Texte intégral
Mes chers collègues, mon cher Javier,
Je voudrais vous dire ma satisfaction d'ouvrir notre réunion et de nous voir réunis aujourd'hui en conférence d'engagement des capacités.
Nous avions formé le projet il y a près de neuf mois à Sintra de tenir une telle conférence avant la fin de l'année, afin de mettre l'Union en mesure de conduire des missions de gestion de crise. Nous y sommes aujourd'hui. Nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir d'avoir tenu le rythme de travail et les échéances que nous nous étions fixées. Cela a représenté une somme d'efforts considérables : il faut en remercier tous ceux qui y ont participé.
La journée et demie et les multiples échanges que nous allons consacrer aux engagements de capacités montrent l'importance de l'étape que nous marquons aujourd'hui. Les résultats de notre conférence, consignés dans la déclaration que nous allons préparer, seront discutés cet après-midi avec nos collègues des Affaires étrangères. Demain, nous prendrons note des offres de contributions complémentaires qui seront présentées par nos homologues des "15" et des "6". Enfin, nous préparons aujourd'hui, par l'étape décisive de notre conférence d'engagement, la prochaine échéance sur notre "tableau de marche" : le Sommet de Nice, dans à peine trois semaines. Notre déclaration sera annexée au rapport du Conseil européen.
Il s'agira pour nos chefs d'Etat et de gouvernement de constater, sur la base des engagements que nous allons souscrire, que l'Union européenne sera en mesure en 2003, et progressivement d'ici là, d'agir dans le cadre institutionnel qu'ils devraient agréer par ailleurs. Ils s'engageront aussi à mettre en oeuvre les projets que nous avons préparés. Ne nous leurrons pas en effet. Cette étape que je souligne n'est que la première d'un processus d'adaptation de nos capacités militaires qui durera. Nous ne nous engageons pas seulement aujourd'hui à tenir à la disposition de l'Union européenne des moyens que nos capitales décideront d'engager, au titre d'une éventuelle opération de gestion de crise, mais nous nous engageons à poursuivre les efforts nécessaires au renforcement de nos capacités dans différents domaines, d'ici 2003 et même après 2003.
Je voudrais d'abord rappeler que cette conférence d'engagement de capacités est rendue possible par la qualité et l'intensité des travaux qui ont débuté sous la Présidence portugaise, et se sont poursuivis depuis.
La Présidence française avait été invitée par le Conseil européen de Feira à présenter un rapport sur, je cite, "l'élaboration de l'objectif global et des objectifs collectifs en termes de capacités arrêté à Helsinki, y compris en ce qui concerne les résultats de la conférence d'offres d'engagement en matière de capacités, conférence qui doit être organisée avant le Conseil de Nice".
Nous avons fait de cet objectif l'axe principal de notre Présidence. Les efforts déployés par chacun des Etats membres pour y parvenir montrent que vous en avez également fait une priorité. Je vous en remercie.
Je crois que cette priorité reflète bien l'importance fondamentale accordée dans notre démarche, depuis Cologne, à la dimension capacitaire. Nous avons su, aux côtés de nos collègues des Affaires étrangères, travailler à la dimension institutionnelle de la construction de l'Europe de la Défense pour garantir son autonomie d'évaluation et de décision. L'efficacité et la crédibilité de ces structures seront aussi, pour nous qui portons une part importante de la responsabilité d'engagement de militaires dans des situations à risques la condition de la confiance des contributeurs de troupes. Mais c'est l'aspect capacitaire qui donne à l'ensemble de notre démarche son dynamisme et son caractère pragmatique.
Nous avons pris les moyens de traduire en termes concrets, techniques et militaires les objectifs de capacités fixés au niveau politique à Helsinki. Nous avons su également, chacun d'entre nous, déterminer la contribution précise que nous apportons à la force européenne de réaction rapide. De même, nous avons identifié les efforts qui demeurent nécessaires pour atteindre tous les objectifs fixés pour 2003, et au-delà pour mettre l'Union en mesure d'intervenir dans la gestion des crises sur l'ensemble du spectre de Petersberg.
Les représentants de nos ministères respectifs, sous l'impulsion des chefs d'état-major de nos 15 pays ont consacré tous leurs efforts à ces travaux. C'est la première fois, comme cela avait été relevé à Ecouen, que les représentants militaires de nos quinze nations faisaient ensemble un travail de planification de forces. Ils ont ainsi établi et testé entre eux des procédures et des habitudes de travail nouvelles.
La formation ad hoc, issue de l'organe militaire intérimaire et complétée par des experts du noyau d'état-major : la "Headline Goal Task Force" ou HTF, s'est réunie de façon quasi permanente depuis le début du mois de juillet. Les experts de l'Union européenne ont été rejoints, chaque fois que nécessaire (douze réunions ont eu lieu à ce jour), par des experts de l'OTAN, en format dit "HTF+", afin que ces derniers présentent des analyses techniques spécifiques complémentaires. La coopération avec l'OTAN s'est avérée exemplaire. Les Européens ont su mener à bout le travail technique qui leur incombait pour la mise en oeuvre de leurs objectifs. Ils ont su faire "bon usage", comme le disait Javier à Ecouen, des contributions complémentaires de très grande qualité fournies par l'OTAN.
Nous disposons donc de notre catalogue de capacités. Il a été établi sans préjuger des solutions qui pourraient être requises pour combler les insuffisances et les lacunes qui apparaîtraient à la confrontation de nos demandes et de nos offres. Il était en effet primordial pour la crédibilité et l'efficacité de la politique européenne de sécurité et de défense que l'Union européenne se fixe comme objectif d'être en mesure d'intervenir avec ou sans recours aux moyens de l'OTAN. Le catalogue de capacités a défini des critères qualitatifs, notamment en terme de disponibilité. Celle-ci est indispensable pour assurer des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants que nous nous sommes fixées. Il est de même de la capacité des troupes à durer, par exemple dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, comme nous le démontrent nos engagements dans les Balkans. Nous avions déjà pris note des grandes lignes de ce catalogue à Ecouen et avions demandé que soit approfondi le travail réalisé dans le domaine des capacités de commandement, de contrôle, de renseignement et de transport stratégique. Ce travail complémentaire a été réalisé et validé le 10 novembre par les chefs d'état-major des armées. Nous devrons certes continuer à le faire vivre au gré des évolutions techniques et tactiques et de nos choix politiques. A ce jour, il reflète une expression globale, cohérente et détaillée de nos besoins.
C'est en référence à ce catalogue que les Etats membres ont déterminé et affiné leur contribution. En matière de forces, le travail de recensement des contributions des Etats membres aboutit à la constitution de ce qu'il est convenu d'appeler un "réservoir" pour les opérations menées par l'Union européenne, qui regroupe de l'ordre de 100 000 hommes, 400 avions et 100 bâtiments.
La Présidence a tenu à ce que ces chiffres figurent dans la déclaration. Soyons bien clairs : il n'y a aucune remise en cause, explicite ou implicite, de l'objectif fixé à Helsinki. L'objectif global reste d'être en mesure de déployer, pour la composante terrestre d'une force de réaction rapide, un corps d'armée d'un effectif maximum de 60 000 hommes. Simplement, les experts militaires de l'Union européenne ont estimé, comme c'est logique, que pour disposer de la palette de moyens apte à couvrir chacun des scénarios envisagés, y compris dans les hypothèses de simultanéité, le besoin en militaires s'élevait à plus de 60 000 hommes. Il nous faut donc être transparents sur ce point. L'objectif de 60 000 hommes fixé par nos chefs d'Etat et de gouvernement est ambitieux, sa mise en oeuvre l'est aussi.
Dans le même souci de crédibilité et de transparence, il nous faut reconnaître que des améliorations, notamment en matière de disponibilité, de déployabilité, de capacité à durer et d'interopérabilité des forces devront être apportées pour être en mesure de réaliser pleinement l'objectif fixé pour 2003, notamment dans le cas des missions de Petersberg les plus exigeantes.
Nous devons aussi penser au renforcement des domaines où nous avons collectivement des déficiences significatives. Pour opérer avec l'efficacité et la sécurité voulues, les Européens chercheront à améliorer leurs moyens dans des domaines essentiels tels que les moyens de recherche et de sauvetage, les moyens de défense contre les missiles sol-sol, les munitions de précision, le soutien logistique et les outils de simulation. Il va nous falloir penser aussi à agir loin de nos territoires, souvent en environnement très dégradé, si la défense de nos intérêts de sécurité ou le soutien aux décisions des Nations unies l'exigent.
Des efforts sérieux sont aussi nécessaires en matière de capacités stratégiques, pour nous rendre réellement capables d'intervenir sur l'ensemble du spectre de Petersberg, avec ou sans les moyens de l'OTAN. En matière de capacités de commandement, il conviendra, en particulier, de vérifier l'interopérabilité de nos systèmes nationaux et d'assurer que nous disposerons, dans toutes les hypothèses, des états-majors nécessaires aux différents niveaux de commandement et des moyens de communication idoines. Pour le renseignement, certains pays de l'Union européenne sont, dès à présent, en mesure de réaliser seuls de complexes opérations de paix, le Royaume-Uni en Sierra Leone nous en a donné le plus récent exemple. Il convient de capitaliser sur ces moyens et de chercher, comme nous y appellent les objectifs collectifs de capacités d'Helsinki, à disposer des outils de recueil, d'analyse et de diffusion voulus. Enfin, en matière de capacités de transport stratégique, des efforts d'investissement s'imposent pour que nous soyons en mesure, dans toutes les circonstances, de satisfaire l'objectif de délai fixé à Helsinki et donc de pouvoir disposer rapidement, lorsque cela s'impose, d'un volume de forces significatif sur un théâtre de crise pour y influencer la situation conformément à nos vues.
Des efforts restent à effectuer pour réaliser pleinement en 2003 et au-delà l'objectif global et mettre en oeuvre les objectifs collectifs de capacités fixés à Helsinki. Plusieurs Etats membres ont communiqué à la Présidence un répertoire des projets et des pistes de réflexion qu'ils s'engagent à étudier. Il nous appartient aujourd'hui d'étoffer la liste des initiatives nationales ou multinationales qui garantiront que nous atteindrons les objectifs fixés. A ce sujet, je tiens à préciser que pour ceux d'entre nous qui sont, en parallèle, engagés dans l'exercice de l'OTAN d'amélioration des capacités de défense, il y a, certes, cohérence et compatibilité entre les objectifs fixés sans que ces deux processus puissent être confondus ou que les efforts à mener pour l'un puisse suffire à satisfaire l'autre. Soyons clairs : nous nous sommes donnés pour ambition d'agir au sein de l'Union européenne en ayant ou non recours aux moyens de l'Alliance, le champ d'application de nos projets est donc forcément plus large que celui de la DCI (Defence Capabilities Initiative).
Voilà, mes chers collègues ce que je souhaitais vous dire en introduction de nos discussions. Je laisse la parole à Javier, puis, nous engagerons le tour de table..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2000)
Nous arrivons donc à la conclusion de la conférence d'engagement de capacités du Conseil Affaires générales (CAG) de cet après-midi. Nous en retirons des décisions de première importance. Nous réalisons, en effet, concrètement un engagement majeur des dirigeants de l'UE, et cet ensemble de réalisations va être soumis à leur approbation à Nice.
Je crois que nous pouvons dire que les ministres de la Défense et le Secrétaire général Haut-représentant ont assumé la responsabilité éminente qui leur était attribuée. Je veux d'ailleurs souligner l'importance du travail de toutes les équipes mobilisées au secrétariat général et dans les ministères de la Défense et des Affaires étrangères de nos quinze nations. Je veux aussi rappeler que cette progression importante vient d'abord du soutien politique décisif qui a été apporté, par le Conseil européen lui-même à tous les sommets depuis Cologne, à ce projet de politique européenne de sécurité et de défense.
Les engagements nationaux qui ont été annoncés officiellement par les ministres aujourd'hui sont solides, précis et cohérents avec le catalogue de forces que nous avons retenu. Ils permettent de réaliser réellement le potentiel de 60 000 hommes disponibles pour un déploiement sur un théâtre. Pour atteindre cette disponibilité de 60 000 hommes, les gouvernements pourront faire un choix dans un réservoir de capacités plus vaste de l'ordre de 100 000 hommes en fonction des différentes spécialités, des différentes capacités techniques requises suivant les différents scénarios d'emploi. Cette force humaine sera soutenue par un potentiel de 400 avions de combat et de 100 navires. Ces capacités peuvent assumer une relève pour une durée d'un an, conformément à l'engagement qui a été pris. Nous ne réalisons pas, avec cet ensemble de décisions, une armée européenne intégrée sur le plan international, mais des contingents nationaux disponibles pour des missions choisies en commun, restant sous contrôle national.
Mais la cohérence des contributions et les engagements d'entraînement et de recherche d'interopérabilité permettront de faire de cet ensemble de contributions une force réellement efficace et pouvant répondre aux choix politiques de notre union.
