Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur les priorités de la présidence française en matière de santé publique, notamment le tabagisme, la santé nutritionnelle et le Sida, Paris le 7 novembre 2000.

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Circonstance : Point presse sur "la santé : un enjeu majeur pour l'Europe de demain à Paris le 7 novembre 2000

Texte intégral

En terme de politiques communautaires, la Santé publique n'occupe pas encore une place suffisante sur l'agenda politique et dans les discussions budgétaires : il faut la promouvoir. Nos concitoyens, pour qui les questions de santé sont une préoccupation majeure, sont de plus en plus vigilants sur la qualité de leur environnement, sur la sécurité sanitaire et sur la qualité des soins. Ils ont raison car la santé touche, nous touche, tous, dans ce que nous avons de plus précieux. Dans cette Europe que nous voulons forte économiquement mais aussi riche de ses valeurs sociales, la santé doit devenir un angle d'approche incontournable.
Pendant notre présidence, nous nous sommes fixés quatre grandes priorités.
- Définir une stratégie générale de santé publique.
- Protéger et améliorer la santé des populations.
- Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances à des produits toxiques.
- Lutter contre la pandémie VIH/SIDA et les autres épidémies qui affectent les pays en développement.
Premièrement - Définir une stratégie générale de santé publique.
Depuis la mi-mai, nous disposons du projet de la Commission pour un programme d'actions dans le domaine de la santé. Trois thèmes sont au centre de ces programmes :
- l'amélioration de l'information et des connaissances en matière de santé
- la réaction rapide aux menaces pour la santé
- l'action sur les déterminants de la santé.
Nous travaillons activement sur cette proposition pour qu'un accord sur ce programme se dégage d 'ici à la fin de l'année.
Deuxièmement - Protéger et améliorer la santé des populations.
2 - 1 Et tout d'abord en luttant contre le tabagisme et ses conséquences.
L'impact du tabagisme sur la santé est considérable. L'Europe se doit d'être en première ligne dans la mobilisation contre le tabagisme. La directive sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac, adoptée lors du Conseil Santé de juin, est une étape fondamentale. Après la première lecture, des divergences persistent, mais nous mettrons tout en uvre pour les réduire.
2 - 2 Améliorer la santé nutritionnelle.
Qu'une mauvaise nutrition soit à l'origine des principales pathologies qui touchent actuellement tous les Européens est un fait : maladies cardio-vasculaires, obésité, cancer, ostéoporose. Ce thème interpelle directement les responsables de la santé publique de nos différents pays. Mais, il implique bien d 'autres domaines de considération : une bonne nutrition résulte à la fois d'une bonne information du citoyen, d'une formation à l'équilibre nutritionnel, de la prise en compte des spécificités culturelles et d'une disponibilité suffisante des produits, quel que soit le niveau de ressources.
Pour faire reconnaître le caractère prioritaire de ce dossier, nous espérons faire adopter sous présidence française une résolution qui tracera les grandes lignes d'un projet européen de santé nutritionnelle.
Troisièmement - Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances liées à l'usage des drogues.
Une convergence dans les politiques publiques à l'égard des drogues se dessine dans l'ensemble de l'Europe.
Les pratiques de consommation des substances psychoactives se sont profondément transformées, notamment chez les jeunes. Elles se caractérisent par l 'augmentation des états d'ivresse recherchés et répétés, l'arrivée massive des drogues de synthèse, le développement des pratiques dopantes, le recours de plus en plus fréquent aux médicaments et surtout l'association régulière de plusieurs produits licites ou illicites consommés en même temps ou successivement.
Dans ce contexte, nous sommes déterminés à agir selon une approche de plus en plus globale et intégrée. L'Union européenne a adopté une stratégie et un plan d'action anti-drogue pour la période 2000-2004.
Pendant notre présidence, nous souhaitons favoriser la réflexion collective la recherche en matière de drogues, la formation des professionnels, la connaissance et aussi la prévention des conduites à risque des jeunes dans leurs pratiques sportives (dopage).
