Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les priorités de la présidence française de l'Union européenne dans le domaine social, notamment la lutte contre l'exclusion, le renforcement de la protection sociale et la politique européenne de santé publique, Paris le 24 mai 2000.

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Circonstance : Présentation des priorités de la présidence française dans le domaine social aux parlementaires le 24 mai 2000

Texte intégral

Pierre Moscovici, et moi-même sommes très heureux, à quelques semaines du début de la Présidence française de l'Union européenne, de vous présenter nos priorités dans le domaine social. Vous ne l'ignorez pas, comme le Premier Ministre l'a indiqué, l'Europe sociale sera le fil rouge de toute cette présidence française de l'union Européenne.
Je voudrai au préalable vous dire que le gouvernement est très attaché à l'association des parlementaires à cette Présidence, parlementaires nationaux bien entendu, notamment au travers des délégations pour l'Union européenne, mais aussi députés européens dont le rôle a encore été renforcé par le traité d'Amsterdam.
Ce dialogue avec les parlementaires sur les enjeux et orientations des 6 mois de Présidence française est pour nous une composante indispensable pour donner à nos choix le sens et la densité politique que nos concitoyens et nos partenaires en attendent.
En effet, se noue dans la qualité de cette relation entre l'exécutif et le législateur, une condition essentielle de l'appropriation par les citoyens de la construction européenne. Plus ce dialogue sera riche, plus nos choix seront transparents, audibles et donc compris des français.
Cette Présidence doit donc être mise à profit pour expliquer à nos concitoyens nos choix européens et davantage éclairer l'avenir. Rien ne serait plus contre productif, qu'un évènement aussi important passe inaperçu à leurs yeux. Parmi les ambitions de cette Présidence, il y a donc aussi l'ambition d'une pédagogie nouvelle de la construction européenne.
Celle ci est nécessaire car si l'on regarde quelques instants en arrière, on peut mesurer qu'en matière sociale particulièrement, le bilan et les acquis de la construction européenne sont méconnus.
J'entends souvent dire que l'Europe sociale n'avance pas voire même qu'elle n'existe pas !
Dire cela c'est d'abord oublier le socle de normes sociales minimales patiemment édifié depuis deux décennies, notamment en matière de santé et sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail.
Dire cela c'est ignorer l'ampleur du chemin parcouru depuis 3 ans ! Il n'est qu'à regarder les résultats du dernier conseil européen à Lisbonne. Même si elles sont encore imparfaites, car le fruit d'un compromis à 15, les conclusions de chefs d'Etat et de Gouvernement adoptées à Lisbonne auraient été impensables il y a quelques années à un moment où toutes les énergies étaient tournées vers les réformes économiques et le marché unique. Aujourd'hui on parle de stratégie économique et sociale globale pour l'Europe. On ne dissocie plus l'économique du social. On avance dans une approche moderne qui articule recherche de la performance économique et l'organisation de la solidarité et de la justice sociale. L'Europe ne sera pas demain économiquement plus forte, si elle n'est pas socialement plus juste. L'idée progresse selon laquelle une économie plus solidaire est aussi une économie plus performante. C'est un progrès considérable.
Je peux vous assurer qu'en 3 ans, L'Europe sociale a davantage progressé qu'en 20 ans, notamment dans le domaine de l'emploi, grâce au virage déterminant dans la construction de l'Europe, opéré à la demande du Gouvernement de Lionel Jospin dés le sommet de Luxembourg.
Le processus initié à Luxembourg est un acquis important. Il cherche à appliquer le même " stress de convergence " dans la lutte contre le chômage que dans la réalisation de la monnaie unique. Nous sommes passés des coutumiers vux pieu et déclarations d'intentions en matières d'emploi et d'objectifs sociaux à des réalisations tangibles et concrètes, comme le dit le Premier ministre luxembourgeois, J.Cl Juncker.
