Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir à la 6ème réunion de notre Comité de concertation avec le secteur privé. Je vous remercie d'avoir bousculé vos agendas, tous très chargés, pour l'honorer de votre présence et nous faire bénéficier de vos expériences et de vos réflexions. J'adresse un remerciement tout particulier à M. Derreumaux, président du groupe Bank of Africa, qui a fait le déplacement depuis Cotonou et à M. Rouchy, directeur au Centre national des Caisses d'épargne, sollicité très tardivement.
Vous savez l'importance que j'attache à notre instance de concertation. Le rôle moteur du secteur privé est au coeur des politiques de développement, tant pour la Coopération française, que pour les autres institutions bi et multilatérales. Vos contributions sont précieuses. Elles le seront davantage encore avec l'élargissement de notre champ d'intervention à d'autres pays sur lesquels vous avez, pour la plupart d'entre vous, une grande expérience.
Nos réunions sont l'occasion d'approfondir des sujets d'intérêt commun, qu'intègrent nos programmes de coopération, et de confronter nos points de vue. Je les considère comme des temps forts d'une relation continue, que nous avons peu à peu réussi à approfondir.
A ce propos, je vous rappelle un autre temps fort des semaines à venir. Nous tiendrons la Commission mixte franco-ivoirienne, à Abidjan, les 15 et 16 décembre prochains. Elle sera l'occasion de conclure l'un des premiers accords de partenariat, qui nous engagera mutuellement pour les prochaines années.
L'appui au secteur privé fait partie des priorités que les deux pays ont souhaité mettre en avant. Certains d'entre vous ont déjà participé aux réunions préparatoires du volet "Secteur privé" ; je compte sur vous pour que la réflexion soit riche et que les voies que nous dessinerons servent le développement de la Cote d'Ivoire, en même temps qu'elles renforceront les positions des entreprises françaises.
Le thème dont nous allons débattre aujourd'hui a été décidé lors de notre dernière réunion, c'est "Le financement de l'investissement et le rôle du secteur bancaire dans les pays en développement".
Permettez moi quelques propos liminaires à ce sujet.
Nous avons eu l'occasion, notamment lors de notre dernière réunion sur les futures relations entre l'Union européenne et les pays ACP, de souligner le danger qu'il y aurait à nous focaliser trop exclusivement sur la question du financement des entreprises au détriment d'autres formes d'incitation et d'appui à l'initiative privée. Il faut en effet prendre en compte les différents aspects de l'environnement de l'entreprise et apporter des réponses adaptées à chacun des blocages décelés.
- De là, notre souci d'accompagner les politiques suivies en matière d'amélioration de l'environnement politique et réglementaire de l'entreprise. Je ne reviens pas sur l'intérêt de l'OHADA, d'une réglementation commune des assurances avec la CIMA, des régimes sociaux avec la CIPRES ou d'une harmonisation des politiques fiscales ou douanières.
- Dans le même esprit, l'appui aux processus d'intégration régionale doit favoriser l'accroissement de la taille des marchés.
- De là enfin, notre soutien à l'action de nos partenaires sur le tissu économique lui même, avec des volets de formation professionnelle, de diffusion de l'information et de structuration d'organisations professionnelles efficaces.
Vous trouverez, dans la documentation qui est remise aujourd'hui, un document intitulé "L'appui au secteur privé - Repères pour nos actions de coopération". C'est un panorama des actions engagées en faveur du développement du secteur privé. Faites moi part rapidement de vos réactions ou remarques, avant sa diffusion sous forme de brochure imprimée.
Sur l'investissement privé, à présent, je fais le constat suivant en partant de l'exemple de la zone franc. Les principaux indicateurs économiques des pays de la Zone sont encore au vert. Les taux de croissance du PIB sont entre 5 et 6 %, et dépassent les taux de croissance démographique. L'objectif de 4 % en 1999 est raisonnable, ce qui placera ces pays dans le peloton de tête des Nations. L'inflation est maîtrisée et les échanges extérieurs sensiblement améliorés par rapport à la période précédente. Un indicateur reste à la traîne, le niveau de l'investissement qui, ramené au PIB, stagne à des niveaux préoccupants pour l'avenir, voisins ou inférieurs à 20 %. Seuls les pays pétroliers émergent sur ce critère d'appréciation.