Nous nous sommes également entendus sur des projets d'amélioration, de consolidation de ces capacités, en constatant des manques qui sont encore à combler pour que la force de réaction rapide détienne l'intégralité de son éventail de missions. Il y aura donc des projets relatifs au transport stratégique, au commandement de forces et aux systèmes de communication qui sont associés à ce commandement, des capacités de renseignement, des moyens de frappe de précision. Un grand nombre de ces projets de renforcement sont déjà engagés, et souvent sur des bases communes, avec des contributions jointes entre plusieurs pays. C'est le cas pour des programmes d'acquisition d'avions de transport, d'hélicoptères, de navires amphibies, naturellement pour des projets de renseignement satellitaire, et les concertations que nous avons eues jusqu'à aujourd'hui nous font penser que cette liste de projets de renforcement de capacités va encore s'enrichir d'ici au sommet de Nice. Je crois qu'il faut se persuader que ce dynamisme, cette volonté de renforcer les capacités est en relation avec l'effort de modernisation, avec les choix politiques de modernisation des systèmes de défense qui sont en cours, à l'heure actuelle, dans la plupart des pays de l'Union.
Je ne me livrerai pas, dans cette réunion de presse, à une description des contributions nationales. Nous nous sommes entendus, avec mes collègues, sur le fait que les contributions nationales seront présentées par chaque gouvernement dans son cadre national. En ce qui concerne la contribution française, je la présenterai lors d'une séance particulière du Sénat demain après-midi et je voudrais suggérer que, d'ici ces présentations formelles et attestées par les autorités de chaque gouvernement, toute évocation, a fortiori comparative, des contributions n'auraient forcément qu'un caractère partiel et potentiellement erroné.
Nous avons également décidé de hâter nos travaux pour l'adoption d'un mécanisme d'évaluation et de vérification de ces capacités, qui est en voie d'approbation et que nous pensons soumettre aux chefs d'Etat et de gouvernement à la réunion de Nice.
De même, la mise en place des organes permanents de gestion de crise de l'Union sera prête pour approbation au sommet de Nice.
Comme vous le savez, nous complétons les réunions et les décisions d'aujourd'hui par un dîner de travail, ce soir, avec Georges Robertson de manière à pouvoir progresser encore dans la mise en place des relations permanentes de travail, de coopération, d'anticipation entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique, point sur lequel les principes proposés par l'Union sont maintenant agréés entre les Quinze.
Nous poursuivrons demain par une réunion avec nos alliés européens non membres de l'Union et avec l'ensemble des pays candidats à l'Union. Nous recueillerons lors de ces nouvelles rencontres les contributions additionnelles volontaires de ces pays partenaires et nous mettrons au point avec eux, sur la base d'un projet qui a lui aussi fait l'accord des Quinze, la réalisation pratique des méthodes de coopération permanente entre l'ensemble de ces pays partenaires et l'Union. Nous aurons, Javier Solana et moi, l'occasion de vous rendre compte également de ces contacts complémentaires avec les quinze autres nations demain. Toutes ces avancées ont été bien sûr possibles parce qu'elles faisaient l'objet d'une convergence, d'une analyse commune avec l'Alliance atlantique et c'est ce que nous constaterons à nouveau ce soir, lors de la rencontre avec Lord Robertson. Mes collègues et moi-même pouvons dire bien sûr notre satisfaction de cette réussite collective qui contraste avec beaucoup d'attentes déçues en matière de sécurité et de défense européenne au cours des décennies passées. C'était bien sûr une responsabilité impressionnante d'avoir à réaliser le mandat fixé par les dirigeants européens. Nous sommes, je crois, en ligne avec ce mandat, mais nous ne devons pas nous arrêter là : nous avons un travail d'amélioration, de vérification des capacités, de réflexion sur les scénarios d'emploi, de rodage des procédures de travail. Notre expérience de ministre de la Défense nous indique que l'exigence et l'esprit de responsabilité pour la mise au point effective de cet ensemble de capacités et d'outils sera la clé de la crédibilité de l'Union européenne en la matière. Je souligne toutefois que les engagements qui sont ceux des Européens, souvent côte à côte au cours des dernières années - je pense naturellement à nos actions en Bosnie et au Kosovo - démontrent que l'Union européenne ne part pas de rien et qu'elle a déjà démontré sa détermination et la capacité de ses forces à bien travailler ensemble. Je souligne aussi que nous convergeons pour dire que ces capacités, qui seront complètes en 2003, pourraient être employées plus tôt qu'à cette date si les conditions politiques le justifiaient et après une vérification par nos soins des conditions pratiques d'engagement. Nous sommes donc à la tâche pour réaliser un progrès décisif dans le rôle international de l'Europe. Nos chefs d'Etat et de gouvernement pourront saluer cette avancée à Nice. Je voudrais dire que nos ministres de la Défense, Javier Solana pourra confirmer cette approche, continueront à avoir besoin du soutien persévérant et déterminé de nos dirigeants et aussi des citoyens européens. C'est cette volonté commune, cette ambition démocratique collective qui nous ont permis de réussir les projets dont je vous rends compte aujourd'hui.
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Q - A ma connaissance, la force de réaction rapide ferait appel à des moyens de l'OTAN à court terme et à moyen terme. Or, je suppose que ces moyens ont besoin d'une force militaire américaine pour que cela puisse fonctionner. En quoi une intervention, dans un proche avenir, de la force de réaction rapide de l'Union européenne diffère-t-elle de ce qui se passe maintenant, puisqu'on a des troupes de première ligne avec des moyens américains et troupes qui les appuient ? Quelle est la différence entre ce qui se produit actuellement et ce que vous proposez ?
R - La première différence essentielle tient à ce que les Européens organisent leur force de telle sorte qu'ils puissent coopérer et être "interopérationnels" sur le terrain, par leurs propres moyens. Quand les différentes contributions nationales seront en place, vous pourrez constater que la capacité de nos nations à combiner leurs forces, à les coordonner et à avoir des commandements communs sur le terrain sera réelle. Il est vraisemblable que, dans des circonstances très exigeantes, pour des opérations de haut niveau, il nous faille combiner nos forces avec des moyens de l'OTAN. C'est la raison pour laquelle nous apprécions tant que les Etats-Unis aient exprimé leur appui et leur approbation vis-à-vis de ce que nous faisons entre Européens, ce qui est aussi un pas en avant considérable.
Q - Quelles sont les zones géographiques hors Europe où les forces européennes pourraient intervenir pour le maintien de la paix ? Dans le cas, très hypothétique en raison des événements actuels, où il y aurait une solution de paix au Moyen-Orient, est-ce que les forces européennes pourraient jouer un rôle dans le maintien de la sécurité dans la région ?
R - Concernant le premier point, le texte d'Helsinki nous fixe la règle et le principe : les forces européennes conjointes dont nous parlons peuvent être employées sur décision des autorités politiques de l'Union soit pour gérer une crise dans l'espace européen, soit pour apporter leur contribution aux Nations unies dans le cadre d'un mandat des Nations unies, sur un autre théâtre d'opérations. L'un des critères qui nous a donc guidé pour élaborer le catalogue concret des différentes capacités a été cette dualité de missions.
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Q - Vous avez dit que vous espérez une force plus ou moins complète pour 2003. D'après les contributions qui ont été promises aujourd'hui, quelle proportion des moyens que vous avez énumérés (commandement et contrôle, communication, transport stratégique et surtout renseignement stratégique) sera prête pour 2003, selon vous ?
R - Pour aller à l'essentiel, je pense qu'une large proportion de ces moyens sera acquise en 2003 et que les engagements de réalisation de nouveaux équipements qui sont en train d'être réunis, et souvent par accord entre plusieurs nations européennes, nous permettront de progresser encore.
Je vous cite le cas de l'observation spatiale, qui est évidemment un des sujets principaux. Vous savez que nous avons aujourd'hui des approches de coopération entre l'Italie, l'Allemagne et la France qui nous permettront, à brève échéance, d'augmenter très substantiellement la capacité d'observation spatiale des Européens, que ce soit en vision à haute définition, à haute résolution, ou que ce soit en observation tout temps.
En ce qui concerne la capacité de transport stratégique, nous avons maintenant sept des nations européennes qui se sont engagées dans l'acquisition de 185 avions de transport de nouvelle génération. Il est vrai que, pour être tout à fait très précis et honnête, la réalisation de cette commande s'étalera au-delà de 2003.
Donc, nous attachons d'autant plus d'importance à ce dispositif de vérification et d'évaluation que nous ne devons pas perdre de temps pour réaliser les capacités supplémentaires que les Européens ont choisi de se donner. J'ajoute un commentaire sur ce problème des capacités supplémentaires : cette question était posée à l'Europe depuis des années et les insuffisances dont nous discutons aujourd'hui étaient vérifiées et permanentes, aussi bien dans le cas des nations prises isolément que dans le cas de leur capacité de contribution à l'Alliance, pour celles qui en sont membres. Ce qui se passe aujourd'hui et ce qui est le résultat de l'engagement politique de nos quinze nations, c'est qu'une dynamique est engagée pour que les Européens augmentent leurs capacités et améliore leur coordination. Aussi, je crois que ce nous avons fait et ce que nous allons continuer à faire marque un réel changement de situation quant à la capacité des Européens à contribuer à leur propre défense et à un meilleur équilibre.
Q - Vous avez parlé d'opérations qui pourront être menées avant 2003. Pouvez-vous nous citer le type d'opérations qui pourrait être mené avant cette date et nous donner des exemples dans l'actualité récente qui pourraient constituer une opération de ce type ?
R - Je ne crois pas qu'il soit du rôle d'un ministre de la Défense, a fortiori quand il a la responsabilité de la présidence de l'Union dans ce domaine, de spéculer sur les types d'opérations que nous pourrions mener et a fortiori sur les endroits où nous pourrions les mener. Quand je regarde ce que les membres de l'Union européenne sont capables de faire aujourd'hui au Kosovo, en fournissant les 3/4 des forces et de leur potentiel de commandement et quand je vois ce que beaucoup de nos nations ont été capables de faire, sont en train de faire aujourd'hui dans différentes opérations sous l'égide de l'ONU, nous savons que nous partons de capacités réelles et que nos nations démontrent tous les jours leur détermination à agir dans les crises.
La force de réaction rapide sera donc un outil supplémentaire pour les Européens, un cadre pour coordonner leurs contributions qui augmentera certainement leur détermination à prendre des responsabilités dans des actions de gestion de crises que nos principes politiques, nos valeurs démocratiques, nous incitent à traiter volontairement.
Q - Dans quelle mesure l'Union européenne devrait dépendre des plans de SHAPE pour ses plans de défense ? Doit-elle se servir des planifications de SHAPE dans tous les cas pour les plans opérationnels ; sinon dans quels cas doit-elle le faire ou non ?
R - Cette question reste en discussion avec nos partenaires, avec les Etats membres. Ce qui est évident à nos yeux, c'est que nous devons partager les capacités existantes qui sont offertes par l'OTAN aux nations européennes et qu'une partie du travail de planification est liée de façon étroite à la définition politique de l'approche d'une opération. Ainsi, nous estimons que nous devons associer et combiner des capacités différentes, qui seront rassemblées par les Européens, et les capacités du SHAPE. Cela fait déjà l'objet de discussions, après la proposition faite par William Cohen lors de notre réunion dans le cadre de l'OTAN. Mon opinion personnelle est qu'il y aura une réponse mixte et associative à cette question.
Q - N'y a-t-il pas un danger à ce que cette nouvelle force "courre avant de pouvoir marcher" ? Pensez-vous qu'il y aura une mission qui va impliquer des combats, qui prendra 60 000 hommes et qui devrait être menée à bien par l'Union européenne sans l'OTAN ? Enfin, si vous le permettez, l'initiative européenne de défense, qui a toujours été une position du gouvernement français, ayant été réalisée, probablement à la satisfaction générale, le moment n'est-il pas venu maintenant, pour la France, de préciser sa position et de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN, dans le droit fil de cette initiative européenne ?
R - Si je vous ai bien compris, la première remarque que vous avez faite était une déclaration et non une question. Je ne partage pas ce point de vue. Ce que je viens de dire, c'est qu'il y a une volonté de tous les Etats membres de réunir réellement ces capacités, de pouvoir les utiliser dans différentes circonstances. Alors, il est clair, pour quiconque assiste à nos réunions, qu'il n'y a pas de perspective dans laquelle l'Europe utiliserait ses capacités collectives contre la volonté de l'OTAN. Et il est certain que, dans tous les cas, il y aurait association d'engagements politiques et, probablement, de contributions technico-militaires. Mais je n'ai pas besoin d'expliquer longuement ce qui a figuré dans tous les textes depuis le départ. L'OTAN et l'Union européenne se sont mis d'accord sur le développement d'une réelle capacité de l'Europe d'agir en tant que partenaire majeur sur la scène internationale. C'est également une nette amélioration de l'équilibre des engagements globaux au sein de l'Alliance telle qu'elle existait jusqu'à présent.
Concernant la seconde question, je pense que la position de la France vis-à-vis de l'intégration militaire à l'OTAN ne doit pas être précisée parce qu'elle est très claire, tant au niveau des principes que des conséquences pratiques.
