Texte intégral
Madame la Présidente,
Madame la Maire adjointe,
Monsieur le représentant de l'État,
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Présidents d'Université,
Mesdames, Messieurs, dans vos fonctions et qualités,
Je veux d'abord féliciter les organisateurs effectifs de ce colloque. L'éducation nationale s'est donnée ici une tribune privilégiée. Nous ouvrons un débat en associant nos partenaires. Je ne pèserai pas sur ces travaux en préfigurant par des réflexions préalables les conclusions. Le débat va avoir lieu. Ses enseignements sont attendus. Mais nous signifions aussi, et peut-être même d'abord, ici notre contribution centrale, de la première heure, à la mise en uvre d'une démarche sans équivalent dans les autres pays développés, la certification des savoirs et des compétences acquis par la pratique professionnelle, la " VAP ", pour parler dans l'inimitable vocabulaire des abréviations qui est un des charmes les mieux partagés de notre grande maison
Oui, c'est vrai, ma présence parmi vous confirme un fait établi de longue date : le rôle fondateur des ministères de l'Éducation nationale dans la mise en place et la pratique effective de la validation des acquis professionnels. Je suis ici pour confirmer cette vocation et ce rôle.
J'y insiste : c'est le ministre de l'Éducation, Jack Lang, qui - en 1992 - porta la loi avec Martine Aubry, Ministre du Travail. L'expérience acquise depuis par l'Éducation nationale favorise et autorise à présent les nouvelles avancées à l'ordre du jour de la prochaine loi dite " de modernisation sociale ". De la sorte, en pleine continuité d'inspiration politique, et la présence de Jack Lang de retour au ministère de l'Éducation permet de le souligner, je veux déclarer que vos ministres entendent confirmer et développer la force de l'engagement de l'Éducation Nationale pour la réussite de la nouvelle étape qui se présente.
Nous y apportons le savoir-faire et l'expérience de nos équipes d'opérateurs. Elles n'ont pas d'équivalent. Nous y apportons l'exigence des principes et des finalités qui sont au cur de notre mission de service public. Ils sont intangibles. Nous y exercerons comme par le passé les vigilances dynamiques qui sont notre devoir devant le pays.
Ne perdons jamais de vue qu'au sens politique, la VAP est un outil de promotion sociale pour ceux qui apportent au pays la contribution de leur travail. Par-là même, elle se présente comme un instrument supplémentaire au service de la vocation républicaine de notre Patrie et de son école : doter chaque personne des moyens de son émancipation par le développement de ses talents et la reconnaissance de ses mérites. Autant dire que la VAP n'est en aucune façon une procédure neutre. Ni même purement technique, puisque sa mise en uvre pratique soulève elle-même de nombreuses questions fondamentales. Plusieurs d'entre elles sont d'ailleurs à l'ordre du jour des tables rondes de ce colloque. Je vais y revenir.
Mais cette déclaration d'objectifs devrait être faite. Elle est faite, et, pour mieux dire, confirmée. Je peux en venir au fond du débat.
D'abord situons notre entreprise dans le paysage des idées qui s'imposent en ce moment parmi les décideurs de notre Europe. Au sommet de Lisbonne, les gouvernements européens ont reconnu aux systèmes éducatifs un rôle central dans le modèle de développement du vieux continent dorénavant identifié par la stratégie de construction d'une société de la connaissance. C'est une idée familière pour les français. Peut-être est ce pourquoi nous n'avons pas toujours bien perçu l'événement que constituait son adoption par l'Union européenne. Ainsi l'humanisme républicain rencontre à présent les nécessités de la compétition économique. Le savoir est clairement désigné comme la ressource stratégique essentielle du développement. La place qu'il occupe dans ce qui est produit, comme dans la manière de produire, a aussi sa propre dynamique. Les bouleversements et les mutations sont déjà fréquents. Tout indique qu'ils le seront sans cesse davantage. Les métiers de notre époque se décrivent donc comme des sciences pratiques. Ils incorporent nécessairement un haut niveau de savoirs fondamentaux et un haut niveau d'acquisitions technologiques. Dès lors, comme tels, ils sont soumis à la double évolution accélérée des savoirs fondamentaux qu'ils requièrent et des techniques de mise en uvre qu'ils impliquent. Cette nouvelle exigence impose donc, comme un mot d'ordre commun à tous les pays d'Europe, pour soutenir le modèle de développement qu'ils se sont fixés, d'imaginer et de faire vivre un modèle éducatif spécifique qu'ils nomment " l'éducation tout au long de la vie ". Pour l'instant, dans ce modèle global de société - en apprentissage permanent - on se soucie surtout d'éducation initiale, de formation continue et de leurs rapports mutuels. Il y a, en effet, beaucoup à réfléchir sur ces questions.