Tout doit être entrepris pour faire évoluer cette situation. C'est dans ce sens que nous avons travaillé, à l'initiative des ministres de l'Economie et des Finances des pays africains de la Zone franc, pour communiquer en direction de nos entreprises sur l'intérêt d'investir dans cette zone.
Avec le CNPF International, aujourd'hui MEDEF International, nous avons organisé un colloque qui a rassemblé 450 entreprises et nous avons créé une banque de données incomparable sur la Zone franc. C'est le site Internet "Investir en Zone Franc" que je vous invite à consulter (www.izf.net). Là aussi, communiquez moi vos remarques et vos propositions. J'aimerais, d'ailleurs, que nous prenions quelques minutes en fin de réunion pour tirer déjà quelques enseignements de cette manifestation et de l'enquête qui lui a servi de base.
J'en viens enfin au thème du jour : le financement de l'investissement.
L'enquête dont je parlais à l'instant, et ses réponses sur les principaux obstacles à l'investissement en Afrique, place la difficulté de financement en dernière position, après l'insécurité de l'environnement juridique, les coûts de prospection, les difficultés de réalisation d'une étude de faisabilité, l'étroitesse ou l'absence des marchés, le manque d'informations.
Est-ce un faux problème ou un problème marginal pour autant ? Certainement pas. C'est l'opinion d'entreprises françaises qui, pour l'essentiel, n'ont pas de difficulté majeure à accéder à des financements. Il est normal que cette question vienne seulement une fois les autres réglées, celles qui tiennent au fondement de l'investissement. Mais c'est bien de la réponse qui lui sera apportée que dépendra, au bout du compte, la réaction positive de l'offre aux efforts d'assainissement qui ont été réalisés.
Et cela concerne principalement les PME locales, en création ou en développement, qui devraient être les principaux investisseurs dans ces pays, avec ou sans partenaires du Nord. Et, pour ces entreprises-là, toutes les études réalisées en Afrique, toutes les contributions africaines dans les enceintes internationales, placent la question du financement en toute première position.
Notre débat se trouve ainsi au coeur de la problématique de la croissance économique durable et, donc, du développement.
Je ferai trois constats, sur trois sujets pour lesquels je ne note pas de progrès significatifs depuis des années :
1°) Les bailleurs de fonds institutionnels publics, l'AFD et PROPARCO pour la France, financent encore aujourd'hui une grande part de l'investissement productif en Afrique. C'était parfaitement justifié après les indépendances et jusqu'au milieu des années 80, tant que les Etats étaient les acteurs principaux de l'économie. Cette situation est-elle toujours satisfaisante, alors que ces mêmes Etats se sont déjà largement désengagés des activités productives, que le développement du secteur privé et notamment celui des PME est une priorité, que les systèmes bancaires ont été assainis, ou sont en voie de l'être ?
Le relais devrait être pris par les établissements financiers des pays concernés, les bailleurs n'intervenant plus que pour faciliter les transitions.
Nous écouterons avec intérêt les interventions des responsables de deux banques très présentes en Afrique, de longue date pour la Société générale, de date plus récente pour la Bank of Africa. Qu'on ne s'y trompe pas, les difficultés rencontrées par les banques pour financer les investissements des PME sont relativement bien connues, mais il n'est pas inutile de les rappeler et de les hiérarchiser. Notre débat d'aujourd'hui ne consiste pas à faire le procès du secteur bancaire ; il vise à examiner ensemble les voies à emprunter pour faire évoluer la situation. C'est un esprit de co-responsabilité qui doit souffler sur nos travaux.
