Texte intégral
Je suis très heureux dintervenir à loccasion de ces entretiens, qui sont chaque année loccasion de prendre le pouls de léconomie mondiale et de la manière dont la France et les entreprises françaises sy insèrent.
Cet exercice collectif de réflexion prospective est particulièrement nécessaire cette année, alors quune part notable de léconomie mondiale a subi ou traverse encore une violente et profonde récession.
Trois questions se posent en effet à nous :
- devons-nous encore croire à la mondialisation ?
- les entreprises doivent-elles encore miser sur les marchés émergents ?
- que devons-nous faire pour mieux gérer léconomie mondiale ?
Devons-nous encore croire à la mondialisation ?
Louverture internationale faisait il y a peu figure de tendance irréversible. Ses acquis sont aujourdhui remis en question par les secousses successives que nous avons subies et par les réactions quelles ont déclenchées.
Il ne faut en effet pas nous le cacher : alors même quelle saccompagnait de croissance et de développement, la mondialisation suscitait hier des réticences, à des degrés divers, mais partout dans le monde. Après les crises récentes, qui illustrent les dangers dune libéralisation non maîtrisée, ces réticences vont nécessairement se renforcer. Et la libéralisation internationale, qui faisait lobjet dun consentement tacite tant quelle saccompagnait de croissance et semblait offrir des chances de développement, risque de se trouver contestée dans son principe dès lors que les perspectives se renversent. La crise actuelle constitue ainsi pour le système international un test politique particulièrement exigeant.
Je comnencerai par les bonnes nouvelles. Nous pouvons tirer réconfort de ce quau contraire de précédents historiques bien connus, le choc que nous subissons depuis un peu plus dun an na nulle part conduit à ladoption de politiques ouvertement protectionnistes. Nous devons nous féliciter de ce que le président des Etats-Unis vienne de réaffirmer lengagement de son pays en faveur du multilatéralisme. Et nous pouvons, bien sût, légitimement nous réjouir de ce que les pays européens aient finalement surmonté tous les obstacles sur la voie de la création de la monnaie unique.
Mais nous ne devons pas non plus négliger les signaux dalerte. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
- en Russie et dans lex-URSS, léconomie de marché souffre dun discrédit à la hauteur des espoirs quelle avait suscité ;
- en Asie émergente, le nationalisme économique est une valeur en hausse, et dans le contexte dun redressement qui sera certainement progressif, il est probablement inévitable quil fasse encore des progrès ;
- au Japon, la récession se poursuit malgré les efforts du gouvernement pour apporter une solution de fonds à la crise bancaire, et des voix, parmi les plus autorisées, se font entendre pour critiquer le modèle de développement occidental ;
- aux Etats-Unis, après une décennie de prospérité et alors que le taux de chômage na jamais été aussi bas depuis trente ans, des segments importants de lopinion sont tentés par lisolationnisme, et le Congrès a refusé au président le mandat quil lui demandait pour conduire les négociations commerciales selon la procédure fast track ;
- en France même, les appréhensions que suscite la mondialisation sont bien connues. Parmi les sociétés industrielles, la nôtre est en effet lune de celles qui ont le plus de difficulté à laffronter. Et même si quantité dentreprises françaises démontrent chaque jour quelles peuvent créer des emplois en restant compétitives, le réflexe de crainte reste trop fréquent. Les événements récents ne peuvent, ici encore, que renforcer ces appréhensions.
Jajouterai enfin que la contestation de la mondialisation sest elle même mondialisée. Cest une leçon et un héritage du débat sur lAMI. Pour la première fois, une négociation internationale sest déroulée sous la surveillance de groupes de citoyens actifs et informés. On ne négociera plus après lAMI, comme avant lAMI. Cest à mes yeux une bonne chose, car quelles que soient les positions des uns et des autres, jy vois avant tout un progrès de la démocratie. Comme jai déjà eu loccasion de le dire, dune certaine manière, la défaite de lAMI est une victoire de la mondialisation.
Retenons donc que si le système économique mondial fait heureusement preuve de robustesse, nous ne pouvons pas non plus ignorer ses fragilités. Quelles conclusions faut-il en tirer ? Jen retiendrai pour ma part deux.
La première est que les crises récentes ne doivent pas nous faire oublier les bénéfices de louverture commerciale et financière. Louverture aux échanges est un facteur fondamental de la diffusion des technologies et de lefficacité productive, elle est dons un ingrédient essentiel de la croissance. Cest vrai pour une économie industrielle comme la France, dont tout atteste quen dépit des réticences qui ont, depuis le Marché commun, accompagné chacune des étapes de son ouverture, elle a globalement très bien réussi son insertion internationale. Cest vrai plus encore des économies émergentes, pour lesquelles louverture reste le meilleur moyen de franchir à pas de géant les étapes du développement. De même, il faut dire très clairement que la circulation internationale des capitaux est nécessaire, particulièrement en ce qui concerne les capitaux à long terme, qui sont facteurs de développement technologique et de stabilité. Elle peut, elle doit, contribuer à la croissance dans les pays en développement à forts besoins dinvestissement comme les pays développés et à fort taux dépargne.