La mise en uvre des plans nationaux d'action pour l'emploi à partir des lignes directrices élaborées en commun est notamment à l'origine de la mise en uvre du programme nouveau départ dans notre pays. Je vous rappelle que ce dispositif a permis l'accueil de plus de 1 200 000 chômeurs en France. L'Europe sociale et de l'emploi est donc déjà en marche.
Dans quelques semaines, nous allons donc prendre le relais de nos amis portugais.
La présidence française sera l'occasion de donner à la consolidation du modèle social européen, un rayonnement supplémentaire.
Trois axes principaux vertèbrent cette ambition.
Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité
Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire
Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, doter l'Union européenne d'un agenda social qui guidera la politique sociale européenne de l'Union dans les 5 années à partir du Conseil européen de Nice.
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité.
Après une longue période de chômage massif, l'objectif du plein emploi redevient aujourd'hui accessible. Cet objectif a été rappelé lors du sommet de Lisbonne. Nous y ajoutons en France comme pour l'Europe une exigence supplémentaire. L'avènement de la société de l'information et de la connaissance auquel nous assistons, crée une phase transitoire dans laquelle ce retour au plein emploi peut s'accompagner d'une augmentation de la précarité et du renforcement pour les plus défavorisés de l'exclusion sociale.
Ce risque existe. Il faut aussi nous en prémunir. C'est pourquoi la présidence Française insistera sur l'équilibre à trouver entre la recherche d'une croissance durable, l'amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et le renforcement de la cohésion sociale.
La stratégie européenne pour l'emploi
Vous savez qu'il revient à la Présidence française, en tant que Présidence de second semestre, de faire adopter ce qu'on appelle dans le jargon communautaire " le paquet emploi " ou " paquet d'automne ", constitué de trois éléments :
- les lignes directrices pour l'emploi pour 2001,
- l'évaluation des plans nationaux d'action pour l'emploi (PNAE) 2000,
- les recommandations aux Etats membres sur leurs politiques de l'emploi.
Notre objectif est de poursuivre et de dynamiser cette stratégie européenne pour l'emploi.
Pour ce paquet, et sur la base des propositions que la Commission européenne nous fera, nous souhaitons privilégier trois axes :
- mieux évaluer les politiques de l'emploi et développer les échanges de bonnes pratiques,
- enrichir les lignes directrices, notamment par de nouveaux objectifs quantifiés et vérifiables,
- renforcer le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises.
1 - mieux évaluer les politiques de l'emploi et développer les échanges de bonnes pratiques.
La présidence française se situe à un moment particulier du processus de Luxembourg, celui de l'évaluation à mi-parcours. Le bilan d'étape effectué à cette occasion contribuera à la réalisation des objectifs définis au sommet de Lisbonne, d'un taux d'emploi global proche de 70 % d'ici 2010 (contre 61 % actuellement) et d'un taux d'activité féminin supérieur de 60 % à cette même date (contre 51 % actuellement).
Les bonnes pratiques des Etats membres en matière de lutte contre le chômage peuvent davantage être valorisées et l'étude de leur transfert d'un pays à l'autre doit être approfondie. Ce thème sera d'ailleurs l'objet d'un colloque de la Présidence.
2 - Deuxième orientation pour ce paquet emploi : enrichir les lignes directrices, notamment par de nouveaux objectifs vérifiables et quantifiés en résultats et en moyens. Cela suppose en premier de mieux harmoniser nos définitions, notamment de l'emploi, et de rapprocher les données et les indicateurs clés du marché du travail. Cette étape est déterminante pour disposer d'outils de comparaison fiables.
Les lignes directrices pourront également être enrichies par les thèmes issus des conclusions de Lisbonne et des amendements du Parlement européen dont nous n'avions pas pu suffisamment tenir compte l'an passé compte tenu d'un calendrier serré. Je pense aux emplois dans les services, à l'égalité entre les hommes et les femmes, aux nouvelles technologies, aux stratégies locales de l'emploi (ce dernier aspect fera l'objet d'un colloque de la Présidence).
3 - Troisième orientation pour ce paquet : renforcer le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des entreprises et de leurs travailleurs face aux changements économiques et technologiques.