2°) Deuxième sujet de préoccupation : pour les entreprises qui présentent toutes les garanties requises et peuvent trouver des financements à moyen ou long terme de banques africaines, les taux d'intérêt restent très élevés, par rapport à ceux pratiqués dans les pays développés. Il en est de même des tarifs de l'ensemble des opérations bancaires. Peut-on agir sur ces taux et sur ces coûts pour obtenir une baisse significative ?
3°) Enfin, comment affronter la réalité du secteur informel et de ses besoins de financement ? Par la force des choses, il s'est imposé à tous. Qu'on le veuille ou non, il représente la soupape de sécurité d'un système qui risque toujours l'explosion ; il permet de lutter contre la pauvreté et d'assurer au plus grand nombre, tant bien que mal, la satisfaction de ses besoins irréductibles.
Ce secteur informel là, celui des activités génératrices de revenus, et non celui de la fraude organisée concurrente déloyale des activités légales, nous cherchons à l'accompagner. Ses besoins financiers sont minimes même s'ils sont fréquents et les instruments de la micro-finance - les systèmes financiers décentralisés (SFD) - représentent, je crois, une réponse adaptée. Parmi le grand nombre de ces SFD, certains émergent et se consolident, deviennent rigoureux et professionnels.
J'étais à Brazzaville, il y a quelques jours, et j'ai visité une agence des MUCODEC, mutuelles auxquelles le Crédit mutuel apporte un appui technique. 100 000 comptes, un dépôt moyen de 800 FF et des opérations de 200 F, voilà l'ampleur du dossier qui permet à 100 000 familles de sécuriser leurs avoirs, et aux artisans, de trouver un financement initial pour lancer une activité. La guerre n'a pratiquement pas touché les MUCODEC, j'y vois le signe qu'elles ont trouvé leur place dans la société congolaise. Mais les limites sont vite rencontrées, dès lors que le risque ou l'enjeu des projets à financer sont trop importants.
Quelle peut être l'évolution de tels systèmes, comment pourraient-ils faire des prêts plus importants et de plus longue durée, par exemple du type de ceux anciennement pratiqués par l'AFD, les AIPB ou les FADE (sur financement de la Coopération) et qui ont dû être abandonnés ? Une articulation de ces SFD avec les secteurs bancaires est-elle envisageable, sous quelle forme ?
J'ai demandé à M. Rouchy du Centre national des Caisses d'épargne de bien vouloir nous donner son point de vue sur cette question, essentielle à mes yeux, car il devient évident qu'un échelon intermédiaire est nécessaire, entre le micro-crédit et le financement par le secteur financier classique. C'est le niveau qui doit correspondre à la couverture des besoins de la PME/PMI en Afrique.
- Les grands projets qui présentent toutes les garanties requises - Les investissements étrangers en règle générale - trouveront leur financement auprès des secteurs bancaires ou auprès des financiers institutionnels, - par exemple, à partir de 5 MF pour le groupe de l'AFD.
- Les besoins de financement limités, jusqu'à 10 ou 20 000 FF, peuvent être satisfaits par le biais des SFD, même si ceci demande encore à être consolidé.
- Entre les deux, il est extrêmement difficile pour une PME locale, adossée ou non à une PME du Nord, de trouver un financement local à moyen terme, alors que les besoins se situent le plus souvent dans cette fourchette. Pour moi, il faut, dès lors, agir à la fois par le haut et par le bas. Vaste ambition, mais condition essentielle de la croissance durable. Je souhaite que notre débat d'aujourd'hui fasse avancer notre réflexion commune.
Vous voudrez bien me pardonner cette introduction un peu longue. Je vous propose d'écouter tout de suite MM. Mattei, Derreumaux et Rouchy. Je leur demanderai - en ne suivant pas mon exemple - de tenir leur intervention dans la limite de 10 à 15 minutes, pour nous laisser une bonne heure de débat. Nous terminerons normalement à 18h30 et, une fois n'est pas coutume, un apéritif nous attendra.