La seconde conclusion est que la mondialisation doit être organisée et maîtrisée. La crise actuelle vient de nous rappeler quaucun marché ne fonctionne bien sans règles et sans institutions. Ainsi que je lai dit lors de la réunion du comité intérimaire du FMI, il y a quelques semaines à Washington, lalternative est claire. Si nous savons faire évoluer les règles et réformer les institutions de notre économie mondialisée, nous créerons un cadre solide pour la croissance. Si nous échouons à le faire, et à faire ainsi fonctionner les marchés au bénéfice du développement, nous créerons les conditions dun rejet dune libéralisation perçues comme porteuse dinstabilité. Cest dans cet esprit quil y a dix-huit mois le gouvernement de Lionel Jospin a pris, en matière européenne, une initiative sur la coordination des politiques économiques. Cest dans cet esprit quil a pris, à lautomne, une initiative en faveur dun nouveau Bretton Woods. Le parallèle nest dailleurs pas fortuit : mettre en place les régulations dont léconomie mondiale a besoin est, par son ambition et son enjeu, une tâche comparable à la construction européenne.
Les entreprises doivent-elles encore miser sur les marchés émergents ?
Le monde change, le processus de mondialisation a changé. Nous vivions depuis le milieu des années 1980 et plus encore depuis le début de la décennie 1990 sur quelques certitudes : lémergence du monde en développement, le « miracle asiatique », la marche vers la convergence, à des rythmes certes différents selon les régions du monde, mais à laquelle même lAfrique depuis la dévaluation du franc CFA avait fini par prendre part. Depuis deux ans, ces certitudes ont été ébranlées. En 1998, trois des cinq « big five », - la Russie, lIndonésie, le Brésil - dont la Banque mondiale vantait encore les réussites, lors de son assemblée annuelle de Hong Kong en 1997, ont chancelé ou ont été sérieusement secoués. Dautres sont désormais en proie au doute.
La mondialisation sans à coups est donc largement derrière nous. Vous en êtes les premiers conscients. Il va falloir réapprendre à vivre en environnement incertain.
Ces évolutions doivent-elles remettre en cause le mouvement dinternationalisation des entreprises françaises vers les pays émergents ? Comme vous, je ne le crois pas. Les facteurs qui ont permis le décollage économique de nombreux pays au développement notamment asiatiques, - des taux dépargne élevés, une ouverture des économies sur lextérieur, des investissements dans la formation et léducation - nont pas disparu ; le potentiel de croissance subsiste ; les dysfonctionnements à lorigine de la crise, nous nous attachons collectivement à y répondre, même si la responsabilité première en incombe aux pays touchés.
Il faut donc sadapter mais rester acteur de la mondialisation. Pour les entreprises et laction de lEtat au services des entreprises, cela passe par un triple impératif : être mobile, être sélectif, inscrire sa stratégie dans le moyen terme.
- être mobile : pouvoir se redéployer, adapter ses moyens et ses engagements à des économies en restructuration où les positions les mieux établies sont remises en cause,
- être sélectif : dans des économies en crise ou en recomposition, subsistent des modes de fonctionnement sécurisés adaptés au maintien et au développement des courants daffaires, des secteurs épargnés - comme les secteurs exportateurs - qui peuvent tirer parti des ajustements monétaires, des clients solvables ou des partenaires fiables. Mais le choix est plus difficile et lerreur plus coûteuse,
- privilégier les stratégies de moyen terme. Le maintien dune présence, des prises de participation, comme celles réalisées par quelques entreprises françaises en Asie, visent, au delà dune rentabilité immédiate souvent fragilisée par la crise, à prendre position pour lavenir.
La crise modifie sur ce plan les termes de larbitrage entre exportation et investissement direct. Je reviens de Moscou. La situation nest pas stabilisée, cest un euphémisme, mais va peser sur la nature de notre relation bilatérale. Les financements vont être plus rares. En sens inverse, la Russie va devoir compter plus quavant sur les investissements directs étrangers et des entreprises sont prêtes à prendre des risques en investissant sur un marché qui, si les conditions dune croissance durable sont mises en place, comptera 150 millions de consommateurs aux goûts proches des nôtres.
Ce qui vaut pour les entreprises et vous guide dans votre action, vaut également pour les interventions de lEtat. Celles-ci passent en premier lieu par les procédures publiques gérées par la Coface.
LEtat à travers la Coface va rester engagé. Des possibilités de couverture importantes ont été conservées sur tous les pays dAsie en 1998 ainsi que sur lAmérique latine, et tous les pays exportateurs de pétrole, en dépit de la baisse du baril. Seule lIndonésie a fait lobjet dun traitement à part, en raison de son passage en Club de Paris. En 1999, je veillerai à garder une politique de crédit ouverte malgré la continuation de la crise.