Q - Vous avez déjà un petit peu répondu mais une nouvelle clarification ne serait pas inutile. Lord Robertson vient de saluer l'avènement de la défense européenne et il a précisé qu'elle agira pour des missions de maintien de la paix que l'OTAN aura choisies de ne pas conduire. Dans quelle mesure l'emploi de cette force européenne sera-t-elle subordonnée, d'une manière ou d'une autre, à une décision de l'OTAN ? Une seconde question : Lord Robertson vient de dire que les capacités militaires européennes seront toutes à la disposition de l'OTAN : je voudrais simplement savoir si vous confirmez sur ce point.
R - Sur le premier sujet, la proposition logique sur laquelle nous nous sommes mis d'accord, aussi bien au sein de l'Alliance qu'au sein de l'UE, c'est de déclarer que ces capacités européennes seront employées par le choix politique des dirigeants de l'Union européenne, là où l'Alliance dans son entier ne serait pas engagée. Ce n'est donc pas une subordination, au sens politique, mais simplement le constat d'un partage de rôle, auquel les nations, qui prennent en dernière analyse les décisions, aussi bien au sein de l'Alliance qu'au sein de l'Union européenne, auront apporté collectivement leur consentement. Ce consentement peut d'ailleurs signifier, comme nous l'avons vu dans des cas concrets, que certaines nations, qui ne sont pas fondamentalement d'accord avec l'option, la laissent se réaliser pour respecter la solidarité qui les lie à l'une ou l'autre des institutions. Quant à la contribution des nations de l'Union pour une action de l'Alliance, je crois que c'est la réalité pour les nations qui sont membres des deux institutions. Et ceci, là encore, n'est pas une grande nouveauté ; cela correspond à des formes de contributions dont nous débattons depuis déjà pas mal de temps dans le cadre du "headline goal" d'un côté, et de la DCI de l'autre.
Donc, Georges Robertson n'a fait que décrire, je crois, une réalité sur laquelle nous sommes d'accord.
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Q - Si je lis bien le communiqué final, au point 6, alinéa C, vous parlez de transparence, de simplicité et de clarté, en particulier pour permettre de comparer les engagements des différents Etats membres. N'est-ce pas un peu contradictoire avec la décision de ne pas annoncer les engagements des différents Etats membres ?
R - La transparence dont nous parlons est une transparence entre deux institutions qui ont des responsabilités de défense. Comme vous le savez, nous sommes en train de travailler, entre l'Alliance et l'Union, à des arrangements de sécurité. Parmi ces arrangements de sécurité, il y aura évidemment des règles de protection de l'information. Ce n'est donc pas parce que nous n'aurons pas rendu publique l'intégralité de la description des capacités et des spécifications des équipements que nous choisissons de fournir au titre des contributions qu'il n'y aura pas de transparence entre l'Alliance et l'Union.
Dans ce domaine, les règles de protection et de limitation de l'information que l'UE va se donner auront forcément à être en cohérence avec celles de l'Alliance si nous voulons pouvoir communiquer.
Mais je précise que la plupart des collègues ont l'intention de donner des précisions chiffrées sur leurs contributions nationales dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures. Nous avons fait ce choix pour bien souligner - puisque la question reste débattue - qu'il s'agit bien de contingents nationaux dont la définition, bien sûr harmonisée dans nos réunions, a été adoptée, en dernière analyse, par les gouvernements nationaux et qui resteront sous leur contrôle.
Q - Vous avez identifié toute une série de lacunes, de carences dans les capacités militaires de l'Union. A votre avis, quelle sera la lacune la plus difficile à combler ? Et quels seront les mécanismes que vous pourrez mettre en uvre pour convaincre les Etats membres souverains de consacrer davantage de fonds ou de les dépenser de manière plus intelligente pour combler cette lacune ?
R - En fait, nous nous fondons sur l'élan et l'engagement pris aujourd'hui et qui se vérifient. Nous pouvons ensemble constater des lacunes et des déficiences ; ces lacunes et ces déficits existent depuis des années, voire depuis des dizaines d'années parfois. L'engagement politique, le souhait de la part de tous nos gouvernements, est de contribuer efficacement à la gestion de la crise au sein de l'UE. Cette volonté, ce souhait, sont véritablement des forces motrices crédibles qui pourront convaincre nos gouvernements, nos parlements, nos opinions publiques de contribuer plus efficacement à la défense commune.
Quel sera le déficit le plus difficile à combler ? Je ne pense pas pouvoir répondre à cela... Après réflexion, ce sont les services de renseignement qui posent le plus de problèmes.
Nous progressons substantiellement en ce qui concerne la nouvelle génération de satellites mis à disposition par l'Italie, l'Allemagne et la France. Il serait techniquement logique de nous associer pour exploiter toutes ces données. La collecte de données n'implique pas seulement l'espace, mais aussi toute une série de capacités à notre disposition que nous pouvons déployer. Certaines de ces capacités existent déjà, et il est clair aussi que la majorité de nos pays font des efforts considérables en ce qui concerne les systèmes d'opération aériens. Mais c'est une tâche de longue haleine que de combiner ces différents éléments et de les rendre entièrement intéropérables ; c'est ce que nous sommes en train de faire.
Q - Si je vous ai bien compris, ces troupes d'intervention européennes impliquent des efforts militaires accrus de la part des Quinze Etats membres. Quel est le lien entre ceci et les mesures prises par de nombreux Etats membres visant à réduire les troupes et à réduire également les dépenses en matière de défense ou, au moins, à réformer ce secteur de la défense ?
Deuxième question : vous avez parlé de quinze Etats en dehors de l'UE, quinze Etats qui étaient disposés à contribuer à ces troupes d'intervention, à ces capacités. Cela voudrait-il dire que vous augmenterez à ce moment-là le nombre total de 60 000 hommes ou que le contingent fixé pour l'instant par le catalogue serait ainsi réduit ? Et pourriez-vous dire, de manière plus précise, de quels pays il s'agit et dans quelle mesure ils se sont déjà engagés officiellement à compléter les capacités ?
R - Sur le premier sujet, j'y ai fait brièvement allusion dans mon propos introductif : la plupart de nos nations sont en train de réformer leur système de défense. Et l'un de nous a fait remarquer, il y a quelque jours (c'était Geoffrey Hoon), qu'une partie des systèmes de défense des nations de l'Union est encore influencée par les principes et les objectifs stratégiques de la guerre froide. Il est vrai que quelques années après, nous sommes encore, pour la plupart d'entre nous, en transition. Il est clair que le sens général de ces réformes, qui est convergent, et c'est une force pour nous, c'est la réduction des effectifs et l'acquisition d'une mobilité beaucoup plus grande, d'une flexibilité beaucoup plus grande et d'une capacité de combinaison de forces à l'intérieur de nos systèmes, ainsi qu'un effort important pour mieux associer les forces des armées de terre, de l'air et des marines.
Je crois qu'il est cohérent que nous ayons à la fois une augmentation des forces vraiment déployables et des différentes capacités techniques de forces d'intervention et une réduction des effectifs globaux des armées des quinze nations. Je crois que, là aussi, le mouvement européen qui s'est engagé constituera un soutien pour l'effort politique et celui de persuasion vis-à-vis des opinions publiques, en faveur des réformes que nous sommes en train de réaliser dans la plupart des pays.
Quant aux quinze nations partenaires avec lesquelles nous nous concerterons demain, ce sont l'ensemble des nations, soit candidates à l'UE, et reconnues comme telles, soit les nations européennes membres de l'Alliance et non membres de l'UE. La plupart, d'ailleurs, appartiennent aux deux catégories, à l'exception de nos amis islandais et norvégiens qui ne sont pas candidats.
Les contributions qu'ils nous présenteront demain seront des contributions additionnelles. Elles représenteront un potentiel supplémentaire par rapport à l'objectif du "headline goal".
Vous me direz : est-ce bien utile ? C'est utile à la fois pour renforcer la crédibilité globale, c'est-à-dire pour augmenter le potentiel dont nous pourrions disposer en cas de besoin. C'est utile ensuite pour élargir nos marges de choix dans l'hypothèse où certaines nations membres de l'Union ne seraient pas disposées à participer à une opération tout en l'approuvant politiquement. C'est enfin tout à fait utile pour marquer une volonté de partenariat entre les nations de l'UE, qui ont pris leurs responsabilités dans l'Union, et tous les partenaires qui souhaitent s'associer à cet effort et dont la grande majorité seront de futurs membres de l'UE. Je crois que c'est Bjorn von Sydow (ministre suédois de la Défense)qui le faisait remarquer lorsque nous travaillions à la préparation de la prochaine présidence : ce travail en partenariat avec les quinze nations est une contribution utile du domaine de la défense à toute la réflexion et à la dynamique de l'élargissement.
Q - L'un des rapports de l'OTAN souligne la modestie des dépenses militaires européennes aux contributions financières de défense. Est-ce que la nouvelle force ne va pas augmenter le fardeau financier sur les pays européens ?
R - D'une part, en effet, des différences de capacités financières existent au sein de l'Alliance. Il est donc logique que des analyses au sein de l'Alliance aient révélé cette réalité qui est ancienne.
D'autre part, au sein de l'UE, à partir du moment où nous prenons des engagements communs, la base d'un dialogue financier, d'un dialogue budgétaire, entre les nations se forme, puisque comme nous en parlons entre ministres de la Défense, il y aura une certaine logique à ce que des nations qui ont pris des engagements qui sont cohérents fassent des efforts budgétaires de défense qui ne soient pas trop dissemblables. Et nous savons bien que la tendance à la stabilité ou à la baisse des dépenses de défense dans certaines de nos démocraties vient d'une certaine désaffection des opinions publiques vis-à-vis des objectifs et des impératifs de défense, parce que dans ces opinions publiques, le sentiment d'une sécurité au moins régionale et d'une absence de nécessité d'engagement militaire prévaut sur les responsabilités extérieures.
Nous croyons donc que cet engagement politique commun peut donner plus de légitimité, au sein de nos différentes opinions publiques, à un effort de défense accru et mieux partagé entre les nations européennes.
Par ailleurs, nous savons tous, lorsque nous faisons des programmes en commun, que la convergence des décisions d'équipement et une politique coordonnée d'acquisitions nous permettent d'avoir de meilleurs résultats pour le même niveau de dépense ; donc nous avons ainsi également une marge importante de gains d'efficacité de nos dépenses.
Nous avons des marges importantes de synergie quant à l'emploi de nos fonds, et je vous ferai observer que de très nombreuses décisions d'acquisitions conjointes ont été prises cette année et l'année dernière, qui accompagnent fortement cette dynamique de convergence européenne..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2000)
1 - Propos introductifs
Monsieur Alain Richard, ministre de la Défense
Nous vous retrouvons pour vous apporter les indications relatives aux deux réunions qui se sont tenues ce matin dans la prolongation de la conférence de capacités d'hier.
Les quinze ministres de la Défense de l'Union se sont réunis avec leurs collègues des alliés non membres de l'Union et des pays candidats à l'Union. Cela fait au total un format à quinze pays partenaires. C'est la première fois que cette réunion se tenait à un niveau ministériel.
Vous savez que nous avons élaboré ce mécanisme de consultation au cours des derniers mois, à partir du sommet de Feira, afin de traiter de façon positive et dynamique la relation avec tous ces pays partenaires. Nous en avons donc établi les principes de fonctionnement.
Au cours des derniers mois, les premières réunions au niveau des ambassadeurs et au niveau d'experts militaires, se sont tenues pratiquement pendant tout le semestre de la présidence française ; nous avions donc programmé cette première réunion au niveau ministériel. Elle s'est tenue dans le prolongement des engagements de capacités que nous avons adoptés hier, que Javier et moi avons commentés hier soir.
Cette fois-ci, il s'agissait de recueillir les contributions volontaires souhaitées par les quinze nations partenaires. Ces contribution sont à nouveau substantielles. Les collègues, représentant les gouvernements de ces pays, nous les ont présentées ce matin. Nous les caractérisons surtout par la ferme volonté politique de participation. Je crois que le mouvement s'est engagé, que la proposition faite par l'Union à ces pays, en leur disant "si vous le souhaitez, vous pouvez participer avec des forces réelles et nous organiserons ensuite le travail en commun", a été massivement approuvée.
Les interventions des représentants des quinze nations m'ont semblé particulièrement positives. Nous souhaitons que ce processus se développe. Nous avons pris en compte ces contributions pour qu'elle soient examinées par les experts de l'UE : il y aura donc un travail d'évaluation et l'organisation d'un mécanisme de suivi. Il y a accord entre les Quinze de l'Union et les quinze pays partenaires pour que le mécanisme de suivi et de vérification soit le même. Cela veut dire que le niveau d'exigence opérationnelle et technique qui s'adresse à ces forces, à ces contributions, sera homogène avec celui que nous nous fixons au sein de l'UE. Cela se comprend bien : il ne pourrait pas y avoir deux standards de forces alors que ces forces pourraient être amenées à agir ensemble.
Cette nouvelle réalité démontre que le développement de la politique européenne commune de sécurité et de défense a un effet d'entraînement, déclenche des réactions positives et une volonté de convergence et de coopération chez nos partenaires. Notre message indique bien qu'il s'agit d'une démarche ouverte et que l'ensemble des pays européens qui veulent exprimer une solidarité avec cette démarche y ont leur place. Le dialogue sur ce point a donc été fructueux. Nous sommes arrivés à une vision réellement commune.