Mais dans ce contexte, on voit très rapidement ce que notre système français de Validation des Acquis Professionnels apporte de neuf et de décisif à l'objectif de " l'éducation tout au long de la vie ".
En reconnaissant la valeur des savoirs acquis en des lieux, et dans des contextes autres que ceux spécifiquement affectés à la formation, nous complétons un dispositif qui devient, dés lors, vraiment et concrètement global. Naturellement, nous sommes loin de l'avoir finalisé. Tout bien pesé, je ne suis pas sûr que nous aurions vraiment gagné à forcer la cadence dans un domaine aussi radicalement neuf. Les savoir-faire étaient intégralement à construire. Ils exigeaient de nos professionnels une inversion fondamentale du schéma de base de leurs procédures. Ils ont bien travaillé. Certes des difficultés demeurent. La procédure, les dossiers à remplir peuvent eux-mêmes faire barrage puisqu'ils supposent des " pré-acquis " culturels. Mais nos opérateurs ont inventé un savoir professionnel nouveau. J'en félicite ceux qui ont accompli ce travail fondamental.
Puisse la nouvelle en parvenir jusqu'aux bouches à fiel qui excellent tant, à dénigrer la prétendue immobilité d'une Éducation Nationale qu'il connaissent en vérité si peu. Quoiqu'il en soit, tout montre que l'expérience de terrain accumulée par l'Éducation Nationale nous a conduit jusqu'à un seuil qualitatif décisif. Je crois que le Réseau Public Régional de Certification Validation des acquis professionnels partenarial, créé à l'initiative des rectorats d'Aix-Marseille et de Nice, tel qu'il nous est présenté dans cette enceinte en atteste assez bien pour que j'en économise la démonstration. Cette initiative d'excellence n'est pas isolée, loin de là.
La nouvelle loi autant que les dispositifs opérationnels déjà en place devraient donc permettre de réaliser assez rapidement la généralisation concrète qui est nécessaire pour ancrer définitivement notre nouveau modèle éducatif global. C'est la volonté politique qu'a exprimé le ministre de l'éducation nationale, Jack Lang. C'est celle que j'ai la charge de mettre en uvre.
Ma détermination en la matière tient d'abord à mon devoir de ministre d'un gouvernement qui propose au pays un approfondissement décisif de cette révolution tranquille qu'est la VAP, en vue de mettre en place un modèle éducatif global d'un genre radicalement nouveau dans l'histoire de la démocratisation éducative de notre société.
Elle tient aussi, soyez en bien assurés, à ma conviction que se nouent sur ce sujet non seulement les questions fondamentales que je viens d'évoquer mais d'autres encore qui concernent notre modèle d'enseignement professionnel et de certification des connaissances et des compétences.
J'y viens donc.
L'enseignement professionnel Républicain, dans les établissements du secondaire comme du supérieur, sait de longue date ce que la définition des métiers comme sciences pratiques implique. On jugera de sa réussite en se souvenant que huit millions d'employés, sept millions d'ouvriers, cinq millions de cadres intermédiaires sont pour l'essentiel ses anciens élèves. Ils constituent cette quasi-totalité de la population active qui a hissé notre pays à la quatrième place de l'économie productive mondiale, au deuxième rang des exportateurs par tête, et dans les toutes premières places des prouesses scientifiques et technologiques de tous les secteurs fondamentaux d'une économie développée. L'adaptabilité professionnelle trouve son fondement dans notre méthode de formation.
C'est notre modèle qui le permet. C'est le modèle de la " professionnalisation durable ". Il affirme que plus est élevée, quant aux contenus, la formation initiale, plus la formation continue sera accessible, efficace et peu coûteuse à la société. La professionnalisation durable sait que l'atout " adaptabilité " dépend de l'acquisition initiale de haut niveau de savoirs fondamentaux et de savoirs technologiques. Ce haut niveau n'est pas un obstacle à la nécessaire spécialisation professionnelle.
Nos IUT, par exemple, ont démontré que les savoirs fondamentaux, exigibles dans de nombreuses familles de métiers, étaient à ce point transversaux que vingt cinq départements seulement autorisaient des dizaines de colorations professionnelles différentes. A tous les niveaux d'enseignement professionnel, nos référentiels de diplômes, dont aucun n'est établi sans la participation des représentants du monde de l'entreprise, décrivent les savoirs nécessaires et les compétences auxquels ils donnent accès. Nous y sommes attachés comme à un bien précieux. Le bien commun de notre excellence professionnelle nationale.
