Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la filière ovine, les perspectives de l'OCM ovine, Bruxelles le 20 novembre 2000.

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Circonstance : Colloque au Parlement européen sur l'OCM ovine à Bruxelles le 20 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Vous avez souhaité un grand débat sur la production ovine et son organisation de marché. J'en suis heureux, et très honoré que vous m'ayez demandé d'intervenir dès l'ouverture des interventions.
En premier lieu, parce que j'assure actuellement la présidence du conseil agricole de l'Union, et, qu'à ce titre, les débats autour d'une organisation commune de marché le concernent en tout premier chef.
En tant que ministre français en charge de l'agriculture, évidemment, car il s'agit d'un pan actif et indispensable de l'agriculture de mon pays.
Mais, je suis également élu d'une commune aux abords du massif pyrénéen et j'ai l'occasion, fréquemment, de rencontrer des éleveurs, de débattre avec eux de leur métier, de leurs produits. J'ai toujours été frappé de la passion qu'ils investissent dans cette activité.
Je suis moi-même très attaché à ce secteur.
Cette production ovine est certainement celle qui illustre le mieux la multifonctionnalité de l'agriculture. C'est une approche qui m'est chère, vous le savez.
La multifonctionnalité. C'est un mot trop long et un concept trop souvent abstrait.
Le secteur ovin nous en donne un exemple très concret, palpable. Les producteurs ovins sont au tout premier rang de ceux qui, au quotidien, assurent ces missions multiples de l'agriculture reconnues comme essentielles.
Ils assurent, en premier lieu, la fourniture de produits sains et de qualité. Les producteurs en sont fiers à juste raison, les consommateurs les apprécient. Dans la plupart de nos pays européens, il s'agit de produits traditionnels qui sont, depuis longtemps, dans nos habitudes alimentaires. La recherche de qualité doit être poursuivie sans cesse. L'information des consommateurs doit être accrue, ils le demandent. La promotion doit être poursuivie.
Je crois que l'essentiel est là : un produit sain, connu et apprécié du consommateur, mais aussi issu des terroirs ancrés au coeur de nos paysages.
En effet, en matière d'aménagement du territoire, le rôle du secteur ovin est reconnu, y compris au sein de l'OCM actuelle qui a créé la " prime au monde rural ". Ce rôle est évident, il suffit d'observer tous ces paysages, tous ces espaces qui vivent et entretiennent leur dynamisme grâce à la production ovine, et d'observer également la filière économique qu'elle développe.
S'il ne faut pas réduire les ambitions du secteur aux " terres à mouton ", ce qui serait extrêmement réducteur, il faut néanmoins reconnaître l'existence de tels territoires et leurs spécificités.
Pour ce qui est des atouts environnementaux, le rôle de ce secteur est unanimement reconnu. La production ovine s'impose comme une des plus propres de notre agriculture. Au-delà, je cite, au passage, les rôles indéniables qu'elle assure en matière d'entretien de l'espace, pour la prévention des avalanches en zones de montagne ou la protection contre les incendies.
Enfin, le volet social, souvent cité comme un handicap du fait de la forte charge de travail qu'impose cet élevage, fort consommateur de travail, donc utilisateur de main d'uvre, doit être, à l'opposé, reconnu comme une contribution essentielle de sa part au maintien de l'activité en zone rurale.
C'est tout cela, vécu au quotidien, la multifonctionnalité de l'agriculture. C'est cela qui fonde le modèle agricole européen.
En France, j'ai souhaité que cet apport du secteur ovin soit clairement reconnu. Lorsqu'en début d'année j'ai dessiné, en accord avec les représentants du secteur, les orientations qui me paraissent devoir être suivies, j'ai décidé de placer cette reconnaissance de la multifonctionnalité au centre du dispositif. Le contrat territorial d'exploitation, coeur de la loi d'orientation agricole de 1999, est l'outil privilégié que nous avons construit pour cela. Même si ce n'est pas une solution miracle, capable de guérir tous les maux de notre agriculture, il n'a pas été conçu comme çà. Il est évident pour moi que les exploitations ovines sont très directement concernées par le contrat territorial d'exploitation et qu'elles doivent donc beaucoup plus et mieux s'inscrire dans ce projet qu'elles ne le font aujourd'hui. Mais c'est ma responsabilité d'y veiller et de faire le nécessaire pour cela.