Monsieur Mattei, vous avez la parole.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)
Messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir à la 6ème réunion de notre Comité de concertation avec le secteur privé. Je vous remercie d'avoir bousculé vos agendas, tous très chargés, pour l'honorer de votre présence et nous faire bénéficier de vos expériences et de vos réflexions. J'adresse un remerciement tout particulier à M. Derreumaux, président du groupe Bank of Africa, qui a fait le déplacement depuis Cotonou et à M. Rouchy, directeur au Centre national des Caisses d'épargne, sollicité très tardivement.
Vous savez l'importance que j'attache à notre instance de concertation. Le rôle moteur du secteur privé est au coeur des politiques de développement, tant pour la Coopération française, que pour les autres institutions bi et multilatérales. Vos contributions sont précieuses. Elles le seront davantage encore avec l'élargissement de notre champ d'intervention à d'autres pays sur lesquels vous avez, pour la plupart d'entre vous, une grande expérience.
Nos réunions sont l'occasion d'approfondir des sujets d'intérêt commun, qu'intègrent nos programmes de coopération, et de confronter nos points de vue. Je les considère comme des temps forts d'une relation continue, que nous avons peu à peu réussi à approfondir.
A ce propos, je vous rappelle un autre temps fort des semaines à venir. Nous tiendrons la Commission mixte franco-ivoirienne, à Abidjan, les 15 et 16 décembre prochains. Elle sera l'occasion de conclure l'un des premiers accords de partenariat, qui nous engagera mutuellement pour les prochaines années.
L'appui au secteur privé fait partie des priorités que les deux pays ont souhaité mettre en avant. Certains d'entre vous ont déjà participé aux réunions préparatoires du volet "Secteur privé" ; je compte sur vous pour que la réflexion soit riche et que les voies que nous dessinerons servent le développement de la Cote d'Ivoire, en même temps qu'elles renforceront les positions des entreprises françaises.
Le thème dont nous allons débattre aujourd'hui a été décidé lors de notre dernière réunion, c'est "Le financement de l'investissement et le rôle du secteur bancaire dans les pays en développement".
Permettez moi quelques propos liminaires à ce sujet.
Nous avons eu l'occasion, notamment lors de notre dernière réunion sur les futures relations entre l'Union européenne et les pays ACP, de souligner le danger qu'il y aurait à nous focaliser trop exclusivement sur la question du financement des entreprises au détriment d'autres formes d'incitation et d'appui à l'initiative privée. Il faut en effet prendre en compte les différents aspects de l'environnement de l'entreprise et apporter des réponses adaptées à chacun des blocages décelés.
- De là, notre souci d'accompagner les politiques suivies en matière d'amélioration de l'environnement politique et réglementaire de l'entreprise. Je ne reviens pas sur l'intérêt de l'OHADA, d'une réglementation commune des assurances avec la CIMA, des régimes sociaux avec la CIPRES ou d'une harmonisation des politiques fiscales ou douanières.
- Dans le même esprit, l'appui aux processus d'intégration régionale doit favoriser l'accroissement de la taille des marchés.
- De là enfin, notre soutien à l'action de nos partenaires sur le tissu économique lui même, avec des volets de formation professionnelle, de diffusion de l'information et de structuration d'organisations professionnelles efficaces.
Vous trouverez, dans la documentation qui est remise aujourd'hui, un document intitulé "L'appui au secteur privé - Repères pour nos actions de coopération". C'est un panorama des actions engagées en faveur du développement du secteur privé. Faites moi part rapidement de vos réactions ou remarques, avant sa diffusion sous forme de brochure imprimée.
Sur l'investissement privé, à présent, je fais le constat suivant en partant de l'exemple de la zone franc. Les principaux indicateurs économiques des pays de la Zone sont encore au vert. Les taux de croissance du PIB sont entre 5 et 6 %, et dépassent les taux de croissance démographique. L'objectif de 4 % en 1999 est raisonnable, ce qui placera ces pays dans le peloton de tête des Nations. L'inflation est maîtrisée et les échanges extérieurs sensiblement améliorés par rapport à la période précédente. Un indicateur reste à la traîne, le niveau de l'investissement qui, ramené au PIB, stagne à des niveaux préoccupants pour l'avenir, voisins ou inférieurs à 20 %. Seuls les pays pétroliers émergent sur ce critère d'appréciation.