Le modèle social européen est confronté à un ensemble de défis : le vieillissement démographique, les bouleversements technologiques, l'évolution vers l'économie de l'information et enfin les nouvelles formes d'organisation du travail. La lutte contre le chômage ne doit pas se faire au prix d'un effondrement des piliers du modèle social européen. Parmi ceux ci les droits des salariés dans l'entreprise constituent pour nous, un acquis à enrichir et à adapter aux souplesses nouvelles générées dans l'organisation du travail par l'adaptation des entreprises aux évolutions de notre économie. Ce thème a été approfondi par plusieurs rapports d'experts (Supiot, Gyllenhamar) et constitue une priorité de la Commission européenne.
Nous voulons en effet avancer dans la lutte contre le chômage en faisant en sorte que les salariés soient non seulement formés pour répondre aux besoins immédiats des entreprises mais aussi bénéficient d'une véritable formation tout au long de la vie. Cette importance de l'investissement dans les ressources humaines a d'ailleurs été rappelée à Lisbonne et fera l'objet d'un colloque de la Présidence.
Par ailleurs, le rôle des partenaires sociaux dans l'élaboration et la mise en uvre de ce IIIème pilier est essentiel et doit être encore renforcé.
- La Directive information consultation et les autres textes en matière de droit du travail).
Cette conquête de la qualité des emplois ne s'arrête pas là.
La Présidence française a en effet décidé de mettre à l'ordre du jour du Conseil Emploi et Politique sociale la négociation de la directive sur l'information et la consultation des travailleurs au niveau national, directive éminemment symbolique que la Commission européenne avait proposé suite à l'affaire "Renault-Vilvoorde", après avoir constaté l'échec des négociations entre partenaires sociaux.
Le cas échéant et si la Présidence portugaise échoue sur ce thème, nous poursuivrons les efforts entrepris pour définir les modalités d'implication des travailleurs dans le cadre de la " société européenne ".
Enfin, toujours dans le domaine de la santé et sécurité au travail, je m'efforcerai de faire avancer plusieurs textes notamment les directives protégeant les travailleurs contre les risques des travaux en hauteur.
Voilà l'ordre du jour chargé de notre Présidence dans le domaine du travail et de l'emploi, et dont le fil conducteur sera d'améliorer la qualité des emplois.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Notre deuxième ambition est de progresser dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Je l'ai déjà dit, je suis convaincue qu'une économie plus solidaire est une économie plus performante. Je ne crois guère qu 'il y ait en Europe de progrès économique possible s'il ne s'accompagne pas de progrès sociaux déterminants.
La Commissaire européenne chargée de l'emploi et des affaires sociales, Mme Anna Diamantopoulou, et ma collègue belge, Laurette Onkelinx, ne disent pas autre chose quand elles évoquent les trois faces du triangle qui caractérisent la politique économique et sociale de l'Europe : croissance économique, emploi, cohésion sociale. La perspective du plein emploi doit profiter à tous c'est pourquoi le renforcement de la cohésion sociale est un objectif fondamental. Les périodes de croissance économique font naturellement naître et croître l'impatience de ceux qui sont sur le bord du chemin. Rien ne serait pire qu'une société dont la richesse globale augmente sans que les inégalités ne se résorbent. Il faut plus de justice sociale et plus de solidarité en Europe.
Les outils de la prospérité sont là, ne soyons pas économes dans notre engagement et notre détermination pour doter l'Europe d'outils comparables de solidarité.
Cette ambition d'une Europe plus solidaire recouvre plusieurs thèmes prioritaires que nous traiterons sous notre Présidence :
1 - la lutte contre l'exclusion,
2 - la lutte contre toutes les formes de discriminations,
3 - le renforcement de la protection sociale,
4 - le renforcement de la politique européenne de santé publique.
1 - La lutte contre l'exclusion
La lutte contre l'exclusion sociale doit être une nouvelle dimension de la construction européenne.
A l'heure où la croissance est durable, la perspective du plein emploi prochaine, il nous faut offrir un avenir à tous. La lutte contre l'exclusion est une priorité.
