Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Cette cérémonie, amicale et traditionnelle, offre l'occasion de faire rapidement le point sur nos espoirs communs, sur nos préoccupations communes, mais aussi sur nos rôles respectifs sur lesquels, après tout, il n'est pas abusif de s'arrêter un instant au moins une fois l'an.
Mais avant d'y venir permettez-moi de commencer par évoquer un nom, celui de votre confrère Jean Louis Calderon.
Sa disparition tragique nous a tous frappés. D'abord parce qu'il était jeune, plein de vie et de talent. Ensuite parce qu'elle a rappelé brutalement à tous, les dangers que comporte le métier d'informer quand on l'exerce comme il le faisait, avec courage, avec passion et sans tricherie.
Conquérir la liberté n'est jamais sans danger. Témoigner de cette conquête, et par là-même y contribuer, comporte aussi bien des périls. Il s'est moins agi à Bucarest de la liberté de la presse que de la presse de la liberté. Elle comporte des martyrs et Jean Louis Calderon fut l'un d'eux.
J'ai déjà, naturellement, adressé à sa femme, à ses enfants, les condoléances émues du gouvernement. Vous comprendrez que j'aie tenu à les répéter ici, de vive voix, à la rédaction de la 5 et, au-delà, à l'ensemble de la profession.
L'année dernière, j'avais achevé les voeux que je vous adressais en pronostiquant que nous allions passer ensemble une année formidable.
Elle l'a été au-delà de tous mes espoirs, et sans doute également des vôtres.
Le glacis soviétique n'est plus un glacis. Le bloc de l'Est n'est plus un bloc. Et 1989 restera dans l'histoire de l'Europe comme l'année de la liberté surgie comme un raz de marée et déferlant dans la violence en Roumanie mais dans l'enthousiasme partout.
Plus rien, désormais ne sera comme avant. C'est déjà devenu un lieu commun, mais de cette affirmation simple nul n'est en mesure de déduire clairement de quoi demain sera fait.
Et c'est justement cela qui nous met à l'abri des routines. Le rideau de fer autorisait un certain confort intellectuel, justifiait des habitudes diplomatiques et chacun vaquait à ses affaires de son côté en jugeant cette situation acquise et pour longtemps.
Nous voici désormais engagés dans un processus de recomposition du paysage européen qui exige de nous tous attention, imagination et action.
Nous devons faire preuve d'attention parce que tout ce qui est instable peut recéler des dangers.
Nous devons faire preuve d'imagination pour concevoir ce que seront les équilibres de demain dont le pivot devra être celui de la démocratie.
Et nous devons toujours être en action pour promouvoir cet idéal. Cela signifie non seulement qu'il nous faut tisser des liens économiques plus étroits avec l'Est, mais qu'il nous faut également exporter notre savoir faire démocratique. A cela nous travaillons. A cela je sais que beaucoup de journalistes travaillent aussi et c'est très bien, à condition du moins de penser également à d'autres parties du monde qui ont grand besoin de notre expérience.
Bref, le champ extérieur qui nous est ouvert pour 1990 est vaste et exaltant.
Par contraste la politique intérieure semble plate, atone. Elle pourrait justifier le pronostic que je vous avais fait en prenant mes fonctions, voilà demain vingt mois, lorsque je promettais l'ennui à ceux d'entre vous qui appartiennent aux services politiques.
J'ai plutôt, quant à moi, le sentiment d'une mutation, d'une transition.
Après dix ans de politique surenvahissante, nous avons assisté à un reflux. Les hommes politiques y ont contribué en changeant quelque peu de discours. On écoute un peu plus les autres et les polémiques flamboyantes, souvent d'autant plus vives qu'un peu artificielles, ont au moins provisoirement disparu.
Le résultat le plus tangible en est la fonte des sujets politiciens dans tous les organes de presse. Mais comme les journaux ont une saine horreur du vide, la place laissée libre est de plus en plus souvent occupée par des articles de fond, des reportages inattendus, des enquêtes approfondies.
Je crois que tous, lecteurs, acteurs, informateurs, nous avons gagné au change.
Mais ce mouvement que je vois se dessiner est encore trop récent pour que tout le monde en ait pris conscience, et c'est pourquoi je parlais de transition.
Je pense qu'en persévérant dans cette voie nous nourrirons le débat bien plus que nous ne le supprimerons. Nous clarifierons les enjeux plutôt que de les caricaturer. Et nous pourrons donc dégager de vraies perspectives plutôt que de gloser sur des slogans désuets.
Dans ce cadre le combat politicien gardera une place et c'est bien normal. Il l'occupera pleinement mais n'occupera qu'elle et c'est très bien ainsi.
Encore faut-il que la presse, qu'elle soit télévisée, parlée ou écrite, soit en mesure de poursuivre sa tâche.