Tout doit être entrepris pour faire évoluer cette situation. C'est dans ce sens que nous avons travaillé, à l'initiative des ministres de l'Economie et des Finances des pays africains de la Zone franc, pour communiquer en direction de nos entreprises sur l'intérêt d'investir dans cette zone.
Avec le CNPF International, aujourd'hui MEDEF International, nous avons organisé un colloque qui a rassemblé 450 entreprises et nous avons créé une banque de données incomparable sur la Zone franc. C'est le site Internet "Investir en Zone Franc" que je vous invite à consulter (www.izf.net). Là aussi, communiquez moi vos remarques et vos propositions. J'aimerais, d'ailleurs, que nous prenions quelques minutes en fin de réunion pour tirer déjà quelques enseignements de cette manifestation et de l'enquête qui lui a servi de base.
J'en viens enfin au thème du jour : le financement de l'investissement.
L'enquête dont je parlais à l'instant, et ses réponses sur les principaux obstacles à l'investissement en Afrique, place la difficulté de financement en dernière position, après l'insécurité de l'environnement juridique, les coûts de prospection, les difficultés de réalisation d'une étude de faisabilité, l'étroitesse ou l'absence des marchés, le manque d'informations.
Est-ce un faux problème ou un problème marginal pour autant ? Certainement pas. C'est l'opinion d'entreprises françaises qui, pour l'essentiel, n'ont pas de difficulté majeure à accéder à des financements. Il est normal que cette question vienne seulement une fois les autres réglées, celles qui tiennent au fondement de l'investissement. Mais c'est bien de la réponse qui lui sera apportée que dépendra, au bout du compte, la réaction positive de l'offre aux efforts d'assainissement qui ont été réalisés.
Et cela concerne principalement les PME locales, en création ou en développement, qui devraient être les principaux investisseurs dans ces pays, avec ou sans partenaires du Nord. Et, pour ces entreprises-là, toutes les études réalisées en Afrique, toutes les contributions africaines dans les enceintes internationales, placent la question du financement en toute première position.
Notre débat se trouve ainsi au coeur de la problématique de la croissance économique durable et, donc, du développement.
Je ferai trois constats, sur trois sujets pour lesquels je ne note pas de progrès significatifs depuis des années :
1°) Les bailleurs de fonds institutionnels publics, l'AFD et PROPARCO pour la France, financent encore aujourd'hui une grande part de l'investissement productif en Afrique. C'était parfaitement justifié après les indépendances et jusqu'au milieu des années 80, tant que les Etats étaient les acteurs principaux de l'économie. Cette situation est-elle toujours satisfaisante, alors que ces mêmes Etats se sont déjà largement désengagés des activités productives, que le développement du secteur privé et notamment celui des PME est une priorité, que les systèmes bancaires ont été assainis, ou sont en voie de l'être ?
Le relais devrait être pris par les établissements financiers des pays concernés, les bailleurs n'intervenant plus que pour faciliter les transitions.
Nous écouterons avec intérêt les interventions des responsables de deux banques très présentes en Afrique, de longue date pour la Société générale, de date plus récente pour la Bank of Africa. Qu'on ne s'y trompe pas, les difficultés rencontrées par les banques pour financer les investissements des PME sont relativement bien connues, mais il n'est pas inutile de les rappeler et de les hiérarchiser. Notre débat d'aujourd'hui ne consiste pas à faire le procès du secteur bancaire ; il vise à examiner ensemble les voies à emprunter pour faire évoluer la situation. C'est un esprit de co-responsabilité qui doit souffler sur nos travaux.