Je participais il y a 10 jours à une rencontre des Ministres des Finances dEurope et dAsie, lASEM, à Francfort. Avec mes collègues, nous avons comparé les efforts respectifs des Etats-Unis et de lUnion européenne vis à vis de lAsie en 1998 et les perspectives 1999, mesurés par les garanties délivrées pour le compte des Etats par les assureurs-crédits. Le rapport est dau moins 1 à 2 en faveur de lEurope et je peux vous assurer que la Coface y a plus que sa part.
Cet engagement constant de lEtat aux côtés des entreprises, ne sera pas sans incidence sur les résultats des procédures publiques. Depuis 1996, ce résultat est positif, sans effacer loin sen faut le déficit cumulé sur le long terme de lassurance-crédit (90 MdsF depuis 1981). Dans les années à venir, il faudra tenir compte des défaillances, au moins partielles, enregistrées parmi quelques uns de vos grands clients - de nos grands clients devrais-je dire puisque nous partageons les risques - comme lIndonésie, le Pakistan ou la Russie.
Que devons-nous faire pour mieux gérer léconomie mondiale ?
Jai dit tout à lheure que la mondialisation devait être organisée et maîtrisée. Je voudrais y revenir de manière plus précise. Comme vous le savez, cest une thèse à laquelle le gouvernement est particulièrement attaché, et qui sinscrit dailleurs dans la continuité des positions françaises. Jai le sentiment très net que la crise, et les débats quelle suscite, sont pour la France une occasion de faire progresser des idées auxquelles elle est attachée. Car si cette crise ne marque pas la fin de la mondialisation, elle sonne certainement le glas des conceptions naïves et parfois extrémistes qui avaient cours il y a peu, selon lesquelles le marché était capable de sautoréguler sans intervention des institutions publiques.
En octobre dernier, jai présenté au nom de la France à mes collègues européens, puis aux assemblées annuelles des organisations financières internationales, un document intitulé « Face à linstabilité financière internationale, douze propositions pour une initiative européenne ». Ce document, que nous avions volontairement choisi de soumettre dabord à la discussion au sein du conseil ECOFIN, rassemblait des initiatives durgence (coordination des politiques économiques pour soutenir la croissance mondiale, appel aux responsables japonais, européens et américains), et des propositions plus structurelles pour une nouvelle architecture financière internationale (notamment en ce qui concerne le gouvernement politique du FMI, la solidité et la transparence du système financier international, la progressivité de louverture aux mouvements de capitaux, la résolution des crises, la représentation externe de la zone euro).
Où en sommes-nous aujourdhui ? Le bilan de cette initiative est à mes yeux incontestablement positif. Je citerai dabord ce qui est derrière nous :
- nos propositions ont été au coeur de la discussion internationale, et ont été très largement reprises à leur compte par nos partenaires européens, dans un document que le Conseil européen a adopté à Vienne en décembre dernier ;
- les propositions durgence que nous faisions ont utilement contribué à la définition dune réponse internationale au choc qui a suivi la crise russe. Le G7 de Washington a permis de lélaborer. En Europe, la coordination des politiques économiques et le dialogue avec la BCE ont pris un bon départ, nous avons fait de grands progrès en direction dun policy mix équilibré. Au Japon, le gouvernement a pris la question bancaire à bras-le-corps. Aux Etats-Unis, la politique monétaire a apporté son soutien à la croissance, et la ratification de laugmentation des quotes part au FMI, dont nous soulignions lurgence, est intervenue rapidement. Et cest avec réconfort que je prends acte de la proportion de pays ayant ratifié cette augmentation a atteint tout récemment 85 % des quotes par au Fonds, ce qui permettra quelle entre prochainement en vigueur ;
- les responsables de la zone euro se sont entendus à la fin décembre sur les principes dune représentation externe qui nous permettra de parler dune seule voix et de peser davantage dans les discussions internationales, notamment au G7. Nous avons ainsi apporté une réponse à la célèbre boutade de Henry Kissinger, qui demandait quel était le numéro de téléphone de lEurope.
Les acquis sont donc dores et déjà importants. Mais la discussion internationale continue bien évidemment, dans la perspective du G7-Finances du 20 février prochain et des assemblées de printemps des organisations internationales. Mon sentiment très net est que ces discussions prennent bonne tournure. Nous sommes en effet sortis des affrontements idéologiques qui paralysaient hier encore la décision, et le nouveau pragmatisme dont font preuve tous nos interlocuteurs nous permet de convaincre du bien fondé de thèses que rejetaient jadis avec dédain les fondamentalistes du libre marché. Avec Robert Rubin, Oskar Lafontaine, Gordon Brown, ou Keichi Miyazawa, je parle concrètement. Et nous progressons :
- les notions de transparence accrue des transactions financières et douverture ordonnée des pays émergents aux mouvements de capitaux font leur chemin. Devraient bientôt en témoigner le rapport du Comité de Bâle sur les relations entre les banques et les hedge funds, et celui commandé à Hans Tietmeyer sur la coordination des organes de supervision ; les choses sont un peu plus difficiles en ce qui concerne les centres offshore, mais chacun doit bien reconnaître que les pays industriels ont les moyens dagir en la matière, pourvu quils en aient la volonté ;
- lidée dassocier le secteur privé à la résolution des crises, afin que lassistance financière de la communauté internationale ne vienne pas récompenser les comportements imprudents des prêteurs, nest plus contestées. Nous en sommes aux modalités dapplication, et les travaux en ce domaine pourraient bien trouver prochainement un début dapplication concrète ; la France, en tant que président du Club de Paris, veillera à une contribution équitable des différents prêteurs ;
- la nouvelle facilité préventive, dont le principe a été arrêté à lautomne permettra au Fonds monétaire international de jouer un rôle à la mesure des risques que les soubresauts de la finance globalisée peut faire courir aux économies émergentes ; jai bon espoir que nous puissions en arrêter les contours lors du G7 du 20 février.