Précisément, la mise en uvre du traité d'Amsterdam ouvre des perspectives importantes en matière d'exclusion.
Surtout, le Conseil européen de Lisbonne a fait de la lutte contre l'exclusion sociale avec l'investissement dans les ressources humaines l'un des deux éléments centraux de la modernisation du modèle social européen.
Conformément à ces conclusions, la Présidence française s'efforcera de faire adopter par le Conseil des objectifs appropriés qui serviront de base à des plans nationaux d'action afin de donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté, dans une perspective comparable à celle de Luxembourg.
Il me semble extrêmement important que tous les acteurs concernés puissent s'exprimer sur ce sujet : parlementaires, partenaires sociaux et associations de lutte contre l'exclusion. C'est pourquoi j'ai décidé de consacrer une partie du Conseil informel Emploi et Politique sociale de Paris du 8 juillet à ce sujet, en présence de ces différents acteurs.
Parmi ces objectifs communs de lutte contre l'exclusion, je mettrai tout particulièrement l'accent sur l'accès aux soins des plus démunis, notamment à l'occasion d'un colloque de la Présidence.
2 - La lutte contre toutes les formes de discrimination
Le Traité d'Amsterdam pose le principe de l'égalité de traitement et de l'absence de discrimination en raison du sexe, de la race ou de l'origine ethnique, de la religion ou des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle.
La Commission a proposé au début de l'année 2000 un ensemble de textes qui mettent en uvre cette nouvelle compétence :
- une directive portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail,
- une directive relative à la mise en uvre du principe de l'égalité entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique,
- un programme d'action communautaire sur 5 ans.
Il s'agit d'un ensemble cohérent qui devrait permettre de doter l'Union d'un socle garantissant l'application de ces principes fondamentaux pour la démocratie dans l'ensemble des Etats membres.
Ceci revêt d'autant plus d'importance et de signification que l'actualité récente nous montre que la menace de l'extrême droite en Europe demeure, et que peu d'Etats sont épargnés.
La Présidence française, dans la continuité des efforts entrepris par la Présidence portugaise, recherchera l'adoption rapide des différents éléments de cet ensemble, en tenant compte de l'avis du Parlement européen.
En matière d'égalité entre les hommes et les femmes, la législation européenne déjà ancienne a permis déjà des avancées importantes.
Mais elle doit être réactualisée. Ceci passe par exemple par l'adoption d'un cinquième programme d'action communautaire ou par la révision de la directive sur l'égalité de traitement en matière professionnelle, réflexion qui sera prolongée par un colloque de la Présidence.
Surtout, des progrès importants restent à accomplir pour assurer une égalité de fait entre hommes et femmes. Celle-ci suppose des évolutions significatives dans l'organisation sociale, notamment pour ce qui concerne :
- la place des femmes dans le processus de décision
- les conditions d'articulation entre vie professionnelle et vie familiale
Ces deux sujets seront à l'ordre du jour de la réunion des ministres en charge de l'égalité entre les hommes et les femmes le 24 novembre à Paris qui sera présidée par Nicole Péry.
La Présidence française s'attachera à promouvoir des méthodes d'action adaptées pour :
- connaître, suivre et analyser les évolutions à travers l'élaboration d'indicateurs,
- intégrer l'égalité entre les hommes et les femmes comme objectif de toutes les politiques communes de l'Union ce que l'on appelle dans le jargon communautaire là encore " mainstraming " ou " approche méthodologique intégrée ".
3 - Faire de la protection sociale un élément de cohésion sociale
Le Conseil européen de Lisbonne a repris les quatre axes retenus par le Conseil en novembre dernier en matière de coopération pour moderniser la protection sociale :
- rendre le travail plus avantageux et fournir un revenu sûr,
- garantir des retraites sûres et des régimes de retraite viables,
- promouvoir l'intégration sociale,
- garantir un niveau élevé et durable de protection de la santé.