Différentes actions concrètes sont prévues, notamment trois manifestations qui abordent :
- les problèmes soulevés par l'arrivée constante sur le marché de nouveaux produits de synthèse,
- les liens entre pratiques sportives et consommations à risque chez les jeunes,
- la coordination entre les diverses structures qui traitent des drogues et des dépendances au sein de l'Union européenne.
D'autres dossiers importants sont en cours, j'insisterai en particulier sur quatre d'entre eux.
a - D'abord le travail en cours sur les médicaments pédiatriques
Adapter les médicaments à leur administration en pédiatrie constitue un enjeu méconnu et pourtant majeur de santé publique. Selon les Etats membres, 50 à 90 % des médicaments utilisés en pédiatrie n'ont fait l'objet d'aucune étude sur les tranches d'âge correspondantes.
Dans la même logique que celle qui a permis l'élaboration de la réglementation sur les médicaments orphelins, nous proposerons un projet de résolution sur les médicaments pédiatriques.
b - Le suicide des jeunes est une des principales causes de décès, pourtant évitable, pour cette catégorie de population. C'est une situation inacceptable. Mon pays et quelques autres en souffrent plus particulièrement. Ma collègue finlandaise, Mme BIAUDET nous avait sensibilisés sur les enjeux de la santé mentale. Elle m'a convaincue. En coopération avec la Finlande, nous avons organisé les 19 et 20 septembre derniers une conférence européenne pour réfléchir et échanger sur les meilleures pratiques en matière de prévention et de prise en charge des suicidants et de leur entourage. Cette conférence a permis une importante mobilisation et la Suède va poursuivre ses travaux, en particulier sur le thème de la santé mentale et l'alcoolisme.
c - La mobilisation contre les conséquences du vieillissement pathologique doit être poursuivie. C'est dans ce cadre que nous organiserons les 7 et 8 décembre prochains un colloque européen sur l'état de la recherche dans la maladie d'Alzheimer, en particulier les moyens de la dépister, de la prévenir.
d - Enfin, en ce qui concerne la difficile question de la maladie de la vache folle, des ESST, l'objectif que je poursuis est d'enrayer aussi vite et aussi complètement que possible la circulation de l'agent infectieux dans le cheptel, d'éviter qu'il n'entre dans l'alimentation humaine et de se prévenir d'une éventuelle transmission inter humaine.
Des mesures doivent être prises tant au plan national qu'au plan européen :
Au plan européen, il me paraît essentiel que les dispositifs de surveillance de l'ESB, de retrait des matériaux à risque spécifiés de la chaîne alimentaire et de traçabilité des troupeaux soient parfaitement efficaces, constamment réévalués et adaptés au risque que représente cette épizootie pour la santé humaine.
Elles doivent être régulièrement adaptées et actualisées à l'évolution des connaissances scientifiques.
La création d'une autorité de sécurité sanitaire alimentaire européenne sera la garantie de cette volonté.
Pour finir j'aimerai insister sur la volonté de la France de mobiliser la communauté européenne pour la lutte contre le VIH/SIDA.
La Commission européenne propose une action accélérée de la Communauté pour faire face aux trois maladies transmissibles les plus fréquentes dans le monde : la tuberculose, le paludisme et le SIDA. La présidence française soutient pleinement cette initiative qui s'est déjà traduite par l'organisation, le 28 septembre dernier, par la Commission d'une table ronde internationale visant une concertation élargie sur ce sujet.
Cette stratégie représente un progrès majeur dans l'approche communautaire de la santé et de la pauvreté dans les pays en développement. Elle aborde de manière intégrée les questions essentielles posées pour lutter contre le fléau que constituent ces maladies et en particulier le SIDA. Cette stratégie cible des interventions tant au niveau des pays qu'au niveau mondial. Elle permettra d'améliorer l'accès des populations les plus pauvres aux services et aux produits de santé dont elles ont besoin. C'est une urgence absolue, comme j'ai eu l'occasion de le dire à la tribune de la conférence mondiale sur le SIDA de DURBAN en juillet dernier.
Je souhaite qu'ensemble responsables politiques, représentants d'organismes internationaux, chercheurs, firmes pharmaceutiques et organisations non gouvernementales, au-delà des déclarations d'intention, nous soyons en mesure rapidement de proposer un programme d'actions concrètes.