Bien entendu, dautres sujets demeurent en discussion. Jen vois deux principaux, sur lesquels nous devons continuer à travailler pour rapprocher les positions. Lun est institutionnel : il sagit des modalités du dialogue entre pays industriels et pays émergents. Nous avons proposé la transformation du comité intérimaire du FMI en un véritable gouvernement politique de linstitution, qui regroupe dans un format ramassé les principaux acteurs de léconomie mondiale, tout en assurant une représentation de tous les pays de la planète. Il est difficile den contester le principe, à lheure ou chacun plaide pour laccountability. Et dailleurs, nombreux sont les pays qui nous ont apporté leur appui. Je compte en reparler avec mes interlocuteurs américains lors de nos prochaines rencontres, et jespère les convaincre de ce que ce serait une bonne solution. Je les crois en mesure de comprendre que les instances informelles comme le G22 sont faites pour être dépassées, et quil serait bien préférable de mettre sur pied un dialogue structuré, où lEurope ait toute sa part.
Lautre sujet est monétaire. Il sagit des relations monétaires entre lEurope, les Etats-Unis et le Japon, et des politiques de change des principaux pays émergents. Cest une vieille préoccupation française, à laquelle le nouveau gouvernement allemand se montre lui aussi très sensible, ouvrant ainsi la voie à une initiative européenne. Les amples fluctuations du yen et les crises de change à répétition dans les pays émergents, dont on a trop souvent retenu la seule dimension financière, en soulignent limportance. Leuro offre la possibilité de reprendre sous un nouveau jour le chantier de la coopération monétaire internationale, en collaboration avec nos grands partenaires, et de marquer clairement que lémergence de la monnaie européenne ne sera pas loccasion dun nouveau benign neglect.
Je souhaite donc que lors des prochaines réunions européennes, puis dans le cadre du G7, nous réfléchissions de manière pragmatique à des procédures de coopération internationales entre les Etats-Unis, la zone euro et, sil le souhaite, le Japon, et qui permettent de traiter en amont les facteurs dinstabilité des taux de change entre grandes monnaies. Dans le contexte actuel, il nest pas réaliste denvisager un système de changes fixes entre ces monnaies. Je ne crois dailleurs pas quau vu de ce que sont nos institutions, les marchés le considéreraient comme crédible. Il est en revanche essentiel :
- de surveiller de concert lévolution des marchés des changes,
- de prévenir lapparition de déséquilibres excessifs - et pour cela de réfléchir ensemble aux valeurs des taux de change que justifient les données économiques fondamentales et lorientation des politiques économiques,
- de coordonner nos réponses aux grands chocs qui affectent léconomie mondiale,
- et de nous exprimer ensemble lorsquil apparaît nécessaire de faire connaître aux marchés notre opinion sur lévolution des cours des monnaies.
On pourra appeler cela comme on veut : coopération renforcée, par exemple, ou encore flottement contrôlé. Lessentiel est quau contraire des scénarios du benign neglect, nous prenions appuis sur leuro pour créer un nouveau dialogue macro-économique au sein du G7, à la mesure des nouvelles responsabilités de lEurope dans léconomie mondiale.
Quant aux politiques de change des pays émergents, elles méritent aussi discussion. La succession des crises désigne un suspect, à vrai dire usuel : les régimes de changes fixes. Je crois légitime dexaminer les effets pervers qua pu avoir dans plusieurs pays le maintien dune parité irréaliste, mais je ne suis pas prêt à adhérer à lidée que le flottement libre est, pour les pays émergents, le meilleur des régimes. Il est indubitablement des circonstances où le flottement simpose, parce quil ne sert à rien dépuiser les réserves de change dans une vaine défense contre la spéculation. De ce point de vue, la décision que le Brésil a prise il y a dix jours était justifiée. Mais il ne sensuit pas quun pays émergent puisse être indifférent à lévolution de son change, en particulier sil est endetté en devises, et quand bien même le serait-il quil lui incomberait de prendre garde aux effets de sa politique sur ses voisins. Le bon régime de change doit donc combiner flexibilité et discipline. De quelle manière ? Ici encore, nous avons besoin de tirer les leçons de lexpérience, avec modestie et pragmatisme, afin de dégager ensemble des orientations pour les politiques de change du futur.