Dans ces domaines où la subsidiarité joue à plein, il ne s'agit pas de faire converger les systèmes ou d'appliquer la méthode des lignes directrices de Luxembourg mais de progresser dans l'échange d'expériences sur des sujets qui sont des défis communs, avec l'objectif d'assurer à nos concitoyens un haut niveau de protection sociale, garante de la cohésion sociale et élément de performance globale.
Le Conseil européen a demandé au groupe de hauts fonctionnaires en charge de la protection sociale de travailler sur les quatre axes que je viens de citer mais avec un accent particulier mis sur l'évolution de la protection sociale et notamment sur la viabilité des régimes de retraites. Un premier rapport doit être présenté au Conseil européen de Nice.
4 - Renforcer la politique européenne de santé publique
J'achèverai cette partie consacrée à nos actions en faveur d'une Europe plus solidaire par nos priorités en matière de santé. Le Conseil Santé, distinct du Conseil Emploi et Politique sociale, sera présidé par Dominique Gillot.
Comme vous le savez, le traité d'Amsterdam a défini un objectif : un niveau élevé de protection de la santé humaine et une méthode, la prise en compte de cet objectif dans toutes les actions de la communauté.
Le nouveau programme cadre de santé publique constituera l'instrument privilégié pour mettre en uvre ces nouvelles orientations. Une attention particulière sera accordée à l'observation de la santé et aux possibilités de surveillance et de contrôle des maladies, notamment pour les maladies transmissibles.
Dans le prolongement des Présidences précédentes, nous nous attacherons particulièrement aux déterminants de la santé tels que le tabac, l'alcool et la nutrition.
En écho à nos préoccupations nationales, notre Présidence pourra également être l'occasion d'avancer substantiellement sur l'harmonisation des règles concernant la fabrication, la présentation et la vente de tabac.
Il y aura encore beaucoup de textes à l'ordre du jour du Conseil santé et je ne peux pas tous les passer en revue. Je voudrais insister sur un dernier point. Le Premier ministre a souhaité en effet que le deuxième axe de notre présidence soit une Europe plus proche des citoyens avec comme premières priorités la santé publique et la protection des consommateurs. La sécurité sanitaire et alimentaire constitue aujourd'hui sans aucun doute une attente forte des citoyens européens.
Nous avancerons sur la création d'une autorité alimentaire européenne indépendante proposée par la Commission européenne dans son livre blanc sur la sécurité des aliments. Le principe de précaution devrait être un déterminant essentiel de l'action des institutions communautaires.
J'en ai terminé avec la longue et pourtant incomplète description de l'ordre du jour des Conseils Emploi et Politique sociale et Santé sous Présidence française.
Certains travaux du Conseil Emploi et Politique Sociale, je pense à l'emploi et à l'exclusion sociale, seront transmis aux chefs d'Etat et de Gouvernement pour adoption au Conseil européen de Nice en décembre.
J'en viens à présent à l'exercice dont le Gouvernement a fait sa première priorité : l'agenda social européen.
III - Doter l'Union européenne d'un agenda social européen
Tous les thèmes que j'ai énumérés jusqu'ici -protection sociale, emploi, lutte contre l'exclusion et les discriminations, droit du travail, santé- sont autant de sujets qu'il faut retrouver dans un agenda social européen ambitieux articulé autour des deux axes forts d'une Europe tournée vers le plein emploi et d'une Europe plus solidaire.
Dans le prolongement des décisions prises au Conseil extraordinaire de Lisbonne, la future Présidence française s'emploiera à l'élaboration d'un agenda social européen qui devrait être adopté en décembre 2000 au Conseil de Nice.
A cette fin, elle engagera, sur la base d'une communication de la Commission européenne disponible en juin prochain, une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, Parlement européen, partenaires sociaux et représentants de la société civile, afin de définir, dans le respect de l'autonomie et des responsabilités de chacun, mais de façon coordonnée et cohérente, les objectifs communs, la méthode et le calendrier de la politique sociale européenne des années à venir.
Selon nous, cela doit permettre :
- Une conceptualisation du modèle social européen,
- Un programme de travail concret, assorti d'échéances,
- Une implication de tous les acteurs concernés,
- Une visibilité accrue de l'Europe sociale.