Nos Commissions Professionnelles Consultatives les rénovent méthodiquement et régulièrement. J'ai réuni récemment la conférence interprofessionnelle consultative qui les regroupe pour engager avec elle l'ouverture du grand chantier de la rénovation du diplôme professionnel de base qu'est le Certificat d'Aptitude Professionnelle. Vous le voyez, il s'agit d'une matière vivante, très étroitement adaptée aux réalités les plus concrètes de l'économie productive moderne réelle. La vocation de la formation continue à laquelle participe la VAP est de s'insérer dans ce dispositif, non de s'y substituer. Je le dis, pensant à tous ceux qui pourraient croire ou souhaiter que l'éducation tout au long de la vie permettraient de réaliser des économies sur la formation initiale ou même de s'en dispenser. La VAP alors serait détournée de sa mission. Elle n'y survivrait d'ailleurs pas. Pour ma part, je crois à une autre forme, beaucoup plus féconde, de complémentarité de nos dispositifs de certification professionnelle.
Je voudrais en effet attirer l'attention sur l'apport de la VAP à l'enrichissement de la nomenclature des métiers.
La VAP recèle un formidable potentiel d'identification des compétences générées par l'évolution de la production. La technique narrative et descriptive qui est au cur du processus d'accompagnement conduisant à la validation des acquis met en effet à notre disposition un outil de dépistage de premier ordre. Il peut permettre, à son tour, la définition de nouveau référentiels professionnels transposables utilement en formation initiale. Nous avons des expériences comparables avec le travail de nos GRETA. Leur capacité à élaborer les programmes de formation à la demande des entreprises a permis de telles détections. C'est elles par exemple qui sont à l'origine du référentiel du CAP de cordiste, d'agent de la qualité de l'eau, de BTS informatique industrielle, des mentions complémentaires, monteur raccordeur en lignes téléphoniques.
Je mentionne cette forme féconde de complémentarité parce qu'elle me permet aussi de fixer un autre principe auquel la VAP doit se conformer pour être à la hauteur des espérances que nous plaçons en elle.
Les référentiels des diplômes professionnels sont établis dans les conditions que j'ai déjà évoquées. La VAP doit s'y rattacher si elle veut être un outil authentique, c'est à dire un outil honnête. J'ai dit qu'elle y aura sa contribution. Je veux souligner qu'une certification qui ne donnerait pas accès à un diplôme ou titre reconnu nationalement serait une mystification. Bonne occasion pour moi de rappeler que le monopole de la collation des grades n'est pas un privilège corporatif de l'Éducation Nationale. C'est une protection pour l'employeur qui voit garantir les compétences qu'il s'attache. C'est une protection et une liberté de mobilité pour le salarié. La VAP est donc directement intéressée à l'existence de la certification nationale des diplômes et titres. C'est le devoir et le rôle de l'Éducation Nationale de garantir et protéger cette valeur puisqu'elle seule dispose des outils, des personnels, des corps d'inspections ainsi que des structures de concertation et de régulation reconnues par tous que sont les Commissions Professionnelles Consultatives. Quoi qu'il en soit, quelques chiffres disent assez la force que l'Éducation Nationale met au service de ceux qu'elle titre : 70% du nombre total des diplômés, titrés ou certifiés, soit près de 600 000 personnes entrent dans une des 687 formations qu'elle organise. 25% des titres et diplômes disponibles pour 70% des bénéficiaires, cela donne à réfléchir. Car il ne faut mentionner que viennent ensuite, très loin derrière en nombre 41 000 personnes aux acquis validés par des titres du ministère du travail (6% du total des titrés pour 320 titres), le ministère de la Santé (36000 titrés, 5% du total et 18 titres), les affaires sociales, (11 titres, 12000 personnes, 2% du total), l'Agriculture, (450 titres différents pour 70 000 personnes, 7% du total), 210 titres pour 29000 personnes représentant 4% du total et délivrés par l'ensemble des autres ministères. Après cela il faut encore mettre, en regard de ces données, 706 titres différents délivrés par les organismes consulaires et privés à 36000 personnes (5% du total), et je n'oublie pas les 300 certificats différents attribués à 6500 personnes (1% du total) délivrés par les partenaires sociaux. Autour de l'Éducation Nationale et des autres ministères valideurs se développe ainsi une tendance à l'émiettement qui doit nous soucier.