(Source http://www.finances.gouv.fr)
Cet exercice collectif de réflexion prospective est particulièrement nécessaire cette année, alors quune part notable de léconomie mondiale a subi ou traverse encore une violente et profonde récession.
Trois questions se posent en effet à nous :
- devons-nous encore croire à la mondialisation ?
- les entreprises doivent-elles encore miser sur les marchés émergents ?
- que devons-nous faire pour mieux gérer léconomie mondiale ?
Devons-nous encore croire à la mondialisation ?
Louverture internationale faisait il y a peu figure de tendance irréversible. Ses acquis sont aujourdhui remis en question par les secousses successives que nous avons subies et par les réactions quelles ont déclenchées.
Il ne faut en effet pas nous le cacher : alors même quelle saccompagnait de croissance et de développement, la mondialisation suscitait hier des réticences, à des degrés divers, mais partout dans le monde. Après les crises récentes, qui illustrent les dangers dune libéralisation non maîtrisée, ces réticences vont nécessairement se renforcer. Et la libéralisation internationale, qui faisait lobjet dun consentement tacite tant quelle saccompagnait de croissance et semblait offrir des chances de développement, risque de se trouver contestée dans son principe dès lors que les perspectives se renversent. La crise actuelle constitue ainsi pour le système international un test politique particulièrement exigeant.
Je comnencerai par les bonnes nouvelles. Nous pouvons tirer réconfort de ce quau contraire de précédents historiques bien connus, le choc que nous subissons depuis un peu plus dun an na nulle part conduit à ladoption de politiques ouvertement protectionnistes. Nous devons nous féliciter de ce que le président des Etats-Unis vienne de réaffirmer lengagement de son pays en faveur du multilatéralisme. Et nous pouvons, bien sût, légitimement nous réjouir de ce que les pays européens aient finalement surmonté tous les obstacles sur la voie de la création de la monnaie unique.
Mais nous ne devons pas non plus négliger les signaux dalerte. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.
- en Russie et dans lex-URSS, léconomie de marché souffre dun discrédit à la hauteur des espoirs quelle avait suscité ;
- en Asie émergente, le nationalisme économique est une valeur en hausse, et dans le contexte dun redressement qui sera certainement progressif, il est probablement inévitable quil fasse encore des progrès ;
- au Japon, la récession se poursuit malgré les efforts du gouvernement pour apporter une solution de fonds à la crise bancaire, et des voix, parmi les plus autorisées, se font entendre pour critiquer le modèle de développement occidental ;
- aux Etats-Unis, après une décennie de prospérité et alors que le taux de chômage na jamais été aussi bas depuis trente ans, des segments importants de lopinion sont tentés par lisolationnisme, et le Congrès a refusé au président le mandat quil lui demandait pour conduire les négociations commerciales selon la procédure fast track ;
- en France même, les appréhensions que suscite la mondialisation sont bien connues. Parmi les sociétés industrielles, la nôtre est en effet lune de celles qui ont le plus de difficulté à laffronter. Et même si quantité dentreprises françaises démontrent chaque jour quelles peuvent créer des emplois en restant compétitives, le réflexe de crainte reste trop fréquent. Les événements récents ne peuvent, ici encore, que renforcer ces appréhensions.
Jajouterai enfin que la contestation de la mondialisation sest elle même mondialisée. Cest une leçon et un héritage du débat sur lAMI. Pour la première fois, une négociation internationale sest déroulée sous la surveillance de groupes de citoyens actifs et informés. On ne négociera plus après lAMI, comme avant lAMI. Cest à mes yeux une bonne chose, car quelles que soient les positions des uns et des autres, jy vois avant tout un progrès de la démocratie. Comme jai déjà eu loccasion de le dire, dune certaine manière, la défaite de lAMI est une victoire de la mondialisation.
Retenons donc que si le système économique mondial fait heureusement preuve de robustesse, nous ne pouvons pas non plus ignorer ses fragilités. Quelles conclusions faut-il en tirer ? Jen retiendrai pour ma part deux.
La première est que les crises récentes ne doivent pas nous faire oublier les bénéfices de louverture commerciale et financière. Louverture aux échanges est un facteur fondamental de la diffusion des technologies et de lefficacité productive, elle est dons un ingrédient essentiel de la croissance. Cest vrai pour une économie industrielle comme la France, dont tout atteste quen dépit des réticences qui ont, depuis le Marché commun, accompagné chacune des étapes de son ouverture, elle a globalement très bien réussi son insertion internationale. Cest vrai plus encore des économies émergentes, pour lesquelles louverture reste le meilleur moyen de franchir à pas de géant les étapes du développement. De même, il faut dire très clairement que la circulation internationale des capitaux est nécessaire, particulièrement en ce qui concerne les capitaux à long terme, qui sont facteurs de développement technologique et de stabilité. Elle peut, elle doit, contribuer à la croissance dans les pays en développement à forts besoins dinvestissement comme les pays développés et à fort taux dépargne.
