Point de presse de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la mise en place de la force de réaction rapide, le développement de la défense européenne et les relations avec l'OTAN, Paris le 13 septembre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Q : (journaliste néerlandais) Quelles sont les étapes à venir pour la défense européenne ? Cela doit-il modifier les relations France-OTAN ?
R : Où en sommes nous dans la mise en place de la force de réaction rapide de l'Union Européenne ?
Grâce au travail fourni par tous les partenaires, tout se déroule selon notre programme. Je souhaite que la réunion qui doit avoir lieu la semaine prochaine avec mes 14 homologues permette d'aboutir à un accord sur la structure générale de cette force. Nous aurons ensuite à étoffer la structure décidée auparavant.
Le comité militaire, qui est l'organe militaire de l'Union Européenne, a d'ailleurs effectué un excellent travail sur ce point. A cela vient s'ajouter le très bon travail fourni par les spécialistes des quinze pays de l'Union.
Tout cela a permis d'instaurer un dialogue avec l'OTAN concernant les forces et les moyens nécessaires à la mise en place de cette force.
Je pense que nous parviendrons à un accord, ce qui constitue un réel succès pour notre programme. Bien sûr, il est trop tôt pour se prononcer sur les contributions que chacun des quinze versera, mais nous avons déjà commencé à en discuter et cette question sera à l'ordre du jour de la réunion qui doit se tenir la semaine prochaine à Ecouen.
Je constate qu'il y a une très forte détermination politique à réussir ce projet. Nous pouvons raisonnablement espérer que la mise en place des bases de cette force européenne de réaction rapide sera l'une des réussites importantes du Sommet de Nice, qui aura lieu à la fin de la présidence française.
Je pense que nous aurons essentiellement deux questions à résoudre :
- d'une part, nous allons nous mettre d'accord sur des besoins ; or, les contributions totales des quinze ne coïncident pas nécessairement avec les capacités nécessaires. Il va donc falloir faire face à ces besoins.
- d'autre part, certains biens et équipements techniques manqueront sans doute. Nous devrons donc nous mettre d'accord avec les pays désirant contribuer un peu plus, ce qui permettra dans un certain délais (peut être deux ans ou un peu plus tard pour certains équipements) de finaliser les capacités nécessaires.
Il faudra donc aboutir à un nouvel accord dans l'avenir qui donnera lieu à de sérieuses négociations entre les quinze de l'Union.
L'un des autres points de ce programme sera de vérifier et évaluer périodiquement la crédibilité et l'interopérabilité des forces fournies par les Quinze. Ainsi, la constitution de la force ne sera pas seulement une contribution potentielle de chacun des quinze pays de l'Union. Les forces impliquées s'entraîneront ensemble, testeront les aptitudes des unes et des autres, ce qui nous permettra de faire appel à elles en toute confiance, dans le cas où les chefs d'Etat et de gouvernement décideraient de les utiliser.
En ce qui concerne les relations entre la France et la structure militaire intégrée de l'OTAN, il n'y a rien de nouveau. Tout ce qui s'est produit depuis le Sommet de Madrid, au cours duquel nous avons abordé ce point et notamment les opérations conduites au Kosovo, a prouvé qu'il n'existait aucune différence pratique et opérationnelle entre la contribution de la France et celle de ses alliés. Il n'y a donc pas de raison de changer notre position.
Q : (journaliste britannique) Jusqu'où va la défense européenne ?
R : L'Union européenne est devenue une entité politique qui joue un rôle très important dans le monde d'aujourd'hui et les commentateurs politiques, qui ont sous-estimé son poids et sa capacité politique, ont commis une erreur. C'est un fait.
Il n'en reste pas moins que l'Alliance souffre de déséquilibres et c'est à raison que nos homologues américains prônent un nouvel équilibre dans les efforts et les contributions entre les membres européens de l'Alliance, les Etats- Unis et le Canada.