Du point de vue de l'Union, je crois qu'il y a deux leçons à tirer :
- la première, c'est que la démarche de la PECSD est convaincante, entraînante. Les dernières déclarations qui ont été faites par l'administration américaine montrent que notre partenaire outre-atlantique soutient cette démarche et considère qu'elle est positive pour l'équilibre et pour le dynamisme de l'Alliance. Vous voyez, avec cette réunion, que les pays européens non-membres de l'UE ont également le souhait de s'engager aux côtés de cette politique, d'en recevoir les informations, de participer à une concertation, donc d'être dans la partie. Je crois donc que l'Union a joué son rôle de dynamisation à travers cette politique.
- la seconde remarque est que ces contributions, que nous avons déclarées "additionnelles" - le mot dit bien ce qu'il veut dire -, sont un potentiel supplémentaire. Je ne décrirai pas plus qu'hier ces contributions car ce sera aux autorités nationales de préciser les formes et les volumes de leurs contributions. Mais ces contributions représentent, bien sûr, un apport significatif, qui sert l'intérêt et la crédibilité de notre politique de sécurité et de défense. Il faut en effet se souvenir que, comme nous en parlions hier, les contributions des membres de l'Union sont volontaires, donc que les forces restent sous contrôle national.
Avoir des forces additionnelles nous donne une flexibilité supplémentaire pour adapter le type d'action que nous souhaiterons mener en fonction des besoins et en fonction de la convergence des volontés politiques. Nous considérons cela comme le début d'un travail en commun. Il y a une très forte volonté de participation de la part des pays partenaires. Tous l'ont exprimée, beaucoup ont été très positifs sur les mécanismes que nous prévoyons et qui vont nous demander encore quelques semaines pour être totalement au point. Il n'y a pas eu de critiques ou d'opposition à ce mécanisme de concertation et de transparence. Nous faisons donc vraisemblablement aujourd'hui une première présentation d'un dispositif qui va prendre de l'ampleur. Nous aurons l'occasion de vous en reparler. Mon collègue et ami Bjorn von Sydow (ministre de la Défense de la Suède), lorsqu'il présentera les résultats de l'activité de l'Europe en matière de sécurité et de défense dans six mois, pourra probablement vous apporter toute une série de réalisations pratiques qui démontreront la création de liens effectifs entre les quinze membres de l'Union et leurs quinze partenaires.
Je crois donc que nous allons beaucoup travailler. Ce travail sera fondamentalement productif pour l'identité européenne de sécurité et de défense.
Monsieur Javier Solana, Haut Représentant pour la PESC
Je voudrais ajouter seulement trois points à l'intervention du ministre de la Défense de la France.
D'abord, la réunion d'aujourd'hui est très importante du point de vue de la sécurité parce qu'elle montre de manière claire que nous, Européens, considérons la sécurité en Europe comme un projet inclusif, et que tous les pays qui font partie de l'Europe, du point de vue géographique, doivent avoir un rôle à y jouer. Comme vous le savez, les quinze pays qui sont candidats sont déjà associés à la politique étrangère de l'Union et participent aux déclarations que nous faisons après le Conseil affaires générales.
Le second point que je voudrais aborder est que la réunion d'aujourd'hui va au-delà des questions de sécurité. C'est une réunion de nature également politique. Le fait que les quinze pays candidats soient aujourd'hui avec nous, concrétise le souhait des Etats membres de les rapprocher de l'Union, du point de vue politique comme du point de vue de la sécurité.
Enfin, troisième point, la réunion avec les six pays de l'OTAN, qui ne font pas partie de l'Union, signifie aussi que nous sommes très conscients qu'il y aura des opérations de l'Union menées par l'Union avec des moyens de l'OTAN. Et donc, il faut prendre en considération ce type de possibilités, ce type d'opérations. Nous voulons donc avoir des coopérations plus étroites avec les six pays qui font partie de l'OTAN, encore non membres de l'UE.
2 - Réponses aux questions des journalistes
Question (Agence de presse tchèque) : hier, vous nous avez donné des chiffres approximatifs des contributions des Etats membres. Pouvez-vous faire la même chose pour les contributions faites aujourd'hui par les quinze partenaires, afin que l'on ait une idée de l'ampleur de ces contributions ?
Ma deuxième question concerne le mécanisme de concertation avec les pays non membres de l'UE. Où en est-on ? Le document sera-t-il prêt pour la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères ? En avez-vous parlé aujourd'hui ? Y a-t-il encore des problèmes à résoudre concernant le contenu du document ?
Réponse (Alain Richard) : sur la somme des propositions des contributions, nous n'avons pas fait, pour l'instant d'additions, parce que ces contributions sont encore en cours d'examen et que certaines nations nous ont indiqué qu'elles compléteraient leurs propositions prochainement. Ce seront des informations que nous pourrons émettre à un niveau global sans doute dans quelques jours.
Concernant le document relatif aux méthodes de concertation, il me semble très près de l'approbation finale puisqu'il a fait l'objet d'un accord des représentants des Quinze au niveau des directeurs des affaires politiques de nos ministères des Affaires étrangères. Comme vous le savez, dans le processus de décision de l'Union, lorsqu'il y a un mandat commun approuvé à ce niveau, c'est que l'essentiel des problèmes éventuels a été vu. Le planning que nous souhaitons est donc que ce document soit approuvé par le CAG, dans quinze jours, celui qui précédera la réunion de Nice.
Question (presse autrichienne) : je voudrais poser une question sur la Turquie. Est-il exact que la contribution turque est de loin la plus vaste, la plus importante ? La Turquie a-t-elle parlé de sa contribution actuelle à l'action d'intervention rapide de l'UE ?
M. Solana, comment évaluez-vous l'attitude, la position de l'UE vis-à-vis de la Turquie ? Y a-t-il eu un recul, voire un échec, hier, en ce qui concerne les négociations d'adhésion ? Juste un mot peut-être sur l'ampleur de la contribution turque ?
Réponse (Alain Richard) : à coup sûr, la contribution annoncée par notre collègue turc est substantielle. Mais je m'en tiendrai à la règle, à savoir que la description des contributions nationales relève des gouvernements des pays concernés et de nul autre. Il n'est pas de mon ressort de proposer une hiérarchisation, selon l'ampleur ou selon tout autre critère, entre les contributions des différents pays. Je crois que, étant donné l'environnement psychologique et politique du lien entre la Turquie et l'édifice européen de défense, le simple fait que la Turquie ait proposé un apport substantiel, qui s'inscrit très bien dans le contexte que nous avons tracé, est déjà un signe clair que les choses vont dans le bon sens.
Réponse (Javier Solana) : pour ma part, je pense que tous les pays qui ont participé aux réunions aujourd'hui se sentent à l'aise, nous font confiance quant à ce que nous faisons et quant à notre façon de travailler. Ils se réjouissent du document qui est maintenant à l'étude dans l'UE, document promis à l'approbation à Nice. Je ne veux pas dire qu'ils sont contents de tout ce qui est dit dans le document, mais il y a là un commun dénominateur, un consensus.
Sur le deuxième point, je n'entrevois aucun problème particulier aujourd'hui, vis-à-vis de la Turquie, sur la façon dont le ministre de la Défense s'est présenté à la réunion d'aujourd'hui. Au contraire, il s'est montré très constructif. Dans le passé, il y a eu des malentendus. Ils ont été tirés au clair. Nous allons dans la bonne direction et nous espérons que cela continuera de la même façon.
Question (New York Times) : je voudrais également poser une question sur la Turquie. Quels accords spécifiques ont été prévus pour donner à la Turquie une voix dans la prise de décision communautaire avant une opération à laquelle la Turquie pourrait ou non participer ? La Turquie aura-t-elle voix au chapitre dans cette prise de décision et comment ?
Réponse (Alain Richard) : Les règles et les méthodes de coopération sont en cours de finalisation. Cela vaut pour tous les pays alliés non membres. Il y aura homogénéité ; il n'y aura pas de catégories, de " première " ou de " deuxième classe " concernant ces règles. Les règles que nous préparons donneront à tous toute la possibilité de prévoir, par une consultation, une participation à la discussion avant que l'UE ne prenne une décision, que ce soit en situation de pré-crise ou de crise, ou en situation de gestion de crise. Bien entendu, la prise de décision reste à l'UE. Je crois que c'est assez simple à expliquer à des pays qui veulent adhérer à l'UE et qui savent, mieux que quiconque, la différence entre l'appartenance à l'Union et le fait d'être encore à l'extérieur. Au cours d'une situation de crise, si les forces d'un pays participent à telle ou telle opération, des règles spécifiques permettront une participation à la prise de décision pour cette opération, pour ce pays en tant que contributeur. Mais, encore une fois, ce sera la même chose pour la participation turque, hongroise ou norvégienne. Nos collègues turcs le comprennent fort bien.
Question (télévision hongroise) : la contribution actuelle des pays candidats est relativement petite, d'après ce qu'on entend. Théoriquement, d'ici quelques années, certains de ces pays pourront être membres de l'Union. Vu leur système militaire plus arriéré, pensez-vous qu'ils vont être capables, au moment de leur adhésion, de présenter des contributions semblables aux pays membres actuels ?
Réponse (Alain Richard) : Comme vous le sous-entendez dans votre question, la ligne de séparation n'est pas tellement entre les pays qui sont membres de l'Union et les pays qui n'en sont pas membres, mais dépend plutôt du degré de modernisation et de réforme des forces armées. De ce point de vue, certains pays candidats non membres de l'UE ont déjà nettement avancé dans la réorganisation de leurs forces et dans la préparation à des missions comme celles que nous souhaitons accomplir dans le cadre de Petersberg. Il est vrai que d'autres pays en sont à une phase différente, mais la tonalité générale des pays candidats, sans parler des pays qui sont membres de l'Alliance, est tout de même à la convergence : ils se rapprochent de la démarche globale de réforme et de modernisation des forces qui est aujourd'hui générale à l'intérieur de l'Union.
Question (presse tchèque) : monsieur Solana, attendez-vous des progrès, puisqu'on va avoir une force commune ? Pensez-vous qu'en matière de politique extérieure par rapport aux Balkans, au Moyen-Orient, etc, il y aura davantage de coordination ou qu'au contraire, cela créera un nouveau problème ?
Réponse (Javier Solana) : je pense que ce que nous avons réalisé aujourd'hui, dans le passé et également ce que nous ferons à l'avenir, c'est de mieux utiliser tout ce dont nous disposons dans l'UE et avec nos partenaires. Je ne vois pas de difficultés à cela. Au contraire, c'est la recherche de solutions et non pas la création de problèmes nouveaux. C'est ce que nous souhaitons faire, tout comme les pays candidats à l'Union.
Question (presse japonaise) : pourriez-vous définir le processus de prise de décision ? Est-ce à l'échelle stratégique ou au niveau opérationnel ou tactique ?
Réponse (Alain Richard) : ce que nous entendons par processus de prise de décision, c'est tout ce qui précède la décision de participer à une opération de mise en oeuvre ou de maintien de la paix, tout ce qui concerne la conception. Tout ceci est de la responsabilité de l'UE. Lorsqu'un pays tiers décide de participer à une opération et de signifier son accord sur les objectifs politiques de cette opération et qu'il a pris position de manière très claire, en termes de contribution aux forces nécessaires, il participe au processus de prise de décision pour la gestion tactique de l'opération.
Question (Agence polonaise de presse) : vous avez dit que le mécanisme de concertation n'est pas encore officiellement approuvé par les ministres, mais pouvez-vous nous dire tout de même, au niveau plus pratique et quotidien, ce que vous allez offrir à un pays ? Je m'intéresse surtout aux six pays de l'OTAN. Nous savons qu'il y aura des réunions ministérielles régulières, mais est-ce que ces pays auront, en temps normal, à Bruxelles, des représentants qui vont se réunir régulièrement avec le comité politique et de sécurité et, aussi, avec l'instance militaire ? Comment cela va-t-il fonctionner ?
Réponse (Alain Richard) : le schéma général sur lequel nous travaillons, c'est une collaboration régulière au niveau des experts militaires, une représentation des Etats tiers auprès de l'état-major de l'UE, une représentation auprès du comité militaire et des réunions régulières au niveau des ambassadeurs avec le COPS. C'est donc une distribution très complète des possibilités d'accès à l'information, de présentation des observations, des recommandations et des propositions des nations concernées et une prise en compte, à leur demande, de leurs préoccupations de sécurité lorsqu'on est dans la préparation ou l'analyse d'une situation de tension ou de crise.
Question (Agence polonaise de presse) : est-il vrai que la Turquie a fait part de ses préoccupations concernant la contribution chypriote à la construction de cette armée européenne ? Si oui, quelle est la réaction de la présidence française ?
Réponse (Alain Richard) : le débat de ce matin était sur les contributions des uns et des autres. Nous n'avions pas à traiter de questions bilatérales. Il y a eu un très bref échange. Entre deux phrases du ministre chypriote, le ministre turc a fait une observation sur cet élément de l'intervention du ministre chypriote. Cela n'a pas eu le caractère d'un débat au sein de notre assemblée. Je me suis borné à rappeler que les questions bilatérales avaient de multiples autres enceintes pour faire l'objet d'échanges.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 28 novembre 2000)
Je voudrais vous dire ma satisfaction d'ouvrir notre réunion et de nous voir réunis aujourd'hui en conférence d'engagement des capacités.