La seconde conclusion est que la mondialisation doit être organisée et maîtrisée. La crise actuelle vient de nous rappeler quaucun marché ne fonctionne bien sans règles et sans institutions. Ainsi que je lai dit lors de la réunion du comité intérimaire du FMI, il y a quelques semaines à Washington, lalternative est claire. Si nous savons faire évoluer les règles et réformer les institutions de notre économie mondialisée, nous créerons un cadre solide pour la croissance. Si nous échouons à le faire, et à faire ainsi fonctionner les marchés au bénéfice du développement, nous créerons les conditions dun rejet dune libéralisation perçues comme porteuse dinstabilité. Cest dans cet esprit quil y a dix-huit mois le gouvernement de Lionel Jospin a pris, en matière européenne, une initiative sur la coordination des politiques économiques. Cest dans cet esprit quil a pris, à lautomne, une initiative en faveur dun nouveau Bretton Woods. Le parallèle nest dailleurs pas fortuit : mettre en place les régulations dont léconomie mondiale a besoin est, par son ambition et son enjeu, une tâche comparable à la construction européenne.
Les entreprises doivent-elles encore miser sur les marchés émergents ?
Le monde change, le processus de mondialisation a changé. Nous vivions depuis le milieu des années 1980 et plus encore depuis le début de la décennie 1990 sur quelques certitudes : lémergence du monde en développement, le « miracle asiatique », la marche vers la convergence, à des rythmes certes différents selon les régions du monde, mais à laquelle même lAfrique depuis la dévaluation du franc CFA avait fini par prendre part. Depuis deux ans, ces certitudes ont été ébranlées. En 1998, trois des cinq « big five », - la Russie, lIndonésie, le Brésil - dont la Banque mondiale vantait encore les réussites, lors de son assemblée annuelle de Hong Kong en 1997, ont chancelé ou ont été sérieusement secoués. Dautres sont désormais en proie au doute.
La mondialisation sans à coups est donc largement derrière nous. Vous en êtes les premiers conscients. Il va falloir réapprendre à vivre en environnement incertain.
Ces évolutions doivent-elles remettre en cause le mouvement dinternationalisation des entreprises françaises vers les pays émergents ? Comme vous, je ne le crois pas. Les facteurs qui ont permis le décollage économique de nombreux pays au développement notamment asiatiques, - des taux dépargne élevés, une ouverture des économies sur lextérieur, des investissements dans la formation et léducation - nont pas disparu ; le potentiel de croissance subsiste ; les dysfonctionnements à lorigine de la crise, nous nous attachons collectivement à y répondre, même si la responsabilité première en incombe aux pays touchés.
Il faut donc sadapter mais rester acteur de la mondialisation. Pour les entreprises et laction de lEtat au services des entreprises, cela passe par un triple impératif : être mobile, être sélectif, inscrire sa stratégie dans le moyen terme.
- être mobile : pouvoir se redéployer, adapter ses moyens et ses engagements à des économies en restructuration où les positions les mieux établies sont remises en cause,
- être sélectif : dans des économies en crise ou en recomposition, subsistent des modes de fonctionnement sécurisés adaptés au maintien et au développement des courants daffaires, des secteurs épargnés - comme les secteurs exportateurs - qui peuvent tirer parti des ajustements monétaires, des clients solvables ou des partenaires fiables. Mais le choix est plus difficile et lerreur plus coûteuse,
- privilégier les stratégies de moyen terme. Le maintien dune présence, des prises de participation, comme celles réalisées par quelques entreprises françaises en Asie, visent, au delà dune rentabilité immédiate souvent fragilisée par la crise, à prendre position pour lavenir.
La crise modifie sur ce plan les termes de larbitrage entre exportation et investissement direct. Je reviens de Moscou. La situation nest pas stabilisée, cest un euphémisme, mais va peser sur la nature de notre relation bilatérale. Les financements vont être plus rares. En sens inverse, la Russie va devoir compter plus quavant sur les investissements directs étrangers et des entreprises sont prêtes à prendre des risques en investissant sur un marché qui, si les conditions dune croissance durable sont mises en place, comptera 150 millions de consommateurs aux goûts proches des nôtres.
Ce qui vaut pour les entreprises et vous guide dans votre action, vaut également pour les interventions de lEtat. Celles-ci passent en premier lieu par les procédures publiques gérées par la Coface.
LEtat à travers la Coface va rester engagé. Des possibilités de couverture importantes ont été conservées sur tous les pays dAsie en 1998 ainsi que sur lAmérique latine, et tous les pays exportateurs de pétrole, en dépit de la baisse du baril. Seule lIndonésie a fait lobjet dun traitement à part, en raison de son passage en Club de Paris. En 1999, je veillerai à garder une politique de crédit ouverte malgré la continuation de la crise.