Le Président Badel y a fait allusion à juste titre.
Vous savez ce que le gouvernement essaie de faire pour venir en aide à l'ACP. Vous avez par ailleurs subi aux NMPP un conflit douloureux qui vous donne la mesure des difficultés auxquelles se heurte toute entreprise de modernisation. Des difficultés de ce genre, nous en affrontons chaque jour dans nos efforts de transformation de l'administration et de renouveau du service public.
Je terminerai d'un mot sur les nominations dans les services publics audiovisuels auxquelles vous avez fait allusion : le seul moyen connu de faire juger une nomination pour apolitique, c'est de nommer un proche de l'opposition ! Vous admettrez avec moi que ce moyen là a ses limites : avoir une sensibilité de gauche n'est pas une preuve d'incompétence ou de servilité. Avoir une sensibilité de droite n'est pas une preuve d'indépendance ou d'efficacité. Nous pourrions tous songer à des noms ... pour le passé bien sûr !
Une chose compte avant tout : je ne sache pas qu'un seul d'entre vous, où qu'il travaille et sur quelque sujet que ce soit, ait jamais fait l'objet dans les vingt derniers mois de la moindre pression, si minime ou discrète soit-elle, de notre part.
Nous avons assez d'estime réciproque pour ne pas cacher un désaccord occasionnel avec tel ou tel journaliste.
Mais nous avons trop de respect pour votre liberté, pour vous tous - et permettez-moi d'ajouter que nous avons assez le respect de nous-mêmes - pour ne jamais risquer d'entraver votre travail.
Notre politique parle pour nous. A nous donc de la rendre éloquente, convaincante.
Plus s'affrontent les systèmes d'oppression, plus doit être exemplaire l'usage que nous faisons de notre liberté.
Puisse 1990 nous permettre de concrétiser les espoirs que 1989 a fait naître. L'année sera riche, elle sera agitée.
Nous ferons tout notre possible pour qu'elle poursuive et approfondisse les réformes engagées, moins spectaculaires que fondamentales.
Vous serez juges de toutes, vous serez partie dans certaines si vous les pensez utiles.
Cette nouvelle décennie s'ouvre sous de meilleurs auspices que celle qui s'achève. A nous de savoir en tirer parti pour le profit de la France et des Français.
Bonne année, et tant qu'à faire, bonne décennie à tous.
Cette cérémonie, amicale et traditionnelle, offre l'occasion de faire rapidement le point sur nos espoirs communs, sur nos préoccupations communes, mais aussi sur nos rôles respectifs sur lesquels, après tout, il n'est pas abusif de s'arrêter un instant au moins une fois l'an.
Mais avant d'y venir permettez-moi de commencer par évoquer un nom, celui de votre confrère Jean Louis Calderon.
Sa disparition tragique nous a tous frappés. D'abord parce qu'il était jeune, plein de vie et de talent. Ensuite parce qu'elle a rappelé brutalement à tous, les dangers que comporte le métier d'informer quand on l'exerce comme il le faisait, avec courage, avec passion et sans tricherie.
Conquérir la liberté n'est jamais sans danger. Témoigner de cette conquête, et par là-même y contribuer, comporte aussi bien des périls. Il s'est moins agi à Bucarest de la liberté de la presse que de la presse de la liberté. Elle comporte des martyrs et Jean Louis Calderon fut l'un d'eux.
J'ai déjà, naturellement, adressé à sa femme, à ses enfants, les condoléances émues du gouvernement. Vous comprendrez que j'aie tenu à les répéter ici, de vive voix, à la rédaction de la 5 et, au-delà, à l'ensemble de la profession.
L'année dernière, j'avais achevé les voeux que je vous adressais en pronostiquant que nous allions passer ensemble une année formidable.
Elle l'a été au-delà de tous mes espoirs, et sans doute également des vôtres.
Le glacis soviétique n'est plus un glacis. Le bloc de l'Est n'est plus un bloc. Et 1989 restera dans l'histoire de l'Europe comme l'année de la liberté surgie comme un raz de marée et déferlant dans la violence en Roumanie mais dans l'enthousiasme partout.
Plus rien, désormais ne sera comme avant. C'est déjà devenu un lieu commun, mais de cette affirmation simple nul n'est en mesure de déduire clairement de quoi demain sera fait.
Et c'est justement cela qui nous met à l'abri des routines. Le rideau de fer autorisait un certain confort intellectuel, justifiait des habitudes diplomatiques et chacun vaquait à ses affaires de son côté en jugeant cette situation acquise et pour longtemps.
Nous voici désormais engagés dans un processus de recomposition du paysage européen qui exige de nous tous attention, imagination et action.