Il n'en reste pas moins que l'exigence de la valeur nationale des certifications reconnues par la VAP est le pendant obligatoire du fait que la VAP est un droit individuel. Le caractère individuel de ce droit - principe essentiel de la loi de 1992 - se vérifie par le fait que son résultat est mis à la libre disposition d'usage que veut en faire le salarié qui en bénéficie. Il doit être préservé.
Vos travaux vont porter également sur l'extension de l'utilisation de la VAP, dans le respect de ce droit individuel. C'est un chantier déterminant. Il doit conduire à concilier promotion personnelle et développement économique. Les débats que vous allez conduire seront précieux aux décideurs.
Une autre idée de référence marche avec celle-ci. Elle va me permettre de faire retour plus spécifiquement sur l'enseignement professionnel dans le secondaire. A la valeur nationale des certifications s'attache, en effet, l'urgence de la mise au point d'une nomenclature universelle des métiers, (universelle, c'est à dire reconnue par tous les acteurs du champ de la professionnalisation,) lisible et opérationnelle. Il n'y a pas de tâche plus urgente pour la cohérence d'ensemble de notre système actuel comme de celui, plus global, que nous voulons faire naître et que j'ai évoqué tout à l'heure. Je ne mentionnerai à cet instant, qu'un seul argument d'opportunité. L'illisibilité des parcours éducatifs, l'illisibilité des métiers de référence, c'est tout un. Et c'est un puissant facteur de discrimination sociale par la dissuasion et l'ignorance des possibles. Peut-être est-ce l'un des plus puissants barrages à la demande de Validation des acquis professionnels. C'est déjà le cas dans la formulation des demandes de formation et l'élaboration de projet de parcours en enseignement professionnel.
Dans mes attributions, j'ai commencé à y remédier en demandant que toutes les nouvelles licences professionnelles que nous venons de créer soient classées, non par établissement de délivrance, mais d'après la nomenclature des métiers de l'INSEE. Je veux continuer en appliquant la même méthode aux Lycées des Métiers que nous voulons installer dans le proche avenir, en commençant dès à présent par les lycées professionnels et les lycées technologiques ayant une section professionnelle intégrée qui les préfigurent. Ici, se distingue une interface de problèmes et d'opportunités communes. N'est-ce pas un paradoxe que ce soient les formations de niveau 4 et 5 qui soient les moins acquises en VAP ? Pourtant est ce qu'elles ne concernent pas les compétences possédées par le plus grand nombre et les plus facilement repérables dans les référentiels ? Ne sont elles pas possédées par ceux dont la valorisation personnelle est le but majeur de la validation des acquis professionnels ? Je proposerai que nous contribuions efficacement à réduire cette distance absurde en faisant des lycées professionnels des centres d'accueil pour les demandeurs de VAP.
Repérables par métiers, ils seront alors un élément de facilitation de la lisibilité pour une demande individuelle de validation des acquis professionnels comme pour l'expression d'un besoin d'entreprise.
Équipés, lieu de formation continue d'excellence, ces lycées offrent aussi une implantation territoriale qui permet de réaliser facilement et concrètement les compléments de formation éventuels d'une VAP menée au bout de tout ses potentiels.
C'est le moment de conclure.
J'ai voulu affirmer devant vous des choix et des principes. D'autres occasions se présenteront de les définir davantage. Ils guideront la participation de l'Éducation Nationale à la nouvelle étape de développement du système de Validation des acquis professionnels que vous allez contribuer à définir et que Madame Nicole Péry, secrétaire d'État à la Formation professionnelle va présenter au début de la prochaine année dans le cadre de la Loi dite de modernisation sociale.
Cette référence doit vous permettre de comprendre que c'est bien tout le gouvernement, pour les ministres concernés, qui propose au pays de s'engager dans cette nouvelle phase. L'Éducation nationale - pionnière en ce domaine- y prendra pleinement sa place, la première avec ses différents partenaires professionnels et institutionnels, et en particulier les Conseils Régionaux. Je suis assuré que tous les personnels de l'éducation nationale se sentiront concernés. J'espère qu'ils m'auront bien entendu. Je forme le vu qu'ils accompagnent leurs deux ministres dans l'enthousiasme qui les animent à l'idée d'être aussi avec eux, grâce à la VAP, les nouveaux hussards noirs de l'école de la vie.