Je participais il y a 10 jours à une rencontre des Ministres des Finances dEurope et dAsie, lASEM, à Francfort. Avec mes collègues, nous avons comparé les efforts respectifs des Etats-Unis et de lUnion européenne vis à vis de lAsie en 1998 et les perspectives 1999, mesurés par les garanties délivrées pour le compte des Etats par les assureurs-crédits. Le rapport est dau moins 1 à 2 en faveur de lEurope et je peux vous assurer que la Coface y a plus que sa part.
Cet engagement constant de lEtat aux côtés des entreprises, ne sera pas sans incidence sur les résultats des procédures publiques. Depuis 1996, ce résultat est positif, sans effacer loin sen faut le déficit cumulé sur le long terme de lassurance-crédit (90 MdsF depuis 1981). Dans les années à venir, il faudra tenir compte des défaillances, au moins partielles, enregistrées parmi quelques uns de vos grands clients - de nos grands clients devrais-je dire puisque nous partageons les risques - comme lIndonésie, le Pakistan ou la Russie.
Que devons-nous faire pour mieux gérer léconomie mondiale ?
Jai dit tout à lheure que la mondialisation devait être organisée et maîtrisée. Je voudrais y revenir de manière plus précise. Comme vous le savez, cest une thèse à laquelle le gouvernement est particulièrement attaché, et qui sinscrit dailleurs dans la continuité des positions françaises. Jai le sentiment très net que la crise, et les débats quelle suscite, sont pour la France une occasion de faire progresser des idées auxquelles elle est attachée. Car si cette crise ne marque pas la fin de la mondialisation, elle sonne certainement le glas des conceptions naïves et parfois extrémistes qui avaient cours il y a peu, selon lesquelles le marché était capable de sautoréguler sans intervention des institutions publiques.
En octobre dernier, jai présenté au nom de la France à mes collègues européens, puis aux assemblées annuelles des organisations financières internationales, un document intitulé « Face à linstabilité financière internationale, douze propositions pour une initiative européenne ». Ce document, que nous avions volontairement choisi de soumettre dabord à la discussion au sein du conseil ECOFIN, rassemblait des initiatives durgence (coordination des politiques économiques pour soutenir la croissance mondiale, appel aux responsables japonais, européens et américains), et des propositions plus structurelles pour une nouvelle architecture financière internationale (notamment en ce qui concerne le gouvernement politique du FMI, la solidité et la transparence du système financier international, la progressivité de louverture aux mouvements de capitaux, la résolution des crises, la représentation externe de la zone euro).
Où en sommes-nous aujourdhui ? Le bilan de cette initiative est à mes yeux incontestablement positif. Je citerai dabord ce qui est derrière nous :
- nos propositions ont été au coeur de la discussion internationale, et ont été très largement reprises à leur compte par nos partenaires européens, dans un document que le Conseil européen a adopté à Vienne en décembre dernier ;
- les propositions durgence que nous faisions ont utilement contribué à la définition dune réponse internationale au choc qui a suivi la crise russe. Le G7 de Washington a permis de lélaborer. En Europe, la coordination des politiques économiques et le dialogue avec la BCE ont pris un bon départ, nous avons fait de grands progrès en direction dun policy mix équilibré. Au Japon, le gouvernement a pris la question bancaire à bras-le-corps. Aux Etats-Unis, la politique monétaire a apporté son soutien à la croissance, et la ratification de laugmentation des quotes part au FMI, dont nous soulignions lurgence, est intervenue rapidement. Et cest avec réconfort que je prends acte de la proportion de pays ayant ratifié cette augmentation a atteint tout récemment 85 % des quotes par au Fonds, ce qui permettra quelle entre prochainement en vigueur ;
- les responsables de la zone euro se sont entendus à la fin décembre sur les principes dune représentation externe qui nous permettra de parler dune seule voix et de peser davantage dans les discussions internationales, notamment au G7. Nous avons ainsi apporté une réponse à la célèbre boutade de Henry Kissinger, qui demandait quel était le numéro de téléphone de lEurope.
Les acquis sont donc dores et déjà importants. Mais la discussion internationale continue bien évidemment, dans la perspective du G7-Finances du 20 février prochain et des assemblées de printemps des organisations internationales. Mon sentiment très net est que ces discussions prennent bonne tournure. Nous sommes en effet sortis des affrontements idéologiques qui paralysaient hier encore la décision, et le nouveau pragmatisme dont font preuve tous nos interlocuteurs nous permet de convaincre du bien fondé de thèses que rejetaient jadis avec dédain les fondamentalistes du libre marché. Avec Robert Rubin, Oskar Lafontaine, Gordon Brown, ou Keichi Miyazawa, je parle concrètement. Et nous progressons :
- les notions de transparence accrue des transactions financières et douverture ordonnée des pays émergents aux mouvements de capitaux font leur chemin. Devraient bientôt en témoigner le rapport du Comité de Bâle sur les relations entre les banques et les hedge funds, et celui commandé à Hans Tietmeyer sur la coordination des organes de supervision ; les choses sont un peu plus difficiles en ce qui concerne les centres offshore, mais chacun doit bien reconnaître que les pays industriels ont les moyens dagir en la matière, pourvu quils en aient la volonté ;
- lidée dassocier le secteur privé à la résolution des crises, afin que lassistance financière de la communauté internationale ne vienne pas récompenser les comportements imprudents des prêteurs, nest plus contestées. Nous en sommes aux modalités dapplication, et les travaux en ce domaine pourraient bien trouver prochainement un début dapplication concrète ; la France, en tant que président du Club de Paris, veillera à une contribution équitable des différents prêteurs ;
- la nouvelle facilité préventive, dont le principe a été arrêté à lautomne permettra au Fonds monétaire international de jouer un rôle à la mesure des risques que les soubresauts de la finance globalisée peut faire courir aux économies émergentes ; jai bon espoir que nous puissions en arrêter les contours lors du G7 du 20 février.
