Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la défense des services publics dans un contexte européen et mondial, Grenoble, le 25 novembre 2000.

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Circonstance : Congrès 2000 du Parti socialiste, à Grenoble, le 25 novembre 2000

Texte intégral

Christian PIERRET.- Chers amis, chers camarades.
Le temps du Congrès est celui du rassemblement autour de la motion majoritaire et de François HOLLANDE, rassemblement enrichi de toutes les idées qui peuvent renforcer notre action collective. Il est aussi celui de l'approfondissement qui doit permettre d'interroger nos convictions, d'anticiper, d'imaginer, pour finalement construire nos prochaines décisions. Pour remporter des élections, il est souvent bon d'avoir pensé avant. C'est ce que nous faisons à ce Congrès.
Or, mes camarades, au cur de notre engagement socialiste se trouve le service public. Avant d'être un ensemble d'institutions ou d'entreprises, il exprime une unité, celle de nos valeurs et celle d'une volonté politique, contre les inégalités, pour la justice sociale.
Au cur du débat socialiste pour l'avenir se trouvera également le service public, car à l'origine de la dynamique politique, que nous voulons victorieuse en 2001 et 2002, devra figurer la nouvelle impulsion que nous devons donner à nos services publics et à leur modernisation.
La question de fond est complexe : comment faire pour que les services publics ne soient pas heurtés par certains aspects d'une construction européenne qui n'exprime pas toujours, au travers des nations qui la composent, la même culture que la nôtre ? Comment faire pour que la notion même de service public ne soit pas hachée menue et démantelée par le tourbillon de la mondialisation sauvage ?
Nous devons répondre à l'abri des pressions du court terme. C'est la clef d'une solution intelligente. Nous avons, en effet, la responsabilité de la durée : inscrire un mouvement de promotion des valeurs de société qu'expriment nos services publics dans le prolongement de l'histoire, celle des valeurs de la gauche, celle des mouvements sociaux. Ce matin, Laurent FABIUS a parlé, à raison, de politique durable. Effectivement, aucune politique ne sera possible sans une vision de long terme, donc durable, du service public, parce que ce combat est véritablement fondateur de notre identité, parce qu'il est le cur de la gauche, la colonne vertébrale aussi de notre politique.
Cette vision de long terme affronte une difficulté, elle perçoit, je crois, de plus en plus, une attente et doit se concentrer fortement sur un objectif.
La difficulté est naturellement la mondialisation, source en elle-même d'inégalités entre les individus qui rencontrent aujourd'hui de nouveaux obstacles à leur insertion. Nous pouvons comprendre, sur les bases de la sociologie contemporaine, que la clé de l'égalité pour le futur sera la notion d'accès, accès au savoir, accès à la formation, accès à la santé, au travail, accès au temps libre. La réponse des socialistes devra notamment être un service public de l'Education renouvelé qui organise l'éducation tout au long de la vie.
Source d'inégalités aussi que cette mondialisation entre territoires. L'opposition entre les mondes urbains et ruraux subsiste. C'est un problème crucial et souvent pesant pour nos élus. La réponse des socialistes devra être une décentralisation poursuivie et approfondie dans l'esprit des propositions de la commission présidée par Pierre MAUROY.
La mondialisation est aussi une source d'inégalités entre les peuples. Il existe plus de lignes téléphoniques à Manhattan que dans toute l'Afrique subsaharienne et nous exportons davantage vers le sud pollution et corruption qu'humanisation et progrès. La réponse des socialistes devra être un investissement réel, une régulation internationale renforcée.
Enfin, elle est source d'inégalités entre les valeurs. Nous sommes désorientés parce que nous ne faisons pas assez de place aux différences, à de nouvelles valeurs issues du mouvement social. La réponse des socialistes doit être de continuer à bâtir une république ouverte, laïque.
Mais cette vision du long terme, c'est aussi une attente, une exigence de solidarité se renforce sans que nous cédions à l'irresponsabilité. Ni croissance facilitée, ni budget austérité : pour avancer, nous devons garder à l'esprit ces limites.
Enfin, quel peut être notre objectif vis-à-vis de ces services publics ?
Je crois qu'il faut avoir le courage pour les renforcer de ne pas hésiter à les faire évoluer. Pour qu'ils restent "public", que leur exigence soit renforcée comme les valeurs dont ils sont porteurs, nous devons savoir les faire évoluer.
La fausse alternative, que nous refusons et continuerons de refuser, c'est privatise et tais-toi, en quelque sorte. Nous avons montré, notamment dans le domaine gouvernemental qui est le mien et sous l'impulsion du Premier Ministre Lionel JOSPIN, qu'il était possible de faire autrement.
En effet, en adaptant le service aux besoins sociaux. C'est le cas pour les tarifs sociaux téléphoniques ou d'électricité (le droit à l'électricité pour tous, désormais inscrit dans la loi). Désormais, nous pouvons le dire, le droit à l'énergie fait partie du combat social des socialistes et tous, nous l'avons largement voulu et inscrit dans les textes.
Adapter en ouvrant pour moderniser. France-Télécom n'est pas moins un service public aujourd'hui qu'hier, mais c'est davantage une entreprise et il n'est pas incompatible d'être service public et une entreprise. Il est même nécessaire de faire converger ces deux notions pour défendre utilement nos valeurs.
Ouvrir, en effet aussi, en se battant pour le développement du service universel à Bruxelles, pour les statuts du personnel, contre la précarité qui affecte encore certains agents dans ces services publics.
Enfin, créer un avenir différent pour nos services publics. Je songe au développement à côté du nucléaire des énergies nouvelles renouvelables. Je songe à l'accès partout, pour tous, au meilleur prix, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Par exemple, encore 7 000 espaces publics numériques dont 1000 dans les bureaux de poste pour former tous les élèves, ce n'est pas rien, à des métiers d'internautes.
Mes chers camarades, je n'aime pas entendre dire que notre Congrès n'a pas d'enjeu. Qui propage cette rumeur farfelue ? Peut-être ceux qui regrettent que nous sachions nous enrichir de nos différences sans élever nos querelles.
Ce Congrès possède un seul enjeu considérable. Il s'agit de nous donner les moyens, intellectuels, humains, politiques, de continuer, d'amplifier , d'approfondir la politique du Gouvernement autour de Lionel JOSPIN pour l'emploi, la croissance et la justice.
Dans quelques semaines, en 2001 et après, l'enjeu est donc tout simplement la victoire de la gauche.
(applaudissements)
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 novembre 2000)