En savoir plus : Vous pouvez suivre le colloque " La validation des acquis professionnels : vers un changement de culture ? " sur le site de l'Académie de Nice. (Interviews, Tables rondes et Forum) au format audio.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 5 décembre 2000)
Madame la Maire adjointe,
Monsieur le représentant de l'État,
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Présidents d'Université,
Mesdames, Messieurs, dans vos fonctions et qualités,
Je veux d'abord féliciter les organisateurs effectifs de ce colloque. L'éducation nationale s'est donnée ici une tribune privilégiée. Nous ouvrons un débat en associant nos partenaires. Je ne pèserai pas sur ces travaux en préfigurant par des réflexions préalables les conclusions. Le débat va avoir lieu. Ses enseignements sont attendus. Mais nous signifions aussi, et peut-être même d'abord, ici notre contribution centrale, de la première heure, à la mise en uvre d'une démarche sans équivalent dans les autres pays développés, la certification des savoirs et des compétences acquis par la pratique professionnelle, la " VAP ", pour parler dans l'inimitable vocabulaire des abréviations qui est un des charmes les mieux partagés de notre grande maison
Oui, c'est vrai, ma présence parmi vous confirme un fait établi de longue date : le rôle fondateur des ministères de l'Éducation nationale dans la mise en place et la pratique effective de la validation des acquis professionnels. Je suis ici pour confirmer cette vocation et ce rôle.
J'y insiste : c'est le ministre de l'Éducation, Jack Lang, qui - en 1992 - porta la loi avec Martine Aubry, Ministre du Travail. L'expérience acquise depuis par l'Éducation nationale favorise et autorise à présent les nouvelles avancées à l'ordre du jour de la prochaine loi dite " de modernisation sociale ". De la sorte, en pleine continuité d'inspiration politique, et la présence de Jack Lang de retour au ministère de l'Éducation permet de le souligner, je veux déclarer que vos ministres entendent confirmer et développer la force de l'engagement de l'Éducation Nationale pour la réussite de la nouvelle étape qui se présente.
Nous y apportons le savoir-faire et l'expérience de nos équipes d'opérateurs. Elles n'ont pas d'équivalent. Nous y apportons l'exigence des principes et des finalités qui sont au cur de notre mission de service public. Ils sont intangibles. Nous y exercerons comme par le passé les vigilances dynamiques qui sont notre devoir devant le pays.
Ne perdons jamais de vue qu'au sens politique, la VAP est un outil de promotion sociale pour ceux qui apportent au pays la contribution de leur travail. Par-là même, elle se présente comme un instrument supplémentaire au service de la vocation républicaine de notre Patrie et de son école : doter chaque personne des moyens de son émancipation par le développement de ses talents et la reconnaissance de ses mérites. Autant dire que la VAP n'est en aucune façon une procédure neutre. Ni même purement technique, puisque sa mise en uvre pratique soulève elle-même de nombreuses questions fondamentales. Plusieurs d'entre elles sont d'ailleurs à l'ordre du jour des tables rondes de ce colloque. Je vais y revenir.
Mais cette déclaration d'objectifs devrait être faite. Elle est faite, et, pour mieux dire, confirmée. Je peux en venir au fond du débat.
D'abord situons notre entreprise dans le paysage des idées qui s'imposent en ce moment parmi les décideurs de notre Europe. Au sommet de Lisbonne, les gouvernements européens ont reconnu aux systèmes éducatifs un rôle central dans le modèle de développement du vieux continent dorénavant identifié par la stratégie de construction d'une société de la connaissance. C'est une idée familière pour les français. Peut-être est ce pourquoi nous n'avons pas toujours bien perçu l'événement que constituait son adoption par l'Union européenne. Ainsi l'humanisme républicain rencontre à présent les nécessités de la compétition économique. Le savoir est clairement désigné comme la ressource stratégique essentielle du développement. La place qu'il occupe dans ce qui est produit, comme dans la manière de produire, a aussi sa propre dynamique. Les bouleversements et les mutations sont déjà fréquents. Tout indique qu'ils le seront sans cesse davantage. Les métiers de notre époque se décrivent donc comme des sciences pratiques. Ils incorporent nécessairement un haut niveau de savoirs fondamentaux et un haut niveau d'acquisitions technologiques. Dès lors, comme tels, ils sont soumis à la double évolution accélérée des savoirs fondamentaux qu'ils requièrent et des techniques de mise en uvre qu'ils impliquent. Cette nouvelle exigence impose donc, comme un mot d'ordre commun à tous les pays d'Europe, pour soutenir le modèle de développement qu'ils se sont fixés, d'imaginer et de faire vivre un modèle éducatif spécifique qu'ils nomment " l'éducation tout au long de la vie ". Pour l'instant, dans ce modèle global de société - en apprentissage permanent - on se soucie surtout d'éducation initiale, de formation continue et de leurs rapports mutuels. Il y a, en effet, beaucoup à réfléchir sur ces questions.
