Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, en réponse à une question sur la décision de la Cour suprême de Côte d'Ivoire éliminant un grand nombre des candidats à l'élection présidentielle, à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2000.

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Circonstance : Décision de la Cour suprême de Côte d'Ivoire d'éliminer 14 des 19 candidats à l'élection présidentielle ivoirienne, le 6 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Députés,
Bien avant la mutinerie de décembre qui a porté au pouvoir le général Robert Gueï, la Côte d'Ivoire retenait l'attention de la France. C'est un grand pays, un des premiers partenaires de la France, la présence de 20.000 de nos ressortissants en témoigne. Mais les difficultés économiques de ce pays retentissaient, comme vous l'avez rappelé, sur l'ensemble de la zone et de la région de l'Afrique de l'Ouest et surtout, le débat politique était alourdi par cette question de l'ivoirité d'autant plus sensible dans un pays qui compte 30% d'étrangers. Nous avions d'ailleurs déjà eu l'occasion d'évoquer cette question dans cet hémicycle.
Au début de cette année, après avoir dit sa volonté de redonner le pouvoir aux civils, le général Gueï a entrepris de réformer la Constitution. Celle-ci a été adoptée par référendum au mois de juillet avec une forte participation et une large majorité. Les dispositions relatives à l'éligibilité des candidats s'en sont trouvées renforcées puisqu'aussi bien, il ne suffit pas d'être de père et de mère ivoiriens, il faut aussi ne pas s'être prévalu d'une autre nationalité pour occuper un emploi public. Il est clair que cette disposition visait particulièrement M. Alassane Ouattara, ancien Premier ministre du président Houphouët Boigny, mais comme tous les partis politiques avaient appelé à voter cette Constitution, nous avons salué ce référendum comme une première étape vers le retour de la Côte d'Ivoire à la démocratie et espéré que la Cour suprême ferait de cette Constitution une application qui n'écarterait aucune sensibilité politique du débat. Contrairement à ce que certains ont voulu entendre, nous n'avons voulu ni écarter ni désigner qui que ce soit comme candidat.
Dans un climat rendu plus lourd à cause des manifestations ou des incidents que vous savez, la Cour suprême a rendu sa décision. Nous la connaissons depuis vendredi soir. Comme vous l'avez rappelé, quatorze des dix-neuf candidats ont été éliminés dont deux plus importants sans doute, le président du RPR, Alassane Ouattara mais aussi tous les candidats se prévalant du PDCI, l'ancien parti au pouvoir qui faisait 63% des suffrages aux élections de 1995 et sans faire insulte aux trois autres candidats de moindre importance, en réalité ne reste en lice que le général Gueï et le président du Front populaire ivoirien, Laurent Gbagbo.
La France et avec elle ses partenaires européens ont d'ores et déjà regretté, je cite : "une décision qui bien que relevant de la responsabilité des instances juridiques ivoiriennes, limite fortement la liberté de choix des électeurs ivoiriens et compromet la crédibilité du scrutin du 22 octobre." Et tout en soulignant l'importance qu'elle attache au caractère libre, ouvert et transparent du processus électoral, l'Union européenne demande que "le retour à la légalité constitutionnelle s'effectue dans le calme et des conditions de régularité incontestables". L'Union européenne a fait savoir qu'elle n'apporterait aucun financement nouveau au processus électoral en cours.
Des incidents violents se sont produits à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris hier matin, en Côte d'Ivoire, la situation est calme, un calme d'ailleurs que tous les dirigeants appellent. Nous souhaitons bien sûr que toutes les dispositions prises rassurent totalement la communauté française de Côte d'Ivoire./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)