2°) Deuxième sujet de préoccupation : pour les entreprises qui présentent toutes les garanties requises et peuvent trouver des financements à moyen ou long terme de banques africaines, les taux d'intérêt restent très élevés, par rapport à ceux pratiqués dans les pays développés. Il en est de même des tarifs de l'ensemble des opérations bancaires. Peut-on agir sur ces taux et sur ces coûts pour obtenir une baisse significative ?
3°) Enfin, comment affronter la réalité du secteur informel et de ses besoins de financement ? Par la force des choses, il s'est imposé à tous. Qu'on le veuille ou non, il représente la soupape de sécurité d'un système qui risque toujours l'explosion ; il permet de lutter contre la pauvreté et d'assurer au plus grand nombre, tant bien que mal, la satisfaction de ses besoins irréductibles.
Ce secteur informel là, celui des activités génératrices de revenus, et non celui de la fraude organisée concurrente déloyale des activités légales, nous cherchons à l'accompagner. Ses besoins financiers sont minimes même s'ils sont fréquents et les instruments de la micro-finance - les systèmes financiers décentralisés (SFD) - représentent, je crois, une réponse adaptée. Parmi le grand nombre de ces SFD, certains émergent et se consolident, deviennent rigoureux et professionnels.
J'étais à Brazzaville, il y a quelques jours, et j'ai visité une agence des MUCODEC, mutuelles auxquelles le Crédit mutuel apporte un appui technique. 100 000 comptes, un dépôt moyen de 800 FF et des opérations de 200 F, voilà l'ampleur du dossier qui permet à 100 000 familles de sécuriser leurs avoirs, et aux artisans, de trouver un financement initial pour lancer une activité. La guerre n'a pratiquement pas touché les MUCODEC, j'y vois le signe qu'elles ont trouvé leur place dans la société congolaise. Mais les limites sont vite rencontrées, dès lors que le risque ou l'enjeu des projets à financer sont trop importants.
Quelle peut être l'évolution de tels systèmes, comment pourraient-ils faire des prêts plus importants et de plus longue durée, par exemple du type de ceux anciennement pratiqués par l'AFD, les AIPB ou les FADE (sur financement de la Coopération) et qui ont dû être abandonnés ? Une articulation de ces SFD avec les secteurs bancaires est-elle envisageable, sous quelle forme ?
J'ai demandé à M. Rouchy du Centre national des Caisses d'épargne de bien vouloir nous donner son point de vue sur cette question, essentielle à mes yeux, car il devient évident qu'un échelon intermédiaire est nécessaire, entre le micro-crédit et le financement par le secteur financier classique. C'est le niveau qui doit correspondre à la couverture des besoins de la PME/PMI en Afrique.
- Les grands projets qui présentent toutes les garanties requises - Les investissements étrangers en règle générale - trouveront leur financement auprès des secteurs bancaires ou auprès des financiers institutionnels, - par exemple, à partir de 5 MF pour le groupe de l'AFD.
- Les besoins de financement limités, jusqu'à 10 ou 20 000 FF, peuvent être satisfaits par le biais des SFD, même si ceci demande encore à être consolidé.
- Entre les deux, il est extrêmement difficile pour une PME locale, adossée ou non à une PME du Nord, de trouver un financement local à moyen terme, alors que les besoins se situent le plus souvent dans cette fourchette. Pour moi, il faut, dès lors, agir à la fois par le haut et par le bas. Vaste ambition, mais condition essentielle de la croissance durable. Je souhaite que notre débat d'aujourd'hui fasse avancer notre réflexion commune.
Vous voudrez bien me pardonner cette introduction un peu longue. Je vous propose d'écouter tout de suite MM. Mattei, Derreumaux et Rouchy. Je leur demanderai - en ne suivant pas mon exemple - de tenir leur intervention dans la limite de 10 à 15 minutes, pour nous laisser une bonne heure de débat. Nous terminerons normalement à 18h30 et, une fois n'est pas coutume, un apéritif nous attendra.
Monsieur Mattei, vous avez la parole.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)