Mais dans ce contexte, on voit très rapidement ce que notre système français de Validation des Acquis Professionnels apporte de neuf et de décisif à l'objectif de " l'éducation tout au long de la vie ".
En reconnaissant la valeur des savoirs acquis en des lieux, et dans des contextes autres que ceux spécifiquement affectés à la formation, nous complétons un dispositif qui devient, dés lors, vraiment et concrètement global. Naturellement, nous sommes loin de l'avoir finalisé. Tout bien pesé, je ne suis pas sûr que nous aurions vraiment gagné à forcer la cadence dans un domaine aussi radicalement neuf. Les savoir-faire étaient intégralement à construire. Ils exigeaient de nos professionnels une inversion fondamentale du schéma de base de leurs procédures. Ils ont bien travaillé. Certes des difficultés demeurent. La procédure, les dossiers à remplir peuvent eux-mêmes faire barrage puisqu'ils supposent des " pré-acquis " culturels. Mais nos opérateurs ont inventé un savoir professionnel nouveau. J'en félicite ceux qui ont accompli ce travail fondamental.
Puisse la nouvelle en parvenir jusqu'aux bouches à fiel qui excellent tant, à dénigrer la prétendue immobilité d'une Éducation Nationale qu'il connaissent en vérité si peu. Quoiqu'il en soit, tout montre que l'expérience de terrain accumulée par l'Éducation Nationale nous a conduit jusqu'à un seuil qualitatif décisif. Je crois que le Réseau Public Régional de Certification Validation des acquis professionnels partenarial, créé à l'initiative des rectorats d'Aix-Marseille et de Nice, tel qu'il nous est présenté dans cette enceinte en atteste assez bien pour que j'en économise la démonstration. Cette initiative d'excellence n'est pas isolée, loin de là.
La nouvelle loi autant que les dispositifs opérationnels déjà en place devraient donc permettre de réaliser assez rapidement la généralisation concrète qui est nécessaire pour ancrer définitivement notre nouveau modèle éducatif global. C'est la volonté politique qu'a exprimé le ministre de l'éducation nationale, Jack Lang. C'est celle que j'ai la charge de mettre en uvre.
Ma détermination en la matière tient d'abord à mon devoir de ministre d'un gouvernement qui propose au pays un approfondissement décisif de cette révolution tranquille qu'est la VAP, en vue de mettre en place un modèle éducatif global d'un genre radicalement nouveau dans l'histoire de la démocratisation éducative de notre société.
Elle tient aussi, soyez en bien assurés, à ma conviction que se nouent sur ce sujet non seulement les questions fondamentales que je viens d'évoquer mais d'autres encore qui concernent notre modèle d'enseignement professionnel et de certification des connaissances et des compétences.
J'y viens donc.
L'enseignement professionnel Républicain, dans les établissements du secondaire comme du supérieur, sait de longue date ce que la définition des métiers comme sciences pratiques implique. On jugera de sa réussite en se souvenant que huit millions d'employés, sept millions d'ouvriers, cinq millions de cadres intermédiaires sont pour l'essentiel ses anciens élèves. Ils constituent cette quasi-totalité de la population active qui a hissé notre pays à la quatrième place de l'économie productive mondiale, au deuxième rang des exportateurs par tête, et dans les toutes premières places des prouesses scientifiques et technologiques de tous les secteurs fondamentaux d'une économie développée. L'adaptabilité professionnelle trouve son fondement dans notre méthode de formation.
C'est notre modèle qui le permet. C'est le modèle de la " professionnalisation durable ". Il affirme que plus est élevée, quant aux contenus, la formation initiale, plus la formation continue sera accessible, efficace et peu coûteuse à la société. La professionnalisation durable sait que l'atout " adaptabilité " dépend de l'acquisition initiale de haut niveau de savoirs fondamentaux et de savoirs technologiques. Ce haut niveau n'est pas un obstacle à la nécessaire spécialisation professionnelle.
Nos IUT, par exemple, ont démontré que les savoirs fondamentaux, exigibles dans de nombreuses familles de métiers, étaient à ce point transversaux que vingt cinq départements seulement autorisaient des dizaines de colorations professionnelles différentes. A tous les niveaux d'enseignement professionnel, nos référentiels de diplômes, dont aucun n'est établi sans la participation des représentants du monde de l'entreprise, décrivent les savoirs nécessaires et les compétences auxquels ils donnent accès. Nous y sommes attachés comme à un bien précieux. Le bien commun de notre excellence professionnelle nationale.