Bien entendu, dautres sujets demeurent en discussion. Jen vois deux principaux, sur lesquels nous devons continuer à travailler pour rapprocher les positions. Lun est institutionnel : il sagit des modalités du dialogue entre pays industriels et pays émergents. Nous avons proposé la transformation du comité intérimaire du FMI en un véritable gouvernement politique de linstitution, qui regroupe dans un format ramassé les principaux acteurs de léconomie mondiale, tout en assurant une représentation de tous les pays de la planète. Il est difficile den contester le principe, à lheure ou chacun plaide pour laccountability. Et dailleurs, nombreux sont les pays qui nous ont apporté leur appui. Je compte en reparler avec mes interlocuteurs américains lors de nos prochaines rencontres, et jespère les convaincre de ce que ce serait une bonne solution. Je les crois en mesure de comprendre que les instances informelles comme le G22 sont faites pour être dépassées, et quil serait bien préférable de mettre sur pied un dialogue structuré, où lEurope ait toute sa part.
Lautre sujet est monétaire. Il sagit des relations monétaires entre lEurope, les Etats-Unis et le Japon, et des politiques de change des principaux pays émergents. Cest une vieille préoccupation française, à laquelle le nouveau gouvernement allemand se montre lui aussi très sensible, ouvrant ainsi la voie à une initiative européenne. Les amples fluctuations du yen et les crises de change à répétition dans les pays émergents, dont on a trop souvent retenu la seule dimension financière, en soulignent limportance. Leuro offre la possibilité de reprendre sous un nouveau jour le chantier de la coopération monétaire internationale, en collaboration avec nos grands partenaires, et de marquer clairement que lémergence de la monnaie européenne ne sera pas loccasion dun nouveau benign neglect.
Je souhaite donc que lors des prochaines réunions européennes, puis dans le cadre du G7, nous réfléchissions de manière pragmatique à des procédures de coopération internationales entre les Etats-Unis, la zone euro et, sil le souhaite, le Japon, et qui permettent de traiter en amont les facteurs dinstabilité des taux de change entre grandes monnaies. Dans le contexte actuel, il nest pas réaliste denvisager un système de changes fixes entre ces monnaies. Je ne crois dailleurs pas quau vu de ce que sont nos institutions, les marchés le considéreraient comme crédible. Il est en revanche essentiel :
- de surveiller de concert lévolution des marchés des changes,
- de prévenir lapparition de déséquilibres excessifs - et pour cela de réfléchir ensemble aux valeurs des taux de change que justifient les données économiques fondamentales et lorientation des politiques économiques,
- de coordonner nos réponses aux grands chocs qui affectent léconomie mondiale,
- et de nous exprimer ensemble lorsquil apparaît nécessaire de faire connaître aux marchés notre opinion sur lévolution des cours des monnaies.
On pourra appeler cela comme on veut : coopération renforcée, par exemple, ou encore flottement contrôlé. Lessentiel est quau contraire des scénarios du benign neglect, nous prenions appuis sur leuro pour créer un nouveau dialogue macro-économique au sein du G7, à la mesure des nouvelles responsabilités de lEurope dans léconomie mondiale.
Quant aux politiques de change des pays émergents, elles méritent aussi discussion. La succession des crises désigne un suspect, à vrai dire usuel : les régimes de changes fixes. Je crois légitime dexaminer les effets pervers qua pu avoir dans plusieurs pays le maintien dune parité irréaliste, mais je ne suis pas prêt à adhérer à lidée que le flottement libre est, pour les pays émergents, le meilleur des régimes. Il est indubitablement des circonstances où le flottement simpose, parce quil ne sert à rien dépuiser les réserves de change dans une vaine défense contre la spéculation. De ce point de vue, la décision que le Brésil a prise il y a dix jours était justifiée. Mais il ne sensuit pas quun pays émergent puisse être indifférent à lévolution de son change, en particulier sil est endetté en devises, et quand bien même le serait-il quil lui incomberait de prendre garde aux effets de sa politique sur ses voisins. Le bon régime de change doit donc combiner flexibilité et discipline. De quelle manière ? Ici encore, nous avons besoin de tirer les leçons de lexpérience, avec modestie et pragmatisme, afin de dégager ensemble des orientations pour les politiques de change du futur.
(Source http://www.finances.gouv.fr)