Je sais que, au-delà de cet exemple français, beaucoup d'entre vous partagent cette opinion. Ce travail d'explication, de présentation, de conviction autour de notre modèle agricole européen doit se poursuivre.
Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, notre production ovine européenne devrait être une fierté pour l'Europe et une vitrine de notre agriculture.
Pourtant, sa situation économique est difficile et ces difficultés sont réelles.
En premier lieu, les revenus des producteurs sont faibles. C'est un fait. L'étude qu'a fait mener la Commission européenne sur le secteur reconnaît objectivement cette situation. Les producteurs dénoncent légitimement cette injustice, face aux autres branches ou aux autres secteurs agricoles.
Sur le marché, c'est un secteur dont la régulation n'existe, concrètement, qu'à travers une maîtrise de la production qui laisse une très large place à nos concurrents commerciaux.
Les conséquences de la réforme ambitieuse qui a été conclue l'an passé, pour les grandes cultures, le lait et la viande bovine, engendrent certains effets négatifs pour le secteur ovin. Je pense notamment aux conditions d'octroi des compléments d'aide à l'extensification.
Tout cela concourt à ce que les conditions de développement de la filière soient aujourd'hui difficiles à préciser.
Vous avez souhaité que ce colloque soit centré sur l'organisation commune de marché ovine.
Cette OCM a 20 ans. Souhaiter un anniversaire est un bon argument. 20 ans c'est un âge où se posent des choix d'avenir, des questions d'orientation. Le moment est donc opportun pour tracer des perspectives.
La question de la réforme de cette OCM est dans beaucoup d'esprits. Vous le savez, le choix d'une proposition revient à la Commission européenne. C'est elle la force de proposition de l'opportunité, du moment et de la forme de cette réforme.
Ma position de président du conseil agricole m'oblige à d'autant plus de réserve qu'aucune discussion n'y a été engagée à ce stade.
Néanmoins, je crois nécessaire de rappeler quelques points qui me semblent importants et qui pourront guider les discussions que vous pourrez avoir aujourd'hui et nos réflexions dans l'avenir :
une organisation commune de marché n'est pas un monument intangible qui reste à jamais figé ;
son évolution doit nécessairement tenir compte des réformes qu'ont connues les autres secteurs de production ;
elle doit également tenir compte de l'évolution de la production et des marchés, du niveau de vie des producteurs, du prix que nous attachons à la promotion de notre modèle agricole ;
enfin, nous ne devons pas perdre de vue l'objectif de cette OCM, fixé par le traité lui-même qui vise à " assurer un niveau de vie équitable à la population intéressée ".
J'ajoute, et l'actualité nous le rappelle régulièrement, que les attentes des consommateurs doivent être dûment prises en considération. L'information sur les produits doit être franche et complète. Sans doute cela sort-il strictement du cadre de l'OCM mais je crois fermement qu'il s'agit là d'un axe stratégique. Pour le secteur ovin comme pour les autres.
Je ne doute pas qu'au cours de ce colloque, l'ensemble des participants auront à coeur de se tourner vers l'avenir pour proposer les voies d'évolution les plus fructueuses pour la filière. Vos opinions seront utiles à tous ceux à qui il incombe d'orienter l'avenir du secteur.
Ces voies d'évolution que nous attendons doivent redonner espoir aux différents maillons de la filière ovine européenne en plaçant les années qui viennent sous le signe de l'épanouissement économique et territorial, qui constituent les valeurs fondamentales de notre modèle agricole.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 24 novembre 2000)