Nos Commissions Professionnelles Consultatives les rénovent méthodiquement et régulièrement. J'ai réuni récemment la conférence interprofessionnelle consultative qui les regroupe pour engager avec elle l'ouverture du grand chantier de la rénovation du diplôme professionnel de base qu'est le Certificat d'Aptitude Professionnelle. Vous le voyez, il s'agit d'une matière vivante, très étroitement adaptée aux réalités les plus concrètes de l'économie productive moderne réelle. La vocation de la formation continue à laquelle participe la VAP est de s'insérer dans ce dispositif, non de s'y substituer. Je le dis, pensant à tous ceux qui pourraient croire ou souhaiter que l'éducation tout au long de la vie permettraient de réaliser des économies sur la formation initiale ou même de s'en dispenser. La VAP alors serait détournée de sa mission. Elle n'y survivrait d'ailleurs pas. Pour ma part, je crois à une autre forme, beaucoup plus féconde, de complémentarité de nos dispositifs de certification professionnelle.
Je voudrais en effet attirer l'attention sur l'apport de la VAP à l'enrichissement de la nomenclature des métiers.
La VAP recèle un formidable potentiel d'identification des compétences générées par l'évolution de la production. La technique narrative et descriptive qui est au cur du processus d'accompagnement conduisant à la validation des acquis met en effet à notre disposition un outil de dépistage de premier ordre. Il peut permettre, à son tour, la définition de nouveau référentiels professionnels transposables utilement en formation initiale. Nous avons des expériences comparables avec le travail de nos GRETA. Leur capacité à élaborer les programmes de formation à la demande des entreprises a permis de telles détections. C'est elles par exemple qui sont à l'origine du référentiel du CAP de cordiste, d'agent de la qualité de l'eau, de BTS informatique industrielle, des mentions complémentaires, monteur raccordeur en lignes téléphoniques.
Je mentionne cette forme féconde de complémentarité parce qu'elle me permet aussi de fixer un autre principe auquel la VAP doit se conformer pour être à la hauteur des espérances que nous plaçons en elle.
Les référentiels des diplômes professionnels sont établis dans les conditions que j'ai déjà évoquées. La VAP doit s'y rattacher si elle veut être un outil authentique, c'est à dire un outil honnête. J'ai dit qu'elle y aura sa contribution. Je veux souligner qu'une certification qui ne donnerait pas accès à un diplôme ou titre reconnu nationalement serait une mystification. Bonne occasion pour moi de rappeler que le monopole de la collation des grades n'est pas un privilège corporatif de l'Éducation Nationale. C'est une protection pour l'employeur qui voit garantir les compétences qu'il s'attache. C'est une protection et une liberté de mobilité pour le salarié. La VAP est donc directement intéressée à l'existence de la certification nationale des diplômes et titres. C'est le devoir et le rôle de l'Éducation Nationale de garantir et protéger cette valeur puisqu'elle seule dispose des outils, des personnels, des corps d'inspections ainsi que des structures de concertation et de régulation reconnues par tous que sont les Commissions Professionnelles Consultatives. Quoi qu'il en soit, quelques chiffres disent assez la force que l'Éducation Nationale met au service de ceux qu'elle titre : 70% du nombre total des diplômés, titrés ou certifiés, soit près de 600 000 personnes entrent dans une des 687 formations qu'elle organise. 25% des titres et diplômes disponibles pour 70% des bénéficiaires, cela donne à réfléchir. Car il ne faut mentionner que viennent ensuite, très loin derrière en nombre 41 000 personnes aux acquis validés par des titres du ministère du travail (6% du total des titrés pour 320 titres), le ministère de la Santé (36000 titrés, 5% du total et 18 titres), les affaires sociales, (11 titres, 12000 personnes, 2% du total), l'Agriculture, (450 titres différents pour 70 000 personnes, 7% du total), 210 titres pour 29000 personnes représentant 4% du total et délivrés par l'ensemble des autres ministères. Après cela il faut encore mettre, en regard de ces données, 706 titres différents délivrés par les organismes consulaires et privés à 36000 personnes (5% du total), et je n'oublie pas les 300 certificats différents attribués à 6500 personnes (1% du total) délivrés par les partenaires sociaux. Autour de l'Éducation Nationale et des autres ministères valideurs se développe ainsi une tendance à l'émiettement qui doit nous soucier.
