Déclaration de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, sur les relations entre le système éducatif et le monde du travail, notamment par la voie du co-développement et de la professionnalisation à l'issue des parcours éducatifs, Paris le 3 novembre 2000.

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Circonstance : 1ère conférence ministèrielle Union Européenne Amérique latine et Caraïbes sur l'enseignement supérieur à Paris le 3 novembre 2000

Texte intégral

Mes chers collègues,
En tant que Ministre délégué auprès de Jack Lang, chargé de l'Enseignement Professionnel qui scolarise la moitié de chaque classe d'âge de jeunes français, je me réjouis de la tenue de cette session thématique, concernant les relations de l'enseignement supérieur avec le monde du travail, placée au cur de notre rencontre.
Éclairer la nature des relations entre nos systèmes éducatifs et le monde du travail est en effet une des questions essentielles de ce moment de notre histoire commune.
Bénéficiant d'une reprise vigoureuse de la croissance, nos pays européens, et nous les Français tout particulièrement, nous sommes mis en demeure d'établir des bases d'action fermes et claires pour répondre à la demande que nos sociétés présentent à nos systèmes éducatifs.
Cette nouvelle phase de croissance est grande demandeuse de cadres et techniciens de niveau intermédiaire dans nos appareils productifs. Ce sont des cadres intermédiaires hautement qualifiés dont il est question ici.
Nous devons constater à la fois des niveaux de chômage qui restent inacceptables et des pénuries de main d'uvre qualifiée dans de nombreux secteurs.
Plusieurs pays développés dans le monde ont fait le choix de répondre à cette difficulté en ayant recours à une nouvelle politique d'immigration. Cette voie n'est pas raisonnable, ni durablement soutenable.
Elle pourrait conduire les pays d'accueil à relâcher leur effort de formation qui est pourtant un impératif catégorique du modèle de développement de la société de la connaissance.
Et il est certain que pour les pays de départ il s'agit d'un pillage de leur matière grise et une spoliation de leur investissement dans l'éducation de leur jeunesse.
Au total, il s'agirait d'un déséquilibre mutuellement nuisible.
Une autre voie, bien plus féconde est disponible : celle du co-développement, du développement conjoint, de la mobilité réciproque maîtrisée.
Dans cet état d'esprit il est indispensable d'identifier des bases claires de discussion et d'action conjointe pour répondre à la déclaration que nous avons l'intention d'adopter ici.
La première est d'affirmer que les demandes de la société à l'égard des systèmes éducatifs sont légitimes et que la qualité de ces systèmes n'a rien à craindre de la rencontre avec le monde économique si l'on intègre les exigences de promotion sociales exprimées par les populations.
La seconde est que nous devons admettre que les métiers de notre époque sont en réalité des " sciences pratiques. Ils exigent tout à la fois un haut niveau de savoir disciplinaire et un haut niveau de savoirs-faire opérationnels, c'est à dire technologiques.
Dans ces conditions, les évolutions technologiques rapides d'une part, l'exigence légitime des salariés d'être toujours en état de valoriser leur expérience professionnelle sur le marché du travail, ces deux impératifs se rejoignent pour décrire un cahier des charges dynamisant :
La professionnalisation à l'issue des parcours éducatifs est, à la fois une attente des milieux économiques et une exigence démocratique de promotion sociale pour nos jeunes.
L'adaptabilité tout au long de la vie dépend d'une bonne et solide formation initiale à chaque niveau de l'enseignement du primaire au supérieur.
Dès lors la professionnalisation peut être un nouveau paradigme concernant l'organisation globale des systèmes éducatifs.
Nous le nommerions : " La professionnalisation durable "
Qui aurait une double prise en compte :
de la nécessité des finalités professionnalisantes de l'éducation.
de la garantie que cette formation soit durable, c'est à dire rende apte à l'adaptation aux états futurs de la demande technologique pour ceux qui bénéficient de cette formation.
Sur cette base il existe une possibilité pratique de rendre compatible nos systèmes d'évaluation des qualifications que préparent nos systèmes éducatifs.
En effet, l'exigence technologique est souvent une langue universelle. Dans cet état d'esprit, nous français, nous avons par exemple mis au point avec la multinationale ELF, un système d 'analyse des équivalences de contenu des formations délivrées dans tous les pays où cette grande entreprise est implantée. Cette évaluation des équivalences est réalisée non seulement au profit de l'entreprise elle-même mais au profit de sa sous-traitance. Cette démarche pragmatique peut être étendue à de nombreuses activités de base de nos économies et favoriserait concrètement la mobilité des personnels et l'élévation des niveaux d'enseignement et d'universalité de ceux-ci.
Dans cette approche, il n'y a pas de contradiction entre l'enseignement disciplinaire académique de haut niveau et la professionnalisation, il n'y a pas de contradiction entre enseignement initial et formation continue tout au long de la vie des adultes.
A l'inverse, il y a une profonde convergence entre l'exigence démocratique d'une formation durable pour chaque individu et l'exigence d'adaptabilité de nos systèmes productifs.
Voilà pourquoi le concept de professionnalisation durable peut réconcilier la vocation humaniste des systèmes éducatifs et le souci d'efficacité sociale et productive. C'est notre ambition.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 6 novembre 2000)