1 - Une conceptualisation du modèle social européen
Lisbonne a jeté les bases de cette vision politique, particulièrement dans le domaine économique, Nice doit pouvoir prolonger cette réflexion dans le domaine social, afin que l'année 2000 constitue un tournant décisif.
2 - Un programme de travail concret, assorti d'échéances précises et qui donne de la cohérence à l'ensemble des politiques menées par l'Union européenne dans le domaine social. Il est indispensable de s'inscrire dans la durée, le moyen terme, et nous avons donc choisi une perspective à 5 ans.
L'expérience de la monnaie unique et du marché unique, mais aussi de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice montrent en effet que l'Europe franchit des étapes décisives quand elle privilégie une approche programmatique qui tire tout le monde vers le haut et donne du souffle aux initiatives.
3 - Une implication de tous les acteurs concernés
Nous devons absolument mobiliser les énergies de tous, construire une vision partagée des actions à mener ensemble dans les 5 ans à venir. La Présidence française privilégiera donc une approche partenariale pour l'élaboration et l'adoption de l'agenda social, en associant tous les acteurs concernés : gouvernements, Commissions, Parlement européen, partenaires sociaux, Comité économique et social, associations
Il s'agit aussi de tirer pleinement parti de ce qu'on appelle la double subsidiarité, entre l'Union européenne et ses Etats membres, entre les institutions européennes et les partenaires sociaux.
A cette pluralité des acteurs correspond également une pluralité des méthodes pour agir ensemble : harmonisation, normes minimales, coordination, convergence, méthode de coopération ouverte. Cette dernière, inspirée du processus de Luxembourg a été consacrée par le Conseil européen de Lisbonne. Mais celle-ci n'exclut pas l'utilisation d'autres instruments communautaires, le cas échéant plus contraignants. En tout état de cause, ces différentes méthodes se combineront selon les thèmes.
4 - Une visibilité accrue de l'Europe sociale
Je l'ai dit en introduction, une Présidence est aussi l'occasion d'expliquer à nos concitoyens ce que peut leur apporter l'Europe et comment fonctionne l'Europe. L'agenda social répond à cette préoccupation pédagogique d'abord en donnant plus de visibilité à l'Europe sociale dont on critique trop facilement la faiblesse en grande partie par méconnaissance de ses réalisations concrètes et ensuite en faisant progresser l'Europe sociale, élément décisif pour que nos concitoyens adhèrent au projet européen.
Mesdames et Messieurs,
Je n'ai pas pu mentionner l'ensemble des points à l'ordre du jour du Conseil Emploi et politique sociale que je présiderai mais qui constituent tout autant le travail quotidien d'une Présidence et je n'ai pas parlé non plus de sujets "sociaux" traités dans d'autres formations du Conseil, qui revêtent également une grande importance.
Je pense bien sûr au volet économique et social de la charte européenne des droits fondamentaux et à l'intégration des ressortissants des pays tiers traités au Conseil Justice Affaires Intérieures, ou à l'économie sociale traitée dans le cadre du Conseil Marché Intérieur, Protection des consommateurs.
Pour conclure,
Nous voulons qu'il reste de cette présidence française une empreinte forte. Une empreinte qui permettra de changer le visage de l'Europe en la dotant des arguments et des outils pour mieux concilier l'économique et le social.
Notre programme est ambitieux. A quoi bon sinon gouverner ? Soyez en sûrs, le volontarisme politique dont on crédite le gouvernement de Lionel Jospin en matière d'emploi et de politique économique et sociale n'a pas selon nous vocation à s'épanouir exclusivement à l'intérieur des frontières de l'hexagone. Nous voulons contribuer pleinement à réorienter la construction européenne en faveur d'une Europe sociale plus forte.
La réussite d'un tel programme nécessite la mobilisation de tous. Je sais pouvoir compter sur la vôtre.
Je vous remercie de votre attention et je passe la parole à Pierre Moscovici avant d'écouter vos réactions.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 19 juin 2000)