Nous avions formé le projet il y a près de neuf mois à Sintra de tenir une telle conférence avant la fin de l'année, afin de mettre l'Union en mesure de conduire des missions de gestion de crise. Nous y sommes aujourd'hui. Nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir d'avoir tenu le rythme de travail et les échéances que nous nous étions fixées. Cela a représenté une somme d'efforts considérables : il faut en remercier tous ceux qui y ont participé.
La journée et demie et les multiples échanges que nous allons consacrer aux engagements de capacités montrent l'importance de l'étape que nous marquons aujourd'hui. Les résultats de notre conférence, consignés dans la déclaration que nous allons préparer, seront discutés cet après-midi avec nos collègues des Affaires étrangères. Demain, nous prendrons note des offres de contributions complémentaires qui seront présentées par nos homologues des "15" et des "6". Enfin, nous préparons aujourd'hui, par l'étape décisive de notre conférence d'engagement, la prochaine échéance sur notre "tableau de marche" : le Sommet de Nice, dans à peine trois semaines. Notre déclaration sera annexée au rapport du Conseil européen.
Il s'agira pour nos chefs d'Etat et de gouvernement de constater, sur la base des engagements que nous allons souscrire, que l'Union européenne sera en mesure en 2003, et progressivement d'ici là, d'agir dans le cadre institutionnel qu'ils devraient agréer par ailleurs. Ils s'engageront aussi à mettre en oeuvre les projets que nous avons préparés. Ne nous leurrons pas en effet. Cette étape que je souligne n'est que la première d'un processus d'adaptation de nos capacités militaires qui durera. Nous ne nous engageons pas seulement aujourd'hui à tenir à la disposition de l'Union européenne des moyens que nos capitales décideront d'engager, au titre d'une éventuelle opération de gestion de crise, mais nous nous engageons à poursuivre les efforts nécessaires au renforcement de nos capacités dans différents domaines, d'ici 2003 et même après 2003.
Je voudrais d'abord rappeler que cette conférence d'engagement de capacités est rendue possible par la qualité et l'intensité des travaux qui ont débuté sous la Présidence portugaise, et se sont poursuivis depuis.
La Présidence française avait été invitée par le Conseil européen de Feira à présenter un rapport sur, je cite, "l'élaboration de l'objectif global et des objectifs collectifs en termes de capacités arrêté à Helsinki, y compris en ce qui concerne les résultats de la conférence d'offres d'engagement en matière de capacités, conférence qui doit être organisée avant le Conseil de Nice".
Nous avons fait de cet objectif l'axe principal de notre Présidence. Les efforts déployés par chacun des Etats membres pour y parvenir montrent que vous en avez également fait une priorité. Je vous en remercie.
Je crois que cette priorité reflète bien l'importance fondamentale accordée dans notre démarche, depuis Cologne, à la dimension capacitaire. Nous avons su, aux côtés de nos collègues des Affaires étrangères, travailler à la dimension institutionnelle de la construction de l'Europe de la Défense pour garantir son autonomie d'évaluation et de décision. L'efficacité et la crédibilité de ces structures seront aussi, pour nous qui portons une part importante de la responsabilité d'engagement de militaires dans des situations à risques la condition de la confiance des contributeurs de troupes. Mais c'est l'aspect capacitaire qui donne à l'ensemble de notre démarche son dynamisme et son caractère pragmatique.
Nous avons pris les moyens de traduire en termes concrets, techniques et militaires les objectifs de capacités fixés au niveau politique à Helsinki. Nous avons su également, chacun d'entre nous, déterminer la contribution précise que nous apportons à la force européenne de réaction rapide. De même, nous avons identifié les efforts qui demeurent nécessaires pour atteindre tous les objectifs fixés pour 2003, et au-delà pour mettre l'Union en mesure d'intervenir dans la gestion des crises sur l'ensemble du spectre de Petersberg.
Les représentants de nos ministères respectifs, sous l'impulsion des chefs d'état-major de nos 15 pays ont consacré tous leurs efforts à ces travaux. C'est la première fois, comme cela avait été relevé à Ecouen, que les représentants militaires de nos quinze nations faisaient ensemble un travail de planification de forces. Ils ont ainsi établi et testé entre eux des procédures et des habitudes de travail nouvelles.
La formation ad hoc, issue de l'organe militaire intérimaire et complétée par des experts du noyau d'état-major : la "Headline Goal Task Force" ou HTF, s'est réunie de façon quasi permanente depuis le début du mois de juillet. Les experts de l'Union européenne ont été rejoints, chaque fois que nécessaire (douze réunions ont eu lieu à ce jour), par des experts de l'OTAN, en format dit "HTF+", afin que ces derniers présentent des analyses techniques spécifiques complémentaires. La coopération avec l'OTAN s'est avérée exemplaire. Les Européens ont su mener à bout le travail technique qui leur incombait pour la mise en oeuvre de leurs objectifs. Ils ont su faire "bon usage", comme le disait Javier à Ecouen, des contributions complémentaires de très grande qualité fournies par l'OTAN.
Nous disposons donc de notre catalogue de capacités. Il a été établi sans préjuger des solutions qui pourraient être requises pour combler les insuffisances et les lacunes qui apparaîtraient à la confrontation de nos demandes et de nos offres. Il était en effet primordial pour la crédibilité et l'efficacité de la politique européenne de sécurité et de défense que l'Union européenne se fixe comme objectif d'être en mesure d'intervenir avec ou sans recours aux moyens de l'OTAN. Le catalogue de capacités a défini des critères qualitatifs, notamment en terme de disponibilité. Celle-ci est indispensable pour assurer des missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants que nous nous sommes fixées. Il est de même de la capacité des troupes à durer, par exemple dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, comme nous le démontrent nos engagements dans les Balkans. Nous avions déjà pris note des grandes lignes de ce catalogue à Ecouen et avions demandé que soit approfondi le travail réalisé dans le domaine des capacités de commandement, de contrôle, de renseignement et de transport stratégique. Ce travail complémentaire a été réalisé et validé le 10 novembre par les chefs d'état-major des armées. Nous devrons certes continuer à le faire vivre au gré des évolutions techniques et tactiques et de nos choix politiques. A ce jour, il reflète une expression globale, cohérente et détaillée de nos besoins.
C'est en référence à ce catalogue que les Etats membres ont déterminé et affiné leur contribution. En matière de forces, le travail de recensement des contributions des Etats membres aboutit à la constitution de ce qu'il est convenu d'appeler un "réservoir" pour les opérations menées par l'Union européenne, qui regroupe de l'ordre de 100 000 hommes, 400 avions et 100 bâtiments.
La Présidence a tenu à ce que ces chiffres figurent dans la déclaration. Soyons bien clairs : il n'y a aucune remise en cause, explicite ou implicite, de l'objectif fixé à Helsinki. L'objectif global reste d'être en mesure de déployer, pour la composante terrestre d'une force de réaction rapide, un corps d'armée d'un effectif maximum de 60 000 hommes. Simplement, les experts militaires de l'Union européenne ont estimé, comme c'est logique, que pour disposer de la palette de moyens apte à couvrir chacun des scénarios envisagés, y compris dans les hypothèses de simultanéité, le besoin en militaires s'élevait à plus de 60 000 hommes. Il nous faut donc être transparents sur ce point. L'objectif de 60 000 hommes fixé par nos chefs d'Etat et de gouvernement est ambitieux, sa mise en oeuvre l'est aussi.
Dans le même souci de crédibilité et de transparence, il nous faut reconnaître que des améliorations, notamment en matière de disponibilité, de déployabilité, de capacité à durer et d'interopérabilité des forces devront être apportées pour être en mesure de réaliser pleinement l'objectif fixé pour 2003, notamment dans le cas des missions de Petersberg les plus exigeantes.
Nous devons aussi penser au renforcement des domaines où nous avons collectivement des déficiences significatives. Pour opérer avec l'efficacité et la sécurité voulues, les Européens chercheront à améliorer leurs moyens dans des domaines essentiels tels que les moyens de recherche et de sauvetage, les moyens de défense contre les missiles sol-sol, les munitions de précision, le soutien logistique et les outils de simulation. Il va nous falloir penser aussi à agir loin de nos territoires, souvent en environnement très dégradé, si la défense de nos intérêts de sécurité ou le soutien aux décisions des Nations unies l'exigent.
Des efforts sérieux sont aussi nécessaires en matière de capacités stratégiques, pour nous rendre réellement capables d'intervenir sur l'ensemble du spectre de Petersberg, avec ou sans les moyens de l'OTAN. En matière de capacités de commandement, il conviendra, en particulier, de vérifier l'interopérabilité de nos systèmes nationaux et d'assurer que nous disposerons, dans toutes les hypothèses, des états-majors nécessaires aux différents niveaux de commandement et des moyens de communication idoines. Pour le renseignement, certains pays de l'Union européenne sont, dès à présent, en mesure de réaliser seuls de complexes opérations de paix, le Royaume-Uni en Sierra Leone nous en a donné le plus récent exemple. Il convient de capitaliser sur ces moyens et de chercher, comme nous y appellent les objectifs collectifs de capacités d'Helsinki, à disposer des outils de recueil, d'analyse et de diffusion voulus. Enfin, en matière de capacités de transport stratégique, des efforts d'investissement s'imposent pour que nous soyons en mesure, dans toutes les circonstances, de satisfaire l'objectif de délai fixé à Helsinki et donc de pouvoir disposer rapidement, lorsque cela s'impose, d'un volume de forces significatif sur un théâtre de crise pour y influencer la situation conformément à nos vues.
Des efforts restent à effectuer pour réaliser pleinement en 2003 et au-delà l'objectif global et mettre en oeuvre les objectifs collectifs de capacités fixés à Helsinki. Plusieurs Etats membres ont communiqué à la Présidence un répertoire des projets et des pistes de réflexion qu'ils s'engagent à étudier. Il nous appartient aujourd'hui d'étoffer la liste des initiatives nationales ou multinationales qui garantiront que nous atteindrons les objectifs fixés. A ce sujet, je tiens à préciser que pour ceux d'entre nous qui sont, en parallèle, engagés dans l'exercice de l'OTAN d'amélioration des capacités de défense, il y a, certes, cohérence et compatibilité entre les objectifs fixés sans que ces deux processus puissent être confondus ou que les efforts à mener pour l'un puisse suffire à satisfaire l'autre. Soyons clairs : nous nous sommes donnés pour ambition d'agir au sein de l'Union européenne en ayant ou non recours aux moyens de l'Alliance, le champ d'application de nos projets est donc forcément plus large que celui de la DCI (Defence Capabilities Initiative).
Voilà, mes chers collègues ce que je souhaitais vous dire en introduction de nos discussions. Je laisse la parole à Javier, puis, nous engagerons le tour de table..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2000)
Nous arrivons donc à la conclusion de la conférence d'engagement de capacités du Conseil Affaires générales (CAG) de cet après-midi. Nous en retirons des décisions de première importance. Nous réalisons, en effet, concrètement un engagement majeur des dirigeants de l'UE, et cet ensemble de réalisations va être soumis à leur approbation à Nice.
Je crois que nous pouvons dire que les ministres de la Défense et le Secrétaire général Haut-représentant ont assumé la responsabilité éminente qui leur était attribuée. Je veux d'ailleurs souligner l'importance du travail de toutes les équipes mobilisées au secrétariat général et dans les ministères de la Défense et des Affaires étrangères de nos quinze nations. Je veux aussi rappeler que cette progression importante vient d'abord du soutien politique décisif qui a été apporté, par le Conseil européen lui-même à tous les sommets depuis Cologne, à ce projet de politique européenne de sécurité et de défense.
Les engagements nationaux qui ont été annoncés officiellement par les ministres aujourd'hui sont solides, précis et cohérents avec le catalogue de forces que nous avons retenu. Ils permettent de réaliser réellement le potentiel de 60 000 hommes disponibles pour un déploiement sur un théâtre. Pour atteindre cette disponibilité de 60 000 hommes, les gouvernements pourront faire un choix dans un réservoir de capacités plus vaste de l'ordre de 100 000 hommes en fonction des différentes spécialités, des différentes capacités techniques requises suivant les différents scénarios d'emploi. Cette force humaine sera soutenue par un potentiel de 400 avions de combat et de 100 navires. Ces capacités peuvent assumer une relève pour une durée d'un an, conformément à l'engagement qui a été pris. Nous ne réalisons pas, avec cet ensemble de décisions, une armée européenne intégrée sur le plan international, mais des contingents nationaux disponibles pour des missions choisies en commun, restant sous contrôle national.
Mais la cohérence des contributions et les engagements d'entraînement et de recherche d'interopérabilité permettront de faire de cet ensemble de contributions une force réellement efficace et pouvant répondre aux choix politiques de notre union.