Il n'en reste pas moins que l'exigence de la valeur nationale des certifications reconnues par la VAP est le pendant obligatoire du fait que la VAP est un droit individuel. Le caractère individuel de ce droit - principe essentiel de la loi de 1992 - se vérifie par le fait que son résultat est mis à la libre disposition d'usage que veut en faire le salarié qui en bénéficie. Il doit être préservé.
Vos travaux vont porter également sur l'extension de l'utilisation de la VAP, dans le respect de ce droit individuel. C'est un chantier déterminant. Il doit conduire à concilier promotion personnelle et développement économique. Les débats que vous allez conduire seront précieux aux décideurs.
Une autre idée de référence marche avec celle-ci. Elle va me permettre de faire retour plus spécifiquement sur l'enseignement professionnel dans le secondaire. A la valeur nationale des certifications s'attache, en effet, l'urgence de la mise au point d'une nomenclature universelle des métiers, (universelle, c'est à dire reconnue par tous les acteurs du champ de la professionnalisation,) lisible et opérationnelle. Il n'y a pas de tâche plus urgente pour la cohérence d'ensemble de notre système actuel comme de celui, plus global, que nous voulons faire naître et que j'ai évoqué tout à l'heure. Je ne mentionnerai à cet instant, qu'un seul argument d'opportunité. L'illisibilité des parcours éducatifs, l'illisibilité des métiers de référence, c'est tout un. Et c'est un puissant facteur de discrimination sociale par la dissuasion et l'ignorance des possibles. Peut-être est-ce l'un des plus puissants barrages à la demande de Validation des acquis professionnels. C'est déjà le cas dans la formulation des demandes de formation et l'élaboration de projet de parcours en enseignement professionnel.
Dans mes attributions, j'ai commencé à y remédier en demandant que toutes les nouvelles licences professionnelles que nous venons de créer soient classées, non par établissement de délivrance, mais d'après la nomenclature des métiers de l'INSEE. Je veux continuer en appliquant la même méthode aux Lycées des Métiers que nous voulons installer dans le proche avenir, en commençant dès à présent par les lycées professionnels et les lycées technologiques ayant une section professionnelle intégrée qui les préfigurent. Ici, se distingue une interface de problèmes et d'opportunités communes. N'est-ce pas un paradoxe que ce soient les formations de niveau 4 et 5 qui soient les moins acquises en VAP ? Pourtant est ce qu'elles ne concernent pas les compétences possédées par le plus grand nombre et les plus facilement repérables dans les référentiels ? Ne sont elles pas possédées par ceux dont la valorisation personnelle est le but majeur de la validation des acquis professionnels ? Je proposerai que nous contribuions efficacement à réduire cette distance absurde en faisant des lycées professionnels des centres d'accueil pour les demandeurs de VAP.
Repérables par métiers, ils seront alors un élément de facilitation de la lisibilité pour une demande individuelle de validation des acquis professionnels comme pour l'expression d'un besoin d'entreprise.
Équipés, lieu de formation continue d'excellence, ces lycées offrent aussi une implantation territoriale qui permet de réaliser facilement et concrètement les compléments de formation éventuels d'une VAP menée au bout de tout ses potentiels.
C'est le moment de conclure.
J'ai voulu affirmer devant vous des choix et des principes. D'autres occasions se présenteront de les définir davantage. Ils guideront la participation de l'Éducation Nationale à la nouvelle étape de développement du système de Validation des acquis professionnels que vous allez contribuer à définir et que Madame Nicole Péry, secrétaire d'État à la Formation professionnelle va présenter au début de la prochaine année dans le cadre de la Loi dite de modernisation sociale.
Cette référence doit vous permettre de comprendre que c'est bien tout le gouvernement, pour les ministres concernés, qui propose au pays de s'engager dans cette nouvelle phase. L'Éducation nationale - pionnière en ce domaine- y prendra pleinement sa place, la première avec ses différents partenaires professionnels et institutionnels, et en particulier les Conseils Régionaux. Je suis assuré que tous les personnels de l'éducation nationale se sentiront concernés. J'espère qu'ils m'auront bien entendu. Je forme le vu qu'ils accompagnent leurs deux ministres dans l'enthousiasme qui les animent à l'idée d'être aussi avec eux, grâce à la VAP, les nouveaux hussards noirs de l'école de la vie.
En savoir plus : Vous pouvez suivre le colloque " La validation des acquis professionnels : vers un changement de culture ? " sur le site de l'Académie de Nice. (Interviews, Tables rondes et Forum) au format audio.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 5 décembre 2000)