Nous devons faire preuve d'attention parce que tout ce qui est instable peut recéler des dangers.
Nous devons faire preuve d'imagination pour concevoir ce que seront les équilibres de demain dont le pivot devra être celui de la démocratie.
Et nous devons toujours être en action pour promouvoir cet idéal. Cela signifie non seulement qu'il nous faut tisser des liens économiques plus étroits avec l'Est, mais qu'il nous faut également exporter notre savoir faire démocratique. A cela nous travaillons. A cela je sais que beaucoup de journalistes travaillent aussi et c'est très bien, à condition du moins de penser également à d'autres parties du monde qui ont grand besoin de notre expérience.
Bref, le champ extérieur qui nous est ouvert pour 1990 est vaste et exaltant.
Par contraste la politique intérieure semble plate, atone. Elle pourrait justifier le pronostic que je vous avais fait en prenant mes fonctions, voilà demain vingt mois, lorsque je promettais l'ennui à ceux d'entre vous qui appartiennent aux services politiques.
J'ai plutôt, quant à moi, le sentiment d'une mutation, d'une transition.
Après dix ans de politique surenvahissante, nous avons assisté à un reflux. Les hommes politiques y ont contribué en changeant quelque peu de discours. On écoute un peu plus les autres et les polémiques flamboyantes, souvent d'autant plus vives qu'un peu artificielles, ont au moins provisoirement disparu.
Le résultat le plus tangible en est la fonte des sujets politiciens dans tous les organes de presse. Mais comme les journaux ont une saine horreur du vide, la place laissée libre est de plus en plus souvent occupée par des articles de fond, des reportages inattendus, des enquêtes approfondies.
Je crois que tous, lecteurs, acteurs, informateurs, nous avons gagné au change.
Mais ce mouvement que je vois se dessiner est encore trop récent pour que tout le monde en ait pris conscience, et c'est pourquoi je parlais de transition.
Je pense qu'en persévérant dans cette voie nous nourrirons le débat bien plus que nous ne le supprimerons. Nous clarifierons les enjeux plutôt que de les caricaturer. Et nous pourrons donc dégager de vraies perspectives plutôt que de gloser sur des slogans désuets.
Dans ce cadre le combat politicien gardera une place et c'est bien normal. Il l'occupera pleinement mais n'occupera qu'elle et c'est très bien ainsi.
Encore faut-il que la presse, qu'elle soit télévisée, parlée ou écrite, soit en mesure de poursuivre sa tâche.
Le Président Badel y a fait allusion à juste titre.
Vous savez ce que le gouvernement essaie de faire pour venir en aide à l'ACP. Vous avez par ailleurs subi aux NMPP un conflit douloureux qui vous donne la mesure des difficultés auxquelles se heurte toute entreprise de modernisation. Des difficultés de ce genre, nous en affrontons chaque jour dans nos efforts de transformation de l'administration et de renouveau du service public.
Je terminerai d'un mot sur les nominations dans les services publics audiovisuels auxquelles vous avez fait allusion : le seul moyen connu de faire juger une nomination pour apolitique, c'est de nommer un proche de l'opposition ! Vous admettrez avec moi que ce moyen là a ses limites : avoir une sensibilité de gauche n'est pas une preuve d'incompétence ou de servilité. Avoir une sensibilité de droite n'est pas une preuve d'indépendance ou d'efficacité. Nous pourrions tous songer à des noms ... pour le passé bien sûr !
Une chose compte avant tout : je ne sache pas qu'un seul d'entre vous, où qu'il travaille et sur quelque sujet que ce soit, ait jamais fait l'objet dans les vingt derniers mois de la moindre pression, si minime ou discrète soit-elle, de notre part.
Nous avons assez d'estime réciproque pour ne pas cacher un désaccord occasionnel avec tel ou tel journaliste.
Mais nous avons trop de respect pour votre liberté, pour vous tous - et permettez-moi d'ajouter que nous avons assez le respect de nous-mêmes - pour ne jamais risquer d'entraver votre travail.
Notre politique parle pour nous. A nous donc de la rendre éloquente, convaincante.
Plus s'affrontent les systèmes d'oppression, plus doit être exemplaire l'usage que nous faisons de notre liberté.
Puisse 1990 nous permettre de concrétiser les espoirs que 1989 a fait naître. L'année sera riche, elle sera agitée.
Nous ferons tout notre possible pour qu'elle poursuive et approfondisse les réformes engagées, moins spectaculaires que fondamentales.
Vous serez juges de toutes, vous serez partie dans certaines si vous les pensez utiles.
Cette nouvelle décennie s'ouvre sous de meilleurs auspices que celle qui s'achève. A nous de savoir en tirer parti pour le profit de la France et des Français.
Bonne année, et tant qu'à faire, bonne décennie à tous.