Cette réalité, nul ne peut la nier. Le développement de la pandémie de SIDA depuis vingt ans est une catastrophe mondiale. A ces défis mondiaux, nous devons opposer des réponses mondiales. Dans cette mobilisation, le rôle de la communauté européenne doit être essentiel ; les valeurs que l'Europe entend défendre partout dans le monde ne peuvent être crédibles, entendues, respectées que si nous savons répondre à l'urgence de ces situations sanitaires dramatiques.
Si aujourd'hui le VIH-SIDA s'est développé de façon dramatique dans les pays du sud, si la tuberculose et le paludisme restent des drames sanitaires, c'est d'abord parce que ces épidémies se développent sur le terrain de la pauvreté.
L'Union européenne a pris conscience dès le début des années 80 de la nécessité d'aider très concrètement les pays en développement dans la lutte contre le VIH/SIDA et a participé à la mise en place d'actions dans les domaines de la sécurité transfusionnelle, des campagnes d'information, de sensibilisation des jeunes, de mise en place de centres de documentation et d'information ainsi qu'à des actions de formation et de prise en charge médico-sociale.
Certains pays, en particulier la France, se sont également engagés dans des actions facilitant l'accès aux traitements. Ainsi, les premiers résultats obtenus par les deux programmes d'accès aux médicaments mis en place, dès 1999 en Côte d'Ivoire et au Maroc dans le cadre du Fonds de Solidarité thérapeutique Internationale (FSTI) sont encourageants. De nouveaux programmes débutent au Sénégal, au Vietnam et en Afrique du Sud. Même si ces programmes ne concernent que des effectifs limités comparés aux besoins qui s'expriment en millions de personnes, nous sommes convaincus qu'ils participent à la mobilisation internationale, qu'ils entraînent une amplification de prise en charge partenariale et de partage des savoir-faire. Leur effet se manifeste déjà dans les programmes de prévention mère-enfant mis en place par l'ONUSIDA et l'UNICEF.
Néanmoins il ne peut s'agir que d'une première étape dans la lutte contre la pandémie VIH/SIDA. Lors du congrès international sur le VIH/SIDA de (DURBAN), en juillet dernier, chercheurs, professionnels de santé, militants d'ONG, responsables politiques ont tous souligné l'urgence de la situation. Le contact avec les professionnels de santé démunis, la détresse résignée des mères d'enfants qu'elles ont elles-mêmes contaminés, la visite d'un hôpital pédiatrique m'ont convaincue, si besoin était, de l'importance du fossé qui se creuse entre les habitants des pays du sud et leurs semblables que le hasard a fait naître dans nos contrées.
De nouveaux engagements sont nécessaires. Je crois qu'il convient de l'affirmer avec netteté : le renforcement de l'aide internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA est une urgence absolue.
Cette démarche doit être globale associant, sans les opposer, la prévention, la recherche, le développement des systèmes de santé et les soins. Mais face à l'urgence, face à ces millions de personnes contaminées et malades, il y a urgence à soigner ; soigner c'est-à-dire favoriser l'accès aux traitements.
Dans le cadre d'une telle pandémie, l'accès aux traitements doit être affirmé comme un droit. C'est un objectif urgent, une démarche qui doit être articulée avec las autres initiatives internationales (conférence japonaise dans le cadre du G8, proposition de session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au sida avant mai 2002).
Les débats du congrès de DURBAN m'ont également convaincu de la nécessité de mettre en place une recherche au bénéfice des habitants des pays du sud, avec les professionnels et les associations de ces pays dans le respect des droits de chacun.
Enfin, nous devons réaffirmer le rôle des associations. En Europe, en Amérique du Nord, le SIDA a engendré des remaniements profonds et positifs dans le comportement des malades et dans l'organisation des systèmes de santé.
Voici en quelques mots, les priorités de la Présidence. Il me tient à cur, que la France puisse, à cette occasion, apporter sa contribution à la promotion d'une Europe de la santé plus proche des citoyens, plus volontaire, plus visible et plus efficace.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 13 novembre 2000)