afin de disposer d'une gamme élargie d'instruments de politique agricole.
Enfin la réforme de la PAC doit préparer l'élargissement de l'Union européenne. Je dois d'ailleurs dire que la clarté des signaux que les Quinze adresseront aux pays candidats sur leur volonté de préserver les outils de régulation qui sont les leurs, me paraît plus importante encore que de baisser les prix garantis dans l'Union pour réduire des écarts de prix agricoles qui sont d'ores et déjà, pour de nombreux produits, réduits.
La France, comme l'ensemble des pays de l'Union, s'engage avec détermination et esprit d'ouverture dans la négociation des accords d'élargissement.
Mais la reprise de l'acquis constitue le principe de base incontournable de l'adhésion. C'est dire s'il nous faudra probablement, comme dans le passé, organiser des périodes de transition. C'est souligner aussi combien la stratégie de pré-adhésion qui se met en place sera décisive pour accompagner des mutations qui seront sans aucun doute lourdes de conséquences économiques et sociales dans les pays candidats.
La perspective d'un élargissement majeur constitue indéniablement la grande richesse, en même temps que la réelle complexité, de la négociation des prochaines perspectives financières et de la réforme des politiques communes. Cela conduit en particulier les Quinze actuels Etats membres à faire preuve d'une grande rigueur budgétaire.
Le Pacte de stabilité et de croissance impose de réelles et utiles disciplines budgétaires. A cela s'ajoute les difficultés financières invoquées par nos amis allemands.
La solution à tout cela ne réside pas à mes yeux dans la mise en place d'un dispositif de co-financement des aides européennes à l'agriculture. Le Président de la République comme le Premier ministre, ont marqué leur hostilité à une telle perspective qui constituerait un recul de la construction européenne et comporte en germe la disparition à terme de la PAC.
Seule la stabilisation de la dépense communautaire en faveur des Quinze, permettant de réserver une augmentation de la dépense en faveur des nouveaux Etats membres, paraît à même de constituer une réponse au problème budgétaire qui se pose à tous les acteurs de la négociation de l'Agenda 2000.
La réforme de la PAC n'échappe pas à cette règle et c'est bien dans un contexte de discipline budgétaire que le Conseil Agriculture devra avancer dans ses travaux.
L'exercice qui nous attend et sur lequel les institutions communautaires travaillent depuis déjà de longs mois, n'est pas chose aisée. Il nous faut en effet prévenir de futurs déséquilibres sur les marchés agricoles européens tout en exerçant une importante rigueur budgétaire.
Nous n'avons cependant pas le droit de décevoir les attentes. Celles de nos agriculteurs, légitimement soucieux de la pérennité de leur activité et de voir s'ouvrir de réelles perspectives pour les jeunes qui s'installent. Celles d'un monde rural où les agriculteurs sont à la fois numériquement minoritaires mais si décisifs pour l'animation locale et l'emploi. Celles de tous nos concitoyens impatients de voir l'agriculture remplir toutes les fonctions que chacun lui assigne. Celles enfin des peuples des pays candidats à l'Union, désireux de connaître les contours de l'Europe dans laquelle ils seront accueillis.
Tous mes efforts sont maintenant tournés vers l'issue de la négociation, à l'heure où nos amis allemands affirment vouloir aboutir à un accord sur le Paquet Santer, et donc sur la réforme de la PAC, sous leur Présidence, au début 1999. Etablies en étroite concertation entre le Président de la République, le Premier ministre et le Ministre de l'Agriculture, nos priorités de négociation sont maintenant bien connues. Elles ont été réaffirmées avec force et constance depuis l'été 1997 et le début des discussions sur l'Agenda 2000.
Nous devrons prochainement aboutir. Cela exigera constance, initiative et imagination. Les agriculteurs français peuvent compter sur mon engagement pour aboutir au meilleur compromis possible, à un accord qui assure leur avenir au-delà des échéances les plus immédiates. Je pense à l'avenir de la construction européenne et à la négociation à l'OMC.
J'entends demeurer au sein du Conseil une force d'impulsion, de proposition et de rassemblement dans les négociations sur la réforme de la PAC. Je ne saurais le faire sans y associer systématiquement et le plus étroitement possible les représentants des agriculteurs français, dont j'estime qu'ils constituent un acteur permanent de la négociation. Ils auront sans aucun doute l'occasion de le dire cette après-midi ici même.
Cette réforme de la PAC doit en effet constituer de la part de l'Union européenne un acte majeur de responsabilité, en donnant à nos agriculteurs les moyens d'affronter les déséquilibres qui s'annoncent à moyen terme, mais aussi de trouver, à un horizon plus lointain mais en réalité si proche, les moyens de répondre aux défis de la négociation multilatérale comme aux exigences de la société.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 septembre 2001)