Nous nous sommes également entendus sur des projets d'amélioration, de consolidation de ces capacités, en constatant des manques qui sont encore à combler pour que la force de réaction rapide détienne l'intégralité de son éventail de missions. Il y aura donc des projets relatifs au transport stratégique, au commandement de forces et aux systèmes de communication qui sont associés à ce commandement, des capacités de renseignement, des moyens de frappe de précision. Un grand nombre de ces projets de renforcement sont déjà engagés, et souvent sur des bases communes, avec des contributions jointes entre plusieurs pays. C'est le cas pour des programmes d'acquisition d'avions de transport, d'hélicoptères, de navires amphibies, naturellement pour des projets de renseignement satellitaire, et les concertations que nous avons eues jusqu'à aujourd'hui nous font penser que cette liste de projets de renforcement de capacités va encore s'enrichir d'ici au sommet de Nice. Je crois qu'il faut se persuader que ce dynamisme, cette volonté de renforcer les capacités est en relation avec l'effort de modernisation, avec les choix politiques de modernisation des systèmes de défense qui sont en cours, à l'heure actuelle, dans la plupart des pays de l'Union.
Je ne me livrerai pas, dans cette réunion de presse, à une description des contributions nationales. Nous nous sommes entendus, avec mes collègues, sur le fait que les contributions nationales seront présentées par chaque gouvernement dans son cadre national. En ce qui concerne la contribution française, je la présenterai lors d'une séance particulière du Sénat demain après-midi et je voudrais suggérer que, d'ici ces présentations formelles et attestées par les autorités de chaque gouvernement, toute évocation, a fortiori comparative, des contributions n'auraient forcément qu'un caractère partiel et potentiellement erroné.
Nous avons également décidé de hâter nos travaux pour l'adoption d'un mécanisme d'évaluation et de vérification de ces capacités, qui est en voie d'approbation et que nous pensons soumettre aux chefs d'Etat et de gouvernement à la réunion de Nice.
De même, la mise en place des organes permanents de gestion de crise de l'Union sera prête pour approbation au sommet de Nice.
Comme vous le savez, nous complétons les réunions et les décisions d'aujourd'hui par un dîner de travail, ce soir, avec Georges Robertson de manière à pouvoir progresser encore dans la mise en place des relations permanentes de travail, de coopération, d'anticipation entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique, point sur lequel les principes proposés par l'Union sont maintenant agréés entre les Quinze.
Nous poursuivrons demain par une réunion avec nos alliés européens non membres de l'Union et avec l'ensemble des pays candidats à l'Union. Nous recueillerons lors de ces nouvelles rencontres les contributions additionnelles volontaires de ces pays partenaires et nous mettrons au point avec eux, sur la base d'un projet qui a lui aussi fait l'accord des Quinze, la réalisation pratique des méthodes de coopération permanente entre l'ensemble de ces pays partenaires et l'Union. Nous aurons, Javier Solana et moi, l'occasion de vous rendre compte également de ces contacts complémentaires avec les quinze autres nations demain. Toutes ces avancées ont été bien sûr possibles parce qu'elles faisaient l'objet d'une convergence, d'une analyse commune avec l'Alliance atlantique et c'est ce que nous constaterons à nouveau ce soir, lors de la rencontre avec Lord Robertson. Mes collègues et moi-même pouvons dire bien sûr notre satisfaction de cette réussite collective qui contraste avec beaucoup d'attentes déçues en matière de sécurité et de défense européenne au cours des décennies passées. C'était bien sûr une responsabilité impressionnante d'avoir à réaliser le mandat fixé par les dirigeants européens. Nous sommes, je crois, en ligne avec ce mandat, mais nous ne devons pas nous arrêter là : nous avons un travail d'amélioration, de vérification des capacités, de réflexion sur les scénarios d'emploi, de rodage des procédures de travail. Notre expérience de ministre de la Défense nous indique que l'exigence et l'esprit de responsabilité pour la mise au point effective de cet ensemble de capacités et d'outils sera la clé de la crédibilité de l'Union européenne en la matière. Je souligne toutefois que les engagements qui sont ceux des Européens, souvent côte à côte au cours des dernières années - je pense naturellement à nos actions en Bosnie et au Kosovo - démontrent que l'Union européenne ne part pas de rien et qu'elle a déjà démontré sa détermination et la capacité de ses forces à bien travailler ensemble. Je souligne aussi que nous convergeons pour dire que ces capacités, qui seront complètes en 2003, pourraient être employées plus tôt qu'à cette date si les conditions politiques le justifiaient et après une vérification par nos soins des conditions pratiques d'engagement. Nous sommes donc à la tâche pour réaliser un progrès décisif dans le rôle international de l'Europe. Nos chefs d'Etat et de gouvernement pourront saluer cette avancée à Nice. Je voudrais dire que nos ministres de la Défense, Javier Solana pourra confirmer cette approche, continueront à avoir besoin du soutien persévérant et déterminé de nos dirigeants et aussi des citoyens européens. C'est cette volonté commune, cette ambition démocratique collective qui nous ont permis de réussir les projets dont je vous rends compte aujourd'hui.
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Q - A ma connaissance, la force de réaction rapide ferait appel à des moyens de l'OTAN à court terme et à moyen terme. Or, je suppose que ces moyens ont besoin d'une force militaire américaine pour que cela puisse fonctionner. En quoi une intervention, dans un proche avenir, de la force de réaction rapide de l'Union européenne diffère-t-elle de ce qui se passe maintenant, puisqu'on a des troupes de première ligne avec des moyens américains et troupes qui les appuient ? Quelle est la différence entre ce qui se produit actuellement et ce que vous proposez ?
R - La première différence essentielle tient à ce que les Européens organisent leur force de telle sorte qu'ils puissent coopérer et être "interopérationnels" sur le terrain, par leurs propres moyens. Quand les différentes contributions nationales seront en place, vous pourrez constater que la capacité de nos nations à combiner leurs forces, à les coordonner et à avoir des commandements communs sur le terrain sera réelle. Il est vraisemblable que, dans des circonstances très exigeantes, pour des opérations de haut niveau, il nous faille combiner nos forces avec des moyens de l'OTAN. C'est la raison pour laquelle nous apprécions tant que les Etats-Unis aient exprimé leur appui et leur approbation vis-à-vis de ce que nous faisons entre Européens, ce qui est aussi un pas en avant considérable.
Q - Quelles sont les zones géographiques hors Europe où les forces européennes pourraient intervenir pour le maintien de la paix ? Dans le cas, très hypothétique en raison des événements actuels, où il y aurait une solution de paix au Moyen-Orient, est-ce que les forces européennes pourraient jouer un rôle dans le maintien de la sécurité dans la région ?
R - Concernant le premier point, le texte d'Helsinki nous fixe la règle et le principe : les forces européennes conjointes dont nous parlons peuvent être employées sur décision des autorités politiques de l'Union soit pour gérer une crise dans l'espace européen, soit pour apporter leur contribution aux Nations unies dans le cadre d'un mandat des Nations unies, sur un autre théâtre d'opérations. L'un des critères qui nous a donc guidé pour élaborer le catalogue concret des différentes capacités a été cette dualité de missions.
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Q - Vous avez dit que vous espérez une force plus ou moins complète pour 2003. D'après les contributions qui ont été promises aujourd'hui, quelle proportion des moyens que vous avez énumérés (commandement et contrôle, communication, transport stratégique et surtout renseignement stratégique) sera prête pour 2003, selon vous ?
R - Pour aller à l'essentiel, je pense qu'une large proportion de ces moyens sera acquise en 2003 et que les engagements de réalisation de nouveaux équipements qui sont en train d'être réunis, et souvent par accord entre plusieurs nations européennes, nous permettront de progresser encore.
Je vous cite le cas de l'observation spatiale, qui est évidemment un des sujets principaux. Vous savez que nous avons aujourd'hui des approches de coopération entre l'Italie, l'Allemagne et la France qui nous permettront, à brève échéance, d'augmenter très substantiellement la capacité d'observation spatiale des Européens, que ce soit en vision à haute définition, à haute résolution, ou que ce soit en observation tout temps.
En ce qui concerne la capacité de transport stratégique, nous avons maintenant sept des nations européennes qui se sont engagées dans l'acquisition de 185 avions de transport de nouvelle génération. Il est vrai que, pour être tout à fait très précis et honnête, la réalisation de cette commande s'étalera au-delà de 2003.
Donc, nous attachons d'autant plus d'importance à ce dispositif de vérification et d'évaluation que nous ne devons pas perdre de temps pour réaliser les capacités supplémentaires que les Européens ont choisi de se donner. J'ajoute un commentaire sur ce problème des capacités supplémentaires : cette question était posée à l'Europe depuis des années et les insuffisances dont nous discutons aujourd'hui étaient vérifiées et permanentes, aussi bien dans le cas des nations prises isolément que dans le cas de leur capacité de contribution à l'Alliance, pour celles qui en sont membres. Ce qui se passe aujourd'hui et ce qui est le résultat de l'engagement politique de nos quinze nations, c'est qu'une dynamique est engagée pour que les Européens augmentent leurs capacités et améliore leur coordination. Aussi, je crois que ce nous avons fait et ce que nous allons continuer à faire marque un réel changement de situation quant à la capacité des Européens à contribuer à leur propre défense et à un meilleur équilibre.
Q - Vous avez parlé d'opérations qui pourront être menées avant 2003. Pouvez-vous nous citer le type d'opérations qui pourrait être mené avant cette date et nous donner des exemples dans l'actualité récente qui pourraient constituer une opération de ce type ?
R - Je ne crois pas qu'il soit du rôle d'un ministre de la Défense, a fortiori quand il a la responsabilité de la présidence de l'Union dans ce domaine, de spéculer sur les types d'opérations que nous pourrions mener et a fortiori sur les endroits où nous pourrions les mener. Quand je regarde ce que les membres de l'Union européenne sont capables de faire aujourd'hui au Kosovo, en fournissant les 3/4 des forces et de leur potentiel de commandement et quand je vois ce que beaucoup de nos nations ont été capables de faire, sont en train de faire aujourd'hui dans différentes opérations sous l'égide de l'ONU, nous savons que nous partons de capacités réelles et que nos nations démontrent tous les jours leur détermination à agir dans les crises.
La force de réaction rapide sera donc un outil supplémentaire pour les Européens, un cadre pour coordonner leurs contributions qui augmentera certainement leur détermination à prendre des responsabilités dans des actions de gestion de crises que nos principes politiques, nos valeurs démocratiques, nous incitent à traiter volontairement.
Q - Dans quelle mesure l'Union européenne devrait dépendre des plans de SHAPE pour ses plans de défense ? Doit-elle se servir des planifications de SHAPE dans tous les cas pour les plans opérationnels ; sinon dans quels cas doit-elle le faire ou non ?
R - Cette question reste en discussion avec nos partenaires, avec les Etats membres. Ce qui est évident à nos yeux, c'est que nous devons partager les capacités existantes qui sont offertes par l'OTAN aux nations européennes et qu'une partie du travail de planification est liée de façon étroite à la définition politique de l'approche d'une opération. Ainsi, nous estimons que nous devons associer et combiner des capacités différentes, qui seront rassemblées par les Européens, et les capacités du SHAPE. Cela fait déjà l'objet de discussions, après la proposition faite par William Cohen lors de notre réunion dans le cadre de l'OTAN. Mon opinion personnelle est qu'il y aura une réponse mixte et associative à cette question.
Q - N'y a-t-il pas un danger à ce que cette nouvelle force "courre avant de pouvoir marcher" ? Pensez-vous qu'il y aura une mission qui va impliquer des combats, qui prendra 60 000 hommes et qui devrait être menée à bien par l'Union européenne sans l'OTAN ? Enfin, si vous le permettez, l'initiative européenne de défense, qui a toujours été une position du gouvernement français, ayant été réalisée, probablement à la satisfaction générale, le moment n'est-il pas venu maintenant, pour la France, de préciser sa position et de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN, dans le droit fil de cette initiative européenne ?
R - Si je vous ai bien compris, la première remarque que vous avez faite était une déclaration et non une question. Je ne partage pas ce point de vue. Ce que je viens de dire, c'est qu'il y a une volonté de tous les Etats membres de réunir réellement ces capacités, de pouvoir les utiliser dans différentes circonstances. Alors, il est clair, pour quiconque assiste à nos réunions, qu'il n'y a pas de perspective dans laquelle l'Europe utiliserait ses capacités collectives contre la volonté de l'OTAN. Et il est certain que, dans tous les cas, il y aurait association d'engagements politiques et, probablement, de contributions technico-militaires. Mais je n'ai pas besoin d'expliquer longuement ce qui a figuré dans tous les textes depuis le départ. L'OTAN et l'Union européenne se sont mis d'accord sur le développement d'une réelle capacité de l'Europe d'agir en tant que partenaire majeur sur la scène internationale. C'est également une nette amélioration de l'équilibre des engagements globaux au sein de l'Alliance telle qu'elle existait jusqu'à présent.
Concernant la seconde question, je pense que la position de la France vis-à-vis de l'intégration militaire à l'OTAN ne doit pas être précisée parce qu'elle est très claire, tant au niveau des principes que des conséquences pratiques.
