Point de presse conjoint de MM. Jacques Chirac, Président de la République et M. Keizo Obuchi, Premier ministre du Japon, sur la création de l'euro, le redressement économique du Japon, et sur le projet de conférence internationale pour la réforme des institutions de Bretton Woods et la réorganisation du système financier international.

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Circonstance : Visite en France de M. Keizo Obuchi, Premier ministre du Japon le 7 janvier 1999, première escale de sa tournée européenne

Texte intégral

LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais dire dabord ma joie daccueillir le Premier ministre du Japon, qui a bien voulu commencer sa tournée européenne par la France.
Vous connaissez les liens très étroits qui unissent le Japon à lEurope en général, et à la France en particulier. Nous avons eu un entretien qui a porté, pour une large part, sur les problèmes du système monétaire international, puisque le voyage du Premier ministre seffectue au lendemain de la création de leuro, et le Premier ministre ma dit laccueil favorable quil réservait à la création de leuro. Je lui ai dit que, pour les Européens, cela représentait un élément important de stabilité du système monétaire international et que cela exigeait, naturellement, une coopération très étroite entre les trois grands piliers du système monétaire international de demain, cest-à-dire le dollar, le yen et leuro.
Le deuxième point concernait la vigoureuse action de redressement économique que le Japon, sous limpulsion du Premier ministre, a engagée, et jai tenu à dire au Premier ministre que la France naturellement approuvait et soutenait cette action, et que, dautre part, nous avions une confiance totale dans le succès de cette action qui permettra au Japon de renouer cette année avec la croissance.

LE PREMIER MINISTRE JAPONAIS - Je tiens tout dabord à remercier le Président de la République des propos très chaleureux quil a adressés à mon égard et aussi de son explication succincte sur le contenu de notre rencontre.
Les relations entre le Japon et la France sont traditionnellement très riches dans le domaine de lart, de la culture et de la technologie, mais cest grâce au Président de la République, qui est un très grand connaisseur du Japon, que le lien entre nos deux pays a connu un grand essor récemment, et je men félicite.
Le Président Chirac vient donc de faire part du contenu de notre rencontre. Mais le fait que nous ayons évoqué de vastes sujets tels que la coopération en Afrique, la coopération pour le développement du commerce et de linvestissement mutuel, ceci témoigne de lapprofondissement important des relations franco-japonaises daujourdhui.
Comme la évoqué le Président de la République, jai tenu à visiter la France dabord, avec cette opportunité qui souvre, lintroduction de leuro le 1er janvier. Jai préparé un chèque en euro et je souhaite que demain je pourrai faire un achat avec ce chèque.
A mon départ, un euro valait environ 135 yens, mais aujourdhui il vaut 131 yens environ. Je ne sais pas si jai gagné ou perdu. Peut-être que jai perdu un peu.
En tout état de cause, je me réjouis davoir eu un échange de vues très approfondi sur lavenir de léconomie mondiale, y compris léconomie japonaise et léconomie asiatique.
Lors de notre rencontre, jai indiqué au Président de la République que nous sommes en train de préparer un environnement économique propice à lutilisation internationale du yen, ceci tenant compte de lintroduction de leuro en Europe. Vous avez déjà sous vos yeux le texte, mais nous avons convenu de travailler ensemble, le Japon et la France travaillent ensemble pour la réforme du système financier international.
Nous nous sommes mis daccord également sur limportance dun taux de change stable entre leuro et le yen, et sommes convenus aussi quil fallait établir un cadre de coopération nouveau pour les marchés des changes.
Jaimerais répéter que jai été très heureux davoir pu visiter la France au début de cette nouvelle année, et que je suis très heureux du fait que le Président de la République regarde avec un il très chaleureux la politique japonaise pour ce qui concerne la lutte contre les difficultés économiques. Je suis très heureux que nos échanges aient été très fructueux et approfondis et je souhaite souligner que je suis désireux de travailler ensemble avec le Président de la République pour développer davantage nos liens damitié. Encore une fois, je suis très heureux du fait que le Président CHIRAC ait été le premier dirigeant du monde à soutenir la politique économique du Japon.
Merci.
LE PRESIDENT - Je voudrais ajouter un mot à ce qua dit le Premier ministre sur la confiance que je porte au succès de sa politique. Il y a des signes, vous le savez, qui ne trompent pas, il faut savoir aussi interpréter les signes. Le Premier ministre est député dune circonscription, naturellement, et cest de cette circonscription quest originaire un lutteur de sumo, qui nétait pas, beaucoup sen faut, des favoris et qui a gagné le dernier tournoi, celui de Fukuoka. Eh bien, cest un signe qui ne trompe pas. Je crois quon peut faire confiance aux représentants de cette circonscription.
QUESTION - Je voudrais poser ma question à Monsieur le Premier ministre. Avant de quitter le Japon vous avez annoncé que vous alliez proposer un système de concertation tripartite entre les trois monnaies : le yen, leuro et le dollar. Avez-vous, au cours de lentretien avec le Président, convergé sur ce point ?
Dautre part, vous avez également annoncé que vous alliez prendre des mesures pour internationaliser la monnaie japonaise, le yen. Là aussi vous avez évoqué cette question ?
LE PREMIER MINISTRE JAPONAIS - Du point de vue du volume du commerce et aussi de la taille du produit interne brut, lEurope, les États-Unis et le Japon constituent les trois piliers importants du monde. Cest dans cette perspective que jai fait part de mon accueil favorable, sagissant de la création de leuro par lUnion européenne. Cela ne veut pas dire que les trois monnaies qui constituent le pilier du monde doivent se concurrencer contre lautre ou monopoliser le marché des changes. Le Président de la République ma dit que leuro na pas été créé pour concurrencer le dollar et le yen. Mais cela a été créé plutôt pour créer une stabilité monétaire en Europe, et jespère vivement que les trois monnaies, leuro, le yen et le dollar, puissent contribuer ensemble à la stabilité monétaire dans le monde. Je suis en train dannoncer au Japon et à lextérieur que nous sommes en train de mettre en uvre des mesures pour que le yen soit utilisé davantage à léchelon international. Nous allons mettre en uvre des mesures de déréglementation dans ce sens et je crois quil est important, avec un euro stable, que les rapports entre les trois monnaies soient sains.
QUESTION - Quel sera le cadre le plus favorable à une discussion sur la réorganisation des marchés internationaux ?
LE PRESIDENT - Il est certain que nous devons avoir une concertation rapide pour permettre de renforcer sensiblement le système monétaire international avant de passer au siècle prochain. Sur tous ces sujets, le Japon et la France ont une approche très généralement commune et nous aurons encore loccasion de le voir au prochain sommet du G7 à Cologne. Mais le Japon et la France, et dailleurs dautres pays, sont daccord pour faire une conférence internationale spéciale avant la fin de lannée, disons à lautomne, entre les trente pays, entre les membres, plus exactement, des pays du comité intérimaire du Fonds monétaire international auxquels seraient adjoints quelques pays qui ny sont pas, mais qui ont une importance monétaire dans le monde. Ceci pour permettre de mettre en place cette réforme : réforme des institutions de Bretton Woods, réforme des règles prudentielles, réforme des moyens ou renforcement des moyens du Fonds monétaire international, renforcement aussi de la surveillance du secteur financier. Et jai proposé que cette conférence internationale ait lieu en automne à Paris, et jai compris que le Japon ny voyait pas dinconvénient.

Je vous remercie.