Il apparaît que l'entité politique dans laquelle les européens se reconnaissent est l'Union Européenne et non pas seulement dans le groupe quelque peu abstrait des membres européens de l'Alliance. C'est une réalité politique qui s'est reflétée dans un nombre infini d'événements au cours de la dernière décennie.
Les chefs d'Etat et de gouvernement, soutenus par les opinions publiques européennes, sont arrivés à la conclusion qu'ils devaient équiper l'Union d'une capacité militaire crédible. Mais cette capacité ne constituera pas une armée européenne. Elle restera pour des raisons politiques rationnelles, une combinaison de forces armées dirigées chacune par son gouvernement, qui continueront à faire partie des forces armées nationales auxquelles elles appartiennent. Ces forces seront formées ensemble et harmonisées, afin de pouvoir agir ensemble, comme nous l'avons déjà fait avec succès en Bosnie et maintenant au Kosovo.
Les capacités communes européennes de défense ont appris sur le terrain ce qui était attendu d'elles et nous n'avons pas à en avoir honte.
Q : Quel est le futur de la Force européenne de réaction rapide ?
Mon mandat et les tâches qui m'incombent consistent à réaliser le programme actuel.
De nombreuses circonstances historiques au cours des 50 dernières années ont empêché mes prédécesseurs de réussir quoi que ce soit. Notre génération de ministres de la défense a l'opportunité de réussir quelque chose. La seule chose qui nous reste à faire est donc de réussir.
Le but est de réaliser les décisions prises. C'est la première fois que l'on est sur le point d'aboutir.
Q : ( journaliste allemand) Qu'en est-il du risque de dédoublement des structures de l'OTAN ?
R : Le débat de la transparence a déjà eu lieu ; il est acquis que c'est une nécessité entre les deux institutions. L'Union européenne a pris des mesures pour que tout soit transparent entre l'OTAN et l'UE. Le 22 septembre, on vérifiera que tout cela fonctionne correctement.
En ce qui concerne la duplication des structures, les capacités alliées sont essentiellement nationales comme celles dont l'UE va se doter. On sait que la force européenne pourra être mise à disposition de l'OTAN et pourra également agir sans l'OTAN. Le projet politique consiste précisément à avoir le choix. Il faut donc que les européens aient les moyens matériels d'agir, y compris seuls.
Q : (Journaliste italien) Quand on parle d'une force de 50 à 60 000 hommes, est ce que cela comprend les soutiens ? Est ce que la France est intéressée par le projet antimissiles européen de théâtre ? Que se passera-t-il si l'ATF n'est pas livré à temps ?
R : En 2003 les européens devront être capables de déployer une force terrestre de la taille d'un corps d'armée avec, en plus, son soutien naval et aérien. Tout cela est mis en évidence dans le catalogue de forces. Après 2003, il faudra vérifier si le format correspond toujours aux crises dans lesquelles les Européens veulent intervenir. Il sera alors nécessaire de réfléchir à de nouveaux scénarios.
En ce qui concerne le système de protection antimissiles de théâtre ou de zone, la France travaille sur le sujet et les entreprises françaises ne sont pas en retard.
Pour ce qui est de l'ATF, la France a besoin de commencer le renouvellement de sa flotte à partir de 2005.
Q : (journaliste hollandais) Est ce que la force de réaction rapide européenne pourra être mise à la disposition de l'ONU pour des missions de maintien de la paix ?
R : La Force européenne participera aux missions de maintien de la paix en cas de besoin ; c'était prévu dès l'origine par le Conseil d'Helsinki.
Q : (journaliste hollandais) L'Europe agit-elle en fonction des décisions américaines ?
R : Les Européens agissent selon leur appréciation dans les opérations de maintien de la paix. Cependant, il y a des situations où il est préférable et souhaitable que les américains soient présents, comme c'était le cas en Bosnie et au Kosovo.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 octobre 2000)