Q - Vous avez déjà un petit peu répondu mais une nouvelle clarification ne serait pas inutile. Lord Robertson vient de saluer l'avènement de la défense européenne et il a précisé qu'elle agira pour des missions de maintien de la paix que l'OTAN aura choisies de ne pas conduire. Dans quelle mesure l'emploi de cette force européenne sera-t-elle subordonnée, d'une manière ou d'une autre, à une décision de l'OTAN ? Une seconde question : Lord Robertson vient de dire que les capacités militaires européennes seront toutes à la disposition de l'OTAN : je voudrais simplement savoir si vous confirmez sur ce point.
R - Sur le premier sujet, la proposition logique sur laquelle nous nous sommes mis d'accord, aussi bien au sein de l'Alliance qu'au sein de l'UE, c'est de déclarer que ces capacités européennes seront employées par le choix politique des dirigeants de l'Union européenne, là où l'Alliance dans son entier ne serait pas engagée. Ce n'est donc pas une subordination, au sens politique, mais simplement le constat d'un partage de rôle, auquel les nations, qui prennent en dernière analyse les décisions, aussi bien au sein de l'Alliance qu'au sein de l'Union européenne, auront apporté collectivement leur consentement. Ce consentement peut d'ailleurs signifier, comme nous l'avons vu dans des cas concrets, que certaines nations, qui ne sont pas fondamentalement d'accord avec l'option, la laissent se réaliser pour respecter la solidarité qui les lie à l'une ou l'autre des institutions. Quant à la contribution des nations de l'Union pour une action de l'Alliance, je crois que c'est la réalité pour les nations qui sont membres des deux institutions. Et ceci, là encore, n'est pas une grande nouveauté ; cela correspond à des formes de contributions dont nous débattons depuis déjà pas mal de temps dans le cadre du "headline goal" d'un côté, et de la DCI de l'autre.
Donc, Georges Robertson n'a fait que décrire, je crois, une réalité sur laquelle nous sommes d'accord.
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Q - Si je lis bien le communiqué final, au point 6, alinéa C, vous parlez de transparence, de simplicité et de clarté, en particulier pour permettre de comparer les engagements des différents Etats membres. N'est-ce pas un peu contradictoire avec la décision de ne pas annoncer les engagements des différents Etats membres ?
R - La transparence dont nous parlons est une transparence entre deux institutions qui ont des responsabilités de défense. Comme vous le savez, nous sommes en train de travailler, entre l'Alliance et l'Union, à des arrangements de sécurité. Parmi ces arrangements de sécurité, il y aura évidemment des règles de protection de l'information. Ce n'est donc pas parce que nous n'aurons pas rendu publique l'intégralité de la description des capacités et des spécifications des équipements que nous choisissons de fournir au titre des contributions qu'il n'y aura pas de transparence entre l'Alliance et l'Union.
Dans ce domaine, les règles de protection et de limitation de l'information que l'UE va se donner auront forcément à être en cohérence avec celles de l'Alliance si nous voulons pouvoir communiquer.
Mais je précise que la plupart des collègues ont l'intention de donner des précisions chiffrées sur leurs contributions nationales dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures. Nous avons fait ce choix pour bien souligner - puisque la question reste débattue - qu'il s'agit bien de contingents nationaux dont la définition, bien sûr harmonisée dans nos réunions, a été adoptée, en dernière analyse, par les gouvernements nationaux et qui resteront sous leur contrôle.
Q - Vous avez identifié toute une série de lacunes, de carences dans les capacités militaires de l'Union. A votre avis, quelle sera la lacune la plus difficile à combler ? Et quels seront les mécanismes que vous pourrez mettre en uvre pour convaincre les Etats membres souverains de consacrer davantage de fonds ou de les dépenser de manière plus intelligente pour combler cette lacune ?
R - En fait, nous nous fondons sur l'élan et l'engagement pris aujourd'hui et qui se vérifient. Nous pouvons ensemble constater des lacunes et des déficiences ; ces lacunes et ces déficits existent depuis des années, voire depuis des dizaines d'années parfois. L'engagement politique, le souhait de la part de tous nos gouvernements, est de contribuer efficacement à la gestion de la crise au sein de l'UE. Cette volonté, ce souhait, sont véritablement des forces motrices crédibles qui pourront convaincre nos gouvernements, nos parlements, nos opinions publiques de contribuer plus efficacement à la défense commune.
Quel sera le déficit le plus difficile à combler ? Je ne pense pas pouvoir répondre à cela... Après réflexion, ce sont les services de renseignement qui posent le plus de problèmes.
Nous progressons substantiellement en ce qui concerne la nouvelle génération de satellites mis à disposition par l'Italie, l'Allemagne et la France. Il serait techniquement logique de nous associer pour exploiter toutes ces données. La collecte de données n'implique pas seulement l'espace, mais aussi toute une série de capacités à notre disposition que nous pouvons déployer. Certaines de ces capacités existent déjà, et il est clair aussi que la majorité de nos pays font des efforts considérables en ce qui concerne les systèmes d'opération aériens. Mais c'est une tâche de longue haleine que de combiner ces différents éléments et de les rendre entièrement intéropérables ; c'est ce que nous sommes en train de faire.
Q - Si je vous ai bien compris, ces troupes d'intervention européennes impliquent des efforts militaires accrus de la part des Quinze Etats membres. Quel est le lien entre ceci et les mesures prises par de nombreux Etats membres visant à réduire les troupes et à réduire également les dépenses en matière de défense ou, au moins, à réformer ce secteur de la défense ?
Deuxième question : vous avez parlé de quinze Etats en dehors de l'UE, quinze Etats qui étaient disposés à contribuer à ces troupes d'intervention, à ces capacités. Cela voudrait-il dire que vous augmenterez à ce moment-là le nombre total de 60 000 hommes ou que le contingent fixé pour l'instant par le catalogue serait ainsi réduit ? Et pourriez-vous dire, de manière plus précise, de quels pays il s'agit et dans quelle mesure ils se sont déjà engagés officiellement à compléter les capacités ?
R - Sur le premier sujet, j'y ai fait brièvement allusion dans mon propos introductif : la plupart de nos nations sont en train de réformer leur système de défense. Et l'un de nous a fait remarquer, il y a quelque jours (c'était Geoffrey Hoon), qu'une partie des systèmes de défense des nations de l'Union est encore influencée par les principes et les objectifs stratégiques de la guerre froide. Il est vrai que quelques années après, nous sommes encore, pour la plupart d'entre nous, en transition. Il est clair que le sens général de ces réformes, qui est convergent, et c'est une force pour nous, c'est la réduction des effectifs et l'acquisition d'une mobilité beaucoup plus grande, d'une flexibilité beaucoup plus grande et d'une capacité de combinaison de forces à l'intérieur de nos systèmes, ainsi qu'un effort important pour mieux associer les forces des armées de terre, de l'air et des marines.
Je crois qu'il est cohérent que nous ayons à la fois une augmentation des forces vraiment déployables et des différentes capacités techniques de forces d'intervention et une réduction des effectifs globaux des armées des quinze nations. Je crois que, là aussi, le mouvement européen qui s'est engagé constituera un soutien pour l'effort politique et celui de persuasion vis-à-vis des opinions publiques, en faveur des réformes que nous sommes en train de réaliser dans la plupart des pays.
Quant aux quinze nations partenaires avec lesquelles nous nous concerterons demain, ce sont l'ensemble des nations, soit candidates à l'UE, et reconnues comme telles, soit les nations européennes membres de l'Alliance et non membres de l'UE. La plupart, d'ailleurs, appartiennent aux deux catégories, à l'exception de nos amis islandais et norvégiens qui ne sont pas candidats.
Les contributions qu'ils nous présenteront demain seront des contributions additionnelles. Elles représenteront un potentiel supplémentaire par rapport à l'objectif du "headline goal".
Vous me direz : est-ce bien utile ? C'est utile à la fois pour renforcer la crédibilité globale, c'est-à-dire pour augmenter le potentiel dont nous pourrions disposer en cas de besoin. C'est utile ensuite pour élargir nos marges de choix dans l'hypothèse où certaines nations membres de l'Union ne seraient pas disposées à participer à une opération tout en l'approuvant politiquement. C'est enfin tout à fait utile pour marquer une volonté de partenariat entre les nations de l'UE, qui ont pris leurs responsabilités dans l'Union, et tous les partenaires qui souhaitent s'associer à cet effort et dont la grande majorité seront de futurs membres de l'UE. Je crois que c'est Bjorn von Sydow (ministre suédois de la Défense)qui le faisait remarquer lorsque nous travaillions à la préparation de la prochaine présidence : ce travail en partenariat avec les quinze nations est une contribution utile du domaine de la défense à toute la réflexion et à la dynamique de l'élargissement.
Q - L'un des rapports de l'OTAN souligne la modestie des dépenses militaires européennes aux contributions financières de défense. Est-ce que la nouvelle force ne va pas augmenter le fardeau financier sur les pays européens ?
R - D'une part, en effet, des différences de capacités financières existent au sein de l'Alliance. Il est donc logique que des analyses au sein de l'Alliance aient révélé cette réalité qui est ancienne.
D'autre part, au sein de l'UE, à partir du moment où nous prenons des engagements communs, la base d'un dialogue financier, d'un dialogue budgétaire, entre les nations se forme, puisque comme nous en parlons entre ministres de la Défense, il y aura une certaine logique à ce que des nations qui ont pris des engagements qui sont cohérents fassent des efforts budgétaires de défense qui ne soient pas trop dissemblables. Et nous savons bien que la tendance à la stabilité ou à la baisse des dépenses de défense dans certaines de nos démocraties vient d'une certaine désaffection des opinions publiques vis-à-vis des objectifs et des impératifs de défense, parce que dans ces opinions publiques, le sentiment d'une sécurité au moins régionale et d'une absence de nécessité d'engagement militaire prévaut sur les responsabilités extérieures.
Nous croyons donc que cet engagement politique commun peut donner plus de légitimité, au sein de nos différentes opinions publiques, à un effort de défense accru et mieux partagé entre les nations européennes.
Par ailleurs, nous savons tous, lorsque nous faisons des programmes en commun, que la convergence des décisions d'équipement et une politique coordonnée d'acquisitions nous permettent d'avoir de meilleurs résultats pour le même niveau de dépense ; donc nous avons ainsi également une marge importante de gains d'efficacité de nos dépenses.
Nous avons des marges importantes de synergie quant à l'emploi de nos fonds, et je vous ferai observer que de très nombreuses décisions d'acquisitions conjointes ont été prises cette année et l'année dernière, qui accompagnent fortement cette dynamique de convergence européenne..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2000)
1 - Propos introductifs
Monsieur Alain Richard, ministre de la Défense
Nous vous retrouvons pour vous apporter les indications relatives aux deux réunions qui se sont tenues ce matin dans la prolongation de la conférence de capacités d'hier.
Les quinze ministres de la Défense de l'Union se sont réunis avec leurs collègues des alliés non membres de l'Union et des pays candidats à l'Union. Cela fait au total un format à quinze pays partenaires. C'est la première fois que cette réunion se tenait à un niveau ministériel.
Vous savez que nous avons élaboré ce mécanisme de consultation au cours des derniers mois, à partir du sommet de Feira, afin de traiter de façon positive et dynamique la relation avec tous ces pays partenaires. Nous en avons donc établi les principes de fonctionnement.
Au cours des derniers mois, les premières réunions au niveau des ambassadeurs et au niveau d'experts militaires, se sont tenues pratiquement pendant tout le semestre de la présidence française ; nous avions donc programmé cette première réunion au niveau ministériel. Elle s'est tenue dans le prolongement des engagements de capacités que nous avons adoptés hier, que Javier et moi avons commentés hier soir.
Cette fois-ci, il s'agissait de recueillir les contributions volontaires souhaitées par les quinze nations partenaires. Ces contribution sont à nouveau substantielles. Les collègues, représentant les gouvernements de ces pays, nous les ont présentées ce matin. Nous les caractérisons surtout par la ferme volonté politique de participation. Je crois que le mouvement s'est engagé, que la proposition faite par l'Union à ces pays, en leur disant "si vous le souhaitez, vous pouvez participer avec des forces réelles et nous organiserons ensuite le travail en commun", a été massivement approuvée.
Les interventions des représentants des quinze nations m'ont semblé particulièrement positives. Nous souhaitons que ce processus se développe. Nous avons pris en compte ces contributions pour qu'elle soient examinées par les experts de l'UE : il y aura donc un travail d'évaluation et l'organisation d'un mécanisme de suivi. Il y a accord entre les Quinze de l'Union et les quinze pays partenaires pour que le mécanisme de suivi et de vérification soit le même. Cela veut dire que le niveau d'exigence opérationnelle et technique qui s'adresse à ces forces, à ces contributions, sera homogène avec celui que nous nous fixons au sein de l'UE. Cela se comprend bien : il ne pourrait pas y avoir deux standards de forces alors que ces forces pourraient être amenées à agir ensemble.
Cette nouvelle réalité démontre que le développement de la politique européenne commune de sécurité et de défense a un effet d'entraînement, déclenche des réactions positives et une volonté de convergence et de coopération chez nos partenaires. Notre message indique bien qu'il s'agit d'une démarche ouverte et que l'ensemble des pays européens qui veulent exprimer une solidarité avec cette démarche y ont leur place. Le dialogue sur ce point a donc été fructueux. Nous sommes arrivés à une vision réellement commune.
Du point de vue de l'Union, je crois qu'il y a deux leçons à tirer :
- la première, c'est que la démarche de la PECSD est convaincante, entraînante. Les dernières déclarations qui ont été faites par l'administration américaine montrent que notre partenaire outre-atlantique soutient cette démarche et considère qu'elle est positive pour l'équilibre et pour le dynamisme de l'Alliance. Vous voyez, avec cette réunion, que les pays européens non-membres de l'UE ont également le souhait de s'engager aux côtés de cette politique, d'en recevoir les informations, de participer à une concertation, donc d'être dans la partie. Je crois donc que l'Union a joué son rôle de dynamisation à travers cette politique.
- la seconde remarque est que ces contributions, que nous avons déclarées "additionnelles" - le mot dit bien ce qu'il veut dire -, sont un potentiel supplémentaire. Je ne décrirai pas plus qu'hier ces contributions car ce sera aux autorités nationales de préciser les formes et les volumes de leurs contributions. Mais ces contributions représentent, bien sûr, un apport significatif, qui sert l'intérêt et la crédibilité de notre politique de sécurité et de défense. Il faut en effet se souvenir que, comme nous en parlions hier, les contributions des membres de l'Union sont volontaires, donc que les forces restent sous contrôle national.
Avoir des forces additionnelles nous donne une flexibilité supplémentaire pour adapter le type d'action que nous souhaiterons mener en fonction des besoins et en fonction de la convergence des volontés politiques. Nous considérons cela comme le début d'un travail en commun. Il y a une très forte volonté de participation de la part des pays partenaires. Tous l'ont exprimée, beaucoup ont été très positifs sur les mécanismes que nous prévoyons et qui vont nous demander encore quelques semaines pour être totalement au point. Il n'y a pas eu de critiques ou d'opposition à ce mécanisme de concertation et de transparence. Nous faisons donc vraisemblablement aujourd'hui une première présentation d'un dispositif qui va prendre de l'ampleur. Nous aurons l'occasion de vous en reparler. Mon collègue et ami Bjorn von Sydow (ministre de la Défense de la Suède), lorsqu'il présentera les résultats de l'activité de l'Europe en matière de sécurité et de défense dans six mois, pourra probablement vous apporter toute une série de réalisations pratiques qui démontreront la création de liens effectifs entre les quinze membres de l'Union et leurs quinze partenaires.
Je crois donc que nous allons beaucoup travailler. Ce travail sera fondamentalement productif pour l'identité européenne de sécurité et de défense.
Monsieur Javier Solana, Haut Représentant pour la PESC
Je voudrais ajouter seulement trois points à l'intervention du ministre de la Défense de la France.
D'abord, la réunion d'aujourd'hui est très importante du point de vue de la sécurité parce qu'elle montre de manière claire que nous, Européens, considérons la sécurité en Europe comme un projet inclusif, et que tous les pays qui font partie de l'Europe, du point de vue géographique, doivent avoir un rôle à y jouer. Comme vous le savez, les quinze pays qui sont candidats sont déjà associés à la politique étrangère de l'Union et participent aux déclarations que nous faisons après le Conseil affaires générales.
Le second point que je voudrais aborder est que la réunion d'aujourd'hui va au-delà des questions de sécurité. C'est une réunion de nature également politique. Le fait que les quinze pays candidats soient aujourd'hui avec nous, concrétise le souhait des Etats membres de les rapprocher de l'Union, du point de vue politique comme du point de vue de la sécurité.
Enfin, troisième point, la réunion avec les six pays de l'OTAN, qui ne font pas partie de l'Union, signifie aussi que nous sommes très conscients qu'il y aura des opérations de l'Union menées par l'Union avec des moyens de l'OTAN. Et donc, il faut prendre en considération ce type de possibilités, ce type d'opérations. Nous voulons donc avoir des coopérations plus étroites avec les six pays qui font partie de l'OTAN, encore non membres de l'UE.
2 - Réponses aux questions des journalistes
Question (Agence de presse tchèque) : hier, vous nous avez donné des chiffres approximatifs des contributions des Etats membres. Pouvez-vous faire la même chose pour les contributions faites aujourd'hui par les quinze partenaires, afin que l'on ait une idée de l'ampleur de ces contributions ?
Ma deuxième question concerne le mécanisme de concertation avec les pays non membres de l'UE. Où en est-on ? Le document sera-t-il prêt pour la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères ? En avez-vous parlé aujourd'hui ? Y a-t-il encore des problèmes à résoudre concernant le contenu du document ?
Réponse (Alain Richard) : sur la somme des propositions des contributions, nous n'avons pas fait, pour l'instant d'additions, parce que ces contributions sont encore en cours d'examen et que certaines nations nous ont indiqué qu'elles compléteraient leurs propositions prochainement. Ce seront des informations que nous pourrons émettre à un niveau global sans doute dans quelques jours.
Concernant le document relatif aux méthodes de concertation, il me semble très près de l'approbation finale puisqu'il a fait l'objet d'un accord des représentants des Quinze au niveau des directeurs des affaires politiques de nos ministères des Affaires étrangères. Comme vous le savez, dans le processus de décision de l'Union, lorsqu'il y a un mandat commun approuvé à ce niveau, c'est que l'essentiel des problèmes éventuels a été vu. Le planning que nous souhaitons est donc que ce document soit approuvé par le CAG, dans quinze jours, celui qui précédera la réunion de Nice.
Question (presse autrichienne) : je voudrais poser une question sur la Turquie. Est-il exact que la contribution turque est de loin la plus vaste, la plus importante ? La Turquie a-t-elle parlé de sa contribution actuelle à l'action d'intervention rapide de l'UE ?
M. Solana, comment évaluez-vous l'attitude, la position de l'UE vis-à-vis de la Turquie ? Y a-t-il eu un recul, voire un échec, hier, en ce qui concerne les négociations d'adhésion ? Juste un mot peut-être sur l'ampleur de la contribution turque ?
Réponse (Alain Richard) : à coup sûr, la contribution annoncée par notre collègue turc est substantielle. Mais je m'en tiendrai à la règle, à savoir que la description des contributions nationales relève des gouvernements des pays concernés et de nul autre. Il n'est pas de mon ressort de proposer une hiérarchisation, selon l'ampleur ou selon tout autre critère, entre les contributions des différents pays. Je crois que, étant donné l'environnement psychologique et politique du lien entre la Turquie et l'édifice européen de défense, le simple fait que la Turquie ait proposé un apport substantiel, qui s'inscrit très bien dans le contexte que nous avons tracé, est déjà un signe clair que les choses vont dans le bon sens.
Réponse (Javier Solana) : pour ma part, je pense que tous les pays qui ont participé aux réunions aujourd'hui se sentent à l'aise, nous font confiance quant à ce que nous faisons et quant à notre façon de travailler. Ils se réjouissent du document qui est maintenant à l'étude dans l'UE, document promis à l'approbation à Nice. Je ne veux pas dire qu'ils sont contents de tout ce qui est dit dans le document, mais il y a là un commun dénominateur, un consensus.
Sur le deuxième point, je n'entrevois aucun problème particulier aujourd'hui, vis-à-vis de la Turquie, sur la façon dont le ministre de la Défense s'est présenté à la réunion d'aujourd'hui. Au contraire, il s'est montré très constructif. Dans le passé, il y a eu des malentendus. Ils ont été tirés au clair. Nous allons dans la bonne direction et nous espérons que cela continuera de la même façon.
Question (New York Times) : je voudrais également poser une question sur la Turquie. Quels accords spécifiques ont été prévus pour donner à la Turquie une voix dans la prise de décision communautaire avant une opération à laquelle la Turquie pourrait ou non participer ? La Turquie aura-t-elle voix au chapitre dans cette prise de décision et comment ?
Réponse (Alain Richard) : Les règles et les méthodes de coopération sont en cours de finalisation. Cela vaut pour tous les pays alliés non membres. Il y aura homogénéité ; il n'y aura pas de catégories, de " première " ou de " deuxième classe " concernant ces règles. Les règles que nous préparons donneront à tous toute la possibilité de prévoir, par une consultation, une participation à la discussion avant que l'UE ne prenne une décision, que ce soit en situation de pré-crise ou de crise, ou en situation de gestion de crise. Bien entendu, la prise de décision reste à l'UE. Je crois que c'est assez simple à expliquer à des pays qui veulent adhérer à l'UE et qui savent, mieux que quiconque, la différence entre l'appartenance à l'Union et le fait d'être encore à l'extérieur. Au cours d'une situation de crise, si les forces d'un pays participent à telle ou telle opération, des règles spécifiques permettront une participation à la prise de décision pour cette opération, pour ce pays en tant que contributeur. Mais, encore une fois, ce sera la même chose pour la participation turque, hongroise ou norvégienne. Nos collègues turcs le comprennent fort bien.
Question (télévision hongroise) : la contribution actuelle des pays candidats est relativement petite, d'après ce qu'on entend. Théoriquement, d'ici quelques années, certains de ces pays pourront être membres de l'Union. Vu leur système militaire plus arriéré, pensez-vous qu'ils vont être capables, au moment de leur adhésion, de présenter des contributions semblables aux pays membres actuels ?
Réponse (Alain Richard) : Comme vous le sous-entendez dans votre question, la ligne de séparation n'est pas tellement entre les pays qui sont membres de l'Union et les pays qui n'en sont pas membres, mais dépend plutôt du degré de modernisation et de réforme des forces armées. De ce point de vue, certains pays candidats non membres de l'UE ont déjà nettement avancé dans la réorganisation de leurs forces et dans la préparation à des missions comme celles que nous souhaitons accomplir dans le cadre de Petersberg. Il est vrai que d'autres pays en sont à une phase différente, mais la tonalité générale des pays candidats, sans parler des pays qui sont membres de l'Alliance, est tout de même à la convergence : ils se rapprochent de la démarche globale de réforme et de modernisation des forces qui est aujourd'hui générale à l'intérieur de l'Union.
Question (presse tchèque) : monsieur Solana, attendez-vous des progrès, puisqu'on va avoir une force commune ? Pensez-vous qu'en matière de politique extérieure par rapport aux Balkans, au Moyen-Orient, etc, il y aura davantage de coordination ou qu'au contraire, cela créera un nouveau problème ?
Réponse (Javier Solana) : je pense que ce que nous avons réalisé aujourd'hui, dans le passé et également ce que nous ferons à l'avenir, c'est de mieux utiliser tout ce dont nous disposons dans l'UE et avec nos partenaires. Je ne vois pas de difficultés à cela. Au contraire, c'est la recherche de solutions et non pas la création de problèmes nouveaux. C'est ce que nous souhaitons faire, tout comme les pays candidats à l'Union.
Question (presse japonaise) : pourriez-vous définir le processus de prise de décision ? Est-ce à l'échelle stratégique ou au niveau opérationnel ou tactique ?
Réponse (Alain Richard) : ce que nous entendons par processus de prise de décision, c'est tout ce qui précède la décision de participer à une opération de mise en oeuvre ou de maintien de la paix, tout ce qui concerne la conception. Tout ceci est de la responsabilité de l'UE. Lorsqu'un pays tiers décide de participer à une opération et de signifier son accord sur les objectifs politiques de cette opération et qu'il a pris position de manière très claire, en termes de contribution aux forces nécessaires, il participe au processus de prise de décision pour la gestion tactique de l'opération.
Question (Agence polonaise de presse) : vous avez dit que le mécanisme de concertation n'est pas encore officiellement approuvé par les ministres, mais pouvez-vous nous dire tout de même, au niveau plus pratique et quotidien, ce que vous allez offrir à un pays ? Je m'intéresse surtout aux six pays de l'OTAN. Nous savons qu'il y aura des réunions ministérielles régulières, mais est-ce que ces pays auront, en temps normal, à Bruxelles, des représentants qui vont se réunir régulièrement avec le comité politique et de sécurité et, aussi, avec l'instance militaire ? Comment cela va-t-il fonctionner ?
Réponse (Alain Richard) : le schéma général sur lequel nous travaillons, c'est une collaboration régulière au niveau des experts militaires, une représentation des Etats tiers auprès de l'état-major de l'UE, une représentation auprès du comité militaire et des réunions régulières au niveau des ambassadeurs avec le COPS. C'est donc une distribution très complète des possibilités d'accès à l'information, de présentation des observations, des recommandations et des propositions des nations concernées et une prise en compte, à leur demande, de leurs préoccupations de sécurité lorsqu'on est dans la préparation ou l'analyse d'une situation de tension ou de crise.
Question (Agence polonaise de presse) : est-il vrai que la Turquie a fait part de ses préoccupations concernant la contribution chypriote à la construction de cette armée européenne ? Si oui, quelle est la réaction de la présidence française ?
Réponse (Alain Richard) : le débat de ce matin était sur les contributions des uns et des autres. Nous n'avions pas à traiter de questions bilatérales. Il y a eu un très bref échange. Entre deux phrases du ministre chypriote, le ministre turc a fait une observation sur cet élément de l'intervention du ministre chypriote. Cela n'a pas eu le caractère d'un débat au sein de notre assemblée. Je me suis borné à rappeler que les questions bilatérales avaient de multiples autres enceintes pour faire l'objet d'échanges.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 28 novembre 2000)